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SAVINS occupé

Mr Servio SCIASCIA né en 1926 à Provins

mercredi 21 novembre 2007, par Frederic Praud

Mes parents sont originaires d’Italie. Ma mère est toscane et mon père sicilien. Mon père est arrivé en France à la suite de la Première Guerre mondiale, quand la France réclamait de la main d’œuvre étrangère pour la reconstruction du pays. Forcément, ils manquaient de main d’œuvre à cette époque-là !

Il s’est installé dans le Midi pour y travailler comme manœuvre dans une entreprise de voirie. Il avait vingt-cinq ans à l’époque ! Né en 1896, il avait également fait la Première Guerre mondiale ! Il est donc resté quelques années dans le midi où il a connu ma mère. Ils se sont mariés et ne sont pas restés très longtemps là bas, peut-être une année ou deux. Ils avaient entendu dire qu’en Seine et Marne, on gagnait plus d’argent que dans le Midi. Mon père est venu dans la région travailler la glaise dans une briqueterie à Cessoy-en-Montois. Ce fut son premier emploi dans la région pendant deux ou trois ans. Parce que le climat ne lui plaisait pas tellement. Il a préféré retourner dans le Midi mais pas tout de suite parce que nous sommes nés ici. Il a eu trois enfants pendant cette période. On était cinq frères et sœurs.

Il est retourné dans le Midi et tous comptes faits, il est revenu une seconde fois en Seine et Marne pour s’y installer. Il a fait la part des choses et s’est dit : « Entre le soleil et l’argent ? Je retourne en Seine et marne ! »

Mon père artisan maçon

Il a appris le métier de maçon dans une entreprise de maçonnerie. Une fois qu’il s’est débrouillé dans le métier de maçon, il a créé une société avec d’autres Italiens, une petite entreprise artisanale à Donnemarie.

Il travaillait en société avec des maçons de Donnemarie dénommés Corsi. C’était une entreprise de maçonnerie, des Italiens. Ils étaient trois. Les deux frères Corsi et lui. Ils ont travaillé ensemble un certain temps, peut-être un an où deux puis il s’est mis à son compte. Il est devenu artisan comme les gens l’ont connu ici.

Devenu artisan, nous vivions à Mons-en-Montois. Nous sommes arrivés à Savins au mois de mai 40, juste trois semaines avant l’exode. Nous nous sommes installés dans la maison à Fours. Il y avait des petites fermes à Fours, Brulllé, Gabrielle, Millard…. Je suis arrivé ici en 40 et je suis toujours resté ici. J’ai ensuite travaillé peut-être quatre ans ou, à la boulangerie de Sognolles.

L’intégration des Italiens

Je suis allé à l’école primaire à Mons-en-Montois, une école avec environ trente-cinq élèves. Il n’y avait que deux familles italiennes à Mons-en-Montois. Nous n’avions donc pas la majorité ! Cela ne se passait pas toujours bien ! Il y avait de petites bousculades ! Un petit peu…Mais finalement après, tout est rentré dans l’ordre. Avec mes frères, nous n’étions pas une bande organisée ! Mais enfin, dans l’ensemble, cela ne s’est pas trop mal passé…

Mons, c’était un village rural avec beaucoup de cultivateurs. Ici à Savins, par contre, il y avait pas mal d’Italiens, de nombreuses familles ! A Fours, la moitié de la population était italienne !

A Mons-en-Montois, il n’y avait pas de réunions communautaires entre les familles italiennes. Ici non plus. On s’entendait bien. Il n’y a qu’à voir au cimetière certaines plaques offertes par les familles italiennes de Savins. On n’a pas eu de problèmes ici ! On en a eu un petit peu plus à Mons-en Montois parce que j’étais plus jeune. Je suis arrivé ici à 14 ans, ça allait déjà mieux.

1938-39, l’engrenage de la guerre

Cela nous tourmentait beaucoup. Le jour des accords de Munich, je m’imaginais que ça y était, que c’était fini, qu’on n’allait plus avoir la guerre. Quand on a douze ans, on en parlait chez nous. Nous lisions le journal Paris Soir. On rapportait le journal à une voisine et puis j’avais les gros titres. A la sortie de l’école, j’allais lui chercher son journal. Je voyais quand même les gros titres sur les journaux. On croyait être sauvé et puis la suite, on la connaît… On était loin d’être sauvé puisqu’en 39, la guerre s’est déclarée.

