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CESSOY - pas de pression particulière sous l’occupation

Monsieur RAY Maurice né le 13 août 1927 dans le petit Cessoy.

mercredi 21 novembre 2007, par Frederic Praud

Le petit Cessoy

Quelques habitations se trouvaient de l’autre côté de la départementale, en face du village. On appelait cet endroit le petit Cessoy. C’était le même pays. Il n’y avait pas de réelle différence, il s’agissait juste d’une dénomination topographique.

Mes parents y étaient cultivateurs. Ils cultivaient la même chose que les autres dans le pays : du blé, de l’avoine, de la luzerne, des betteraves pour nourrir les bêtes. Leur ferme faisait vingt-neuf hectares. C’était considéré comme une petite ferme avec dix vaches. Les grosses fermes s’étendaient sur cinquante hectares voire cent pour les très grosses.

Maison

La maison était constituée de la cuisine, de deux chambres et une autre pièce où la grand-mère couchait. Le puits se trouvait à trois cents mètres. Quand on allait chercher l’eau avec une cuvette, on faisait bien attention à ne pas la reverser. A cette époque-là, on l’économisait. Le puis faisait dix mètres de profondeur. On allait chercher de l’eau dès l’instant que l’on était capable de tourner la manivelle.

Nous étions trois enfants. Je suis un retardataire, un accident de parcours. J’ai deux grandes sœurs. J’ai quatorze ans de moins.

Quotidien

Il n’y avait pas de chauffage dans la chambre sauf quand l’un de nous était malade. On vivait dans la cuisine. J’ai toujours connu l’électricité. Elle est arrivée en 1927 mais, dans les bâtiments des bêtes, elle n’a été installée qu’au moment de la guerre. On utilisait alors une lampe à pétrole.

Cinéma

En général, on y allait toutes les semaines. On allait au cinéma en sortant de la terre mais on était quand même propres. Le bar était à côté. J’avais juste assez de sous pour payer mon entrée de cinéma. On avait une petite pièce le dimanche quand on avait travaillé et c’est tout !

Fête

On mettait des bouquets de fleurs dans le haut des cheminées. On grimpait sur les toits avec une échelle pour y poser les fleurs. En redescendant, si on trouvait du matériel agricole, on le roulait un peu pour faire du bruit.

Toutes les filles avaient un bouquet même Célina… C’était une vieille fille et avec elle, on recevait presque un coup de trique. Elle n’était pas d’accord. Elle avait son balai quand elle venait décrocher le bouquet ! Le dimanche suivant, on allait décrocher les bouquets pour les offrir aux filles. On allait d’une maison à l’autre. Dans l’une, on nous offrait un gâteau avec un coup de cidre ; dans l’autre, un verre de vin avec une tarte, un café et un pousse-café, etc. On s’emmêlait parfois un peu quand on avait fini de faire le tour !

Je faisais partie des mal côtés ! Je n’étais pas très sérieux.

Ecole

Il y avait deux rangées d’arbre dans le jardin de la maîtresse. Puni, on se tenait là avec le bonnet d’âne et l’on regardait les gens qui passaient dans la rue. Ce n’est pas pour autant que l’on retenait la leçon.

J’étais installé complètement au fond de la classe, derrière de la fenêtre. Je n’étais pas mauvais en calcul mais j’étais zéro en orthographe. J’avais droit au bonnet d’âne pour cela.

On rentrait du bois et du petit-bois, la veille, pour chauffer la classe. On le coupait également. Un matin, je me suis pris le petit-bois dans le nez parce que je l’avais coupé trop gros et qu’il ne pouvait pas brûler.

Les instituteurs ne nous parlaient pas des Allemands. On avait assez à faire pour apprendre le français.

Je n’étais pas vieux quand j’ai commencé à travailler à la ferme : le matériel était plus lourd que moi !

1938

On ne s’occupait pas de politique. Nous étions jeunes et insouciants.
Les hommes avaient peut-être moins peur des Allemands que les femmes parce qu’ils les connaissaient mieux.

1939

Au moment de la déclaration de guerre, tout le monde pensait qu’il n’y en avait pas pour longtemps, que la guerre serait vite terminée. On pensait que ce serait une affaire de huit jours.

Réfugiés

Nous avons accueilli des réfugiés au petit Cessoy. Nous avons logé trois familles qui venaient du Nord, de l’Aisne. Ils avaient des voitures à cheval dans lesquelles se trouvaient deux ou trois ménages. Nous sommes ensuite partis en exode et eux sont repartis mais dans l’autre sens.

