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Mr Grassin né en 1913 à Poitiers

je n’ai pas voulu la télévision car cela limitait le dialogue avec les enfants

aider les apprentis à trouver du travail dans les années 50/60

lundi 15 février 2010, par Frederic Praud

Monsieur G. né à Poitiers en 1913.

Je suis né en 1913 dans la Vienne, très peu de temps avant la guerre. J’ai vécu cette guerre à Poitiers comme enfant. J’étais fils unique. J’ai connu mes quatre grands parents. J’avais des relations excellentes avec mes grands parents maternels qui habitaient le Berry. Mon grand père me faisait faire mes devoirs de latin, s’occupait beaucoup de moi. Je passais toutes mes vacances chez eux. C’était tout à fait différent pour mes grands parents paternels. Ma grand-mère était très portée vers les œuvres de charité, vers la religion, en contrepartie de son mari. Il agissait à l’inverse. Il voulait faire de la politique dans un sens qui n’était pas tellement celui de la famille. Il avait une grande préférence pour ses deux plus jeunes fils. Mon père étant l’aîné avait toujours tous les torts. Cela a coupé les relations familiales que j’ai toutefois reprises pour que mes enfants connaissent la famille de leur père. Ma vie en vacances dans le Berry était merveilleuse. Ils avaient un cheval, de l’espace. On pouvait jouer au tennis, au criquet. Mon grand père s’occupait de mes études. Ma grand-mère était la bonté même.

Potiers ma ville d’enfance était une cité assez gaie mais avec une mentalité spéciale. Il y avait beaucoup de jeunes membres de l’Action Française. Ceux qui ne voulaient pas entrer dans l’Action Française devaient se tenir à l’écart, ce qui était mon cas. Malgré cela, la période d’entre deux guerre était très gaie.

À Poitiers, je suis énormément sorti. Il y avait beaucoup de réunions dansantes chez des particuliers ou dans les salons, de la Coupole ou de l’hôtel de France, que les familles louaient pour les 18 ans de leur fille, pour des mariages. J’aimais bien danser. Les garçons qui comme moi n’avaient pas de sœur derrière étaient invités. Cela faisait un danseur de plus. Presque tous les samedis, il y avait une soirée chez des particuliers et des bals, de la croix rouge ou autre. J’étais très libre.

En principe, je m’étais destiné à l’architecture. Mon père était dans l’immobilier avec un cabinet qui marchait bien. Il m’avait proposé de rester avec lui. Il achetait des maisons en très mauvais état et me chargeait de faire les réparations. Il les revendait ensuite. Nous avons fait ça pendant près de trois ans. Je suis ensuite rentrée dans la Chambre des Métiers.

Les conflits

Mon père, comme ma mère, était d’une famille de cinq. À la guerre de 14, ma mère a perdu un frère. Un autre qui voulait être prêtre avait été mobilisé comme aumônier. Après la guerre, alors qu’il n’était pas encore démobilisé, il s’occupait d’un groupe de militaire. Ils étaient inactifs et dans une journée très chaude de juillet 1919, mon oncle les a autorisés à aller se baigner en leur spécifiant de ne pas nager dans un certain coin dangereux. Un soldat y est quand même allé. Mon oncle, responsable, a voulu le secourir et s’est noyé avec lui. Ce fut une grande épreuve pour ma famille.

Mon père n’était pas mobilisé. Il n’en avait pas la capacité physique. Il avait eu un accident quand il était au collège. Il était tombé avec des échasses. Il avait une jambe très abîmée, on n’a donc pas voulu de lui comme militaire comme on n’a pas voulu de moi en 1940 car je ne pesais pas assez lourd. J’ai passé trois conseils de révision et j’ai toujours été réformé parce que je ne pesais pas 50 kilos et pour 1 mètre 68, il y avait trop de différence. On n’a jamais voulu de moi. Ce n’était pas très glorieux. On était regardé de travers par ceux qui partaient ou par leur famille, aussi bien pour mon père en 14 que pour moi en 40.

