Sarcelles : Pascal Perez Guertault né en 1968
J’ai réussi après une orientation en troisième à faire des études supérieures.
La frontière, c’était la piscine
Je vois Sarcelles comme un creuset de l’humanité. C’est potentiellement quelque chose d’assez fantastique. Je suis super fier d’avoir des gamins qui vont avec des gens de tous les horizons ; ils pourront plus tard aller bouffer chez un Chaldéen, chez un Juif, chez un Africain. Ils font du basket eux deux, Tom et Léa. Ils sont petits. Au basket il y a beaucoup de blacks, je les vois en train de jouer comme des cinglés avec un ballon. Ma fille a neuf ans. Mon fils a sept ans. Je trouve ça super ! C’est ce que Sarcelles peut leur apporter.
Je m’appelle Pascal Perez, je suis né à la fin de l’année 1968, le jour de la sortie de la « grande vadrouille », le dimanche 8 décembre 1968, à la clinique Bellevue à Villiers le Bel. Mais mes parents habitaient Sarcelles. Mes grands parents paternels étaient sarcellois. Le grand–père dont je porte le nom, était un vétéran de la guerre d’Espagne. Il avait été capitaine dans l’armée républicaine espagnole. Il a été chassé par les Franquistes et est arrivé en France. Il a eu un parcours particulier pendant ces deux guerres. Il s’est marié en 1942 avec une Sarcelloise. Voilà comment Felipe Dionisio Perez Serrano, 1917-2004 (Brigade 68 Division 34 puis 42), atterrit à Sarcelles.
Jacques Yvon, FFI
Lorsque les vétérans de la guerre d’Espagne sont arrivés en France, ils se sont constitués en « compagnies de travailleurs étrangers » (CTE) dans l’armée française pour un certain nombre de tâches, notamment de fortification. Dans ce cadre là, dans l’organisation des compagnies, ils avaient besoin de traducteurs. Mon grand-père a été en charge d’une compagnie de 250 hommes, dont le traducteur était Jacques Yvon, originaire d’Ecouen. Ils ont sympathisé en se disant que s’il arrivait quoique ce soit au moment de l’invasion, ils se retrouveraient chez lui à Ecouen. Mon grand-père s’est trouvé prisonnier au moment de la débâcle ; il s’est évadé pendant les marches forcées vers l’Allemagne en se disant qu’au bout de deux, trois jours de marche sans bouffer, il était question quand même de voir du pays. C’est ce qu’il a fait. Il s’est sauvé en pleine nuit avec quelques gars. N’ayant aucun autre point de chute, il a retrouvé la famille de Jacques Yvon, avec qui pendant la guerre, il a travaillé pour les maraichers sur Ecouen. L’essentiel de leur activité était de fournir les halles de Paris en fruits et légumes du terroir.
Jacques Yvon était FFI, il est mort, au moment de la libération de Paris. Mon grand-père ne s’est jamais targué de quoique ce soit en termes de résistance. A vrai dire les Espagnols, réfugiés en France, avaient un statut un peu particulier, dans le sens où l’Espagne ayant quelques sympathies avec l’Allemagne, un certain nombre d’Espagnols n’ont pas été inquiétés pendant la guerre. Ceci a permis à bon nombre de fuir puis de s’engager dans les forces françaises libres. Tous mes oncles et mon père sont nés en France.
Ancêtres Sarcellois depuis le XVIIIe s.
Il s’est donc marié à Sarcelles avec une Sarcelloise de souche. J’ai retrouvé des ancêtres Sarcellois avec des noms comme Bethmont, Moreau, Griset, Besnard, Letrillard, Gilbert des noms remontant au Moyen-âge, de souche sarcelloise. Mon arrière grand-mère, Georgette Poher-Moreau, a été pendant longtemps une des plus anciennes Sarcelloises par ses deux parents, nés à Sarcelles. Un huitième de ma personne est sarcellois de souche. Ce n’est qu’un huitième, mais j’ai identifié quasiment tous mes ancêtres. Les plus anciens, c’est le début du XVIIIe, sont tous de Sarcelles. J’ai trouvé un Thomas François Gilbert, né le 8 décembre (comme moi) 1793 à Sarcelles, marié quatre fois en dix ans ! Record à battre.
