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DONNEMARIE - témoignage d’un non résigné

André Guillet né le 9 septembre 1921 à Donnemarie en Montois

mercredi 21 novembre 2007, par Frederic Praud

André Guillet né le 9 septembre 1921 au 13 rue de la Porte de Provins à Donnemarie en Montois (Seine et Marne) dans une famille modeste qui comptait 4 enfants dont je suis l’aîné.

Mon Père, Robert Guillet est né le 26 novembre 1895 à Montigny Lencoup(Seine et Marne) ; revenu de la Grande Guerre en janvier 1919 des Balkans,gazé (ce qui fut un handicap toute sa vie), il reprit son métier de charpentier chez son Père Maxime Guillet qui avait une petite entreprise rue se Sigy(là où il y a maintenant les Etablissements Nalet) leur maison d’habitation est restée longtemps en place, il y avait à côté un grand sapin : c’était notre terrain de jeux privilégié quand nous étions enfants avec ma cousine Fernande devenue Madame Saupiqué ; nos grands-parents nous gardaient souvent quand nos parents travaillaient. Fernand, le frère de papa (père de Fernande) lui aussi de retour des Balkans a retrouvé également son travail chez son Père. C’est lui qui a ensuite repris la Société. Il a d’ailleurs été longtemps Maire de Dontilly. Mon Père devint ensuite facteur de PTT à la Poste de Donnemarie-en-Montois étant bénéficiaire d’un emploi réservé car titulaire d’une pension de guerre. IL est décédé le 4 juin 1948 des suites d’un cancer à l’âge de 53 ans.
Ma Mère Emilienne Castel née le 22 novembre 1900 ‘’La Belle Epoque’’ à Armentières (Nord), évacuée du Nord en 1917 était réfugiée à Donnemarie avec sa Mère Flore Graveline, son Grand-Père Adolphe Graveline et une cousine Marcelline Graveline( mariée ensuite à Guy Brochard). Ils fuyaient le Nord, cette région étant le lieu de terribles combats qui s’y déroulaient. Ma Grand-Mère Flore s’est remariée avec un Monsieur Blanchard qui était veuf et est venue habiter au 4 rue Salgues à Donnemarie-en-Montois .( Ma Mère est décédée en novembre 1954).
Maman a trouvé un emploi de serveuse à l’Hôtel-Restaurant ‘’Complaisance’’situé au n° 1 de la Grande Rue, aujourd’hui rue Raimond Béllagué. Cet Etablissement est maintenant devenu l’Agence Caix (il y eut longtemps à côté de cet immeuble le garage Caix). Beaucoup des Anciens de Donnemarie se souviennent certainement de Pierrot Caix qui avait repris le garage de son Père.
C’est à l’Hôtel-Restaurant Complaisance que mes Parents firent connaissance. Ils se sont mariés à Donnemarie le 26 avril 1920 et ont eu quatre enfants dont je suis l’aîné, mon frère Roger est né le 23 juillet 1928 et est décédé le 11 février 2002, ma première sœur Suzanne est née le 29 mai 1932 et est décédée le 28 octobre 1991, ma plus jeune sœur est née le 3 octobre 1939 et demeure maintenant à Provins. En 1954 après le décès de ma Mère, je suis donc devenu son Tuteur.

Quand mon Père n’a plus été en mesure de travailler à cause de sa maladie, avec ma Mère et ma Grand-mère ‘’Mémère Flore ‘’, ils sont allés à Paris dans le 17ème arrondissement rue des Dames, tenir une loge de (gardiens d’immeuble) ; ma Mère et ma Grand-mère faisaient des ménages en même temps ; ma sœur Suzanne travaillait comme serveuse dans un magasin et Denise la plus jeune est allée à l’école à Paris et à continué ses études. Au décès de mon Père, ma Mère a obtenu un emploi de standardiste à la Poste de la Gare Saint Lazare : je me souviens encore de la voir avec plusieurs téléphones en même temps enfoncer ses fiches comme c’était l’usage à l’époque.

