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Récit

La population normande sous le bombardement américain du 6 juin 1944

Madame Dalarun née à Coutances, en Normandie.

dimanche 12 novembre 2006, par Frederic Praud

texte Frederic Praud


Je suis née à Coutances le 24 septembre 1921. Mes parents étaient cultivateurs fermiers à la limite même de Coutances, à Saint Pierre de Coutances, une petite commune de cent quatre-vingts habitants. Nous n’avions pas l’électricité, ni les wc dans la maison mais dans le fond de la cour et pas d’eau courante. Il fallait aller derrière la cour pomper l’eau au puits. Nous n’avions pas de douche. On se lavait comme on pouvait dans une grande bassine… et pas d’autre chauffage que le feu de la cheminée.

Le soir pour faire nos devoirs, on utilisait un verre d’eau avec un centimètre d’huile au-dessus. Nous avions trouvé des petites mèches à l’église, mèches que nous allumions dans le verre pour nous éclairer. La cheminée qui flambait nous donnait parfois la lumière nécessaire. Papa avait trouvé du carbure que nous mettions dans des lampes du même nom. Cela sentait extrêmement mauvais. Malgré ces détails, nous avons eu une enfance heureuse avec des parents qui nous aimaient bien. Nous revenions manger le midi chez nous car nous n’allions pas à la cantine. L’été nous aidions nos parents à ramasser les foins, et en automne, à ramasser les pommes.

L’hiver, par grand froid, nous n’avions pas de chauffage dans les chambres. Maman mettait toute la grosse braise, les charbons de bois, dans une bassine et montait ça dans la chambre. Nous mettions des briques chaudes dans le lit pour nous réchauffer… et pas d’eau chaude pour faire sa toilette !

Nous n’avions pas de radio. Mon grand-père recevait un journal toutes les semaines et nous donnait les principales nouvelles.

J’ai fait mon école à Coutances jusqu’au brevet ; à seize ans. J’avais la possibilité de tenter l’École Normale car j’aurais bien aimé être enseignante mais pour y entrer, il fallait fournir son trousseau complet, tous ses habits, ses draps. Mes parents n’étaient pas assez riches pour m’offrir tout ça !

J’avais un grand-père facteur et maman avait cru que j’aurais pu trouver du travail aux PTT mais cela n’a pas été le cas. J’ai finalement trouvé une place dans un bureau des impôts où l’on avait besoin d’une auxiliaire. J’habitais à un kilomètre de la ville de Coutances où je travaillais.

Le monde rural et ses classes sociales

Maman me disait que l’on ne pouvait pas inviter mes camarades à la maison car tous leurs parents étaient commerçants, des gens beaucoup plus riches que nous. J’étais assez attirée par la ville alors que mes parents étaient dans la culture. Les garçons de la culture ne s’intéressaient pas à moi car j’étais de la ville et les garçons de la ville ne s’intéressaient pas à moi car je venais de la culture. Je n’en souffrais pas. C’était ainsi…. Je ne serais jamais allée au bal des commerçants car ce n’était pas envisageable ! Les classes sociales étaient marquées. Nous étions habitués à ça. En rentrant à la ferme, je m’occupais des petits poussins qui venaient d’éclore… La nature était proche de nous, comme la famille.

Mon père avait eu une enfance difficile car il avait été mis petit commis dans une ferme à partir de l’âge de onze ans. Il soignait les bêtes. Il avait le droit d’aller voir ses parents qui habitaient à douze kilomètres une fois par an, à pied. Son père l’avait enlevé de l’école avant de passer son certificat car il avait une place à lui proposer. Papa disait toujours à ses deux filles, « Vous avez de la chance qu’on habite près d’une ville où il y a des écoles où vous pouvez aller. Il faut que vous vous instruisiez ! »
Maman lui répondait,
« Elles ne vont peut-être pas pouvoir…
 Mais si, si, si, il faut qu’elles apprennent ! »

Nous ne connaissions pas l’étranger !

J’ai dix-huit ans à la déclaration de guerre. Nous vivions sur nous-mêmes. Je n’avais aucune possibilité de voyager, rien. Nous ne connaissions pas les étrangers ! Notre plus grand voyage était la mer à douze kilomètres, une fois par an. La mer où nous ne nous baignions jamais car nous n’avions pas de maillot de bain.

