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Paroles de Femmes

De la femme bourgeoise aux combats contre les violences faites aux femmes

Mme Geneviève Deveze

jeudi 1er avril 2010, par Frederic Praud

Vous pouvez vous procurer l’intégralité des témoignages de femmes dans l’ouvrage réalisé par Frédéric Praud. Il est disponible sous sa version PDF à cette adresse internet : http://www.lettresetmemoires.net/vie-et-acquis-quotidiens-femmes-au-20eme-siecle-exprime-par-ainees-parisiennes.htm

Née en 1935 à Paris, j’ai été élevée par ma mère et ma grand-mère car mon père, tombé malade durant la grosses de ma mère, était parti en sanatorium. Je ne le connaîtrai pas avant mes 18 ans. Mon père était entrepreneur et ma mère ne travaillait pas mais elle a dû faire face à son départ et s’est mise à travailler comme fonctionnaire dans un ministère uniquement par nécessité financière. Ma grand-mère est venue vivre auprès de sa fille pour veiller à l’éducation de mon frère et de moi-même.

J’étudie en école privée, dans le 7ème puis le 15ème arrondissement. J’avais peu de loisirs de petite fille. Je me sentais dans l’obligation de mentir à mes camarades en disant, "non, je n’ai pas envie de faire du piano. Je n’ai pas envie de faire d’équitation"… Je ne comprenais pas pourquoi car j’avais vraiment très envie d’accompagner mes petites copines. Celles que j’appelle mes parents, en réalité ma mère et ma grand-mère, n’avaient pas les moyens matériels de me payer ces activités.

Mon frère aîné, le seul homme de la famille après le départ de mon père, était le dieu de la maisonnée. Il a poursuivi de grandes et longues études, mais pas moi. Je me suis arrêtée à la seconde. J’étais, selon ma mère, destinée à me marier à un fils de médecin futur médecin, ou un fils d’avocat futur avocat lui-même, ce qui était déjà un peu moins bien. Je n’avais qu’à attendre ! Je travaillais un peu en attendant ce fameux prince charmant qui n’est jamais venu. Mes 25 ans sont arrivés, la sainte Catherine aussi ce qui était quelque chose d’épouvantable dans mon milieu. Je se marie en 1960 surtout pour ne pas fêter Sainte Catherine, cela aurait été une honte de ne pas avoir trouvé chaussure à son pied. C’était un mariage librement consenti avec un jeune homme fils d’amis de ma famille. Je n’avais pas choisi mais je ne me suis pas opposée. J’ignorais tout de l’amour et du désir… alors…Un jeune homme charmant avec aussi peu d’expérience que moi. Nous nous sommes mariés en 1960 tous deux peu expérimentés. Ce fut une catastrophe.

Je suis enceinte rapidement. Je ne voulais pas de bébé avant deux ou trois ans. Cette grossesse ne me convenait pas à ce moment là. Je subis un avortement avec les moyens de l’époque, pratiquée en clandestinité ce qui me traumatise réellement comme les psychologues disent aujourd’hui. Je me retrouve relativement vite à nouveau enceinte. J’étais en colère après mon mari. Je n’avais aucune éducation et j’étais persuadé que c’était à lui de prendre toutes les mesures pour éviter une nouvelle grossesse. Je ne voulais pas entendre quoi que ce soit. Je ne pouvais pas comprendre. J n’ai pas voulu subir un nouvel avortement car je n’étais pas remise du précédent. J’ai mis au monde un enfant. Je l’ai élevé… Nous l’avons élevé…

Je travaille gentiment, sans problème. Je reprends un peu mes études par correspondance dans une boîte privée. Je suis engagée comme responsable du service assurance au Club Méditerranée de 1960 à 1967.

Mai 1968 est arrivé et c’est alors que ma vie a commencé. Je quittais le milieu de petite bourgeoise qui allait bridger avec son mari, élevait son enfant, qui n’avait pas de plaisirs et pas de malheurs. Je divorce en 1970 car j’ai osé affirmer ma personnalité et refusé certaines choses à mon mari et imposé d’autres choses. Je me sentais pour la première fois de ma vie "exister". Il n’était plus question de se plier aux conventions sociales, à la loi patriarcale que les maris, après les pères, entendaient voir régner dans les foyers. Non, l’égalité, la liberté toutes ces revendications ont pris le pas sur ma vie. Devant certains excès, il faut bien l’avouer aujourd’hui, bien que je ne regrette rien, mon mari a fait ce que beaucoup d’autres hommes ont fait à cette époque, il a choisi une autre femme de dix ans ma cadette. Rien de bien original : j’étais une femme trompée. Je n’ai pas supporté cette vexation et j’ai demandé le divorce. Je me suis alors engagée dans les groupes de femmes qui fleurissaient dans les quartiers.

