Accueil > Un service d’ÉCRIVAIN PUBLIC BIOGRAPHE - biographie familiale > Un service traditionnel d’ECRIVAIN PUBLIC, un service à la personne et à (...) > tu choisiras la couture ou le commerce !

Mme Saunier née en 1923

tu choisiras la couture ou le commerce !

lundi 15 février 2010, par Frederic Praud

Madame S. née en 1923, rue Navier à Paris.

Le chemin de fer passait devant chez moi, rue Navier. Il n’existe plus il a été recouvert et remplacé par un square. Les livraisons se faisaient en voiture à chevaux. Les cafés n’avaient pas de réfrigérateurs. Il y avait un livreur de glace qui passait et il cassait un morceau de glace, le montait sur l’épaule avec un sac pour ne pas trop se mouiller. Ma grand-mère habitait rue Lagile. On voyait la voiture du glacier passer et le cheval connaissait tous les arrêts, tous les clients. Il n’avait même pas besoin de parler et marchait derrière son véhicule. Le cheval s’arrêtait où il fallait. Il s’arrêtait chez les commerçants mais aussi chez les particuliers. En plein été, on pouvait commander et se faire livrer des blocs de glace. Je me rappelle des vitriers, des marchands de quatre saisons, du marchand de fromage de chèvre qui se promenait avec ses chèvres, le marchand de charbon.

Maintenant les commerçants ont le droit de faire des doubles étalages mais avant ce n’était pas autorisé. Les marchands de quatre saisons se chargeaient de cette vente, tantôt d’un côté, tantôt de l’autre pour ne pas nuire au petit commerçant. Les marchands de quatre saisons étaient un poste réservé aux veuves de guerres, elles étaient toujours à la même place.

Maman est née avenue de Saint Ouen dans le 18ème et mon père est né dans le 11ème. Il n’y avait pas de crèche à cette époque-là car les mamans ne travaillaient pas. J’avais un oncle de mon mari qui me racontait qu’il avait une robe comme sa sœur, mais c’était fini pour notre génération.

Toutes les sorties étaient familiales. Nous restions avec la maman et elle nous sortait. J’avais deux frères alors je jouais surtout aux jeux de garçons, au mécano aux voitures, à colin-maillard. J’avais également un baigneur en celluloïd. J’étais un peu le souffre-douleur des garçons.

Rares étaient les personnes qui avaient une voiture. Il n’y avait pas de problèmes d’encombrement. Mon père en avait une et nous allions tous les week-ends dans une maison du côté de Meaux. Il n’y avait personne sur les routes. Je devais avoir quatre ou cinq ans. Mon père était entrepreneur, il se déplaçait beaucoup et avait des difficultés à la marche. Il devait donc disposer d’un véhicule. Avoir une voiture me paraissait normal. Mon père aimait beaucoup que je sois à côté de lui parce que j’étais malade en voiture. Les trottoirs me paraissaient être un mur. Nous étions les seuls à avoir une voiture rue Navier.

Le premier conflit mondial

Mon père avait été blessé à Verdun mais il n’en parlait pas beaucoup. J’en ai surtout appris après sa mort. Il avait 37 ans. Les éclats d’obus qu’il avait reçus n’étaient pas accessibles. Il les a gardés pendant plus de 10 ans. Mon père était très fier. Il n’avait jamais voulu se faire recenser comme étant blessé de guerre. Ma grand-mère et ma mère le soignaient. Quand il était presque mourant, notre médecin, qui habitait avenue de Saint Ouen, a fait venir un médecin militaire pour constater l’état de mon père. Il a été envoyé au Val de Grâce. Ma mère me racontait que le docteur militaire à la sortie de la consultation avait dit "quand on pense qu’il y a un tas de tir au flanc ici et qu’un homme comme ça n’a pas été reconnu comme blessé de guerre !"