Nous avions eu l’ordre de quitter notre ferme et de partir dans la Mayenne pour fuir l’arrivée des Allemands. Papa disait, « Ils ne me feront pas partir de là ! » Ma grand-mère commentait, « Oh ! Je resterai avec toi. C’est sûr ! »
Nous recevions plein de réfugiés venus du Nord. Ils voulaient aller plus loin et ils demandaient à manger. Une dame est arrivée très fatiguée et avait demandé à maman, « Oh madame, vous ne voudriez pas me donner votre eau de vaisselle pour me laver les pieds ? Cela me ferait tant de bien ! »

Les anciens parlaient de leur guerre 14/18 mais on ne voyait pas la nouvelle arriver. On ne suivait pas l’actualité, sans radio, sans journal… mais les anciens nous avaient donné une certaine haine des Allemands. Mon père avait été marin en 1914/18 et passait beaucoup de soirées à chanter… Cela nous suffisait !

On ne parlait pas des Allemands mais des « Boches »… ce qui a coûté cher à l’une de mes amies qui travaillait dans une librairie. Le patron lui avait demandé d’aller servir un Allemand. Elle lui a répondu, « Oh, non je ne veux pas servir un Boche ! » Elle a été mise en prison.

Les Allemands sont arrivés assez vite. Il nous fallait un laisser passer. Tous les hommes devaient déposer leurs fusils de chasse. L’un a été fusillé car on avait trouvé chez lui un vieux fusil. Nous avions peur en croisant les Allemands. Ils étaient partout… Il ne fallait les provoquer d’aucune façon. Toutes les écoles, les lycées qui accueillaient des pensionnaires ont été occupés par les troupes allemandes.

Il travaille pour Todd

Les regroupements étaient interdits mais nous avons voulu contourner cette règle pour une cérémonie au monument aux morts. Au lieu d’y aller en groupe, nous y sommes allées une par une. Ils ne pouvaient pas nous empêcher de passer. Nous avions la chance d’être des filles car les garçons de nos âges étaient partis au STO, Service du Travail Obligatoire, pour travailler dans les usines en Allemagne ou sur les chantiers Todd de construction du mur de l’Atlantique.

Une chanson avait été créée sur l’air de Lili Marlène :
"Dans notre baraque
Quand le jour s’enfuit
La lampe à pétrole
Soudain s’allume et luit

Et sur sa paille,
Chaque requis
S’demande vraiment
C’qui fiche ici

Il travaille pour les Todd
Il travaille pour les Todd"

On ne chantait pas ça devant les Allemands. Il fallait se méfier.

Ils pouvaient arriver à tout moment dans la ferme. Ils envahissaient tout et décidaient de faire des exercices. Ils prenaient tout ce qu’il y avait dans l’étable, tous nos instruments de travail : faucheuse, etc. Ils mettaient tout cela sur la route, faisaient des barrages et se bagarraient entre eux. Ils venaient ensuite à la ferme et obligeaient maman à leur faire à manger. C’était une crainte permanente.

La pesanteur de la soldatesque

Mon père nous avertissait constamment, « Les filles, faites attention ! » Il y avait des risques avec autant de soldats. Ils avaient créé une maison close à Coutances pour eux. Les queues étaient très longues et il ne faisait pas bon à passer à côté.

On voyait d’un mauvais œil tous les gens qui étaient favorables aux Allemands, tous les commerçants qui travaillaient avec eux ou qui les recevaient chez eux. Ils étaient mal considérés et cela faisait deux clans dans Coutances. Un marchand de tissus recevait beaucoup d’Allemands et il s’empressait à chaque fois de fermer sa boutique derrière eux pour les servir !

Je n’ai jamais entendu parler des juifs à l’époque mais plutôt des francs-maçons qui étaient montrés du doigt. Nous avons assisté à de tristes histoires notamment celle d’un ménage qui ne s’entendait plus très bien où la femme a dénoncé son mari qui avait un fusil. Il a été arrêté et exécuté. Elle en a été débarrassée…

Nous n’avions pas de problème de nourriture à la ferme… mais les Allemands se servaient et se faisaient servir par maman qui ne pouvait pas refuser. Nous allions quand même faire la queue chez le boucher.

Nous ne faisions pas de fêtes, juste quelques réunions de familles pour les communions, les mariages où nous chantions. Nous n’avons pas été malheureux mais inquiets.

