"R.G." , Trafic de Clandestins

Edition Gallimard dans la Collection Bayou

"Cette fiche fait partie du répertoire de la bande dessinée migrante créé par Paroles d’Hommes et de Femmes. Ce répertoire est destiné aux enseignants, éducateurs, associations, collectivités qui souhaitent utiliser la BD ayant pour thèmes la migration, l’altérité, l’intégration, comme une source de lien social et d’action éducative"


Auteur : Pierre Dragon

Dessin : Frederik Peeters

Éditeur : Gallimard

Collection : Bayou

Résumé : Dragon appartient aux RG depuis 5 ans. Son quotidien c’est la planque, les heures de surveillance ingrates, le terrain et l’investigation en tous genres. Sa méthode l’audace, la pugnacité. Ses récompenses, les coups d’adrénaline et les contrariétés du système politico-judiciaire français...
En bon flic déterminé, il se voit confier un « boulot discret ». Diriger une cellule spéciale, non officielle, qui aura la charge de surveiller un groupe de trafiquants suspectés de financer une organisation terroriste.


Source :
http://www.bedetheque.com/serie-15328-BD-RG.html


Tome 1 Riyad-sur-Seine

Planches : 104

Parution : 05/2007

Chronique : Dragon, c’est son nom, est un policier expérimenté qui travaille pour les renseignements généraux (les RG du titre). Placé à la tête d’une petite équipe, il est sorti du système classique par son patron pour mener des recherches sur le financement du terrorisme. Plus que l’enquête, qui sert de fond et intéressera les amateurs du genre pour son souci du détail, c’est de l’existence de ces hommes en marge de la nôtre dont il s’agit.

F. Peeters s’est attaché la précieuse aide d’un véritable flic de terrain pour cette plongée dans un Paris peu connu du grand public. Alors, si la phrase « tout fait ou ressemblance … réalité … purement fortuite … » a valeur de loi concernant l’ensemble, la multitude d’anecdotes a elle la saveur si particulière du vécu et constitue la force du récit. Ce métier qui offre un contact avec toutes les composantes de la société, est un vivier de premier ordre pour un sociologue averti et le ton employé par Dragon n’est pas sans rappeler le bagout du chauffeur d’Un taxi nommé Nadir qui offrait aussi une vision décalée de la capitale. Truffé d’humour, avec un sommet atteint à l’occasion d’une courte collaboration avec des agents du F.B.I. qui sera prétexte à un étalage de poncifs réjouissants, le ton de cet album est aussi grave. L’approche du quotidien de Dragon et de ses collègues pose bien des interrogations sur ce besoin d’adrénaline, cette implication constante jusqu’à ne jamais en sortir, si ce n’est pour retrouver ses démons, la difficulté à discerner le bien du mal à force de côtoyer une certaine faune et les compromis. Tout cela amène à l’impossibilité d’avoir une vie familiale normale, délaissée au profit des sensations légalisées aux effets addictifs procurées par ce boulot. Alors, qu’est ce qui pourra manquer à cet album ? Peut-être le manque d’action directement lié à l’enquête, cela dépendra de l’attente du lecteur.

Le découpage et la narration sont parfaitement maîtrisés, F. Peeters prouve là sa faculté à changer de sujet avec aisance, même s’il ne faut pas se tromper, l’essentiel porte encore une fois sur l’humain. La collection Bayou étoffe ainsi avec RG un catalogue déjà bien éclectique et offre en contrepartie son support de qualité. Le dessin est efficace et expressif, la sueur perlant sur les visages nous ramène en plein dans cet été 2003, caniculaire. La mise en couleur est adaptée aux changements d’atmosphère et certaines cases nous offrent un Paris nocturne de carte postale, un peu comme celui de Nadir.

Les inconditionnels de F. Peeters ne retrouveront peut-être pas ce qu’ils avaient ressenti dans Pilules bleues ou encore dans la série Lupus en première intention, mais une lecture entre les cases et au-delà des apparences pourrait bien les surprendre. Ce premier tome, abordable comme un one-shot, devrait connaître une suite ; une nouvelle approche ?

F. Mayaud

Source : http://www.bdgest.com/chronique-2230-BD-RG-Riyad-sur-Seine.html


Tome 2 Bangkok-Belleville

Planches : 104

Parution : 03/2008

Chronique : Un 30 décembre, dans le vestiaire d’une salle de sport désertée en cette période de fête, Pierre Dragon est contacté par un indic qui le branche sur un trafic de clandestins. L’occasion est trop belle de s’occuper l’esprit et de prendre encore un peu plus ses distances avec les futilités d’un monde auquel il n’entend plus rien depuis bien trop longtemps. Soirée de réveillon, il planque seul sur la dalle du quartier des Olympiades, le Chinatown parisien, quartier hautement déshumanisé quand la nuit s’en empare. Lugubre, mais la piste est bonne.

Déboulant après un Riyad-sur-Seine ancré dans la moiteur de l’été, Bangkok-Belleville s’annonce plus enneigé et plus sombre. Effet lié à la mise en couleur blafarde accompagnant un fond peut-être moins édulcoré et plus palpable par notre société. Comme pour le premier album de la série, l’enquête sert avant tout de décor au ressenti du personnage principal. Le démarrage est époustouflant par ce qu’il parvient à faire passer émotionnellement quant au sentiment de décalage qu’éprouve P. Dragon par rapport à ses contemporains. S’il est maître de sa propre vérité, c’est bien son quotidien dans les marécages de la misère au sens large qui influe sur sa perception des choses. Il ne se sent pour autant pas mieux parmi les siens. La mise en image du final par Frederik Peeters témoigne de ce malaise avec une justesse remarquable, le contraste entre la détresse ambiante et la vulgarité des rires et autres commentaires des collègues de Pierre fait froid dans le dos. Les pensées qui le traversent à cet instant semblent rester en suspens et lui-même paraît parcouru par ce frisson glacial.

Si le duo de scénaristes semble à son aise pour retranscrire les sensations qui ont pris les tripes du flic pendant des années, il l’est moins pour amener les bouffées d’air à un Pierre prisonnier de ses apnées professionnelles. La manière dont est initiée sa relation avec Manuela est maladroite et ne sera pas sans faire écho, chez l’amateur de polar, avec Les orpailleurs de Thierry Jonquet. Cette rencontre prend néanmoins tout son sens au sein du récit, malgré des dialogues parfois empruntés. Dans sa relation à l’autre, P. Dragon excelle, dès lors qu’il retrouve son terrain de prédilection, celui qui ronge son existence. Ainsi, c’est avec un indéniable talent qu’il exprime la difficulté, voire l’impossibilité de communiquer dans un milieu où la sensibilité est considérée comme le propre de ceux qui n’appartiennent pas à la grande maison, comprendre les faibles.

Le titre du dernier acte n’est pas encore tombé, comme pour accentuer une conclusion des plus ouvertes quant à l’évolution du personnage/auteur.

F. Mayaud

Source : http://www.bdgest.com/chronique-2797-BD-RG-Bangkok-Belleville.html

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