Quand mon Père est décédé, elle est restée à Paris où elle avait un emploi. Plus tard elle s’est remariée avec un Monsieur veuf Emile Marquant qui tenait une cordonnerie au 17 passage Geoffroy Didelot (donnant sur la rue des Dames) dans le 17ème arrondissement (on l’appelait gentiment ‘’Le Père la Semelle’’) il avait un appartement au-dessus ; ma sœur Denise est restée évidemment avec eux à Paris et Suzanne mon autre sœur s’est mariée et a longtemps habité un petit logement attenant à la cordonnerie. Elle a eu une fille Françoise. Au moment du divorce de Suzanne ma Mère devait garder sa petite fille mais elle décédée d’une phlébite mal soignée après une opération des organes (ma sœur Denise était à ses côtés à ce moment et a été pendant plusieurs années traumatisée). Ma Grand-mère Flore qui habitait alors Donnemarie a eu un courage exceptionnel à la mort de sa fille. Ma nièce Françoise est venue habiter à la maison, elle avait 2 ans et elle a été élevée par ma femme avec nos quatre enfants. Ses deux parents venaient la voir à tour de rôle une fois tous les 15 jours.

Je suis allé à la garderie à l’âge de 4 ans, c’était Madame veuve Thourier qui nous surveillait et nous faisait la soupe ! A 5 ans je suis entré à l’école maternelle, mon institutrice était Madame Gresles : elle était l’épouse d’un Gendarme de la Brigade de Donnemarie. A 6 ans je fus atteint d’une mastoïdite à l’oreille droite avec complications et hospitalisé à l’hôpital de Provins où mon état a été jugé très grave par le chirurgien Monsieur Bonnecaze de Sens qui après quelques jours d’hospitalisation et me voyant perdu m’a fait retourné chez moi et là j’ai été opéré par le Professeur Duval un dimanche matin dans le cabinet du Docteur Deberdt, notre médecin traitant qui était son ami et qui lui a dit ‘’ je risquerait l’opération si c’était mon fils’’. Mes Parents ont acceptés et j’ai eu de la chance de m’en sortir. Je ne m’alimentais pas et un matin, j’ai demandé à ma Grand-mère mon café au lait : Ma Grand-Mère n’osait pas me le servir mais le médecin interrogé a répondu ‘’ s’il le demande donnez le lui, c’est qu’il est guéri !

A 7 ans je suis entré à l’école des garçons de Donnemarie (maintenant disparue mais alors située là où il y a le square du Dr Deberdt). Mon instituteur, Monsieur Gaston Burin était un maître d’école comme il en existe peu aujourd’hui ; c’est lui qui m’a conduit au certificat d’étude. Il m’a d’ailleurs marié par la suite….

Récit d’André Guillet.

Ma vocation première était la cuisine et la pâtisserie, mais je n’ai pas pu entrer en apprentissage, car nous étions quatre enfants et il fallait que je travaille.

Le 1er septembre 1935 j’entrai comme apprenti menuisier chez Edmond Jandrin pendant 3 ans(1938) puis comme ouvrier chez Mr Maillasson à Bray sur Seine, ensuite chez Mr Chaussard à Dontilly en 1939. Rendant les honneurs(comme c’était l’usage à cette époque là) à sa nièce Gisèle Franche lors de son mariage,je fis connaissance d’une demoiselle Elisabeth Bodier et nous nous sommes fréquentés, elle était née à Voisey.(Haute Marne)

J’ai été un grand sportif et capitaine de l’équipe de football du CA Montois pendant plusieurs années.

Le 6 janvier 1940 j’entrai aux Etablissements Degond à Longueville comme menuisier d’entretien. En accord avec Elisabeth et malgré la guerre nous avons décidé de nous marier, ce qui fut fait le 8 juin 1940, nous avions 18 ans1/2 tous les deux et ce fut avec joie que mon instituteur Mr Burin procéda à celui-ci, le lendemain nous apprenions la mort de Jean Bodier le frère aîné de mon épouse et seulement marié depuis février 1940 avec Odile Gendarme institutrice à Donnemarie( qui a appris à lire à nos 2 filles) et que ses deux autres frères jumeaux étaient faits prisonniers ,(l’ un est mort en captivité l’autre est devenu gendarme où il a fait sa carrière). Devant l’invasion de la France par l’armée Allemande, le 13 juin 1940 nous partions en voyage de noces en vélo (l’exode sur les routes sous les mitraillages et les bombardements).

