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Mr Eloi né en 1899

Je me souviens du "J’accuse"

lundi 15 février 2010, par Frederic Praud

Monsieur E, né en 1899

Je suis né le 15 décembre 1899, à Paris. J’ai toujours vécu à Paris puis à Enghien. Mes parents étaient dans le commerce. Nous avions une villa à Chelles avec un grand jardin. J’y ai des souvenirs jusqu’à 10 ans. Nous étions le long de la Marne où nous pouvions nous baigner. J’ai été un peu bébé jusqu’à 13 ans. A 15 ans les hommes sortaient de leur côté, les femmes également. Dans un certain milieu les femmes sortaient accompagnées d’une personne, qui venait éventuellement les défendre.

Cette époque était bénie par sa douceur de vivre. Il y eut une grande différence avec celle qui allait suivre 14/18. Il y avait une gentillesse entre les gens. On laissait les portes ouvertes à la campagne. J’habitais près de la gare du Nord. Paris était pavée. Les chevaux tiraient les charrettes. Ils avaient quelquefois bien du mal. Les gars qui s’occupaient des attelages n’étaient pas toujours très tendres. Alors le cheval luttait tombait. On le remontait à coup de fouet. C’était parfois assez triste. Les voitures n’existaient pas. J’ai connu les premières voitures et les premiers avions.

Les voitures deux cylindres marchaient tant bien que mal. Elles faisaient royalement du 40 à l’heure. On pouvait aller aux alentours de Paris. On mettait deux heures pour y aller. J’ai connu Blerioz mais aussi tous les gens qui se sont cassés la figure pour faire des essais, parce qu’on n’a pas volé tout de suite. On faisait 50 mètres et on tombait. De la même manière j’ai connu les bougies et les lampes pigeon. J’ai ainsi pu découvrir la mise en place de l’électricité vers 1908. Nous n’avions pas de chauffage, mais un poêle pour toute la maison. Même dans les maisons relativement aisées il n’y avait pas de chauffage.

Des petites voitures se mettaient le long des rues et vendaient du poisson, de l’épicerie, à un prix modeste. Il y avait des chanteurs de rues. Ils chantaient pour un sou que l’on mettait dans un bout de papier. Pour un sou, on avait un gros morceau de pain. La vie était proportionnée à ce qu’on gagnait. Quand quelqu’un gagnait 100 sous par jour c’était un monsieur. Ce n’est pas beaucoup 150 francs, mais ce n’était pas la même époque. Mon père gagnait 500 francs par mois, on le payait en or. Il y avait donc 500 francs en or sur la table toutes les fins de mois. Il aimait beaucoup l’or. C’était une très jolie monnaie. On a arrêté de le payer en or, quand la valeur de l’or est montée.

Le quotidien familial

J’avais une vie de famille importante, sans histoire. Dans la plupart des maisons, chacun avait une corde à son arc. Je jouais très bien du piano. Je voulais en faire mon métier. Ma mère me disait que c’était un métier de crève la faim. Elle avait tort. Il n’était pas question que l’on soit artiste. C’était discrédité dans ce milieu. Ma mère avait une très jolie voix. On se réunissait tous les dimanches pour chanter et pour jouer. On ne sortait pas. Ma mère qui a eu une situation aisée n’a jamais connu la côte d’azur. Nous avons pris nos premières vacances en Normandie. C’était quelque chose d’extraordinaire.

Les femmes se baignaient toutes habillées jusqu’en bas. Elles montaient dans une voiture et on les amenait à une centaine de mètres de la plage. Il n’était pas question de montrer sa nudité. Les hommes se baignaient en caleçon, haut et bas, rayés comme on sort de prison. J’ai connu la mer à 7 ans à Bercq pour commencer. Je revois encore avec ravissement les plages pleines de baraques qui sentaient bon.

Les docteurs portaient un chapeau haut de forme. C’étaient des personnages très importants. On leur faisait énormément de déférences. On leur versait de l’eau sur les mains. On leur passait la serviette. Les chambres des hôpitaux étaient des grandes pièces avec une vingtaine de personnes de genres et qualités diverses. C’était effarant ce que l’on pouvait entendre le matin. J’y suis allé une fois le matin et je suis très vite reparti dans une clinique privée. Je ne pouvais pas supporter cela. C’était une promiscuité générale à tous les hôpitaux de l’époque. Nos moyens de transports à Paris étaient la bicyclette et la marche. Le train marchait cahin/caha à 70 km/heure. Il y avait des tramways avec des attaches pour les chevaux. On allait de la gare du Nord jusqu’à la porte Maillot.

Je n’ai pas été élevé dans la religion car ma mère était israélite et mon père catholique, ce qui fait que j’ai été élevé dans aucune des deux. Je ne savais pas ce qu’était une église, ce qu’était un prêtre. On ne parlait pas de religion dans la famille. C’était un sujet tabou. On était mal placé pour parler de l’affaire dreyfus. J’ai connu son épilogue quand il a été acquité. Il a été acquitté un peu tard on se devait de le faire. Je me souviens du ‘j’accuse », mais c’était péremptoire.

J’avais 10 ans en 1910 à la crue de la Seine et 14 ans pour le début de la première guerre mondiale. J’étais un gamin qui ne se rendait pas compte de ce qui se passait. Je m’en suis rendu compte à 17/18 ans quand on a commencé à avoir faim. J’étais trop jeune au début de la guerre et trop vieux pour aller au front à la fin. De même, j’avais 40 ans à la déclaration de la deuxième guerre et j’ai été démobilisé presque tout de suite.

J’ai fait le bachot. Il y avait très peu de bachelier mais dans mon milieu c’était normal de continuer jusque là... Quand j’ai fait mon service militaire, la plupart des jeunes étaient illettrés.

Les jeunes hommes de ma génération étaient dans le commerce ou avaient des diplômes. Dans ce cas-là, ils avaient une situation toute faite. Je n’ai pas tellement choisi mon métier. Je suis rentré dans une maison dont j’étais un ami de la famille. Elle travaillait les cuirs et les peaux. Là, j’ai appris à me servir d’une machine à écrire, les rudiments du commerce. Les machines à copier. Après je me suis mis à mon compte et j’ai créé une affaire assez importante. C’était une fabrique de peinture en boîte, au kilo particulièrement. J’avais les grands magasins comme client. J’ai vendu mon entreprise à 70 ans.

On ne fréquentait que la famille et les amis de la famille. J’ai rencontré ma femme, car son frère était mon ami. Elle ne sortait qu’avec un chaperon et un chapeau. Elle m’a séduit par la différence qu’il y avait entre cette classe et la plupart des gens que je connaissais. Et puis nous avons eu des enfants.

Je suis arrivé à Enghien en 1936 et je ne l’ai pas quittée. Enghien était une ville d’eau très jolie. J’avais un bateau de pêche et un canoé kayak pour me balader sur le lac. Il y avait autour du lac de très jolies villas. Ma fille faisait partie du club nautique. J’allais au casino, mais comme je ne suis pas joueur, je me contentais de jouer à la boule.

C’est un siècle de fou avec deux guerre vous vous rendez compte ?

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