Très tôt le matin, nous entendions les Allemands arriver pour faire leurs exercices en chantant. Notre chien de garde reconnaissait les Allemands et dès qu’il aboyait, « Oh, ce sont les soldats ! »

Mes parents étaient partis traire leurs vaches loin dans la campagne et ils ne revenaient pas. Nous avions entendu les soldats partir en exercice. Nous étions inquiètes avec ma sœur et nous ne sommes pas parties travailler. Mes parents sont revenus. Les Allemands étaient bien passés dans le champ où étaient les bêtes. Mes parents ont dû attendre l’autorisation des Allemands pour traire les bêtes et partir. Ils ont dû faire un grand détour.

On entendait parfois le chien aboyer le soir… « Oh les allemands sont là ! » Papa regardait dehors, « Ils vont aller aux cages à lapins ! » Mon père descendait avec sa grosse lampe à carbure… « Lumière ! Lumière ! » Il fallait tout éteindre !

Maman avait toujours peur que papa leur fasse une remarque, « Oh, la, la votre père ! S’il dit quelque chose… » Papa venait juste de rentrer le foin pour les bêtes l’hiver, quand ils sont arrivés en juin 1940, ils ont tout pris… Ils ont obligé maman à leur faire à manger à une heure du matin et sont restés là pendant un bon moment comme s’ils étaient chez eux.

Nous étions partis un soir et, en revenant, mes parents ont trouvé des Allemands couchés dans leur lit. Papa avait une petite barrique avec du Calva à la tête du lit. Il l’avait caché là. Il a pris un risque même si les Allemands dormaient bien. Il est allé chercher sa grosse bouteille, l’a passée au-dessus de la tête des Allemands et est parti la cacher ailleurs. On en riait par la suite !

Quand les Allemands voulaient prendre des poules, ils mettaient du grain partout, laissaient les poules se rassembler et les frappaient avec de grands bâtons en leur cassant les pattes. J’avais un petit canard avec une patte cassée. Je lui avais mis une attelle pour qu’il continue à bouger. Il était seul aussi je l’avais appelé Justin.

Un soldat avait eu la gentillesse de réparer ma chaussure pour que je marche. Le dessus était en osier avec des semelles de bois articulé.

Nous avons vécu quatre ans à la merci des Allemands. Nous ne suivions pas les événements de près mais voyions bien ce qui se passait d’après les réactions des Allemands. Quand ils sont arrivés, ils avaient l’intention d’aller débarquer en Angleterre
Les Allemands disaient qu’ils allaient embarquer pour l’Angleterre.

Nicht revoir maman…

Un jour, dans la cour de mes parents alors qu’il avait beaucoup plu et que je devais récupérer l’eau dans le grand bac installé sous la gouttière, un soldat qui prenait la garde comme sentinelle prend un air malheureux en me voyant passer et me dit : « Nicht revoir papa, nicht revoir maman ! » Il était complètement bouleversé de penser qu’il allait mourir. J’ai pensé que c’était un humain !

On sentait que les Américains allaient arriver un jour où l’autre. Des postes de DCA étaient installés partout notamment sur le toit de mon lieu de travail. Mon patron, receveur des impôts était furieux. Je travaillais dans le même bureau que ma sœur quand nous avons entendu, « Non, non, non… Vous passerez plutôt sur mon corps… Vous ne passerez pas ! »
Ma sœur disait, « Mon dieu, mon dieu, il va se faire tuer, il va se faire tuer… » Ils ont finalement réussi à monter et à installer la DCA sur le toit.

Papa livrait le lait tous les matins dans une épicerie en ville, avec une voiture à cheval. Ces gens-là vendaient aussi des fleurs et voilà qu’un Allemand vient chercher un matin un gros bouquet de fleur pour son officier qui habitait dans le lycée en face. Il passe sous le nez du cheval qui attrape l’Allemand par la manche. Papa a eu peur mais nous avons ensuite ri du cheval qui était contre les Allemands.

En partant les Allemands prenaient tout, même les chevaux. Papa a voulu le mettre à l’abri dans un grand champ. Les Allemands ont essayé de l’attraper pendant une demi-journée et ils n’ont jamais pu le prendre. Seul papa pouvait s’en faire obéir. Même les bêtes résistaient.

À un moment, les Allemands ont réquisitionné tous les hommes valides pour couper les têtes des pommiers pour empêcher les avions et les parachutistes d’atterrir. Ils appelaient ça les « pieux Rommel ».