Il n’est jamais allé voter. Il avait pris le gouvernement en horreur. Il savait certainement que ses jours étaient comptés. Mon père était en première ligne parce qu’il s’était engagé. Il s’est engagé à 17 ans aussitôt que la loi est passée que l’on avait plus besoin de l’autorisation des parents pour s’engager. Il a été deux fois blessé. Il était à Verdun. Il avait été laissé pour mort quand il a vu un camarade passer et lui a demandé "ne me laisse pas là !". Ce camarade l’a pris sur ses épaules et l’a amené à l’arrière. Nous ne parlions jamais de ce conflit. Je n’ai su cela qu’après sa mort. Il ne voulait pas en parler. Maman lui a servi d’infirmière toute sa vie car il était gravement blessé. Elle l’a soigné. Je trouvais bizarre que tous les soirs maman le soignait, lui faisait des pansements. Je lui demandais "qu’est ce qu’il a papa ?".

La soldats africains étaient des braves gens. Un ne recevait jamais de colis alors mon père partageait avec lui les colis que ma grand-mère lui envoyait. Le soldat disait à mon père "quand la guerre sera finie tu peux venir chez moi. Je te donnerai tout ce que j’ai." Mon père lui répondait "Eh bien oui.. et tu me prêteras ta femme aussi." "Ah coupé cadèche" ?. Tout mais pas sa femme

Mon père a pris la succession de son père entrepreneur en peinture, décoration et vitrerie, rue Lagile. Ma grand-mère ne travaillait pas et pendant la guerre, elle a été obligée de travailler en usine à faire des obus. Elle avait d’ailleurs attrapé une maladie aux mains à cause du cuivre. L’usine se trouvait avenue de Saint Ouen à côté de la gare de ceinture.

Ma mère est devenue veuve à 32 ans avec 3 enfants. Mon père sur son lit de mort a fait promettre à ma grand-mère de finir de nous élever parce qu’il s’est vu partir. Ma grand-mère maternelle était adorable mais la grand mère paternelle… Oh là là. Elle était toujours là et surtout elle avait une préférence pour les garçons. Ils avaient tous les droits et les filles non. Il fallait élever les filles pour qu’elles soient soumises. On ne me le disait pas ouvertement mais je le sentais. Je n’avais pas le droit à la parole. Dans les réunions de familles, il ne fallait surtout pas rire pour montrer que l’on avait compris les blagues. Les convives riaient de la plaisanterie mais si c’était un peu grivois, il ne fallait surtout pas rire sinon ma grand mère se fâcherait.

Education familiale

Les enfants n’avaient pas le droit de parler à table. Les grandes personnes parlaient mais les enfants devaient rester silencieux. L’éducation était comme cela il fallait laisser les grandes personnes parler. Nous prenions presque tous nos repas chez ma grand-mère puisque maman était obligée de travailler. Elle était veuve. Elle n’avait jamais travaillé mais il a fallu qu’elle s’y mette.A table, mon rôle était s’il manquait du pain d’aller chercher du pain. Il ne fallait surtout pas que ma grand mère ait à le demander. Il fallait que je surveille le pot à eau et que j’aille en chercher avant que quelqu’un en ait besoin. Les garçons se faisaient servir.

On ne parlait pas des histoires de femmes. Je me souviens de la naissance de mon petit frère nous avions 7 ans et demi d’écart. Maman était venue m’attendre à la gare quand je revenais de vacances. Elle me dit "c’est bien ma chérie, tu as bien grossi ". Je lui ai répondu " Ben dis donc, toi aussi !". Je ne savais pas que maman attendait un petit frère. Quand il est arrivé, je l’ai regardé et j’étais persuadé que c’était un livreur qui était venu apporter mon petit frère. Je croisais des chevaux avec des caisses dessus et je disais que c’est certainement mon petit frère. La voisine nous avait dit "vous allez voir votre petit frère", alors nous étions allés de la rue Lagile à la rue Navier. Je croisais des voitures et je croyais que l’on était venu livrer mon petit frère, à 7 ans et demi.

Même à 15 ans, on ne parlait pas beaucoup de ces choses-là. Nous avions une certaine réserve. Ma fille aînée à une sa fille à la clinique rue Naulet. Un jour que nous emmenions sa fille au jardin des Batignolles, mon mari lui dit en faisant voir la clinique, "tu vois ma petite fille c’est là que ta maman t’a achetée". La petite me répond " Mamie tu entends ce que dit papi. Maman ne m’a pas achetée, elle m’a eu dans son ventre". Elle avait trois ans et je n’en revenais pas. Étant enfant, jamais nous n’aurions pensé une chose pareille.