Exode

Nous sommes partis à trois, en famille, de Cessoy jusqu’à Mons. Là, nous avons changé de route pour prendre vers Thénisy. Nous avons commencé à manger à Sigy, nous avions fait…cinq kilomètres. Nous sommes repartis et nous avons couché à Chatenay. Nous allions vers Montereau. Il y avait un peu de voitures. Il y avait mon père, le père Déchu, et le père Goyot qui avait été fait prisonnier à la guerre de 14. Ils ont dit qu’il ne fallait pas aller trop loin ni trop vite.

Le lendemain, nous sommes repartis vers l’Yonne où nous avons été mitraillés. Nous sommes allés jusqu’à Tourlon. Nous y sommes restés la semaine. Les ponts n’avaient pas sauté là où nous sommes passés.

Quand les trois anciens ont vu un side-car allemand passer. Le père Déchu a dit : « V’là, les pointus ! Allez dans la cour ! » Nous sommes rentrés dans la première cour ouverte et nous y sommes restés une semaine.
Au bout d’une semaine, les trois pères ont pris les vélos pour aller faire un petit tour jusqu’à Chatenay. Ils y ont trouvé un pont de bateau. Le lendemain, nous avons pris la route. Une fois arrivés, nous avons fait passer une voiture à cheval à la fois. Nous sommes rentrés ainsi.

C’étaient comme des vacances pour nous.

A notre retour, nous avons trouvé des gens installés chez nous. Mais ils sont repartis à leur tour. Mon père n’avait pas libéré toutes les bêtes. Les soldats avaient tué un taureau attaché à l’auge. Dans la cour, deux vaches avaient été tuées et partiellement découpées. Je ne sais pas s’il s’agissait d’Allemand ou de Français mais il fallait bien qu’ils mangent…Il manquait également beaucoup de choses dans la maison.

Les Allemands et occupation

Quelques jours après l’installation des Allemands à Cessoy, mon père a entendu du bruit dans la cour. Le chien était à l’intérieur et hurlait. Mon père s’est levé mais il a été accueilli par le canon et la baïonnette sur le ventre, à la porte. C’étaient des Allemands en train de faire leur tour de garde.

Nous sommes un jour allés au ravitaillement à Montereau avec mon père. Dans une côte, nous avons vu des Allemands en train d’arracher des pommes de terre dans un champ. Mon père m’a demandé de garder le cheval et il est allé prendre un Allemand par l’épaule pour l’amener à la kommandantur. Là, le responsable à dit en français à mon père qu’il avait très bien fait. Ces vols ne se sont pas reproduits. Le lendemain, il ne fallait pas que mon père traîne dans le pays… Ceux qui s’étaient fait prendre dans le champ de pomme de terre lui en voulaient.

La kommandantur se trouvait dans une grande propriété dans le village, au niveau du carrefour. C’était plus un poste allemand du village qu’une kommandantur à proprement parler.

Mon père a dû amener des chevaux à Provins pour les Allemands.

Je n’ai pas ressenti de pression particulière liée à l’occupation. On allait au cinéma à Sognolles, le jeudi. Nous allions au bal à Savins. C’étaient des bals clandestins Nous allions danser à l’entrée de Sognolles chez madame Gaucher.. On y rencontrait toujours des jeunes filles. Pendant la guerre, on ne trouvait pas de vin mais un peu de bière, quelques jus de fruit et de la limonade que l’on mélangeait à la menthe ou au citron. Il y avait aussi du Pernod mais il n’était pas donné !

Des armes étaient parachutées et atterrissaient dans le milieu de la plaine ainsi que des containers.

La libération

Je suis resté une heure en haut de la côte avec monsieur Mignot à observer les Américains avec des jumelles. Au bout d’un moment, ils sont partis. On les a retrouvés vers chez Delcourt. Les Américains n’ont fait que passer.

Les gars de la deuxième DB nous ont fait du tort auprès des filles, dans les bals. Beaucoup de jeunes filles de Donnemarie se sont mariées avec des soldats. Mais les élèves de l’école EDF de Durcy nous portaient encore plus préjudice… Parfois, les problèmes se réglaient de manière forte… Une jeune fille s’est mariée avec un gars de la deuxième DB. Deux filles se sont mariées avec des élèves EDF.

Message aux jeunes
Je ne leur souhaite pas de revoir les choses que nous avons connues.

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