La maison de mon enfance
A l’époque, on habitait la maison des Roses, un grand bâtiment dans le bas du boulevard du général De gaulle, du côté de la gare St Brice. C’est un grand bâtiment en bas duquel il y a toujours une boulangerie, il me semble et deux commerces. Mes grands-parents puis un de mes oncles y ont tenu une épicerie de fruits et légumes. Nous, on y avait un appartement quand on était tout gamin ; il datait peut-être même de la fin du dix-neuvième siècle. C’est peut-être bien le bâtiment le plus ancien de Sarcelles.
Mes premiers souvenirs, c’est cet appartement dans le quartier du Village, en fin de compte. C’est le quartier de la gare de Sarcelles-St Brice, on est à la frontière, côté gare. Ensuite mes parents ont déménagé en face. J’étais adolescent, on avait un pavillon du côté de St Brice. C’était la période d’apparition des grands magasins, donc les petits commerces ont eu des petits soucis. Mon père a lâché un peu ça, ma mère a tenu un dépôt de blanchisserie chez nous. Ça n’a pas beaucoup changé d’aspect physique.
Profession des parents
Mon père, Daniel, a commencé à travailler aux halles de Paris avec son père, ensuite il a ouvert un commerce du côté du St Rosaire, à côté des « armes de Sarcelles » le café. Ensuite il a fait de la comptabilité à droite, à gauche, et il est devenu le chauffeur de Raymond La Montagne, notre ancien maire. Il l’a accompagné jusqu’à la fin de son mandat à Sarcelles. J’avais quelques échos des vicissitudes politiques de la commune de ce fait là. A cette époque, c’était la guerre froide. J’ai été élevé avec la peur des Soviétiques. Il est amusant de voir que je me suis marié à une Nathalie, que j’ai connue au collège, et qui est la nièce d’Henri Canacos, autre personnage de l’époque. C’est donc un petit « Roméo et Juliette » à la sarcelloise. Ma mère, Angèle, tenait un dépôt de blanchisserie, elle a toujours bossé. J’ai deux jeunes frères.
Le Sarcelles d’avant
Le Sarcelles d’avant, j’en sais quelque chose à travers les albums photo et les ouvrages d’Etienne Quentin. C’est la vie de mes oncles et tantes sur Sarcelles. Mes grands–parents, Odette et Denis (Felipe), avaient un pavillon à côté, rue Pasteur. Sarcelles a énormément changé en deux générations.
J’ai vu monter les Chantepie, les Chardonnerettes, que j’ai connu gamin en friche. On traînait là-bas. Traîner, c’était à la sortie de l’école, faire un tour, à la pause de midi. Les grands espaces, c’était derrière Bullier, entre la nationale et les vergers de St Brice. C’était des champs de poiriers, avant les constructions.
Scolarité
On a été scolarisés à Pierre et Marie Curie, dans le quartier Théodore Bullier en primaire. J’ai été un camarade d’école de Stéphane Pounewatchy, footballeur international. C’est une des figures de ma génération, figure sarcelloise en tout cas ! Mon frangin a été en classe avec Stomy Bugsy (Gilles Duarte, artiste issu du Ministère Amer). Ce sont des gens qui ont usé leurs fonds de culottes à Curie. Ensuite on a été scolarisé au collège Voltaire. Depuis la maternelle, mon grand copain reste toujours Denis Archambaud, devenu ingénieur informatique. Des gens qui ont bien réussi dans la vie…
Souvenirs d’enfance
J’ai plutôt des souvenirs d’escapades. L’horizon, c’était les poiriers à St Brice, à douze ans, peut-être plus tôt que cela. C’était au primaire et mine de rien on avait une sacrée liberté, qu’on ne laisserait jamais à nos gamins aujourd’hui ! C’était le bois d’Ecouen, c’est-à-dire des virées au bois d’Ecouen. Aujourd’hui j’ai une fille et un garçon (Léa et Tom) et j’espère que je les laisserai faire ce que moi j’ai fait. Il y a aussi une déformation professionnelle qui fait que j’ai quelques appréhensions.
