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L’immigration à travers la BD.

entretien avec Farid Boudjellal.

mardi 23 mars 2010, par PHF rédacteur

L’immigration à travers la BD, entretien avec Farid Boudjellal

Farid Boudjellal est un artiste reconnu dans le milieu de la bande dessinée en France. Mettant en scène dans Les Soirées d’Abdulah, ratonnade, l’histoire d’un immigré algérien dans les années 1970, il exprime les conditions difficiles des immigrés en France. Avec son album Les Beurs, il s’intéresse sur un ton plus léger aux enfants de l’immigration algérienne. Farid Boudjellal s’est fait une place en alliant un discours et des dessins originaux. Ses albums font écho aux changements culturels qu’a connus la société française dans ces années 1970-1980. 

Farid Boudjellal fait parti des Black, Blanc, Beur avec José Jover et Roland Monpierre. Il anime régulièrement des ateliers de création de Bandes Dessinées et d’initiation à la narration BD. Il a commencé ces atelierss avec José Jover.

 

 Farid Boudjellal, qui êtes-vous ? 

Je suis avant tout moi-même. Je suis issu de différentes cultures. Mon père est né en Turquie, d’un père algérien et d’une mère arménienne. J’ai été élevé dans la religion chrétienne ainsi que musulmane et je suis né à Toulon. 
Ma personnalité s’est forgée de toutes ces différences. Elles m’ont permis d’acquérir une curiosité du monde, une vision fraternelle des religions qui véhicule toutes le même message : celui du pardon. 
Concernant mes origines, j’ai appris à l’âge de 28 ans que j’étais un « Beur » ! Ça n’a pas vraiment changé ma perception des choses… mais j’ai pu prendre du recul par rapport à cette identité. Je suis né en 1953, j’ai pu jouer de ça dans mes bandes dessinées. Quand j’ai publié L’oud, c’était dans l’air du temps mais ce n’est pas pour cette raison que j’ai abordé l’histoire de la famille Slimani. Ma motivation première était de témoigner d’une présence, de la présence de l’immigration algérienne en France avec ses spécificités. 

 Quelles sont vos influences ? 

Je suis de culture ouvrière, celle de mes parents, autant dans mes dessins que dans mes textes. Mon père nous ramenait des BD comme Kiwi ou Black le Roc. Cela a bercé mon enfance ainsi que celle de mon petit frère. Notre père nous a vraiment initié à la BD et j’ai toujours voulu par la suite en faire mon métier. 

 Comment en êtes-vous arrivé à publier ? 

Ce sont les éditions Glénat qui m’ont découvert. J’ai publié mes premiers comics dans Circus, c’était Les soirées d’Abdulah, une BD sur un immigré de la première génération qui souffre du racisme au quotidien. Je m’étais approprié tout le vocabulaire d’insultes « bicot, raton…. » et j’ai voulu le vider de son sens, exprimer la violence du racisme à travers un humour que je voulais caustique ; depuis je me suis apaisé. J’ai ensuite abordé différents thèmes de notre culture, comme le ramadan, l’acculturation en France… tout ça à travers l’autodérision ; c’était une nouveauté pour nous. Aujourd’hui, cela paraît un peu plus logique mais, à la fin des années 70, ce n’était pas aisé. 

 Comment a été perçue votre oeuvre dans la communauté algérienne ? 

On m’a un peu reproché, notamment dans L’oud, de ne pas donner une image positive de l’immigré, mais je ne suis pas un militant anti-raciste, comme je vous l’ai dit précédemment ; je suis dans une logique de présence, d’expression, et je crois que toute notre génération d’artistes d’origine algérienne s’est positionnée de la sorte, tel Mehdi Charef, Azouz Begag… ces auteurs des années 80. Nous voulions ouvrir un champ d’expression, de représentation. Aussi, je pense que les prochaines générations issues de notre communauté auront plus de latitude pour vraiment créer des chefs-d’oeuvre. Nous, nous n’étions que les détonateurs nécessaires à l’expression des jeunes issus de l’immigration algérienne. Nous avions un message à donner, une parole à prendre. Nous avions une responsabilité qui ne nous permettait pas de ne produire que de l’art. Nous avons eu ce combat à mener. 

 Dans votre premier album, vous nous parlez d’Abdulah, issu des premiers immigrés qui sont venus s’installer en France après la guerre d’Algérie ; ensuite, avec Les Beurs, vous abordez la vie de leurs enfants… Pourquoi l’album sur Abdulah paraît-il plus grave, plus violent que Les Beurs qui est traité sur le mode de l’humour ? 

Mon premier album est l’expression d’un traumatisme. Je me suis ensuite réconcilié avec les choses, une fois que j’ai réussi à exorciser les mots racistes et dénoncé les non-dit. L’album Les Beurs que j’ai publié avec Larbi Mechkour, c’est un album tous publics ; c’était un mélange des Mille et une nuits et de culture de banlieue. C’est un témoignage de ces années-là, des années 80. J’ai collaboré à de nombreuses affiches, par exemple pour Convergence 84 [Ndlr : Convergence 84, est le nom de la seconde Marche des Beurs dont le principe était de converger en mobylette vers Paris avec un réseau de villes étapes pour revendiquer l’égalité des droits et le droit à la différence pour les populations immigrées], des articles… On avait besoin de témoigner de notre existence ; on se posait beaucoup la question du retour ; on vivait dans ce mythe de revenir sur la terre de nos origines. A l’époque, j’ai pensé sérieusement à m’installer en Algérie. Nous avons hérité de la nostalgie de nos parents. Et puis, il y avait la politique du million… Les immigrés n’étaient plus indispensables à la société française ; alors, pour moi, il fallait affirmer notre présence ou partir. 

 Vous êtes l’un des rares à voir mis en avant la figure de l’immigré, de l’ouvrier célibataire de la première génération… 

Oui mais, dès mon album L’oud, je représente assez vite la réalité culturelle qui oppose les deux générations : j’ai voulu étudier l’évolution de la famille Slimani avec ses contradictions, ses joies et ses doutes. Tout est dit quand le jeune personnage dit à son père qu’il croyait que Mahomet était mort crucifié sur une croix ! La transmission de la religion et de la culture se brouille avec une installation plus sédentaire en France. A travers la saga de cette famille, j’ai voulu montrer un aspect positif du phénomène de l’immigration. Les Slimani sont comme les autres familles, ni plus, ni moins.(…) 

Bibliographie : 

 Black Blanc Beur

 Ethnik ta mère

 Gags à l’harissa

 Hanna et Chloé

Hip Hop

 Jambon-beur

 Juifs-Arabes

 Le Beurgeois

 Les Beurs

 Le Chien à trois pattes

 Les Contes du Djinn

 Les Contes du Djinn-Hadj Moussa

 Les Folles années de l’intégration

 Le Gourbi

 Les Slimani

 Les Soirées d’Abdulah

 L’Oud

 Petit Polio

 Ramadân 

Entretien réalisé par Naïma Yahi et publié dans la revue Confluences méditerranée, n°53, printemps 2005. 


Voir en ligne : La Bande Dessinée : Les Migrants

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