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Myriam Chibane née en 1994

Sarcelles, c’est cool, tout le Monde y vit

il y a un échange... puis c’est une attitude, pas un événement

lundi 5 juillet 2010, par Frederic Praud

Myriam CHIBANE

Je suis née en 1994. Je sais juste que mon père était à Goussainville, ma mère à Epinay. Je ne sais pas quand ils sont arrivés à Sarcelles. Mon père est né dans la Drôme. Pour moi, pour l’instant à quatorze ans, ce n’est pas important de savoir d’où viennent mon père et ma mère et ce qu’ils faisaient. Peut-être plus tard, mais maintenant pas vraiment. On était aux Flanades puis nous sommes venus aux Chardo.

Souvenirs d’enfance

Les Chardo c’était pour moi enfant, plein d’amies, plein de maisons. Nous étions en pavillon et j’allais à l’école. Mes plus anciens souvenirs de mon quartier, ce ne sont certainement pas des souvenirs de rue ! Je suis allée à l’école à Bois-Joli. Actuellement je suis en cinquième au collège Victor Hugo. Je ne sors pas trop. Je sortais mais pour aller devant la boulangerie ou Franprix. Il y en a qui restent là jusqu’à je ne sais pas quelle heure…moi non ! Chardo c’est un nom que l’on donne.

Je crois que je suis allée une fois au centre d’animation des Chardo. C’est bien, une ou deux fois j’ai attendu une copine là-bas. On n’arrêtait pas de me dire : « vas-y ! Tu vas pouvoir faire des activités » et moi je ne voulais pas.

Le collège

Le collège est un grand bâtiment… quand on voit sortir tout le monde plus tôt que les autres ça fait penser à une prison. Les garçons restent entre eux. Les garçons se mélangent au niveau des cultures, mais moins que les filles. Comme ils sont parfois cousins, c’est normal qu’ils restent entre eux. Il y a un aspect familial. Il y a pas mal d’Assyro-chaldéens. Je ne connais pas leur histoire.

La bagarre

Il y a des bagarres dans mon collège, c’est la routine ! Ils se battent pour faire les intéressants. Ça fait longtemps qu’ils ont envie de se battre et ils se lâchent ! La plupart, c’est juste pour se battre. Disons que c’est un jeu pour eux. La première bagarre que j’ai vue, c’était en sixième ; c’était pour de l’argent prêté, non rendu, non c’était pour un vol de portable !

Tout le monde crie « Tiens il y a un tel et un tel qui vont se battre ! ». Tout le monde court pour aller voir qui c’est, qui va gagner, comment ils font, ou encore les copains, les copines crient : « arrête ! »

Les filles parlent plus, les garçons ne tiennent pas en place. Elles sont assises sur un banc à discuter, mais les gars vont au bout de la cour et reviennent. C’est dommage parce qu’il y a des garçons prêts à discuter, à parler de tout ce qui leur plaît, mais ça dépend des personnes.

La mode

Au collège, la mode je m’en fous, mais si je suis invitée quelque part, je vais me faire belle ! Mais au collège, c’est limite si je me coiffe ! Pour la photo de classe tout le monde se fait beau. Mais après ils s’en foutent tout le restant de l’année. Il y a des filles, parce que c’est la mode des pois, elles s’habillent toutes en pois ! Les garçons sont plus « marques ». Il y en a pas mal qui sont Nike et tout. Un tee-shirt, s’il n’est pas « marque », ça dépend des garçons. Dans nos classes si le tee-shirt n’est pas Nike, c’est grave !

Racaille, c’est bête comme mot…

A l’extérieur, je ne décris pas ma ville. Je décris ma maison, mais pas Sarcelles. Je décris ma chambre ou encore mon collège, mais je ne décris jamais la ville ! Une ou deux fois j’ai dit que j’étais de Sarcelles. « Toi ! Mais tu n’es pas une racaille ! ». Pour les autres à Sarcelles, il n’y a que des racailles ! Ce n’est pas vrai. Les racailles ne sont pas qu’à Sarcelles ! Ils sont partout. Et encore « racaille », je n’aime pas ce mot. Je trouve que ça ne veut rien dire. S’ils font des choses, c’est qu’ils étaient obligés d’une certaine manière. « Racaille » c’est bête ! Lorsqu’on me dit : « T’es une racaille ! » je leur réponds : « non je ne suis pas comme ça et il y en a plein qui sont comme ça ! ». Pour eux si tu n’habites pas une ville comme Paris ou Lyon, t’es une racaille ! Sarcelles, je me demande comment ils la voient. Ils voient tout le monde avec des baggy, ils s’imaginent des trucs dans leur tête !