On avait une liberté, on l’héritait nous mêmes sans doute de la génération d’avant celle de mes parents ; les gamins avaient toute latitude de se déplacer spatialement dans le village etc.…Peut être une latitude que les gamins n’ont pas si jeunes dans d’autres quartiers, de bourlinguer, faire des expéditions en vélo jusqu’à Ecouen, jusqu’à l’autre bout de St Brice. En termes de trafic routier, il n’y en avait sans doute pas autant. On descendait tout droit aux Chardo, et au bout de la rue des Fauvettes c’était les champs. On pouvait enquiller jusqu’à Ecouen. Il y avait la plâtrière, la sablière. Il y avait une espèce de carrière à ciel ouvert et c’était des terrains de jeu extra.
Hormis le quartier lui-même, notre espace était fait de pavillons, de petits jardins, etc., on était deux, trois copains dans les environs, on se retrouvait chez les uns et chez les autres ; il n’y avait pas tellement d’espace urbain à occuper. Par contre des vadrouilles, notre horizon et nos terrains de jeu.
Fréquentations des cafés
Ce qui marquait un peu la vie du quartier, en 1975 c’est sans doute, les cafés. Ma famille les fréquentait pas mal, mes oncles, mon grand-père ; c’était des lieux que je connaissais.
Habitudes espagnoles
Nos habitudes espagnoles sont liées au machisme, à l’argent dans les poches, la casquette, le stylo dans l’oreille. Ce sont des choses que l’on ne voit plus trop. Mon grand-père, c’était le commerçant. Il parlait français avec un accent. Il s’était intégré s’étant marié avec une Française. C’était une conjonction favorable pour se fondre vraiment dans la population. Sa mère et sa sœur étaient venues vivre à Villiers le Bel, elles étaient restées entre Espagnols ; ils étaient locuteurs espagnols à la maison etc. Ce n’est pas quelque chose que j’ai vraiment connu.
L’exil de mon grand-père
De son côté mon grand-père sans doute dû faire le deuil de sa patrie. Il était originaire de Madrid. Il s’était tapé quelques années de guerre, de 1933 à 39. Au moment où ça a pété, il était parti pour faire des études de médecine. Ça change la vie d’un bonhomme ! En quelques temps on devient un guerrier, on fait une guerre civile, et puis on se retrouve à refaire sa vie dans un pays étranger ! Plus le fait d’être considéré comme un pestiféré chez lui !
Après la guerre il n’avait pas la possibilité de retourner chez lui. Mon père et mes oncles sont retournés là-bas dans les années 50. Ils avaient dû dans les toutes premières années pointer à la guardia civile : « vous êtes bien dans ce patelin là tel jour », qu’il y ait bien une traçabilité, des fois que les fils d’anciens républicains se fondent dans la populace. De ce côté, mon grand-père dans son attitude avait fait son deuil de l’Espagne, avec la grand joie de sa renaissance grâce au roi Juan-Carlos.
Rapport à la langue espagnole
Je n’ai jamais mis les pieds en Espagne. Demain si j’avais à m’organiser, il y aurait le barrage de la langue. De l’espagnol, j’en ai fait, mais ce serait une barrière pour arriver à comprendre et faire ce que j’ai envie d’y faire. Demain, si je pars là-bas, je sais où habitait mon grand-père, je connais les villages de ses origines. Mon père ne nous a jamais emmenés. Il en a été question avant mon grand-père ne décède en 2005… organiser un pèlerinage avec lui, pour lui faire faire un tour. C’est quelque chose qui ne s’est pas concrétisé, il était en mauvaise santé.
