La vie au Gabon. La vie en France.
"La vie de Pahé" , du Gabon à Paname
Paquet éditions.
Cette fiche fait partie du répertoire de la bande dessinée migrante créé par Paroles d’Hommes et de Femmes. Ce répertoire est destiné aux enseignants, éducateurs, associations, collectivités qui souhaitent utiliser la BD ayant pour thèmes la migration, l’altérité, l’intégration, comme une source de lien social et d’action éducative
La vie de Pahé
Auteur/ illustrateur : Pahé
éditeur : Paquet
3 tomes dont 2 déjà parus.
Thématiques : migration Gabon-France (Paris), culture et vie
en Afrique, les différences.
L’histoire :
Partez à destination de Bitam, petite ville au Nord du Gabon en Afrique Centrale dans laquelle Pahé est né. Tout en humour, il raconte les périodes marquantes de son existence : entre autre la cohabitation entre co-épouses au village d’Eboro, sa première rentrée des classes à Libreville, son départ en avion pour la France, la découverte de la neige, de la télévision et du Mammouth puis son retour au pays quelques années plus tard. Une belle fresque de vie qui nous propose un parallèle drôle et plein de bon sens entre la vie en Afrique et celle en France à travers des yeux d’enfant. Attachant et plein d’humour, Pahé revient ainsi sur son enfance et nous explique comment il en est arrivé là : créer des bandes dessinées !
Source Paquet
Avis de Lionel :
Grâce à l’humour, La vie de Pahé, montre les différences flagrantes entre la vie en Afrique et celle en France mais ne les présente pas comme insurmontables.
Tome 1 : Bitman, 2006
Pahé est né au Gabon, dans le village de Bitam. Son père avait plus de 10 femmes, et c’est l’arrivée d’une nouvelle épouse qui décida sa mère à quitter ce mari si ce n’est volage, tout du moins gourmand. Il grandit donc au milieu des femmes, sa mère d’abord, puis ses sœurs. Mais le garçonnet n’en fait qu’à sa tête et, avec les moyens du bord qui sont ceux de tous les enfants africains, s’amuse comme un petit fou. Et ce n’est pas un voyage "rafraîchissant" en France qui entamera son enthousiasme et sa joie de vivre, même s’il remettra au point quelques concepts, tout particulièrement éducatifs.
Visiblement, Pierre Paquet a eu un coup de foudre pour Pahé. Coup de foudre émotionnel tout d’abord, puisque les deux hommes s’appellent "frère", même s’ils ajoutent malicieusement "pas même père, pas même mère", distinction importante lorsque, comme l’auteur, on vient d’un pays et d’une famille où la polygamie est la norme. Coup de foudre éditorial ensuite, puisqu’il a commandé à un inconnu une série en trois tomes racontant rien moins que sa vie, en Afrique et en France. Et elle n’est pas ordinaire, cette vie qui cherche à prendre le meilleur de deux cultures en laissant sur le côté le maximum de préjugés... Pahé est spontané, plein de vie, ce qui aide à pardonner certaines habitudes orthographiques désagréables au début, les "cékoi", "cépa" et autres "fopa", ou même les grossièretés qui émaillent l’album et qui ne manquent pas de faire tiquer les puristes. Cependant, une fois le livre refermé, on ne se souvient que de sa fraîcheur et de sa différence, loin des poncifs sur l’Afrique Noire entretenus par un néocolonialisme toujours latent sous nos latitudes.
Le dessin est lui aussi spontané, peu recherché. On lui retrouvera des influences chez les dessinateurs qui sévissaient dans les magazines Disney d’il y a une dizaine d’années, ou dans le dessin de presse typé Fluide Glacial. Couleurs enfantines, trait rapide qui traduit un gag plus qu’il ne cherche à provoquer des sentiments chez le lecteur, les planches de Pahé visent à l’efficacité plus qu’à l’esthétisme, et dans ce domaine réussissent parfaitement leur pari. On rit, on sourit et, parfois, on s’indigne un peu devant les manigances de ces gamins, ou devant la veulerie toujours renouvelée des adultes.
Un album qui s’apprécie à la relecture, tant la première vision s’embarrasse de considérations déplacées sur "qu’est-ce qu’une bande dessinée" et "pourquoi faire encore un album vite fait mal fait". C’est une fois sorti du carcan de nos opinions bien posées et habituées au bon vieux franco-belge que l’on peut apprécier cet album, pas tout à fait jeune public, pas tout à fait adulte. Peut-être pour les adultes qui sont restés jeunes, en fait...
Chronique de Léga.
Tome 2 : Paname, 2008
Loin des clichés misérabilistes sur l’Afrique noire, Patrick Essono poursuit avec verve l’histoire de ses allers et venues entre la France et le Gabon de ses jeunes années. Le ton est cru, l’humour bien senti et la tendresse pointe souvent au détour de la page. L’auteur a le sens de l’à-propos, de la mise en place comme du détail qui fâche. La vie de Pahé, c’est aussi du bon vieux poil à gratter saupoudré du sel d’années de dessin de presse. Le regard est distancié, souvent sans concession, et verse volontiers dans la franche dénonciation du racisme ordinaire à la française ou de la corruption de la sphère politique gabonaise et des régimes africains népotiques. L’expérience aguerrie du caricaturiste se fait sentir, celle de celui qui sait pertinemment où se situe la ligne à ne pas franchir pour ne pas se mettre en danger. Et si la critique est parfois acerbe, elle ne se départit jamais de la fraîcheur et de l’autodérision qui caractérisaient déjà le premier album. Pahé se met alors en scène avec talent et drôlerie même si, de temps à autre, l’ennui pointe quelque peu tant l’histoire semble bégayer.
D’un boui-boui à Libreville dénommé « Visa-Schengen » à la rue du Terroir dans une cité pavillonnaire, de la banlieue parisienne aux tribulations dans le RER, de l’évocation gloubi-boulguesque des après-midis devant Récrée A2 et des soirées arrosées dans les maquis africains, les pérégrinations de l’auteur font la part belle aux situations cocasses comme à des expressions à tout le moins imagées. Le parallèle jubilatoire et plein de bon sens entre les deux pays sonne juste et le choc culturel produit évidemment les étincelles attendues. Ode à la débrouille, au système « D », chacun saura désormais comment se dépatouiller d’un contrôle dans le métro : sortir sa carte consulaire et ne jamais oublier cette adresse, celle de l’ambassade du Gabon à Paris, le 16 bis avenue Raphaël !
Quant au dessin, à l’avenant, s’adapte parfaitement au genre, celui du comique de situation. Simple et peu esthétisant, le trait se veut avant tout efficace et spontané. Les couleurs, primaires et chaudes, rappellent sans cesse le meilleur du comic-strip et du dessin d’actualité.
Chronique sensible de l’intégration et de la différence, La vie de Pahé mérite que l’on s’y attarde en attendant le dernier tome de la trilogie même si certains tics de langage ou de construction peuvent agacer.
Chronique de D. Lemétayer.
Source : www.bedetheque.com