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Un combat réussi

ATD Quart Monde l’Isle Adam

vendredi 24 octobre 2008, par Frederic Praud

À force de l’ignorer, on finit carrément par l’oublier. Souvent invisible parce qu’on s’arrange pour la cacher, la misère ordinaire suscite parfois des élans de solidarité. C’est ce qui s’est passé à L’Isle-Adam où des habitants du quartier de la Garenne se sont constitués en comité.
Leur but ? Porter secours aux familles Malys-Montoni, relogées dans des conditions précaires par un promoteur immobilier.

Le monde serait-il mal fait ? C’est en tout cas la conclusion à laquelle aboutissent bien souvent les plus démunis. Philippe Malys et sa compagne Denise Routier en font actuellement la douloureuse expérience.

Il y a encore une quinzaine de jours, ils coulaient des jours heureux sur le terrain familial, dans un habitat certes précaire mais correspondant à leur mode de vie. Adamoises depuis des générations, les familles Malys-Montoni ont dû quitter leur terrain situé à proximité des étangs de la Garenne.

GARANTIE
L’histoire de ce départ est digne d’une épopée. Elle le fruit de longues tractations avec un promoteur immobi¬lier, filiale de Bouygues, qui s’apprête à construire un lotissement sur l’ancien terrain des Malys-Montoni. Lorsqu’ils ont accepté de vendre leur terrain, Philippe et Denise ont obtenu la garantie d’un relogement. À la solution de relogement pro¬visoire qui est la leur aujourd’hui doit succéder une solution à long terme, dans deux logements sociaux inté¬grés au sein du projet immobilier. Jusqu’ici tout va bien...

Mais au-delà de cet accord de principe, ça se gâte. Le relogement provisoire dans lequel ils survivent aujour d’hui fait peine à voir : loin de tout (il est situé derrière la Caisse d’Épargne, en haut de l’avenue de Paris), les trois caravanes où ils sont instal¬lés ne possèdent ni électricité, ni frigo, ni raccordement élec¬trique conforme aux règles élémentaires de sécurité.
Cette solution, trouvée par un promoteur dont la maison mère s’est longtemps targuée de constuire "Des maisons de maçons", laisse perplexe. Pour les Malys-Montoni, c’est car
rément un voyage au bout de l’enfer : souffrants de graves problèmes de santé, privés de tous moyens de locomotion, ils sont contraints de passer leurs journées à tourner en rond et à compter sur les autres pour tous les gestes simples du quotidien. Pour la toilette, le linge ou la vaisselle ? Il faut utiliser les containers d’eau non potable (et non raccordés aux caravanes) mis à disposition par le promoteur. Faire les courses ? Il faut faire appel à la bonne volonté d’amis ou au soutien du "Comité solidaire pour les droits" qui s’est constitué pour leur porter assistance.

« Depuis qu’on est là, on n’a plus le goût à rien, confie Philippe Ma lys. Moi, j’ai des insomnies. Je ne peux plus voir mes copains ni faire moi-même mes courses. C’est pas vivable là-dedans ».
Au-delà des conditions de vie indignes qui sont celles de Philippe et. Denise, la ques
tion du relogement à plus long terme reste en suspens. Dans le programme immobi¬lier du promoteur, deux appartements doivent être conventionnés pour être loués à tarif "plancher". Or cet engagement n’a toujours pas été honoré. Certes, il y aura bien une douzaine de loge¬ments sociaux dans le programme immobilier mais il s’agit, pour l’heure, d’habi¬tat social "haut de gamme", totalement inaccessible enterme de loyer aux familles Ma lys-Montoni. En bref, l’avenir est plus qu’incertain pour eux.

Dans leur malheur, Philippe Malys et Denise Routier ont eu de la chance. En janvier 2008, un "comité solidaire pour les droits" composés d’une dizaine de voisins de leur ancien quartier de la Garenne s’est constitué. Emmené par Thierry Rochereau, il a accompagné les deux familles dans leur par¬cours du combattant et leur a offert un soutien très fort pour assurer leur défense. « Très rapidement, on s’est inquiété du sort qui attendait ces familles, car on les savait fragiles, explique Thierry Rochereau. Aujourd’hui on reste sur le qui-vive : leurs conditions de vie doivent absolument être améliorées. Quant à l’avenir, les choses doivent être clarifiées, rapidement ».

« POUVOIR VIVRE »
Le "deal" passé entre le pro¬moteur et les Malys-Montoni prévoit un relogement dans un appartement d’ici dix-huit mois. Un an et demi, c’est long : « On ne pourra pas tenir aussi longtemps, souffle Philippe Malys. Ce qu’on voudrait, c’est être relogé plus près de la ville, pour pouvoir vivre, tout simplement ». Le promoteur l’entendra-t-il de cette oreille ?

Jacques-Olivier BÉNESSE


Des citoyens solidaires
Il y a un an, ATD Quart-Monde mettait en place ses comités pour les droits. Zoom sur celui de L’Isle-Adam, dans le Val-d’Oise.

"Le droit au logement pour tous, ça dépend aussi de chacun de nous ». proclame ATD Quart-Monde il y a un an, l’ONG de lutte contre la grande pauvreté et l’exclusion sociale lançait ses comités solidaires, regroupement de citoyens pour le droit au logement : « Depuis le ler janvier 2008, le droit au logement est opposable. Il est garanti par l’Etat. Aux citoyens d’agir localement pour qu’il devienne réalité. » Thierry Rochereau, quarante ans, habitant de L’Isle-Adam (Val d’Oise) et bénévole à ATD Quart-Monde depuis 1994, a suivi cette consigne à la lettre.
Au printemps 2007, il prend contact avec ses voi¬sins, une famille précaire dont le logement est menacé par un projet immobilier. « Une dame d’une cinquantained’années, Danielle, vivait avec son fils de trente-cinq ans au chômage dans une vieille bâtisse délabrée. Sur le terrain, une caravane abritait le frère de Danielle, Philippe, et sa femme, Denise, eux aussi. quinquagénaires et précaires. » D’origine gitane, cette famille sédentarisée de¬puis trois générations est co¬propriétaire du terrain qu’elle occupe. Elle a signé un compromis de vente à la condition que le promoteur les aide à retrouver un loge¬ment. Mais les propositions se font attendre.

En janvier 2008, un comité solidaire pour les droits est créé : il regroupe voisins, bé¬névoles d’ ATD Quart-Monde, du Secours catholique et la famille. De Cinq personnes au début, ce co¬mité atteint alors une dizaine de membres. Il lance unetition pour sensibiliser les ri¬verains et sollicite la mairie. Dans le même temps, des démarches sont faites pour que la famille bénéficie de la couverture maladie universelle (CMU) comme elle le devrait depuis longtemps. Enfin, un compromis est trouvé : le terrain doit servir à la construc¬tion de logements sociaux, des PLS (prêt locatif social), inaccessibles pour cette fa¬mille. Deux logements serbnt donc classés en PLAI (prêt locatif aidé d’intégration) plus abordables.
En attendant la fin des travaux, la famille est logée dans des caravanes sur un terrain dans les hauteurs de L’Isle-Adam. <, Nous restons mobilisés pour les soutenir, explique Thierry Rochereau. Jusqu’à ce que leur relogement soit définitif. »

Marie Barbier

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