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Récit

Il a fallu 1936 pour que cela avance

dimanche 28 février 2010, par Frederic Praud

J’habitais au Blanc Mésnil. A 18 mois, j’ai eu la méningite, mon père était également malade. J’ai survécu et lui en est mort, parce que le pauvre, il fallait aller chercher le docteur à Aulnay. Il n’y avait pas le téléphone. Il venait en vélo. Il avait dit à maman : « si l’enfant refuse son médicament, elle est sauvée ». C’est ce qu’il a répété … Mais mon père était mort. Il avait 32 ans. Ma mère est restée veuve avec trois enfants, mon frère né en 1901, moi en 1903 et ma sœur en 1904. Ma mère était si gentille.

Maman nous a élevés. J’avais mon grand-père, il avait fait la guerre de 70. Forcément, il était de 1840. Il savait lire mais il ne savait pas écrire. Il lisait le journal La Croix. Il n’avait pas été à l’école. Il avait 30 ans à la guerre de 70. A cette époque, on faisait le régiment, on tirait un numéro. On tirait au sort, alors il y avait des bons numéros et des mauvais. Alors quand la bourgeoisie avait un mauvais numéro et que l’autre comme mon grand-père avait un bon numéro, il vendait son numéro au bourgeois et allait faire son service militaire à sa place. Les bourgeois ne voulaient pas partir au régiment. Maman est née en 1874, après la guerre de 70. Je n’ai pas connu mon père, puisqu’il était mort en 1905. C’est mon grand-père qui nous racontait tout ça. Il se défendait comme il pouvait avant la guerre de 70.

Blanc Mesnil, c’était que des champs de blé. On allait glaner le blé et les pommes de terre. La première guerre, c’était dur, plus dur que la deuxième. Et pendant la guerre les zeppelins nous bombardaient. Alors il y en avait plein dans la cour. Le lendemain quand on allait à l’école, c’était la gosse qui rapportait le plus gros morceau d’éclat d’obus. En 1914, l’école était transformée en hôpital. Il fallait faire de la place parce que les hôpitaux de Paris étaient trop pleins. On faisait de la charpie. On allait chez les gens chercher des vieux draps en toile et puis on faisait de la charpie, pour les blessés qui arrivaient. On ne pouvait pas les amener à Paris, il n’y avait plus de place, les pauvres. Il n’y avait pas d’antibiotique. Les chirurgiens russes bourraient leurs masques ? avec de l’ail… Parce qu’il y a trois antibiotiques dans l’ail. Ils soignaient comme ils pouvaient avec ce qu’ils avaient.

L’enfance au quotidien

On avait à cette époque là, les habits du dimanche et les habits de la semaine. A Pâques on sortait les chapeaux… Parce qu’il y avait quatre saisons à cette époque. On faisait nos trois kilomètres pour aller à l’école, dans la neige ! Et on s’amusait bien avec la neige, avec les boules de neige et tout ça. En banlieue, il n’y avait pas de salle d’eau. Maman mettait de l’eau dans un baquet. L’eau était chauffée au soleil. Elle nous flanquait debout dans ce baquet et on était propres !

On récoltait également l’eau de pluie, même si on avait un puits et une pompe. Il y avait un grand champ de blé à côté de chez nous, maintenant c’est des HLM là. Les bœufs venaient ramasser des belles gerbes. Il y avait des coquelicots, des bleuets et des hérissons sous le blé. Le blé c’était magnifique, ça alors.

On allait avec les paysans quand ils déchargeaient à la ferme et on revenait avec eux. Dans notre tablier, on mettait tous les grains de blé qu’on avait ramassés. On allait glaner des pommes de terre. Les paysans arrachaient les pommes de terre avec un croc et celles qui étaient coupées en deux ou bien qui avaient été abîmées restaient par terre. Et ils laissaient leurs pommes de terre à sécher. Personne n’aurait jamais volé une pomme de terre. On allait le lendemain ramasser les morceaux mais on n’aurait pas volé une pomme de terre !

Quand on était malade, on nous mettait des cataplasmes avec de la farine de lin et de la farine de moutarde. Ce qu’on pouvait hurler avec ça. Ca brûlait. On mettait ça sur un linge ou sur de la gaze. Quand on voyait arriver ça, on n’était pas fier.

