Adolescence sous l’occupation

Mme Diqueloue née en 1927 en région parisienne

Texte : Frédéric Praud


Je suis née en 1927. Mon père était délégué syndical à la maison Hispano, boulevard Brune. Nous habitions un pavillon à Romainville.

Les syndicalistes étaient surveillés. Nous avions un jour remarqué une personne en train de travailler sur la route, pas très loi de chez nous. Nous nous demandions ce qu’elle faisait là pendant toute une journée….. ce fait avant que tous les syndicalistes se fassent ramasser…

En novembre 1939, tous les délégués syndicaux ont été mobilisés pour se retrouver dans la même caserne à Paris. Ils se connaissaient pour la plupart. Ils ont été envoyés dans divers régiments. Mon père s’est retrouvé à Forbach puis dans l’Aisne. Il s’est retrouvé en Belgique lors de la percée allemande. Ils ont fait demi-tour et les trois premiers camions ont été pris. Papa a rejoint paris par les petites routes pour descendre ensuite dans le Lot ou il a été démobilisé. J’avais un oncle à Nancy et un autre à Epinal. Les anciens étaient en avant…

Les débuts de l’occupation

Il n’a pas été fait prisonnier mais est resté six mois au chômage. Il a retrouvé une place dans une maison américaine comme fraiseur tourneur pratiquement jusqu’à la libération. Il était trop vieux pour partir comme travailleur forcé mais certains de son usine sont partis en Allemagne.

Mon grand père était content que Pétain arrive au pouvoir en tant que vainqueur de Verdun mais il a vite déchanté !

Mon père a fait de la résistance mais ne m’en a jamais parlé. Nous l’avons su après la libération. Tous les dimanches un monsieur qui promenait son petit chien, venait voir mon père et parlait de tracts… Ce monsieur des Lilas ne disait pas un mot et ne répondait jamais quand on le questionnait. Il a été arrêté puis relâché.

J’avais un dictionnaire ou j’avais enlevé la couverture. J’y avais trouvé une liste de noms… J’ai tout remis… et n’ai rien demandé à mon père.

J’allais à l’école à Pantin quand les gens ont commencé à porter leur étoile. Cela m’a fait drôle ! Nous en avions une dans la classe. Nous étions toutes surprises et les plaignions… mais nous ne l’avons jamais revue.

Une adolescence sous l’occupation

Je rencontrais les allemands dans le métro quand je suis allée à l’école à Paris. Je menais quand même une jeunesse normale. Vers 15 ans, j’étais assez insouciante. On ne voyait pas les choses de manière triste. Nous pouvions sortir en respectant le couvre feu. Je suivais simplement mes cours de……….
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Les moments les plus désagréables furent les manques alimentaires, les difficultés d’approvisionnement.

Il fallait éviter les rafles du métro ou les allemands faisaient descendre et embarquaient tout le monde. Mon père m’avait fait faire une carte d’identité ce qui était alors assez rare. Il pensait qu’on ne pourrait pas me rafler avec mon jeune âge, mais ils prenaient tout le monde. Nous nous en sommes rendus compte après !

Je travaillais dans le troisième arrondissement dans un salon de coiffure. Beaucoup de personnes portaient l’étoile jaune, beaucoup d’autres avaient de faux papier. Tout cela cohabitait ! Personne ne se dénonçait.
Je travaillais avec un collègue juif dont je ne connaissais que le prénom. Les quatre filles employées avaient la consigne de dire qu’il venait d’arriver et que le patron n’avait pas eu le temps de le déclarer !

Nous nous occupions d’un gars de la milice. Tout le monde était muet quand il rentrait au salon !

Nous arrivions certains matins dans le salon et découvrions des fauteuils tournés dans tous les sens. Mon patron était antillais et je me doutais qu’un de ses cousins était dans la résistance…. Nous étions complètement insouciante et commentions, "ils vont bien se bagarrer un de ces jours. Regardez- moi ça, les fauteuils sont tout en désordre !" nous remettions tout en ordre. Il ne nous venait pas à l’idée que nous travaillions dans un rendez-vous de la résistance. Le patron était lieutenant dans la résistance.

A la maison, lors de la libération

Mon père m’empêche d’aller travailler un matin, "tu restes là !
  mais tu te rends compte ?
  Tu restes là ! Il ne te dira rien."
C’était le jour de la libération de Paris et mon patron y participait !
Je suis donc restée à la maison ce jour-là… et les trois ou quatre jours après… Je lui ai obéi.

Nous habitions près du fort de Romainville ou plusieurs résistants ont été retrouvés morts et mutilés. Les allemands ont bombardé Pantin en partant, un aiguillage ferroviaire, et une maison près du canal de l’Ourc…. les bombes sont tombées à côté, près d’une papeterie, dans un soupirail une cave où des gens s’étaient réfugiés.

Un jeune de Pantin âgé de 17 ans a voulu lancer des cocktails molotovs sur un tank. Il l’a fait mais a été tué !

La libération n’a finalement pas apporté grand chose. Nous avons continué normalement notre vie de jeune fille…. Exception faite du ravitaillement.

Récit collecté par :

frederic.praud@wanadoo.fr

parolesdhommesetdefemmes@orange.fr

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