Rentrés le 25 juin à Donnemarie occupé par les Allemands, sains et saufs nous y retrouvions mon père fonctionnaire qui n’avait pu quitté Donnemarie. Suite à l’appel du Général De Gaulle du 18 juin, à la fin de ce même mois je dérobai dans un de leurs véhicules un fusil (moser) et le cachait à la maison, ils n’étaient pas encore méfiants.

Au mois de novembre 1940 l’usine Degond reprenant son activité sous contrôle Allemand je retrouvais mon poste à la menuiserie.

En mai 1941 ce fut la naissance de ma fille Simone.
En février 1942 je fus désigné avec une vingtaine d’ouvriers par notre directeur pour aller travailler en Allemagne au titre de la relève, mais un de nos patrons Mr Granier vint nous récupérer à la gare de l’Est après beaucoup de discussions ce fut le retour à Longueville. Cependant début juin une loi du gouvernement de Vichy indiquait que les jeunes des classes 41.42.43, devaient partir en Allemagne au titre STO. Devant les menaces de représailles sur les familles je ne pouvais m’y soustraire ayant un frère plus jeune et un petit garçon Juif de 9ans à la maison (Mes parents ont reçu la Médaille des justes à titre posthume en 2005).

Néanmoins voulant assister à la communion de ma sœur Suzanne je décidai de rester malgré la visite des Gendarmes qui voulaient que je parte, me déclarant déserteur.

Je suis parti fin juin, en principe pour 6 mois, étant marié avec un enfant, mon épouse enceinte, attendant le deuxième. Après un voyage mouvementé, j’arrivai à Magdebourg, puis à Dessau et enfin à Fritzlar Bez-kassel dans une petite entreprise de menuiserie 50 allemands, 50 étrangers sous-traitant de l’usine d’aviation Junkers.

Devant le peu d’empressement dans notre travail, nous avons été condamnés avec 3 camarades à 8 jours de prison pour sabotage (1er avertissement).
J’apprenais par ailleurs la naissance de ma fille Danielle. Tous mes camarades de camp, dont la femme attendait un bébé l’appelèrent Daniel ou Danielle en souvenir de Danielle Casanova décédée en déportation.
C’est au bout de 9 mois que j’obtins une permission fin février 1944, mais en arrivant avec 3 camarades à la gare de Wabern nous apprîmes que celle-ci étant supprimée nous devions retourner à Fritzlar. Au bureau un employé certainement anti-nazi, nous fit une attestation spéciale, mais les bombardements étant fréquents, nous n’avons pas été contrôlés et j’arrivai à Donnemarie le 2 Mars 1944 et j’entrai aussitôt dans la résistance groupe du sergent chef Poncelet Gaston sous les ordres du capitaine Paul du réseau Guérin Buckmaster. J’ai participé à 2 parachutages au comité d’accueil de Marie-Madeleine Fourcade à Bourbitou venant d’Angleterre, sabotages, renseignements jusqu’au 27 Août 1944 date de la libération de Donnemarie après avoir été enfermés dans les écoles par les S.S. Les femmes venaient nous apporter à manger. Enfermés ensuite dans les écoles, sans l’arrivée des Américains il y aurait eu un 2 ème Oradour sur Glane.

Le 4 Mai 1944 j’ai été le témoin de la chute d’un appareil Anglais sur les pentes du Montpensier qui revenait de bombarder le camp de Mailly. J’ai récupéré dans les débris de l’appareil, un étui à cigarettes en métal ainsi que le boîtier d’une montre bracelet au nom de Baskeville, un des membre de l’équipage.En 1945 j’ai remis ces objets à des membres de la famille en Mairie de Donnemarie. On est venu me chercher à mon travail chez Degond à Longueville. J’ai entretenu leurs tombes dans le cimetière de Donnemarie avant d’être transférées au cimetière de Dontilly début juillet, celui-ci étant plus facile a surveillé car les Allemands occupaient Forbois(le château) et la propriété du Chêne.

Puis le 27 Novembre1944 dans la nuit, j’ai récupéré dans notre cour un membre de l’équipage d’un appareil Anglais qui avait des problèmes, de retour d’un bombardement sur l’Allemagne, il s’appelait John Keen un Néo-Zélandais ainsi que Simmons tombé boulevard de l’Auxence. Ils faisaient partie des 8 membres de l’équipage du Halifax qui s’écrasa dans un bois à Chalautre la Petite et avaient sauté en parachute au dessus de Donnemarie.
Après bien des recherches par courrier j’ai retrouvé un Néo-Zélandais qui est toujours vivant, je correspond avec lui ainsi qu’avec 2 Femmes Anglaises dont le mari est décédé et qui viennent me rendre visite.