Mon grand-père travaillait dans une ferme, un jour il en a eu assez, il est venu à Paris. Quand il est descendu à Paris, il a vu des oranges. Il n’avait jamais vu ça. Il en a acheté, et il a mordu dedans avec la peau ! Il a trouvé ça si mauvais qu’il l’a craché par terre. Il a travaillé au gaz de Paris, à Clichy. Il était gardien de la porte, je ne sais pas vraiment ce qu’il faisait. Il est vrai que quand on voyait des chevaux, certaines personnes ramassaient le crottin pour leur jardin. Les commerçants passaient avec une voiture à cheval, ils s’arrêtaient devant votre maison pour vous vendre de la viande ou de la charcuterie, le pain. Quand la voiture était passée, on ramassait le crottin pour mettre dans le jardin. En 14, en 18 il y avait des taxis. Ceux qui sont allés à la Marne, les taxis rouges, en bois, qui sont allés barrer la route…

A cette époque là, tous mes oncles et tout le monde dans la famille étaient imprimeurs. Mon frère n’aimait pas ça. Il voulait construire, avec des bouts de ficelle. Quand il était gosse, il construisait des maisons. Un jour il en a eu marre de tout ça, il est rentré au Printemps. Son patron lui a dit : « mais puisque tu aimes ça, tu devrais faire l’école chez toi, alors il lui a donné ce qu’il fallait ». Et il a fait l’école. Il rentrait le soir de ses 60 heures, et il faisait des devoirs à la maison, qu’il envoyait et puis on lui renvoyait les corrections. Il avait un an de plus que moi. Il est arrivé architecte, décorateur de la ville de Paris.

Travail à 13 ans

J’ai travaillé dès la première guerre. On avait trois kilomètres à faire pour aller à la gare. Pour aller à Paris en machine à vapeur, on mettait une heure et demie. Arrivé à la gare du Nord, un seul métro, une seule ligne : étoile et là on descendait aux Champs Elysées. Il n’y avait qu’une seule ligne de métro. On payait six sous le ticket. Ca faisait cher pour les ouvrières, alors on s’arrangeait entre nous. Certaines prenaient le métro pour venir et repartaient à pied, parce qu’on avait vendu le ticket trois sous. Et là, j’avais 13 ans… J’avais 13 ans, et je peux vous dire qu’on était traités comme des chiens. Dans la couture, il n’y avait pas d’hommes dans les ateliers, à part dans la fourrure et le tailleur pour homme. Chez Calo, il y avait 32 ateliers : les corsages et les jupes étaient séparés. Il y avait également les dentellières et les paqueteuses.

Entre les ouvrières, il y avait une bonne ambiance. Parce que moi, combien de fois j’ai pleuré hein… Elles me disaient : « Mais tu vas pas pleurer ! Pourquoi que tu pleures ? Tu crois que nous on pleure ? Ne t’en fais pas… » Je m’en rappellerais toujours. J’avais une jupe que maman m’avait faite à la main, je sors pour aller aux waters. Quelqu’un m’attrape par ma jupe, et voilà que ma jupe se découd. J’ai pleuré ! Alors les ouvrières l’ont recousue… "mais dis, tu vas pas pleurer quand même". La patronne s’en foutait des ouvrières. Elle avait un petit chien. C’était un lévrier et il fallait lui faire une petite crème. Elle ne buvait que de l’eau d’Evian. Les ouvrières buvaient l’eau et puis elles allaient remplir la bouteille au lavabo. On n’avait pas l’électricité, c’était le gaz.. Je travaillais place de l’opéra dans la grande maison de l’angle. On habillait la reine d’Angleterre…

Par la suite, on m’a demandé si je voulais rentrer au service médico-social de la SCETA, là où l’on porte les colis. C’est actuellement la SERNAM. J’ai dit oui. Alors là c’était la belle vie hein, je quittais mon esclavage.