L’Italie a déclaré la guerre à la France, en 1940 parce que des avions italiens nous ont bombardés pendant l’exode. Et, finalement, comme nous étions d’origine italienne, certains ne se gênaient pas pour… Nous n’étions pas les bienvenus en quelque sorte ! Alors que nous n’y pouvions rien ! Mon père était naturalisé français. On était français comme les autres. Mais les origines étaient quand même là. Bon, cela n’a pas duré.

L’exode

Nous sommes partis avec plusieurs familles comme ça, avec un cultivateur de Savins, Monsieur Lelarge, des chevaux et des voitures, pour aller jusque dans le Loiret. On s’est fait doubler là-bas par les allemands comme beaucoup.

On avait installé la grand mère paternelle un matelas sur une voiture. Elle avait à l’époque soixante-quinze ans, quelque chose comme ça. Mon père avait une moto mais arrivé à Luisetaines, la moto tombe en panne. Il a alors abandonné sa moto à Luisetaines. Nous avions nos vélos que notre père nous avait offerts quand on avait eu notre Certificat d’études. On pouvait rouler en vélo mais on s’est fait prendre les vélos par l’armée allemande. On est revenu à pied.

Personne de Savins n’est mort pendant l’exode mais, il y aurait pu y en avoir comme on a subi des bombardements, notamment un à Chéroy… C’était un peu l’enfer ! On était tous à plat ventre. On s’était réfugié dans un lavoir. On était tous là avec les mains sur la tête. Ca résonnait dans le lavoir en plus…

Retour à Savins occupé

Une fois revenus, les Allemands étaient là un peu partout. Alors, on s’y habitue… C’est vrai qu’ils étaient calmes. Il n’y avait alors pas encore de réseaux de résistance. Ils n’étaient pas encore formés. Ils étaient donc un petit peu tranquilles ! Mais enfin, la fin de l’Occupation n’a pas été aussi rose pour eux.

J’ai appris le métier de boulanger

A quatorze ans, j’ai continué à travailler un petit peu dans la ferme à Mons-en-Montois, où j’avais commencé à l’âge de treize ans. Je suis rentré comme apprenti boulanger à Sognolles-en-Montois en 1941 dans une grosse boulangerie qui existe toujours d’ailleurs. Le boulanger s’appelait Monsieur Arnaud, boulanger à Sognolles. J’ai travaillé un an avec lui et Monsieur Petit est arrivé. Paul Petit avec qui j’ai travaillé le plus longtemps. J’ai travaillé trois ans avec lui et un an avec Monsieur Arnaud.

Monsieur Petit et la Résistance à Sognolles

Monsieur Petit était un résistant. J’ai vu beaucoup de monde, beaucoup de résistants justement à la boulangerie. Ils venaient la nuit. J’ai été témoin de beaucoup de visites mais moi, je ne disais rien. Monsieur Petit m’avait dit : « Tu ne sais rien. Tu ne vois rien et tu fais le pain ! »

Monsieur Petit est arrivé en 1942 et c’est en 42-43 que ça a commencé. Il a certainement eu envie de faire de la résistance et tout de suite, il a su qui en faisait déjà partie au village. Il y avait déjà des résistants au village. Il n’a pas été le premier. Il y avait beaucoup de résistants à Sognolles. Ils faisaient de la résistance et l’on ne l’ébruitait pas !

Petit à petit, j’ai vu de plus en plus de monde arriver à la boulangerie, même des personnes assez importantes qui venaient là. On ne peut pas dire que c’était le quartier général de Sognolles mais… C’étaient des hauts placés, des noms de la Résistance, des lieutenants, des capitaines. Je ne sais pas si Fromont, le chef du réseau de Provins, allait à Sognolles. Je ne connaissais pas les noms. Il y avait Thomas aussi ! Thomas qui avait fait un livre sur l’histoire des Corps Francs de Provins.

