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Paroles de Femmes : Aînées Parisiennes

Comment éduquer ses filles avant et après 1968

jeudi 1er avril 2010, par Frederic Praud

Vous pouvez vous procurer l’intégralité des témoignages de femmes dans l’ouvrage réalisé par Frédéric Praud. Il est disponible sous sa version PDF à cette adresse internet : http://www.lettresetmemoires.net/vie-et-acquis-quotidiens-femmes-au-20eme-siecle-exprime-par-ainees-parisiennes.htm

L’univers de mon enfance…Je suis issue d’un milieu bourgeois, de petite bourgeoisie Nantaise. Mon père était un notaire originaire d’un milieu modeste de Bretagne. D’abord notaire à Savenay en 1920, il s’installe à Nantes en 1924 où il s’est associé avec un de ses frères. Les associations de notaire n’étaient alors pas du tout au goût du jour… Cela n’existait pas. C’était un arrangement entre eux.

Ma mère était médecin. Mon grand-Père maternel qui était professeur avait eu une seule fille et il avait décidé que sa fille ferait médecine. Il avait été très déçu de ne pas avoir de garçon. Il paraît qu’il n’avait pas regardé ma mère pendant 48 heures. Ma grand-mère trouvait que c’était quand même un peu dur. Ma mère a fait fonction d’interne pendant la guerre 14 et a exercé son métier pendant quatre ans pour arrêter de travailler au moment de son mariage. L’a-t-elle regretté ? Je n’ai jamais posé la question. Pour ma mère mariée en 1920, il n’était pas question qu’une femme de notaire travaille. Elle a donc eu le statut de femme au foyer.

Je reconnais avoir eu une enfance, une adolescence très favorisée grâce à l’ouverture d’esprit de ma mère qui, évidemment, n’avait rien à voir avec l’esprit de la bourgeoisie Nantaise qui était quand même un petit peu à oreillettes.

A une époque, notre employée de maison s’est trouvée enceinte. J’avais alors une dizaine d’années. Ma mère l’avait examinée parce qu’elle n’était pas bien. Elle était montée dans sa chambre pour voir ce qu’elle avait et lui dit : « Marcelle, vous êtes enceinte !
 Oui, Madame. »
Elle a accouché de cet enfant qu’elle a d’ailleurs dû abandonner. Ma mère l’a reprise à la maison et elle a été très critiquée par certaines bourgeoises pour avoir reprise une fille mère. Ces bourgeoises trouvaient que ce n’était pas un exemple à donner à des enfants. Cette personne est restée quatorze ans chez nous, sans problèmes. On ne racontait évidemment pas tout aux enfants même lorsque l’on avait une certaine ouverture d’esprit… Il y avait une certaine réserve.

Avant ma puberté, ma Mère m’a informée de l’évolution du corps, le pourquoi, le comment, très simplement mais très réellement. C’étaient des choses naturelles… tout en ayant quand même une rigueur morale et une rigueur de tenue. Il était quand même malvenu de mal se comporter.

J’avais envie de sortir de cette bourgeoisie nantaise. J’avais des amis bien sûr, avec certains desquels j’accrochais et puis d’autres pas tellement. Je me suis fait coller en première année de pharmacie. Je remontais de faire quelques courses avec Maman et on rencontre une de nos amies qui habitait dans notre quartier. Elle me demande :
 Qu’est ce que vous allez faire ?
 Je redouble. "
Pour moi, il était évident de redoubler, je n’avais pas assez travaillé. Je remettais ça.
Et elle me dit :
 « Ah bon ! Vous ne voulez pas faire La Rue Monsieur ?" …L’école où l’on
apprenait la cuisine, la couture, des tas de trucs.
Je lui réponds : "Non Madame.
 Ca ne vous intéresse pas ?
 Non Madame, pas pour l’essentiel
 Ah ! vous préférez la vie étudiante »…avec un ton de mépris comme si dans son
esprit, une étudiante ne pouvait que mal se comporter vis à vis des garçons, qu’elle ne pouvait pas avoir une tenue morale correcte, avoir des rapports francs et sains avec les garçons. Cela m’avait absolument sidérée. Maman rigolait doucement et elle m’a dit après : "T’en fais pas".