Au cœur du débarquement

Nous n’avons pas eu de bombardements avant 1944… surtout à la Libération. Il était passé beaucoup d’avions doubles queues dans la nuit du 5 au 6 juin 1944. Le 5 juin au soir, la famille s’est couchée comme à l’ordinaire. Nous avons été réveillés par des balles traçantes qui passaient sous les fenêtres et de nombreux passages d’avions, des doubles queues. Nous avons commencé à dire, « Les Américains vont arriver ! »

Au matin du 6 juin, nous allons quand même au bureau et mon père va porter son lait à la ville ! On nous annonce, « Ça y est le débarquement a commencé. Ils sont à Sainte Marie du Mont ! » D’autres continuaient, « Oui, oui, ils seront là à 5 heures cet après-midi. » Mais, ils n’étaient pas là à 5 heures…

Ils ont bombardé Coutances à deux reprises et nous en avons été sonnés. Nous leur en avons voulu pour cela car ils savaient qu’il n’y avait plus d’Allemands dans la ville… un bombardement l’après-midi et un autre la nuit. Nous sommes rentrés à la maison vers 19 heures et aux premières bombes nous nous sommes mis sous la grosse table de ferme. Cela a commencé très fort.

Papa avait prévu un petit abri dans un petit chemin creux avec des fagots dessus. Nous nous installons là. Une fumée terrible s’élève de partout. Ma petite sœur crie, « Maman, maman, c’est les gaz. On va mourir ! On va mourir ! » Nous avons couru nous réfugier là… avec le reste de la famille qui savait que papa avait fabriqué un abri. Le bombardement était terrible.

Deux petites génisses étaient dans le champ. Elles avaient tellement peur qu’elles voulaient rentrer dans l’abri avec nous. Elles poussaient et papa disait, « Laissez-les, elles vont déjà nous protéger des éclats ! »

Coutances, ville détruite

Une fumée venait de Coutances et des centaines de papiers volaient. Nous en ramassons un et découvrons la photo du pape toute brûlée. Une imprimerie destinée aux associations diocésaines avait été touchée. Nous nous tassons dans cet abri.

La nuit vient. Une cousine était venue avec son bébé et une petite lampe à alcool. On lui a dit, « Tu vas faire de la lumière et nous faire repérer ! » Nous nous sommes mis au-dessus pour cacher la lumière. Les bombardiers doubles queues ne nous bombardaient plus, mais des chasseurs bombardiers raflaient le dessus de notre abri. C’était terrifiant !

Quand le jour est venu, papa est sorti et a découvert trente-deux trous de bombes autour de notre abri. Des rails de chemins de fer étaient piqués droit dans le sol. Nous avons eu de la chance.

La ville était détruite. Les personnes que l’on a pu dégager ont été conduites à l’hôpital mais les morts… Un oncle a été réquisitionné pour creuser une fosse commune dans le cimetière et mon père a dû utiliser des charrettes pour transporter les corps, des gens qu’il connaissait avec des enfants tous enveloppés dans des couvertures. Les Allemands surveillaient tout et il a dû prendre des chemins détournés. Papa a cru que des cadavres allaient tomber de sa charrette. Il en est revenu complètement bouleversé !

La ferme était à proximité d’un pont de voie ferrée, près de la gare. Le lieu était très visé par les avions qui n’ont jamais réussi à l’avoir. Le pont a été miné par les Allemands avant de partir. Ils l’ont fait sauter.

Le quotidien après les bombardements

Nous avons dû quitter la ferme, partir à cinq kilomètre plus loin. C’était intenable. Le maire de la commune avait organisé des îlots et nommé un chef d’îlot chargé d’aller chercher du ravitaillement en fonction du nombre de personnes par îlot.

Il donnait la viande à chacun en fonction de ce qu’on lui donnait à la mairie. Papa allait à la ferme rapportait le lait et le donnait aux gens. Beaucoup de bêtes avaient été tuées un peu partout. On ne mourrait pas de faim.