Quand mon petit frère a eu un an et demi, maman est tombée sur moi et m’a cassé la cheville. Elle m’a amenée à la clinique du Landy à Saint Denis. Il y avait une maternité. J’y ai passé une nuit quand on m’a plâtrée et j’entendais des femmes crier. J’avais peur. L’infirmière est venue me dire "il ne faut pas avoir peur, c’est une femme qui a eu un bébé. Ce n’est rien". J’ai eu des doutes mais, à 9 ans, je n’ai pas cherché à approfondir. A partir de ce jour-là-là j’ai quand même pensé qu’il y avait un mystère. Notre directrice d’école était pire que les bonnes sœurs. À Sainte Geneviève, les prêtres et la directrice d’école étaient très stricts. On abordait jamais ces sujets-là. Nous avons été élevées comme ça.

Les garçons avaient tout. C’était plus restreint pour les filles. J’avais un frère plus âgé d’un an et demi il avait beaucoup plus de droits que moi. On le vivait comme ça parce que c’était l’habitude. Tout le monde était logé à la même enseigne. Mon père étant décédé ma grand-mère préférait les garçons. Ils avaient donc tous les droits.

Education scolaire

Je suis allée à la maternelle rue du capitaine Lagache. J’allais à la maternelle uniquement l’après midi. Je me souviens que je pleurais tout ce que j’avais. Je ne voulais pas y aller alors maman m’achetait un petit cornet de bonbons au miel à un commerçant qui se trouvait rue du Capitaine Lagache, à côté de la paroisse, de l’église paroissiale. Il n’existe plus. L’école maternelle était ma hantise. Je suis allée à la maternelle vers 5 ans et à la grande école à 6 ans. Les maternelles étaient mixtes mais à partir d’un certain âge nous étions séparées des garçons.

J’étais à l’école privée, l’école religieuse de la rue Championnet. Nous commencions la journée par une prière. Nous allions à la chapelle faire cette prière et montions dans les classes. Avant de partir déjeuner, on refaisait une prière, en revenant on refaisait une prière et le soir pareil. En partant déjeuner, c’était "mon dieu, bénissez la nourriture que nous allons prendre" et après on le remerciait de l’avoir prise.

C’était assez strict. Tous les vendredis, il y avait la messe le matin et les vêpres l’après midi. Il y avait le patronage le jeudi, jour de repos des enfants. On jouait sous un préau. Il y avait des cours de couture de broderie pour les filles. Les filles étaient d’un côté et les garçons allaient dans un autre patronage de l’autre côté. Nous n’étions pas ensemble. Tout le monde pouvait y venir au patronage. J’ai eu des camarades de classe qui portaient une étoile jaune. Je ne sais pas ce qu’elles sont devenues.

J’ai fait ma communion à l’église Sainte Geneviève. Comme d’habitude, il y avait les filles d’un côté et les garçons de l’autre. Il ne fallait pas trop parler aux garçons, c’était mal vu. La communion solennelle c’était très important. Il était possible de faire la communion privée à 7/8 ans mais mes parents ne l’ont pas voulu. Beaucoup d’enfants avaient déjà fait cette petite communion. La communion solennelle durait trois jours : la communion avec la cérémonie, le lendemain la confirmation et le troisième jour la messe d’action de grâce. Cette messe d’action de grâce s’est passée au Sacré-Cœur. La confirmation s’est passée à l’église Sainte Geneviève. L’évêque est venu.

Mariage

J’ai commencé à travailler dans la couture car ma grand-mère m’avait dit "ou tu choisis la couture ou tu seras dans le commerce". J’avais horreur du commerce et j’ai choisi la couture. Il n’était pas question qu’une fille choisisse son école. J’ai travaillé à partir de 16 ans mais je ne suis pas restée longtemps active car les maisons de couture ont fermé pendant la guerre. Après j’ai travaillé à la confection avec ma grand-mère et ensuite je me suis mariée et je n’ai plus travaillé.