Ne partant pas à la guerre et restant inactif, je travaillais un peu avec mon père dans une agence immobilière qu’il avait créée. J’avais fait des études d’architecture, de dessin. Au moment du conflit toute l’activité s’est arrêtée et mon père m’a dit qu’il fallait trouver une autre occupation. J’ai appris par une petite annonce que le Président de la Chambre des Métiers cherchait quelqu’un à titre temporaire, pour remplacer le Secrétaire Général partit, mobilisé comme officier de réserve. Le Président était tapissier décorateur. Nous l’avions employé. Nous le connaissions. Je suis allé le voir. « Ecoutez, je suis inactif en ce moment. On ne veut pas de moi à l’armée. Je crois que je pourrai remplir ce rôle, si vous le voulez bien ! » « Venez donc toujours à l’essai en demi -journée et nous verrons ce que ça donne. Je vous donnerai un salaire de 500 francs par mois ». C’était en 1939. J’ai débuté comme ça et cela a pris de l’ampleur.

Au bout de quelques temps, dès l’occupation, j’avais 17 employés sous mes ordres. Nous nous sommes occupés à répartir les matières premières entre les artisans, du moins le peu que l’on recevait. Le Secrétaire Général de la Chambre des Métiers de combattant est devenu prisonnier. On m’a demandé si je voulais bien assurer son remplacement pendant le temps qu’il serait prisonnier. On a pensé que cela durerait trois ou quatre mois et je suis resté jusqu’en fin 1944.

Ce travail m’a beaucoup intéressé. La ligne de démarcation est arrivée. La France était coupée en deux. J’avais un bureau d’un côté à Poitiers et un bureau à Montmorillon. Je devais aller de l’un à l’autre et ce n’était pas toujours très facile. On prenait le train. On était contrôlé à l’aller et au retour, fouillé. Comme j’amenais des bons de matière première, des bons de fer, des bons de bois, les allemands étaient toujours très intrigués parce que je transportais. Il fallait justifier de l’utilisation de ces différentes choses. C’était très astreignant mais très intéressant. Pendant la période de la relève, j’ai eu une activité un peu plus dangereuse car tous les fils d’artisans, tous les jeunes ouvriers n’avaient pas tellement envie de partir en Allemagne. Il y avait des systèmes où il fallait certifier qu’ils étaient indispensables à la vie de leur entreprise. Je faisais les certificats. Le Président m’avait donné la délégation. Je signais tout. À la kommandantur, ça passait ou pas.

J’ai eu beaucoup de complications avec la kommandantur. Ce n’était pas très amusant. Quand la résistance s’est organisée, je n’y suis pas entré personnellement mais j’ai beaucoup aidé les jeunes qui y étaient. Parmi mes employés, j’en avais trois qui avaient entre 20 et 25 ans. Ils étaient très Gaullistes, très actifs dans la résistance. Ils avaient organisé un groupe qui facilitait le passage de jeunes en zone libre. Il fallait leur trouver des prétextes pour qu’ils puissent s’absenter des bureaux et c’était toujours moi qui leur en donnais. Quand on me demandait où est untel ? J’avais toujours sous la main une raison pour dire qu’il n’était pas là.

J’ai passé des jours à la kommandantur où ce n’était pas toujours facile de s’en tirer. J’ai eu beaucoup de chance. Je n’ai jamais vraiment été inquiété, seulement très souvent tracassé, empêché de dormir : « comment vais-je faire demain ? Louis est parti pour Montmorillon. En reviendra-t-il ? ». Il avait une mère, une femme seule. Si j’avais dû lui annoncer sa disparition cela aurait été très dur. D’ailleurs il est mort en Allemagne et j’ai soutenu sa mère après. Quand le Secrétaire Général est revenu, je lui ai tout de suite laissé la place. Il y est resté trois mois et est parti.

Vie familiale

Quand la guerre fut terminée, mon père m’a demandé si je voulais reprendre avec lui. La vente et la réparation d’immeubles ne me disait plus grand chose et l’artisanat m’avait beaucoup attiré. Sur ces entres faits, je me suis marié et mes parents m’ont donné une propriété qu’ils avaient près de Bourges.

Ma mère était Berrichonne, elle avait une propriété à 6 kilomètres de Bourges qui avait été complètement saccagée par l’occupation allemande. Ils avaient brûlé l’escalier, scié les portes fait disparaître tout le mobilier. C’était une carcasse vide. Je me suis donc installé près de Bourges et marié plusieurs mois après. J’ai trimé pour remettre cette maison en état. Le parc était abandonné. Il fallait le défricher. Cela m’a occupé pendant une bonne année. La maison était bordée par la route nationale. À l’époque où j’y habitais c’était un avantage. Il y avait toujours du passage, maintenant c’est une catastrophe. Il y a un feu rouge juste devant la grille qui rentrait chez moi.