L’émancipation des femmes

Paris 1920 , c’était devenu normal. J’avais 17 ans. Il a bien fallu surmonter quand même après la guerre de 18. Il y avait des chanteurs des rues. Après la guerre, Paris est redevenu normal. Suite à la guerre 14, on a assisté à l’émancipation des femmes Elles n’étaient plus traitées comme avant. Avant elles n’avaient pas le droit d’aller dans un café. Ah non ! A l’époque de mon grand-père, les hommes allaient prendre une mobylette, c’était un apéritif, du jus de tomate avec un peu de rhum. Et bien mon grand-père, en mettait une bouteille dans sa poche et il en rapportait à ma grand-mère. Elle n’avait pas le droit d’être là. Comme elles avaient travaillé en usine, tourné les obus en 14, elles ont appris à vivre seules. Elles ont trouvé la liberté. Elles n’étaient plus esclaves comme avant…

La guerre les a émancipées si vous voulez. Elles ont travaillé pendant quatre ans. Elles ont élevé leurs gosses pendant quatre ans… Elles se sont retrouvées seules et ont fait comme toutes les veuves. Il n’y avait pas de pension, rien. Il fallait qu’elles se débrouillent par n’importe quel moyen. Les enfants travaillaient après le certificat d’étude.

Si vous n’aviez pas le certificat d’étude vous ne pouviez pas, vous n’aviez pas le droit d’aller travailler. Il fallait refaire une année. Et un certificat d’étude, valait plus qu’un brevet. Parce que je m’en rappelle moi, quand je suis rentrée à la SNCF, une collègue m’avait dit : « Rentrez à la SNCF, dîtes que vous avez votre brevet ». Je suis rentrée, moi j’ai dit fièrement : « j’ai mon brevet ». Donc j’ai passé un examen brevet et j’ai été reçue. On savait lire avec le certificat d’étude. On apprenait à lire : a, b, c… Mais on n’apprenait pas par la méthode globale. On savait ce qu’était un a et un b. Avec l’ardoise, on nous apprenait l’alphabet, les 82 départements, la préfecture, la sous-préfecture…

A mon travail, on faisait 60 heures par semaine. On commençait à 8 heures et on finissait à 7 heures, 10 heures par jour avec plus de deux heures de transport. Et quand ma mère rentrait, elle était forcée de travailler avec les trois gosses… quand elle rentrait de travailler, elle nous faisait nos tabliers noirs, parce qu’on ne pouvait pas aller à l’école sans tablier noir. Elle les faisait à la main, parce qu’elle n’avait pas de machine à coudre. Mais les gens ne se plaignaient pas, c’est drôle… Je n’ai jamais entendu ma mère se plaindre. Elle nous disait toujours : « . Vous ne chantez jamais, vous n’êtes pas gais ». On avait le dimanche de repos, c’est tout.

Le samedi on l’a eu en 1936, ainsi que les 48 heures et puis les congés payés. Le travail dans la haute couture n’a jamais évolué. Après la haute couture quand ça n’a plus marché, on fait le prêt à porter, alors moi je n’ai pas travaillé dans le prêt à porter. Il n’y a pas eu beaucoup d’évolution dans ce métier. Il y a bien entendu pire. Le travail était toujours le même, pas de congé, rien du tout.

Assez de vos promesses

Et je me rappelle en 36, quand ils ont donné les congés, le maire de Nice a partagé la plage en deux, pour pas que l’ouvrier vienne se mélanger. Il s’imaginait parce qu’on allait nous donner aujourd’hui des congés qu’on allait pouvoir se le payer, et qu’on allait pouvoir tout de suite partir en vacances. Il n’a qu’à la voir sa plage maintenant, elle est polluée et tout le bazar. En 36, il y a eu des grandes grèves. J’ai défilé dans la rue. Les ouvrières chantaient… : « Je vous donnerais Paris, Versailles et Saint-Denis ; Les tours de Notre Dame et le clocher de Mon pays ; assez de vos promesses, nous voulons des écrits ; nos 3 francs de vie chère et nos 8 heures aussi… » Nous étions deux groupes et nous chantions ça. Les filles d’un côté, les garçons de l’autre, pas de mélange. On allait à pied. C’était presque une révolution. C’était pire qu’une grève. On n’avait pas peur. On défendait notre beefteack. Il a fallu qu’on se défende. Il y avait bien les prud’hommes mais pas de syndicats. Si on ne s’était pas défendues, on serait encore à 60 heures de travail et on ne parlait même pas de congés payés.