Il y eut un parachutage à Sognolles. Comme, je commençais mon travail à dix heures du soir, par là, onze heures, j’étais sur la place et j’entends des bruits. Il était peut-être minuit. le lendemain, je dis à ma patronne comme ça : « Il y en avait du monde hier soir sur la place !
– Qu’est-ce qu’on t’a dit ? On t’a dit de te taire ! », qu’elle m’a répondu. J’en avais déjà dit trop alors j’ai tout de suite compris ! Ils avaient des torches, certainement pour faire atterrir l’avion. Je ne sais même pas où il a atterri. Ils avaient des torches pour pouvoir limiter l’endroit où ils devaient larguer le parachute avec les armes.

Quelques semaines avant la Libération, sur la fin, vers midi ou une heure, ils aperçurent un soldat allemand qui traversait le village. Il y avait deux ou trois résistants. Ils ont décidé de l’abattre. Ce soldat a pris la direction de Lizines. Ils ont attendu d’être emmené dans la voiture de Monsieur Petit avec laquelle il vendait le pain. Ils ont traversé le village et à la sortie du village, Monsieur Petit a décidé de tirer sur l’Allemand. Quand le soldat est arrivé à leur hauteur, il a ouvert sa portière. Il ne conduisait pas. Il a braqué l’arme sur le soldat mais avec sa main gauche. Il a tiré un petit peu au jugé et a raté sa cible. La balle est rentrée dans le fourgon, derrière dans la voiture, parce qu’il avait trop braqué son revolver. Il y avait fait un trou dans la carrosserie. Le soldat s’est affolé. Il a laissé tomber tout son bardas mais a gardé son fusil. Il s’est sauvé à travers champ.

Je crois qu’il a rencontré sur son parcours un nommé Margotini qui était d’ici, de Savins. Je crois qu’il avait un champ de pommes de terre. Il était en train d’arracher ses pommes de terre. Il se demandait ce qui se passait. Le soldat causait en allemand alors, il ne comprenait pas bien. Le soldat a continué sa route. Il est parti je ne sais où mais le plus important, c’est qu’il était parti de l’autre côté. Une ferme appelée la ferme de Courtémont (qui fait partie de Sognolles, en allant sur Meigneux), accueillait un cantonnement de SS. Alors, s’il avait expliqué son cas en arrivant de l’autre côté… On savait ce que faisaient les SS parce qu’on avait déjà vécu Oradour-sur-Glane à ce moment-là. Donc, tout le monde commentait : « On a eu chaud à Sognolles ! On aurait très bien pu, s’il avait pris une autre direction… ».

Comme je dormais l’après-midi, je n’ai pas assisté à cet épisode là. Ma patronne m’a réveillé en disant : « Lève-toi et va te cacher dans les bois ! Va sur Savins, par là, et tu vas te cacher dans les bois ! Parce qu’on ne sait jamais ce qui peut arriver à Sognolles ! » Elle m’a expliqué en gros ce qui s’était passé. Alors, je me suis levé. Je suis parti. Elle m’avait dit : « Si ce soir, tu n’entends rien ! Tu reviens à la tombée de la nuit ! » Je suis donc aller passé quelques heures dans les bois entre Sognolles et Savins.

Le lendemain, dans le village, cela s’est plutôt mal passé pour Monsieur Petit parce que tout le monde était contre lui. Il avait pris de gros risques. Notamment la municipalité, monsieur Mignot était le maire de Sognolles et Petit s’est fait ‘‘ramoné’’ comme on dit. Ce n’était pas une chose à faire dans un petit village comme ça. Surtout pour un soldat… Beaucoup étaient contre cet acte.

Monsieur Petit a également utilisé sa fourgonnette pour aller ravitailler les résistants. Il y en avait justement dans les bois à Meigneux. Je sais qu’une fois, il m’avait fait faire des biscuits, des gâteaux secs et je les avais transportés dans un café de Meigneux. Il m’avait dit : « Tu vas à tel endroit ! Tu poses ça et tu reviens ! Tu ne dis rien ! » Donc, je prenais la voiture. Je commençais à conduire. Sans permis ! Je n’avais pas de permis. Rien du tout ! J’étais content de partir mais bon… Je me rappelle avoir livré ces biscuits dans ce café là.