Pour l’exode, nous sommes partis à pied avec mon frère car quand les allemands sont rentrés dans Paris, ma grand-mère toujours aussi autoritaire nous a dit "les allemands coupent les mains des garçons. Il faut absolument que tu partes avec ton frère". Je suis partie avec une cousine qui avait une voiture mais la voiture s’est arrêtée à Orléans. Et nous ne pouvions plus passer la Loire car les ponts étaient coupés alors il a fallu continuer à pied. Nous avions les allemands derrière et marchions la nuit pour ne pas se faire repérer. Ce n’étaient pas les allemands qui nous bombardaient mais les italiens. Ils faisaient du rase motte et nous canardaient. Nous sommes allés d’Orléans à Limoges à pied. Mais nous aurions très bien pu rester à Paris. Si bien qu’après nous étions derrière la ligne de démarcation et nous ne pouvions plus revenir. Il a fallu attendre que l’on nous refasse des papiers. Nous sommes rentrés au mois de septembre. Il était impossible de communiquer entre zones.

Mes frères faisaient du sport, de l’escrime. C’est comme ça que j’ai connu mon mari parce qu’il faisait également de l’escrime. J’allais voir les cours d’escrime avec maman. Nous allions au stade Coubertin. Autrement, je ne sortais pas. Les jeunes filles étaient vraiment tenues. Je suis sortie après avec mon mari. J’avais 18 ans la première fois que nous nous sommes accompagnés. J’ai eu 20 ans pendant la guerre et il n’y avait pas de bal, ni d’autres choses donc on ne pouvait donc pas faire de connaissance.

Pour me marier il fallait l’autorisation de ma grand-mère parce que j’étais orphelin de père et c’est ma grand-mère paternelle qui a fini de nous élever avec ma mère. Il a fallu que je bataille pour me marier. Mon mari était un peu sévère mais ce n’était pas comparable avec ce que j’ai connu. Mes filles n’ont pas été brimées comme moi. Après la guerre 45, on se sentait sur le même pied d’égalité que les hommes. Avant on mettait toujours les hommes en avant tandis que là on se considérait à égalité. À 18 ans, mes filles devaient passer le permis pour pouvoir se débrouiller mais pour nous il n’en était pas question. Je n’ai jamais voulu passer le permis, mon mari voulait mais pas moi.

Mariée, j’ai habité dans le 18è et je suis revenue dans le quartier ou je suis née. J’ai fait un échange. Nous étions 7 à déménager le même jour. Je me demandais si je n’allais pas me retrouver sur le trottoir mais comme nous n’avions qu’un studio et deux enfants c’était trop petit. Nous avons fait des échanges pour arriver rue Paul Brousse et y demeurer pendant 50 ans.

Pour une femme à la maison, la machine à laver était très importante car moi j’ai connu les lavoirs à Paris. Avant la plupart des appartements de Paris n’avaient pas l’eau courante. Elle était sur le pallier. Il n’était pas question de faire la lessive à la maison. Il y avait des lavoirs où les gens allaient laver leur linge. Maman avait sa lessiveuse, elle lavait le linge à la maison. J’ai eu ma machine à laver dans les premières en 1950/55. Elles étaient en deux blocs. L’un l’avait et l’autre essorait et rinçait. Ça prenait une place ! Mon mari ne faisait jamais ni la lessive ni le ménage. Il était très gentil mais pas du tout homme d’intérieur. Sur le plan familial jamais on n’aurait vu un homme pousser un landau. C’était dégradant aux yeux des gens.

À la guerre, les gens ont tellement souffert qu’il y a eu un relâchement.
En 36 mamans commençait à travailler puisque mon père est décédé en 1935. J’entendais ma grand mère et ma mère m’en parler il y a eu un tas de chose, mais j’avais 12 ans
en 68 il y a eu un réel changement
le plus gros moment de 68 je suis apasé un moi à l’hopital
les commerçants l’alimentation tout était bloqué il y a eu un impact


Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.