Mon mariage s’est passé à la campagne dans la propriété où nous avons habité par la suite. Nous sommes restés fiancés quatre mois et nous sommes mariés en 1946. Lors de notre mariage, nous étions près de 75 ou 80, rien que de la famille et des amis très proches… un mariage familial. Nous sommes allés de la maison à l’église à pied, devant les gens du village qui étaient contents de voir passer la mariée. Nous avons offert un vin d’honneur dans un café pour les gens du pays que l’on connaissait, qui nous rendaient services, puis un déjeuner à la maison dans la grange. Nous l’avions tapissées avec des draps, mis des tables. Cela a duré une journée. Nous n’avons pas dansé car la guerre était passée par là. Nous n’avions plus le cœur à cela. J’avais 33 ans et me femme 28, nous n’étions plus des gamins. Nous sommes ensuite partis dans le midi, dans le bordelais puis à Lourdes pour remonter tranquillement au bout de huit jours prendre notre vie en commun dans le Berry. Notre fils est arrivé juste neuf mois et huit jours après notre mariage. Et nous avons eu une vie très occupée, notamment ma femme avec mes enfants. C’est une profession.

Mes deux aînés sont nés sur place dans cette maison. Un médecin est venu précipitamment pour le premier car il est venu un moi et demi d’avance. Le matin en se réveillant, ma femme me dit « ça ne va pas très bien. Donne—moi donc un livre. Je crois que je ne vais pas me lever ». Cela a empiré dans la matinée. Nous avions un médecin dans la commune. Normalement, ce n’était pas lui qui devait faire l’accouchement. Nous devions aller en ville. Je l’ai appelé et il est arrivé un quart d’heure après. « Mais c’est le moment ! . Il faudrait faire bouillir de l’eau…" Le garçon pesait un kilo 800. Les couveuses n’existaient pas. Heureusement il faisait très chaud. C’était au mois de juillet 49.
On l’a enveloppé dans du coton avec des bouillottes d’eau chaudes tout autour. Il a été difficile à élever la première année. Il n’avait pas la force de téter. Nous lui mettions une petite cuillère dans la bouche pour que la déglutition se fasse. La maman avait beaucoup de travail avec lui. Le second est né deux ans après et j’ai eu ensuite quatre filles.

Mon avant dernière fille ne voulait pas travailler. Nous l’avons mise dans un pensionnat à Issoudun deux trimestres. Le père supérieur m’a dit « Votre fille est une fille charmante. Je n’ai aucun problème avec elle, mais je dois vous dire que l’argent que vous m’envoyez tous les mois c’est de l’argent jeté par la fenêtre parce qu’elle ne fait strictement rien. Elle ne veut pas travailler ». Je l’ai reprise et mise au cours Pigier à Bourges et ça continuait. Je lui ai dit au bout d’un an "tu t’en vas". Elle m’a alors demandé de faire les cours Pigier à Tours et a finalement réussi sa formation et trouvé du travail sur Paris.

Les premières années quand nous étions uniquement à la campagne, le matin nous conduisions les enfants en ville, en voiture. Les enfants allaient alors déjeuner chez leurs grands-parents. Mes parents avaient pris un appartement à Bourges pour se rapprocher de nous car j’étais fils unique. Une fois ma mère décédée, nous sommes allés habiter chez mon père. Nous habitions au premier et il habitait au rez-de-chaussée. Le soir quand les enfants arrivaient, ils faisaient leurs devoirs tout seuls. Ma femme s’occupait beaucoup plus que moi de l’éducation des enfants. Je rentrais très tard. Quand nous avions du temps libre, nous allions dans notre maison à la campagne.

J’ai du avoir la télévision en 1968 ou 69. Tant que mes enfants vivaient à la maison pour leurs études, je ne voulais pas l’avoir car je considérais que ça les gênerait pour travailler. Je ne voulais pas que l’on soit tout le temps en train d’appuyer sur le bouton pour voir ci ou ça. J’ai tenu bon. Il y avait des discussions ou les enfants allaient la voir discrètement chez les voisins, chez les copains. J’ai fini par me décider. J’en ai loué une pendant mes vacances pour voir ce que c’était et j’ai vu que c’était nécessaire dans la vie d’une famille moderne. Alors j’en ai acheté une.