Monsieur Margotini était un résistant ! Il a fait de la résistance ! On ne l’entendait pas mais… C’était une autre génération, comme s’il avait été mon père. Monsieur Margotini avait la trentaine ou peut-être un petit peu plus. Il avait des enfants. C’était Doudou et Ribella.

Parmi les résistants de Sognolles, il y eut Clotaire Viennot qui travaillait dans la glaise. Il y eut aussi Monsieur Deschanciaux qui travaillait aux Ponts et Chaussées. Je les voyais venir, c’est vrai. J’en ai vu venir beaucoup à la boulangerie ! Et puis d’autres…

Les Allemands de Lizines

Il restait quelques Allemands à Lizines. On savait qu’ils étaient là. Ils étaient à l’Observatoire pour observer la nuit. L’un, Autrichien, était assez drôle. Il venait de temps en temps à Sognolles et il repartait bien difficilement à Lizines… D’ailleurs, la résistance l’avait mis au programme cet Autrichien parce que comme c’était la guerre, c’était la guerre ! Et ils n’ont pas pu le faire. Ils se sont amusés un peu avec lui. Il avait été enrôlé dans l’armée allemande mais il était autrichien… Sinon, il était programmé. La Résistance voulait le descendre ! Tout ça, je l’entendais au fournil ! Et puis finalement, ils ont dit : « Non ! On ne le fait pas ! »

Les quatre ou cinq Allemands de Lizines étaient des anciens. Ils étaient déjà assez âgés. Il avait une garde à monter là-haut à tour de rôle et c’était tout !

Les troupes SS qui étaient dans la ferme près de Sognolles ne sont pas restées longtemps parce qu’ils étaient en train de reculer à ce moment là, en 44.

Le Débarquement et le surcroît d’activité de la Résistance

J’ai appris le Débarquement dans la boulangerie, à Sognolles, un dimanche. Tout le monde était content. On se croyait déjà libérés ou presque ! On a suivi ça de très près parce que ça n’allait pas très vite au départ… Ils ont mis du temps à passer Caen, la ville de Caen. Cela a duré presque un mois !

Monsieur Petit voyait beaucoup de monde. Même une fois, il m’avait emmené quelques jours avant la Libération. C’était au mois de juillet parce qu’on a été libéré vers le 22 ou 23 août. Il m’annonce : « Tiens ! Je t’emmène ! » Je suis parti avec lui. Il m’a emmené à Nangis. Il avait un colis avec des brassards FFI. Alors, il me dit : « Quand on va arriver à Nangis, tu ne restes pas avec moi ! » On a garé la voiture dans le cimetière de Nangis. Lui, il a pris un trottoir et moi j’ai pris l’autre. Il m’avait conseillé : « Tu ne me connais pas ! Tu ne connais pas la voiture ! Tu te promènes dans Nangis ! » Je ne sais pas pourquoi il avait voulu m’emmener. On avait pris des risques quand même ! On se serait fait arrêtés en cours de route, je ne sais pas ce qu’il serait advenu mais avec les brassards FFI dans la voiture…

La mort du Lieutenant Max

Il avait transporté également le lieutenant Max, un jeune lieutenant qui s’est enrôlé dans la Résistance. Il n’était pas de la région. Il avait été placé là pour faire un travail. Un jour justement, il demande à Petit de l’emmener à Meaux parce qu’il avait des messages à transporter. Ils sont partis à Meaux et arrivés dans la forêt de Morcerf, ils sont arrêtés par la Gestapo.

Ils ont fouillé la voiture. Mon patron était en règle. Il avait son laissez-passer mais Max, comme tout résistant, avait emmener son revolver. Il l’avait caché ans la voiture et ils l’ont découvert. Ils étaient trois à faire cette mission là. Ils les ont emmenés tout de suite dans le bois. Ils les ont mis au pied des arbres. Je ne sais pas trop s’ils ne les ont pas attachés. Ils les ont questionnés les uns après les autres. Le premier questionné, c’était celui qui avait le revolver. Il a dit : « Non ! Le revolver est à moi ! ». Et quelques instants après, ils ont entendu la rafale. C’est là que le Lieutenant Max s’est fait tuer… Dans la forêt de Morcerf, quelques jours avant la Libération. Ils ont laissés repartir Petit et l’autre personne. Petit qui nous racontait ça.