J’avais 6 ans et demi de moins que mon frère aîné et deux ans de moins que le deuxième. Nous avons été élevés à égalité, absolument. Je n’ai pas souvenirs de différences d’appréciations ou autres. J’ai fait donc toutes mes études à Nantes ou j’ai passé mon bac. Après avoir découvert les sciences naturelles en philosophie, j’aurais bien fait médecine mais ma mère m’a dit : « Tu feras comme moi. Tu abandonneras. Ce n’est pas compatible avec une vie de famille. Fais plutôt pharmacie ». J’ai Donc fait Pharmacie Nantes n’avait pas de Faculté à l’époque et nous terminions nos études à Paris : les examens se passaient avec des jurys moitié de Nantes, moitié de profs de Paris qui venaient. Je suis ensuite restée à Paris, où j’ai connu mon mari qui était en pharmacie également. Nous nous sommes mariés en 1956.

Un des avantages de la pharmacie était que l’on commençait par un stage d’un an en officine. Vous apprenez à faire des préparations, des pommades, les pilules que l’on faisait encore beaucoup… tout ce qui permettait de faire des remplacements en cours d’études. Il y avait beaucoup de petites villes aux alentours de Nantes. Le pharmacien local voulant s’absenter, ou voulant du personnel supplémentaire les jours de marché, faisait appel aux étudiants de l’école de pharmacie. Mon père avait été très choqué que je veuille gagner de l’argent lors de mon premier remplacement à Ancenis… C’était compris comme une critique non formulée qu’il ne subvenait pas à mes besoins, hors le quotidien. Ce n’était pas le cas. Heureusement là, ma mère a plaidé ma cause, en lui expliquant que ce n’était pas du tout un grief, mais que c’était normal.

Je rencontre mon mari à Paris. Il était également étudiant en Pharmacie. Nous nous sommes mariés en 1956 à la fin de son service militaire. A notre retour de voyage de noces, nous apprenons que c’était la grande valse des pharmaciens auxiliaires, et qu’il partait en Algérie. C’était un coup dur. Donc, j’ai pris la pharmacie seule car il est parti à ce moment là. Ce fut quelques mois difficiles avant qu’il ne revienne. Nous avons travaillé un certain temps ensemble, et ma fille aînée est née. C’était un bébé très sage, qui ne posait pas de problèmes quand je l’emmenais à la pharmacie mais, quand elle a commencé à jouer aux quilles avec des bouteilles d’eau minérale, je me suis dit : "il faut trouver une solution".

Je n’avais pas envisagé de confier mes enfants à quelqu’un d’autre. C’était dans mon esprit de m’occuper des enfants que j’avais désirés. J’en désirais d’autres, et je reprendrai plus tard le métier. Ce choix de vie a été commun avec la perspective de reprendre une activité professionnelle quand ils seraient grands mais je restais en contact avec le monde du travail en aidant parfois mon mari à la pharmacie. J’allais de temps en temps, si mon mari avait besoin de moi, éventuellement, mais enfin je n’y allais pas souvent.

J’ai eu deux autres filles mais après des problèmes au sein du couple, nous avons divorcé en 1975-1976. Il m’a quitté en 1975. J’ai repris la pharmacie en 1976 et il est certain que là, j’ai apprécié d’avoir un diplôme et un métier en main. Nous avons fait un divorce par consentement mutuel, bien que j’aurais pu faire un divorce par faute compte tenu de l’attitude de mon mari. J’ai beaucoup apprécié en ce sens que les griefs ne soient pas exposés et, vis à vis des enfants, il n’y a pas eu de querelles. Ce fut moins dramatique que beaucoup, et je pense que les enfants ont apprécié parce qu’elles étaient déjà grandes : 17, 15 et 12 ans. Mes filles ont toutes fait des études plus ou moins longues, et elles sont toutes indépendantes. Deux sont mariées, une célibataire par choix, les enfants ne l’intéressent pas. Elle les aime plus grands.