Par exemple quand je vais en vacances et que je vois d’autres enfants, même les adultes pensent qu’à Sarcelles tout le monde porte des baggy et qu’à Sarcelles il n’y a que des gros bâtiments moches !

Les Chardo

Les Chardo, ce n’est pas du tout la campagne. Je suis allée une fois à Lochères parce que je me suis trompée de bus pour aller à la piscine ! J’ai une copine qui habitait Lochères. Lochères, je n’y suis jamais allée. C’est un quartier. C’est tout. Des gens se connaissent, se fréquentent. C’est comme les Chardo, tout le monde se connaît. Je n’ai pas de préjugés sur Lochères. J’ai été victime de préjugés sur Sarcelles une ou deux fois, ça m’avait choqué ! Après pourquoi avoir des préjugés sur telle personne ou tel lieu. Ça se peut que Lochères ça soit la campagne. On ne sait pas...

L’Algérie

En Algérie, je suis allée… j’avais un gros appareil dentaire ! C’était la canicule ! Je ne mangeais rien. J’ai vu des cafards ! Je connaissais le pays par les paroles de mon père, parce que chaque fois, il me disait : « je vais accompagner un tel et Dédé à l’aéroport pour les emmener en Algérie ». À l’école je connaissais l’Algérie. Je connaissais le Maghreb.

Au début, l’Algérie, je pensais que c’était le Sahara. Je pensais que ce n’était que du désert. Après je me suis rendue compte : ce sont des gens comme nous, un peu plus bronzés. Par contre en Algérie ils n’évoluent pas, c’est impressionnant ! J’ai dû me baigner en robe ! Il y a des petits trucs comme ça, sinon… Pour moi, l’Algérie c’est mon pays d’origine, mais c’est loin. Pour mon père c’est vraiment son pays d’origine particulier, mais moi non. Ma terre c’est Sarcelles, la France.

Sortir de Sarcelles

A part travailler dans un petit magasin, et ça je n’ai pas envie, Sarcelles je ne vois pas comment on pourrait y faire sa vie ! On peut travailler ailleurs et faire sa vie ici, mais rester jusqu’à mes quarante ans ici, je ne pourrais pas ! Je terminerai mes études, mais pour fonder une famille, j’irai autre part, pas à Sarcelles. Que mes enfants ne voient pas la même chose que j’ai vue. Je ne voudrais pas passer quarante ans ici, être dans la même maison, faire le même chemin, le même bus…

Sarcelles, c’est une ville comme les autres avec quelques petits détails qui font la différence. C’est cool d’habiter à côté de Paris ! Déjà ici il n’y a pas de cinémas !

La réussite

La réussite c’est d’être heureux, être sûr d’avoir tout fait pour être où l’on en est. Être stable, ne pas avoir de gros problèmes.

La musique c’est bien parce que c’est un métier super d’aller sur scène, de chanter, plutôt que de rester devant un bureau. Maintenant si la personne est mieux derrière un bureau, tant mieux pour elle ! Je ne connais pas le groupe sorti de Sarcelles. Il y a un groupe de rap aux Chardo, ils sont une douzaine. Ah si ! J’ai une copine qui a eu l’album… je l’ai offert à mon père parce qu’il le voulait absolument. Je l’ai écouté une fois, mais c’est plutôt écrit. Si ça leur plaît. Moi ça ne m’a pas trop plu, « Connexion impossible ».

Richesse culturelle

Ce qui m’a marqué dans cette ville c’est le fait que tout le monde soit mélangé. Parmi mes copines, il y a toutes les religions, des Musulmanes, des Chrétiennes, des Juives, des Martiniquaises, des Portugaises, on a de tout. Je ne pense pas que ce soit comme cela dans toutes les villes, qu’il y ait autant de différentes cultures dans une même ville. Je pose des questions aux copines sur leur religion. Il y a un échange et puis c’est une attitude…pas un événement.

Le prince charmant

Savoir qui j’épouserai, moi je m’en fous totalement ! Il ne faut pas qu’il soit bête, il ne faut pas non plus qu’il soit quasimodo ! Il faut qu’il soit équilibré. Ce n’est pas une question de communauté, je préfère même qu’il n’y est pas de problème de religion. Sans cela, ça va être compliqué, imagine, il doit être de telle religion ! Il peut être chinois comme il peut être africain. Je préfère qu’il soit américain, anglophone ! C’est cool ! Pourquoi pas ça ne serait pas un Sarcellois s’il est anglophone !

Message aux anciens

Que les anciens nous aident à réussir, ça c’est sûr ! Qu’ils fassent tout ce qu’il faut pour qu’on ne devienne pas pauvres. Je n’ai pas peur du chômage, mais j’ai peur de la pauvreté.


Texte réalisé par Frederic Praud


Voir en ligne : La Bande Dessinée : Les Migrants

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