Nous avons repris le travail au mois de novembre 44 chez Degond. Je faisais parti en mai 1945 au stand Degond à la gare de Longueville d’un comité pour accueillir et ravitailler les prisonniers de guerre. Les déportés survivants, les S.T.O. de retour d’Allemagne.

La vie étant redevenue normale j’ai adhéré au syndicat C.G.T. de l’usine Degond fin 1944, je suis devenu trésorier de celui-ci, puis délégué du personnel, président de la commission sociale du comité d’entreprise qui s’occupait des excursions, arbre de Noël, colonies de vacances pour les enfants des 600 membres du personnel ainsi que du ravitaillement en charbon et légumes pour celui-ci, puis de la cantine et de la coopérative.

J’ai été nommé administrateur de la caisse d’allocations familiales de Seine et Marne de 1955 à 1965 ce qui m’a permis de rendre beaucoup de services aux allocataires de la région. Egalement administrateur à la création de l’institution centrale professionnelle des retraites des salariés de 1959 à 1969, membre du bureau de l’Entente de football Longueville/ Saint Loup/ Sainte Colombes, joueur vétéran, puis entraîneur des équipes de jeunes du club pendant 8 ans et enfin arbitre. J’ai pris ma retraite en 1981 à l’âge de 60 ans et j’ai continué malgré de très graves ennuis de santé, mes activités en tant que Président de l’association Nationale des Anciens Combattants de la Résistance Provins/Donnemarie et membre du bureau départemental de celle-ci, Secrétaire adjoint de l’association des anciens membres du personnel des Ets Degond. Secrétaire trésorier de l’Amicale des Anciens Elèves de l’école de Mr Gaston Burin depuis 1983. J’ai toujours répondu présent à tous ceux qui ont frappé à ma porte et cela sans distinction d’opinion.
Secrétaire de l’association des Vieux travailleurs salariés après Mr Léonce Courtrai professeur de piano à Donnemarie et cela pendant plusieurs années après la guerre 39/45. Le siège social de cette association était situé avenue Mathurin Moreau à Paris.

Décorations Militaires

Médaille du mérite combattant remise le 27 mai 1986 au Sénat par le Général Gauchard en présence de Mr Alain Poher Président du Sénat.

Médaille de la Croix de Malte grade officier remise le 4 mai 1991 par le Commandant John Rodgers au nom du Gouvernement Américain pour services rendus à la cause alliée.
Médaille commémorative du réseau de résistance Guérin Buckmaster.

Médaille et diplôme des Justes parmi les Nations remise le 19 juin 2005 par Mme Dina Sorech ministre déléguée à l’information à l’Ambassade d’ Israël en présence de Mr le Maire de Donnemarie Dontilly, de Mr Christian Jacob ministre.

Décorations civiles

Médailles d’Argent et d’Or du travail pour 43 années de présence aux ETS Degond à Longueville.
Médaille d’Or de la Ligue Parisienne de football pour services rendus au sport.

Insigne et diplôme de porte drapeau du réseau Guérin Buckmaster.

Messages

  • Bonjour je viens de lire votre texte et je suis a la recherches d’évènements sur Mr Laurent pierre fils de Aimé et de madeleine qui ont eu 6 enfts en tout Pierre est l’ainé du 3 desc après Simone ,Janine ,Michel, Philippe , et jean Pierre je crois qu’il est légèrement plus jeune que vous ... merci de votre aide car je suis a la recherche de mon histoire bien a vous Ni niartistepeintre@yahoo.fr

    • Bonjour Monsieur,
      Je tombe par hasard sur votre message en pianotant sur Internet. Je suis le fils de monsieur André Guillet qui est décédé voilà 6 mois à présent. Je ne sais pas si vous avez eu des réponses à votre message mais je connais Philippe run peu moins qui je crois a un atelier de peinture à Misy-sur-Yonne...
      Je vous laisse mon adresse mail au cas ou !
      robert.guillet6@orange.fr
      Cordialement.
      Robert Guillet

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