On chantait dans les rues : ‘nous voulons nos trois francs de vie chère et nos huit heures aussi’ … ‘Nos trois francs…’ Alors l’autre groupe répondait : "je vous donnerais Paris, Versailles et Saint-Denis, le clocher de mon pays, Notre Dame et… Assez de vos promesses, il nous faut des écrits…" Ah ! Ça ce sont des moments… Et c’est là que ça a changé au lieu de 60 heures, on en faisait 48. Je n’ai pas connu l’occupation des locaux, c’était dans les usines alors. Nous nous défendions comme nous pouvions. On n’avait pas de congés. On n’avait rien. Il n’y avait pas que la couture qui était en grève… partout c’était comme ça. Il a fallu vraiment qu’il y ait un changement, et c’est venu en 36 à l’époque du Front Populaire.

Léon Blum était au gouvernement. J’ai connu tellement de présidents de la République. J’ai connu Coty, Lebrun. Ils faisaient trois ans à cette époque là… Deschanel et celui qui est passé par la portière là du train ? Je ne me rappelle plus. Thiers est mort dans la baignoire de sa maîtresse. Je me rappelle de la mort de Jaurès. Il a été assassiné dans un café au métro Stalingrad, vers la rue de Flandres tout ça, et il a été assassiné parce que c’était un communiste. Du reste il y a toujours une plaque au restaurant où il a été tué. C’étaient des communistes. Ils défendaient l’ouvrier. Ils n’allaient pas défendre les autres hein. En 36, ça faisait plus communiste que socialiste. Après c’est devenu socialiste et après c’est devenu tout mélangé maintenant. Il y a de tout.

Il fallait vraiment 36 pour qu’il y ait du nouveau. Il n’y aurait pas eu de nouveau s’il n’y avait pas eu ça. On en serait encore aux 60 heures et on en avait marre des 60 heures… et puis fallait pas broncher. Quand vous n’avez qu’un dimanche pour faire tout ce qu’il y a à faire à la maison et que vous avez des gosses à élever, c’est un peu dur. Mais nous on était gosses. On ne s’en rendait pas compte. On s’en rend compte maintenant que c’était dur pour les gens.

Je ne suis presque jamais allée en vacances. On est allé à Grandville pendant la deuxième la guerre, quand il a fallu évacuer Paris, à la deuxième guerre. On habitait à côté d’un économat de la poste et dans l’économat il y avait tout un tas de nourritures. Les allemands avaient d’abord vidé l’économat. J’ai vu après des femmes en autocar amener leurs gosses là, des juifs…J’ai vu les femmes laisser leurs gosses. De là ils étaient emmenés en four crématoire à Buchenwald. Elles restaient sur le trottoir et leurs gosses sont partis… On avait juste un petit balcon d’où on pouvait voir la rue. C’était pas beau à voir. Ah oui, ça je m’en rappelle… On était juste à la gare de l’Est. Les mères sont restées là sur le trottoir… Que vous soyez juif, catholique ou protestant, on ne peut pas voir ça… C’est pas possible… Voir son gosse partir et puis pas revenir…

Avant l’assurance sociale, il y avait l’assistance publique, alors tout était gratuit, on ne payait pas le docteur. On ne payait rien. Ma mère est allée à l’hôpital, et c’était gratuit. Je ne sais pas par qui c’était payé, par l’Etat… Le docteur était gratuit aussi mais il était payé quand même par quelqu’un. Le docteur venait d’Aulnay à Blanc Mésnil. Il venait en vélo et on ne le payait pas. Après 1930, il n’y a plus eu l’assistance publique, c’est devenu l’assurance sociale. Avant il fallait être assuré quand on travaillait. Si vous n’étiez pas assuré rien ne pouvait vous protéger. Les mutuelles sont venues beaucoup plus tard après 45.…

La SNCF

En 1942, je suis rentrée comme auxiliaire à la SNCF. J’avais 30 ans passés et on ne pouvait pas évoluer dans ce poste. Alors j’ai changé. C’est là qu’ils ont créé un service social à la SCETA, le rail et la route. Un docteur faisait la médecine du travail et je faisais la comptabilité. J’avais cinq caisses à tenir et pas de machine à écrire. C’est pour ça que j’ai gardé ma tête. J’ai passé 26 ans heureuse, parce qu’on était en groupe. Il y avait des hommes et des femmes, c’était mélangé. Dans la couture il n’y avait pas d’hommes,

Je me rappelle quand je travaillais au service social. L’assistante sociale allait visiter des familles dans les HLM. Il y avait des baignoires, et bien les gens, au lieu de s’en servir comme baignoire, ils élevaient des lapins là-dedans. A Paris il n’y avait pas l’eau courante dans tous les appartements, on la prenait sur le palier. On avait également les waters sur le palier. J’ai habité le troisième arrondissement. Il y avait un water au sixième et un dans la cour. On n’avait pas l’eau courante. Il y en avait peut-être certaines maisons, dans certains quartiers.