Années 70

J’avais une fille au lycée en septembre 68 et je me suis occupée d’une des associations de parents d’élèves jusqu’au bac de ma fille aînée. La seconde se trouvait dans une classe très agressive et elle souffrait de ma position au sein de parents d’élèves. Elle n’avait pas du tout envie que je m’en occupe. Je ne sais pas quelles critiques elle avait entendues parce qu’elle est un peu secrète. Je l’ai donc changée d’établissement en fin de quatrième.

Il a dû y avoir des cours d’éducation sexuelle au lycée. Ma fille devait être en quatrième ou en troisième. Beaucoup de filles du lycée dans les années 70 étaient vraiment ignares en matière de sexualité. Les mères n’avaient pas rempli leur rôle de mère, parce qu’il faut parler aux enfants et surtout qu’ils sentent que lorsqu’ils posent une question, on leur répond une vérité. On n’a pas besoin de faire d’étalages. L’essentiel est de répondre quelque chose de vrai et c’est ce que j’ai essayé de faire avec mes filles.

Je l’ai fait également avec les amies de mes filles. Ma fille aînée avait une camarade de son âge dont la mère était charmante mais un peu à esprit étroit. Un jour Catherine me dit : "Tu sais, c’est toi qui as fait l’éducation sexuelle de ma copine. Elle a embrassé un garçon sur la bouche et elle s’est imaginée qu’elle risquait d’être enceinte." Je crois qu’elles étaient en troisième. C’est ahurissant qu’une mère, dans les années 71-72, n’ait pas mis sa fille au courant. J’ai vu des ados avoir leurs règles sans que leur mère les ait prévenues. C’était une catastrophe. On doit pouvoir l’expliquer. C’est une très belle chose. C’est la féminité qui arrive, la possibilité de la vie, chose superbe. Il ne faut pas le gâcher, c’est ce que j’ai toujours essayé de dire, comme à propos de la pilule. Je n’étais pas trop d’accord sur la pilule mais j’ai dit à une de mes filles : « entre deux options : ou un avortement ou la pilule, c’est la pilule parce que la venue d’un enfant est une chose tellement belle, qu’il ne faut pas la massacrer ».

La libération de la femme n’avait pas de sens pour moi parce que je n’ai jamais eu l’impression d’être dans un carcan, bien qu’il fallait filer droit. Il ne s’agissait pas de faire des boulettes. J’ai beaucoup apprécié d’avoir un mari qui ne me demande jamais de comptes. Nous nous sommes parfaitement entendus. C’est pour ça que je suis tombée vraiment de haut… Je pensais que l’on avait construit quelque chose de solide au sein de notre couple… la quarantaine… le démon de midi, ce n’est pas un vain mot. Je n’y croyais pas, mais il a fallu que je me rende à l’évidence.

Dans mon travail , j’ai quelquefois donné des conseils à mes clientes en particulier sur le cycle, bien entendu, mais j’attendais plutôt qu’on me pose des questions. Comme j’avais une petite pharmacie de quartier où l’on connaît bien la clientèle, une relation de confiance s’établit.

Il m’est arrivé d’expliquer la méthode des températures bien sûr, parce que les prescriptions : vous prenez ça, le cinquième jour des règles etc… et elles ignoraient que le premier jour des règles était le premier jour du cycle. Cela fait partie du b.a.ba du métier.

Vous pouvez vous procurer l’intégralité des témoignages de femmes dans l’ouvrage réalisé par Frédéric Praud. Il est disponible sous sa version PDF à cette adresse internet : http://www.lettresetmemoires.net/vie-et-acquis-quotidiens-femmes-au-20eme-siecle-exprime-par-ainees-parisiennes.htm


Voir en ligne : La Bande Dessinée : Les Migrants

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