Papa revenait soigner les bêtes, maman parfois. J’ai voulu aller avec eux, un jour, mais les avions revenaient ! Je dis à maman, « Il faut qu’on aille se mettre à l’abri, dans un chemin un peu couvert ! » Papa qui avait fait la guerre 14 dit, « Ecoutez si vous venez pour m’aider… C’est comme ça tous les jours ! Il faut bien que l’on soigne les bêtes… »

On s’en va plus loin. On traverse la route. Papa s’était mis sur le seuil de son écurie pour regarder les évolutions et juger ce qu’il en était. A un moment donné, je pousse maman dans le fossé. Elle tombe et demande :
« Mais qu’est ce qui te prend ?
- J’ai vu la bombe se détacher. »
Elle tombait. Nous entendons une énorme explosion. Papa arrive. Fort heureusement, car la bombe était tombée sur l’écurie où il était assis…

Nous avons voulu aller dans Coutances, nous sommes passés sur des monceaux de ruines d’où l’on tirait toujours des cadavres. Nous sommes restés plusieurs semaines à vivre dans ce hangar où nous étions réfugiés. Nous couchions sur la paille mais papa est allé chercher nos matelas à la maison.

Les Allemands avaient peur et réquisitionnaient tout pour s’enfuir… Nous ne savions plus avec qui nous étions…

On ne fête pas les destructions

Il n’y eut pas véritablement de fête… Nous regardions passer nos libérateurs. Il a fallu que des troupes américaines arrivent pour que je voie des hommes noirs. Je n’en avais jamais vu !

On voyait également passer des Allemands. L’un d’eux s’était arrêté et m’avait demandé où il était en me montrant une carte. Il ne me croyait pas car c’était terrible pour lui… Il est rapidement parti et quelques secondes après nous voyons d’autres soldats mais pas avec les mêmes casques : des Américains !… beaucoup de Canadiens.

Tous les gens du village ont voulu leur faire la fête en leur offrant du calva mais les soldats étaient très méfiants. Ils avaient des détecteurs pour vérifier s’il n’y avait pas de bombes. Nous avons été déçus car nous les trouvions froids. Ils ne cherchaient pas à faire la fête. Ils se battaient encore !

Nous avons vu beaucoup d’Américains passer car nous n’étions pas loin du chemin de fer. Ils nous donnaient toujours un petit quelque chose, du chocolat et d’autres choses. L’un avait donné à papa une grande boîte d’ananas au sirop. C’était délicieux. J’avais voulu faire une tarte et nous n’avions pas tout mangé la première fois… Je n’ai pas pu utiliser le reste d’ananas, il était tout moisi car nous n’avions pas de réfrigérateur.

Les Américains n’étaient pas plus gâtés. Papa les avait vus en gare de Coutances assis sur leur casque à manger une boîte de conserve. Ils étaient prêts à nous changer tout notre argent, à faire disparaître le franc pour leur monnaie… une autre manière d’être occupés.

J’étais aux impôts et les gens ont dû déclarer toute leur augmentation de capital entre le début et la fin de la guerre pour régler un impôt de solidarité. L’administration du domaine récupérait des bêtes, des voitures et on ne savait plus à qui elles appartenaient. L’Etat a vendu tout ça !

La première femme élue

Le Général de Gaulle a accordé le droit de vote aux femmes en 1945. Mon père était adjoint au maire dans notre petite commune de cent quatre-vingts habitants. Nous avons voté pour élire le conseil municipal en 1945. Ceux qui gardaient le bureau de vote venaient avec une bonne bouteille de cidre bouché et quelques gâteaux !

Le soir, je vois deux conseillers arriver avec une gerbe de fleur en me disant, « Tu es élue ! Tu es élue ! » Je n’en revenais pas car je ne m’étais pas présentée. Je n’avais pas été candidate et les gens ont voté pour moi.

Je ne sui pas allée jusqu’à la fin de mon mandat car je me suis mariée et je suis partie en régions parisienne. Une deuxième fois élue à Pierrefitte, mon mandat a été aussi écourté pour cause de retraite et de déménagement. J’ai quand même eu le temps d’apprécier les devoirs et les responsabilités d’une élue et j’en garde un bon souvenir.
Alors que je visitais mon village après les dernières élections municipales de 2000, une femme me demande :
« Dites donc, vous aviez été élue à Saint Pierre de Coutances ?
 Bien oui.
 Eh bien, écoutez ! Il n’y en avait plus eu depuis vous, mais on vient d’en réélire une ! » Cinquante-cinq ans après !
Je fus l’une des premières femmes élues de France

Message aux jeunes :

Le bien le plus précieux c’est la vie. Elle s’ouvre devant vous. Chacun a la sienne à construire dans la liberté et la paix et ainsi rendre le monde plus beau, plus solidaire, plus fraternel.


Voir en ligne : La Bande Dessinée : Les Migrants

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