Vie parisienne

Les grands magasins, c’était autre chose que maintenant. Il fallait une première vendeuse, une deuxième vendeuse, et une vendeuse. Il fallait aller à la caisse pour une débitrice. J’étais débitrice, quand j’ai travaillé à la maison de Blanc. Ils étaient charmants. Au moment de Noël, au moment des jouets, il y avait du chômage dans la confection. Les patrons nous demandaient si on voulait descendre dans les réserves ou alors être débitrice au lieu d’être au chômage. Et bien moi j’ai fait ça. Les vendeuses étaient payées à la guelte, à la vente. Elles avaient un pourcentage sur ce qu’elles vendaient et n’avaient pas de fixe. Comme ça, c’était au plus débrouillard, plus vous vendiez, plus vous gagniez. Il y avait beaucoup de grands magasins, la Samaritaine. Au sous-sol de la Samaritaine, on trouvait tout ce qu’on voulait comme au BHV, au Bazar de l’Hôtel de Ville. A la sainte Catherine on défilait… Hé ! Hé ! Les autres ouvrières à l’atelier s’arrangeaient pour faire les chapeaux… de beaux chapeaux. Cette année là on était trois, j’avais deux amies. Nous avions commencé notre apprentissage toutes les trois à 13 ans. Et bien, on avait notre bonnet. On défilait dans Paris. On allait au restaurant et puis le soir on allait danser…Oui, si on voulait . On avait 25 ans.

Je ne suis sortie qu’à 20 ans, avant je ne sortais pas. Un samedi on était allées danser avec une amie, et on s’était fait couper les cheveux sans le dire à maman. Elle ne voulait pas qu’on se coupe les cheveux. Pour rentrer, on prenait le dernier train à la gare du Nord, de minuit quarante, et puis on faisait nos kilomètres à pied, sans être attaquées, sans électricité dans les rues. Alors je rentre et puis je marchais à reculons. Maman m’a dit : « t’as pas besoin de marcher à reculons. Je sais où t’as été. Tu t’es fait couper les cheveux comme Mistinguette ». J’avais plus de 20 ans quand je les ai coupés.

On allait à Joinville le Pont manger des petites fritures au bord de la Marne. J’allais également à Paris surtout pour danser le samedi soir. Sans ça on n’avait pas d’autres sorties. On dansait souvent les tangos, les polkas, les valses à l’endroit et à l’envers. Je suis allée danser à Montmartre, au bal du Moulin rouge. On dansait à Bulier aussi, à Montparnasse. On allait à l’Olympia. Il y avait Mistinguette qui chantait, Aznavour, Bécaud. On ne les rencontrait pas… Et puis on allait voir Edith Piaf dans « toute ma vie ». Elle chantait vraiment toute seule sur la scène

Le premier film que j’ai vu avec maman … Il n’y avait pas de cinéma moi à mon époque… C’était une lanterne magique au Blanc Mésnil et on jouait : violette impériale. Maman n’avait jamais connu le cinéma rien du tout. Elle nous a emmenés. On était assis sur des bancs, et puis ça n’a pas marché. On n’a jamais su la fin de violette impériale. On a vu le début. Il n’y avait une scène quand même, une estrade plutôt. A Blanc Mesnil, il n’y a avait rien, il fallait aller à Paris, mais ce jour là le cinéma était venu… la lanterne magique était venue à Blanc Mésnil. Alors maman qui n’avait jamais vu ça non plus, nous avait emmenés voir cette violette impériale. Le dimanche, Maman nous emmenait parfois au musée du Louvre pour nous apprendre, et pourtant elle avait du travail…C’était pas le même genre de visiteurs que maintenant au musée du Louvre.


Voir en ligne : La Bande Dessinée : Les Migrants

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