Pour les aînés, je les ai élevés de la même manière que j’ai été élevé, avec les mêmes avantages et les mêmes inconvénients mais il y eut une évolution pour les filles. Les plus jeunes n’ont pas du tout la même mentalité. Mes quatre aînés ont une vie droite, la cinquième a divorcé et a eu une vie plus difficile. Ma toute dernière vit en concubinage. En 1968 mes deux garçons étaient en faculté. Quand ils ont vu comment les événements tournaient, ils sont revenus chez moi à la campagne pendant 15 jours.

Inspecteur d’Apprentissage

Une fois installé dans le Berry, après mon mariage, j’ai appris que la chambre de métiers cherchait un inspecteur d’apprentissage pour s’occuper des apprentis. Ils étaient 900. J’ai posé ma candidature. On m’a fait passer un examen à l’Education Nationale à Paris, car la fonction dépendait de l’artisanat et de l’éducation nationale. J’ai eu la chance d’être reçu et à partir de 1948, j’étais Inspecteur d’Apprentissage dans le Chers.

Mon métier consistait à aider les apprentis à trouver des patrons, à vérifier si les patrons n’abusaient pas des apprentis, ce qui était souvent le cas. On les prenait comme apprentis et on les employait à laver les voitures ou nettoyer les chenils. On n’était pas toujours bien reçu quand on disait à un patron charcutier « Dîtes donc, il faudrait lui apprendre la charcuterie et pas seulement à nettoyer vos chiens ! » Les coiffeuses employaient des filles à faire des shampoings pendant deux ans avant de leur donner un travail intéressant. Dans le domaine de la mécanique, cela se passait bien.

Le rôle inspecteur de l’éducation nationale était pour la partie administrative, d’enregistrer les contrats, de vérifier s’ils étaient conformes à la loi et pour la partie exécution de se rendre dans les ateliers pour voir si les jeunes étaient bien traités, s’ils apprenaient réellement leur métier.

Dans les années 40 à 50, la formation des apprentis a fortement évolué pour la partie théorique. Pendant un long moment les jeunes passaient leur temps à l’atelier et on ne s’occupait pas beaucoup de l’enseignement général des techniques. Ils observaient leur patron mais on ne leur expliquait pas les bases techniques. J’ai assisté au départ de cette formation générale. Auparavant, il y avait moins de théorie mais beaucoup plus de travail en principe considéré comme pratique, mais qui souvent était le déchet du travail. C’est pour cette raison que l’on considérait l’apprentissage comme un rebut.

L’apprentissage était de trois ans, de 12 à 15 ans. Au bout de cette période, ils passaient ou l’examen d’apprentissage artisanal ou le CAP de l’éducation nationale. Quand je travaillais à la Chambre des Métiers nous les menions à l’examen de fin d’apprentissage, examen organisé uniquement par les Chambres des Métiers. Par la suite ils ont passé le CAP. De manière générale, ils arrivaient facilement à se placer chez un patron.

En 1973, l’inspection d’apprentissage a été retirée des Chambres des Métiers pour dépendre de l’Education Nationale. Je suis devenu fonctionnaire. J’ai changé de locaux, mon bureau est passé de la Chambre des Métiers à l’Inspection d’Académie à Bourges du côté du Palais Jacques Coeur. J’ai continué jusqu’à ma retraite.

La foi toujours présente

J’ai eu la foi dans ma famille. Mes parents très catholiques, très pratiquants m’ont élevé dans cette pratique. Mes grands parents maternels également. Mon grand père jusqu’à 90 ans allait tous les matins à la messe à la cathédrale de Bourges même par froid à pierre fendre. À Fussy, j’ai eu deux curés qui ont été des hommes merveilleux. Un plus frustre avait eu une éducation très simple mais il fut un très bon prêtre. Puis un autre plus cultivé, très instruit, il avait eu une grosse paroisse et il était venu là pour sa retraite. Il avait une très bonne influence sur mes fils. Je les aimais beaucoup je les recevais à ma table. Il y a toujours eu une ambiance très favorable à la religion chez nous.

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