Mon meilleur ami est d’origine espagnole. J’irai en me faisant accompagner de gens capables de traduire les choses. Mon grand-père a de la famille là-bas mais il est enterré à Sarcelles. Mon père comprend l’espagnol, j’aurais dû avoir des facilités à apprendre cette langue. Mon parcours scolaire a fait que très vite j’ai été orienté en BEP de comptabilité ; on avait droit qu’à une langue. Si j’avais eu un parcours de lycée, j’aurais certainement continué l’espagnol. Le comprendre, c’est assez simple.
Réfugiés républicains
Il y avait plusieurs familles de réfugiés républicains ici, mais nous ne connaissions pas les autres. Je n’ai pas de visuel sur le réseau que pouvait avoir mon grand-père. Mon père et moi sommes aujourd’hui adhérents d’une association d’enfants de réfugiés de la guerre d’Espagne. J’aurais dû, plus activement, interroger mon grand-père sur son vécu et effectuer un pèlerinage avec lui. Je le ferai un jour pour lui, avec ma petite famille.
« Pèlerinage »
Je suis généalogiste amateur. J’ai retracé le parcours du père (Paul Guertault) de ma grand-mère maternelle (Maria), mort pour la France en avril 1915 (79ème RIT).
J’ai eu l’occasion d’accompagner ma belle-mère, Pierrette, dans les camps de concentration (Buckenwald, Dora, Elrich, Gunzerode) pour retracer le parcours de son père, François Château. J’ai eu l’occasion d’emmener ma mère, découvrir l’histoire de son père (Albert Badier) et de l’emmener sur sa tombe, alors qu’elle ne l’a jamais connu. C’est extraordinaire de remettre au jour, un certain nombre de choses qui appartiennent à l’histoire familiale.
Le quartier de la gare
Le quartier de la gare s’est urbanisé un petit peu, mais pas de façon extravagante. Le quartier, je le vois comme je le voyais à l’époque. On allait à l’école à pied à Bullier. On avait notre petit parcours tranquille. On rentrait le soir par le magasin de mes parents à côté du St Rosaire. On se récupérait deux barquettes de machin, un bout de fromage et puis on cassait la croûte. On rentrait à la maison, on était accueilli par notre chienne (Naya). On essaye de faire gaffe avec nos gamins, mais qu’est-ce qu’on a pu passer comme temps devant la télé ! Rétrospectivement c’est assez phénoménal.
Ce que je garde de cette vie là c’est la diversité des origines. Une école comme Pierre et Marie Curie était un melting-pot de personnes venues d’horizons différents, de conditions sociales différentes. Il y avait des gens du Village, des gens des cités. Ce partage était complet. Je ne suis pas certain qu’aujourd’hui on ait affaire à la même chose.
Mélange et évolution
Les gens mettent leurs gamins dans le privé en se protégeant de je ne sais quoi. Il y a des formes de sectorisations religieuses. Aujourd’hui je me demande si les gamins profitent de ce dont nous avons bénéficié, un mélange total et sans exclusions. J’avais ce sentiment là, de ne pas avoir d’histoires de jalousies ou d’avoir des copains dans un quartier, pas dans un autre. On échangeait avec des gamins qui avaient pas mal trainé à Bullier et inversement, des gamins du Village et des gens d’horizons complètement différents. Ce sont des choses qui ont changé, il me semble.
L’ambiance du quartier
On est de la gare, on ne peut pas dire que c’est le village non plus, en tout cas ce n’est pas un milieu « hostile ». C’est un milieu familier. Une zone pavillonnaire de privilégiés bien sûr. Un lieu de passage pour aller prendre un train pour Paris. On n’y voyait peut-être que les bons côtés, dans le sens où on vivait notre vie d’enfant.
Frontière
La frontière, c’était la piscine et encore ce n’était pas installé comme ça l’est aujourd’hui. C’était la piscine, c’était vraiment une frontière. Je ne peux pas dire que j’ai eu des fréquentations à Lochères. Au lycée on rencontrait des gens venant de partout. J’ai été à J.J. Rousseau. Les gens venaient de tous les quartiers, y compris les communes à côté. C’était une étape dans l’exploration de mon environnement. De tout gamin, primaire et collège, on ne peut pas dire que l’on ait eu des contacts avec les gamins « d’ailleurs ».