Le braquage de la boulangerie

Il y eut un braquage à la boulangerie où je travaillais, quelques semaines avant la Libération. Un gars est rentré dans la boutique avec un pistolet. Il nous a mis en joue. Même ma patronne était là. Je mettais le pain sur les fourneaux et il voulait les tickets de pain. La patronne lui a donné les tickets de pain et puis le gars est parti. Il a fallu qu’ils portent plainte. Ca m’a amené à aller à la kommandantur de Provins pour pouvoir témoigner de ce que j’avais vu. Je n’étais pas très enchanté d’aller faire un tour dans la kommandantur quelques jours avant la Libération. Alors, je n’ai pas pu dire grand-chose. Mon patron m’avait dit : « Surtout ! Tu réponds juste aux questions ! N’en dis pas trop ! » J’ai donc suivi ses consignes. Je me souviens du pistolet. Je l’ai toujours devant les yeux ! Evidemment, on a un petit peu paniqué puis je suis rentré. Tout s’est finalement bien passé.

Ce braqueur nous a dit qu’il renseignait les résistants parce qu’il se disait résistant, qu’il faisait partie de la Résistance. Mais il ne faisait pas du tout partie de la Résistance. Il s’est présenté comme résistant parce que c’était la guerre. Après les recoupements, d’après le signalement du gars qui s’était présenté, ils en avaient conclu que c’était un gars qui voulait faire du marché noir avec des tickets de pain, tout simplement.

A la Kommandantur, devant les officiers qui vous questionnent, on ne tremble pas mais enfin… On a peur de dire des fois un mot de trop ! C’est surtout ça ! Dans ma position, si j’avais été pris, j’étais témoin de pas mal de choses quand même ! Avec cette résistance… Mais je gardais tout pour moi. Je ne disais rien.

Je connaissais mal le réseau de Savins

J’habitais chez Petit. Je ne revenais pas à Savins. Je restais tout le temps là-bas. J’étais logé et nourri donc, je ne connaissais pas le réseau de résistance de Savins. Je n’étais pas souvent à Savins. Je faisais les tournées ! Je passais, trois fois par semaine à Savins avec un cheval et une voiture. Je connaissais Robert Rigon mais pas en temps que résistant. Raymond Casagrande en a fait partie aussi. Je le savais. Il a fait partie de la résistance mais il est décédé lui. Roger (Totor) en faisait partie.

Je n’étais pas au courant pour les otages pris à Donnemarie par la division Das Reich. Je ne savais pas que les gendarmes de Donnemarie avaient été pris par les Allemands pour acte de résistance. Parmi les personnes qui venaient à la boulangerie, je voyais également souvent les gendarmes. Ils passaient à la boulangerie pour discuter entre eux.

Souvenirs du bal de Savins

C’était en 1943. On y était avec toute la famille ! C’était un jour en semaine à la St Joseph, le 19 mars.

J’ai commencé à danser dans des petits bals clandestins dans les greniers ! Même à Sognolles ! On dansait dans les greniers. Mais celui de Savins s’est effondré parce que l’on dansait sur des bardeaux, avec des poutrelles en fer. Jean Chauveau l’accordéoniste et tout le pays était là. Par le bouche-à-oreille, les personnes, les jeunes qui commençaient à danser, tout le monde s’était réuni là. On était pas mal de monde ! On s’est mis à danser et puis la polka des dames est arrivée. C’étaient les dames qui invitaient les garçons. Le titre, c’était Takaraboum Die. C’était une danse assez physique. Alors, tout le monde s’est mis à sauter.

J’étais jeune. Je débutais et aucune jeune fille n’est venue me chercher pour danser. Je me suis alors mis sur le côté. Forcément, j’ai dégagé la piste ! Takaraboum Die s’est déclenché et d’un seul coup, qu’est ce que j’ai vu ? Il y avait deux travées. Une travée est restée et l’autre est descendue. Les poutrelles se sont affaissées. J’ai eu le réflexe de prendre les chevrons, moi. J’étais pendu aux chevrons ! Et pour atteindre la partie restante, celle qui avait résisté, je suis allé de chevron en chevron pour rejoindre l’autre côté. Après, j’ai glissé sur les poutrelles.