J’avais déjà participé à des mouvements qui réclamaient que l’Algérie soit Algérienne avant de découvrir les mouvements de femmes. J’ai changé de travail lors de la reprise de mon secteur d’activité par un gros groupe financier. J’ai été licenciée. De 1968 à 1980, j’entre comme secrétaire général adjoint dans un bureau d’étude qui travaillait essentiellement pour l’Algérie. J’ai bénéficié dans cette entreprise d’une remarquable considération et d’un profond respect de mes patrons. Il me manquait toujours quelque chose. Je n’avais pas fait d’études supérieures. J’avais à me prouver que je pouvais entreprendre et réussir. En 1970, j’entreprends des études de psychologie clinique à la faculté de Jussieu. J’obtiens un DESS.

J’ai constaté dans la fin des années 80 que, dans le mouvement des femmes, certaines problématiques étaient toujours remises à plus tard, notamment celles des femmes victimes de violences conjugales. Je rencontre une association qui avait créé un foyer en banlieue. Je deviens bénévole de cette association et j’imagine que ce genre de structures militantes voient le jour partout. Je jette mon dévolu sur paris. 1981, la Gauche au pouvoir, elle sera sans doute intéressée par ces questions-là… mais il y avait plus urgent et cela ne pouvait pas arriver à tout le monde. Il fallait convaincre.

Le bureau d’études dans lequel je travaillais rencontre de grosses difficultés financières, je me retrouve au chômage en 1983, je pense qu’il serait intéressant de créer une structure d’accueil, ’écoute, d’hébergement, d’aide aux femmes victimes de violences conjugales à Paris. Avec des copains et des copines, nous créons une association Loi 1901. Après avoir convaincu les décideurs, il nous faut alors obtenir un budget de l’Etat… et aussi des appartements pour loger les femmes et leurs enfants. Rien de bien facile, nous avons été jusqu’à déposer un recours devant le tribunal d’Etat pour parvenir à l’ouverture en 1985 du foyer Louise Labé, comme la poétesse du 16ème siècle. Je suis engagée comme directrice du foyer. Nous avons mis en place en 1995 un accueil de jour pour toutes les femmes qui ont besoin de se reposer, de discuter, de conseils… Un des espaces solidarités insertions, mais le seul réservé spécifiquement aux femmes.

Aider les femmes était une priorité mais notre objectif était aussi politique afin que les mentalités évoluent. Nous avons participé à ce que ce problème soit porté sur la place publique grâce aux médias et aussi aux politiques qui ont soutenu notre action. La violence conjugale n’est aujourd’hui plus un sujet tabou. Les employeurs se montrent plus compréhensifs face à une employée battue… Ils ne renvoient plus les jeunes femmes quand les maris font irruption sur le lieu de travail de leur femme. Une majorité d’employeurs protège aujourd’hui la femme battue. Les parents sont plus à l’écoute et savent que cela peut arriver à n’importe qui. Ils sont plus prêts à aider. Les amies, les collègues sont eux aussi plus attentifs. Tout un réseau de solidarité qui est précieux pour une femme qui est totalement désorientée devant une situation si inattendue.

Les personnes accueillies aujourd’hui sont différentes des femmes reçues dans les années 80. A cette époque elles étaient issues de tous les milieux sociaux. Nous avons rencontré des femmes cadres supérieurs ou des femmes qui n’avaient jamais travaillé, leurs maris ayant une belle situation. Je me souviens d’une femme dont le mari traitait de paresseuse et dès qu’elle obtenait un rendez-vous pour une éventuelle embauche la battait au visage lui laissant au moins un œil "au beurre noir", évidemment elle ne se rendait pas au rendez-vous et le scénario se reproduisait. Il a fallu quelques expériences de ce genre pour que cette femme prenne conscience que son mari était le seul responsable de son inactivité… petite parenthèse :

Il était souvent plus difficile de se sortir de la violence dans les milieux aisés car, très égoïstement, certains enfants ne veulent pas perdre le papa qui souvent est la pompe à finances. La mère qui ne travaille pas se retrouve alors dans une situation inextricable, soit partir en laissant les enfants au père, soit rester et continuer cette vie de souffrances…

La société est aujourd’hui davantage encline à aider les femmes battues, une voisine, une collègue, une amie… les policiers formés sont plus aptes à comprendre la souffrance des femmes et les difficultés qu’elles doivent surmonter. Les médecins délivrent plus facilement des certificats médicaux attestant des coups et blessures, documents qui peuvent être très utiles en cas de divorce. Les plaintes sont malheureusement trop souvent classées sans suite. Les droits de garde et d’hébergement posent encore souvent des problèmes. Il faudrait créer des lieux de rencontres dits "neutres"… Il reste beaucoup de travail à accomplir même si nous pouvons êtres fières de ce qui a déjà été fait.

Vous pouvez vous procurer l’intégralité des témoignages de femmes dans l’ouvrage réalisé par Frédéric Praud. Il est disponible sous sa version PDF à cette adresse internet : http://www.lettresetmemoires.net/vie-et-acquis-quotidiens-femmes-au-20eme-siecle-exprime-par-ainees-parisiennes.htm


Voir en ligne : La Bande Dessinée : Les Migrants

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