Le collège Voltaire
J’étais au collège Voltaire. Par rapport à aujourd’hui c’était ouvert. Voltaire, je l’ai vu construire, ça a été construit sur un champ appartenant à un copain de mon père (Robert Bethmont). C’était un collège assez récent et ouvert sur la ville, il n’y avait pas de clôture, comme aujourd’hui. Il y avait des pelouses, on arrivait, on était chez nous, on repartait, on rentrait. J’avais deux minutes à pied c’était le bonheur. J’ai des super souvenirs de Voltaire. La première année, quand je suis arrivé en sixième, on avait des fiestas avec orchestre du collège, des activités en veux-tu, en voilà ! Cinéma, ping-pong.
Collégien entre 1979-84
La vie d’un collégien entre 1979-84, c’était la découverte d’une multitude de disciplines. On arrivait du primaire, on avait le bonus d’avoir une douzaine de professeurs pour chaque discipline, c’est une ouverture incroyable. Ça permettait de découvrir des gens d’autres quartiers. À chaque fois que l’on montait de niveau et d’établissement on s’ouvrait sur l’environnement.
Le mélange
À notre époque c’était très mixé. Je suis moi-même un mélange : un quart d’Espagnol, un huitième de Breton, un huitième de Sarcellois de souche et quand même une moitié de bocage mayennais frontière Normandie/Bretagne. On avait pas mal de monde de la communauté juive. Il y en a peut-être moins aujourd’hui. C’est un sentiment. En tout cas les écoles d’une religion particulière, ça n’avait pas l’importance que cela a aujourd’hui. Il y avait plus de mélange entre religions, plus de mixité. Il n’y avait pas encore les Assyro-chaldéens ; aujourd’hui sans doute les jeunes ne vivent pas tout à fait le même melting pot. C’est un souci la communication entre communautés. C’est un problème complexe.
Mon habitat actuel
J’habite rue des Fauvettes. C’est dans le bas des Chardonerettes. C’est entre Giraudon et les Chardo. C’est calme. C’est pavillonnaire. Les premières maisons sont des années 30. Les Chardo, on n’y vit pas tellement, c’est sans doute plus agité. On a des amis qui habitent à proximité du centre commercial. La nuit il y a des fois des bandes qui font du bruit ; on ne subit pas de nuisances du tout.
L’âme de Sarcelles
Je ne sais pas s’il y a une âme ou des âmes, mais il ne faudrait pas qu’elle perde son âme Sarcelles. Je vois Sarcelles comme un creuset de l’humanité. C’est potentiellement quelque chose d’assez fantastique. Je suis super fier d’avoir des gamins qui vont avec des gens de tous les horizons ; ils pourront plus tard aller bouffer chez un Chaldéen, chez un Juif, chez un Africain. Ils font du basket eux deux, Tom et Léa. Ils sont petits. Au basket il y a beaucoup de blacks, je les vois en train de jouer comme des cinglés avec un ballon. Ma fille a neuf ans. Mon fils a sept ans. Je trouve ça super ! C’est ce que Sarcelles peut leur apporter.
Si je quitte Sarcelles …
Demain si je quittais ça, j’irais vivre en province. Je me rapprocherais de mes parents aujourd’hui rapatriés en Normandie. Nous garderons la chance d’être arrivés dans la vie, avec cette ouverture sur le monde, d’avoir une mentalité d’ouverture. Mais ça passe par la confrontation aux autres. Il faut essayer de préserver ça, ici : le dialogue, la rencontre.