Il y avait mon père et ma mère. Mon père a été blessé. La blessure a duré plus d’un mois. Il y eut des jambes de cassées comme pour Madame Jacquelin. Raoul Millard avait amené un buffet, qui avait fait de la limonade. Alors, toutes les caisses… Pat à Trac par terre ! Louis Lainville faisait le barman.

Cela aurait pu être catastrophique ce plancher qui s’écroule ! Nous avions nos pardessus en arrivant. A la St Joseph, il fait encore froid ! On les avait mis sur la poutre. On avait mis tous nos manteaux sur le dessus. Comme le mur en briques s’est écarté, les chevrons se sont affaissés et ça s’est coincé avec les manteaux qui sont restés là plusieurs jours, parce que l’on a jamais pu les récupérer. Ils étaient coincés entre la poutre et l’arbalétrier. Sinon, on prenait la toiture sur la tête. Sans ces pardessus, on prenait la toiture sur la tête…En dessous, il y avait les bicyclettes. Il y avait les vélos. Alors, les vélos étaient endommagés. Les selles étaient complètement debout le bec en l’air. Cela aurait pu être beaucoup plus grave.

Tout le monde se sauvait parce qu’il y avait le couvre-feu ! C’était en pleine nuit ! Si une patrouille était passée par là cette nuit là…

On a hébergé des blessés chez nous. Il y avait des pansements. Certains saignaient. Mon père était bien blessé lui ! Il a eu mal au tibia très longtemps !

D’autres bals clandestins

C’étaient mes premiers bals ! Forcément, pendant la guerre, c’est là que… Il y a eu des bals à Sognolles aussi. Une fois dans un grenier. On se disait par le bouche-à-oreille : « Tiens ! Il y a un bal là ! » On allait parfois danser à Donnemarie, à l’hôtel St Pierre. Après le cinéma, on avait une demi-heure, une heure, avant le couvre-feu. Alors, on allait faire quelques danses. On restait parfois un peu plus et on aurait pu…

Il n’y avait pas beaucoup d’Allemands dans le pays mais des patrouilles passaient de temps en temps la nuit, à bicyclette. On n’avait pas tellement d’Allemands autour de nous ! De temps en temps, il passait quelques voitures comme ça…

La Libération

A (Cessoy), dans la salle de devant du café, toute la jeunesse était là. On a explosé de joie ce jour là mais bon… C’est vrai que l’on voyait l’avenir après ! Maintenant, nous étions sauvés. La guerre était finie. Ma génération a quand même été un peu préservée par rapport à ceux qui étaient nés quatre ou cinq ans plus tôt, qui ont été prisonniers ou requis au STO. Tandis que là, pour nous c’était juste…

La concurrence des soldats libérateurs

Il y a eu de la concurrence dans les bals parce qu’en ce qui me concerne, je fréquentais une jeune fille à Sognolles, à l’époque. Et puis la division Leclerc est arrivée… C’est sans importance ! Il y avait un cantonnement de la 2ème DB à Sognolles. Ils sont arrivés en 45. Ils sont restés plusieurs mois, au mois de septembre. La guerre était finie. Les troupes revenaient et il y avait peut-être cent cinquante soldats à Sognolles. Alors, quand on allait au bal, c’est sûr que…

L’après guerre

Je suis parti au service militaire et je suis resté dans la région. J’ai travaillé un peu avec mon père. J’ai ensuite travaillé chez un marchand de vin en gros à Sognolles, pour la maison Bléry. J’ai travaillé presque cinq ans chez lui. Ensuite, je suis rentré dans l’entreprise de mon beau-père.

Message aux jeunes

Qu’ils se souviennent de tout ce que l’on a vécu. Qu’ils se souviennent et puis qu’ils pensent de temps en temps que la vie n’a pas toujours été facile. Dans la vie, il faut lutter pour vivre…

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