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ma soeur a pris une claque a 20 ans pour avoir dit un gros mot !

Mme Reillaudoux née en 1932 à Paris

dimanche 9 décembre 2007, par Frederic Praud

texte : Frederic Praud


Je suis née le 16 octobre 1932, dans le 14ème arrondissement de Paris. Nous vivions dans le 20ème arrondissement, près de la porte de Bagnolet, près d’un grand square, dans un quartier pavillonnaire que l’on appelait, « la campagne à Paris ».

Maman travaillait dans l’alimentation même pendant la guerre ce qui a fait que nous n’étions pas trop privés et papa était gardien de la paix, agent de police.

Maman tenait un commerce sous l’enseigne Félix Potin. Les enfants étaient gardés chez les grands-parents. Leur toilette était dans une cour ; elles étaient communes pour deux logements. Les toilettes chez nos parents étaient sur le pallier. Le chauffage était au charbon qu’il fallait descendre chercher à la cave. La corvée de charbon !

La directrice d’école était sévère

On jouait à la marelle, à la corde, à colin maillard. Je n’ai eu mon premier vélo qu’à vingt ans. L’école était chauffée par un gros poêle Godin, posé au milieu de la classe. Nous étions une trentaine par classe.

La directrice de l’école était très sévère. Il fallait passer deux par deux devant elle en rentrant à l’école, sans débandade et en la saluant. Le règlement était très, très strict. Si nous étions punies à l’école, nous étions punies à la maison une deuxième fois. Nous étions trois filles et devions marcher droit.

Mes parents ne sont pas partis en exode même si tous les papiers étaient prêts dans les valises. Mes parents n’ont pas quitté Paris mais ils ont envoyé leurs trois filles à Vernon dans l’Eure.

Une peur bleue des Allemands

Il ne fallait pas me parler des Allemands. Nous en avions une peur bleue notamment quand j’entendais les avions. Même en pleine composition, nous courions aux abris si une alerte sonnait. Nous descendions dans le métro Pelleport, un des plus profond de Paris. Le 20ème a été bombardé, notamment la porte de la Chapelle… J’allais dans le lit avec papa et maman pour me camoufler. Nous nous retrouvions à cinq dans le lit ! Nous n’allions plus à la cave.

Nous avions des tickets pour tout : le pain, les chaussures, etc. Mais, maman avait ses petits privilèges dans l’alimentation. Papa et maman ne nous parlaient pas de la misère quotidienne des gens mais nous la remarquions bien assez autour de nous.

Le port de l’étoile juive m’avait marqué. Des enfants de ma classe étaient partis en déportation. Nous ne savions pas où ils allaient, ni même ce que nous allions devenir nous ! Papa étant dans la police, nous avions peur du lendemain.

Nous avons vu les Allemands venir chercher les gens, rafler la population. C’était la bousculade… Ils ne pouvaient pas faire autrement que de partir !

Rester cloîtrées à la maison

Le plus dur pour nous enfants pendant l’occupation était d’être confinées chez nous. Nous n’avions pas de liberté. Nous ne sortions pas le dimanche. Nous restions à la maison. Nous aurions bien eu envie de nous promener mais il n’en était pas question. Nous allions nous promener aux Puces le dimanche, à la porte de Montreuil. C’était notre seule sortie. Dans la semaine, nous allions également une fois rendre visite à une tante qui habitait rue d’Avron. Notre univers se résumait à ça !

Maman ne repartait travailler qu’à quatre heures de l’après-midi aussi nous étions une bonne partie de la journée avec elle. Nous allions au patronage le jeudi, jour sans école. Maman nous accompagnait et revenait nous chercher. Nous étions encadrées par des sœurs avec leurs grandes cornettes. J’ai appris à faire du crochet, à coudre… les occupations d’une jeune fille. Il ne fallait pas faire un faux-pas, surtout pas leur répondre, ne pas dire un gros mot… même à la maison.

Ma sœur aînée avait pris une claque à vingt ans parce qu’elle avait dit un gros mot. Cela m’avait marqué ! Nous avions envie d’avoir des garçons comme amis mais nous étions trop encadrées pour cela. Nous n’en côtoyions finalement jamais, mais nous pouvions nous imaginer le prince charmant.

Nous avions le droit à un kilo cinq cents de pain, un gros pain, auquel il fallait enlever ou ajouter un petit morceau, « la pesée », que les enfants mangeaient parfois en cours de route.

Je suis allée en colonie pendant l’Occupation. Nous nous promenions dans la campagne, découvrions la nature.

C’était la liesse lors de la libération de Paris. Nous avons pu sortir, toute la sainte famille ! Les Américains nous donnaient, nous lançaient, du chewing-gum… Nous regardions les chars passer. On sautait de joie. Toute la population était dehors à brandir des chiffons.

J’ai ensuite fait trois ans d’apprentissage quai de Jemmapes comme modiste mais l’époque des chapeaux était révolue. J’ai ensuite travaillé en usine à Paris.


Voir en ligne : La Bande Dessinée : Les Migrants

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