Je pense que ça a du sens que les gens se regroupent par communauté. En tant que pompier, je vois les frontières sociales. Il y a des immeubles où vraiment ça craint en termes de train de vie et pour d’autres c’est bonnard. Il y a une énorme disparité, la mixité sociale a du plomb dans l’aile. Ce qu’il faudrait, c’est que les gens se retrouvent dans les activités, à l’école, etc. que l’on arrête d’instaurer des barrières qui n’existent pas. Les différences, elles sont dans la culture, dans les histoires des gens, mais il faut apprendre le partage.
L’histoire de Sarcelles
L’histoire de Sarcelles, je connais un peu. J’ai un arrière grand-père (Emile Poher) qui venait de Bretagne. Il parlait breton, c’était une part d’étrangeté pour les Sarcellois au début du siècle dernier. Mon grand-père Felipe, lui arrivait d’Espagne ! L’Espagne : « un étranger ».
Aujourd’hui on est passé à un niveau supérieur. Les gens arrivent de partout. Moi je ne trouve pas que c’est un problème, mais c’est mal vécu par un certain nombre de gens. La vie récente de la commune, ça a été ça. Au final ce n’est qu’une continuité, ayant tendance à s’accélérer.
Sarcelles un espace réduit
Ce qui peut poser souci, c’est le regroupement massif de population dans un espace réduit. Quand on parle d’éducation des gamins, c’est l’ergonome qui parle, on ne peut pas arriver à fonctionner qu’en faisant attention à ne pas faire de bruit en haut en bas. Comment avoir de l’autorité sur ces gamins ? Comment les laisser vivre dans un espace réduit. Il faut bien qu’ils sortent ! On ne va pas les élever dans des poulaillers, les enfants ! Il faut bien qu’ils voient le soleil ! Tout de suite ça a des conséquences ! Une sorte d’autonomie s’installe. Ils font ce qu’ils veulent ou peuvent.
Raser Sarcelles ?
Mécaniquement il y a des conséquences à cette concentration. C’est induit mécaniquement par la façon dont on survit à ces dispositifs architecturaux. Alors il faudra penser un espace peu onéreux mais vivable.
Je pense que c’est un des gros soucis. On ne va pas raser Sarcelles ! On n’est pas prêt de faire ça ! Ce que je peux en voir de l’extérieur, ça s’humanise. Quand on voit les grands arbres qu’il commence à y avoir, c’est quand même fantastique. Il y a des espaces de vie, même au village on n’a pas ça. Le gamin, tu le fais sortir, il a tout ce qu’il faut pour s’éclater comme un cinglé ! Mais ça reste entre les barres.
Message aux anciens
Aux anciens je dirais qu’il ne faut pas attendre pour se retourner vers leurs jeunes et leur raconter ce qu’ils ont traversé. Avec les parents, ce n’est pas toujours facile. Une génération de plus d’écart, permet beaucoup plus de choses. Expliquer d’où ils viennent, ce qu’ils ont traversé, les difficultés qui ont été les leurs. Ce sont des choses qui permettent au gamin de se construire et de relativiser les difficultés qu’ils traversent, et bien comprendre d’où ils viennent.
Il faut créer des situations et quand techniquement c’est compliqué à organiser, écrire ce que l’on a vécu. Laisser une trace. J’espère que l’on aura encore un peu de temps pour raconter d’autres choses dans dix ou vingt ans.
Messages aux jeunes
Aux jeunes, je dirais de ne pas avoir peur de l’avenir et croire en leurs rêves. Il faut avoir des ambitions et transformer ses jeux d’enfants en vraies situations ; jouer sur ses atouts, c’est-à-dire essayer de comprendre ce qu’est notre propre personnalité, quelles sont nos compétences, quelles sont nos envies. Il faut croire en ses projets, monter des projets. Il ne faut pas avoir de complexes, ce n’est pas un échec scolaire ou une difficulté scolaire qui arrête la vie.
J’ai réussi après une orientation en troisième à faire des études supérieures. Je pense que c’est possible encore pour beaucoup de monde. Il faut creuser où c’est le plus facile, si on a une plage de sable, on creuse là plutôt que de creuser dans la roche. On va au plus loin et ça finit par payer.