Haiti - lettre ouverte de parents meurtris
Décès d’un enfant adopté - la France en question !
une autre conséquence du séisme
Lettre ouverte à M. Sarkozy, M. Fillon, M. Kouchner, Mme Morano, …
Le 24 mars 2010
Simon n’a pas eu la force de nous attendre…
Nous sommes un couple qui était en cours d’adoption en Haïti au moment du séisme. Simon, l’enfant que nous attendions depuis bientôt 28 mois, vient de mourir par la faute des décisions de l’Etat français, prises soi-disant « au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant ».
La décision de communiquer sur la mort de Simon a été extrêmement difficile à prendre, par pudeur et par respect pour lui et parce que cela ne correspond pas à nos valeurs. Mais, nous n’avons pas le choix car près de 600 enfants apparentés à des familles françaises depuis des mois, des années, sont toujours en Haïti et risquent le même sort que notre petit garçon.
Pour nous, Simon était notre fils depuis plus de deux ans. La procédure d’adoption étant très longue, nous n’avions toujours pas le jugement quand la terre a tremblé en Haïti. Simon n’a pas été blessé lors du séisme. Ce n’est donc pas directement cette catastrophe que l’on peut tenir pour responsable. En trois ans de vie, ce petit bonhomme a connu l’abandon de ses parents de naissance, la faim, un terrible tremblement de terre, trois semaines dans un terrain vague, quelques jours dans un lieu enfin plus propice, un mois d’hôpital et l’attente interminable de ses parents, nous, qui n’ont pas pu venir le chercher.
Depuis plus de deux mois maintenant, l’Etat français campe sur ses positions, sans tenir compte de la réalité en Haïti. On nous dit que tout est en train de se normaliser et que les procédures peuvent reprendre. Au nom de « l’intérêt supérieur de l’enfant », on entend que les enfants ne sont pas à un mois près. Dans le seul intérêt de valider son idéologie, M. Kouchner s’entoure de certains psychologues ou psychiatres allant dans le même sens que lui, sans entendre ceux qui ont des analyses diamétralement opposées. Ceux qui ont pris position pour bloquer le retour rapide des enfants pourraient-ils nous parler du traumatisme d’un deuxième abandon, que Simon a dû ressentir en ne nous voyant pas venir ?
Bernard Kouchner a dit le 4 mars : « La situation a changé et maintenant, on peut plus prendre soin des enfants, parce que la crise est passée et que maintenant, nous devons prendre soin des enfants autrement qu’en les mettant dans des avions pour arriver en France. »
En ce qui concerne Simon, nous avions un certificat médical, établi le 22 janvier 2010 par un pédiatre français, qui avait rendu visite aux enfants de la crèche en octobre 2009. Il décrivait Simon comme à risque. « J’ai constaté un grand retard staturo-pondéral […]. Ce retard de croissance était la conséquence d’une malnutrition antérieure, ce qui lui confère une grande fragilité vis-à-vis des infections. […] Suite aux évènements récents en Haïti (le tremblement de terre), les conditions d’alimentation et d’hydratation des enfants de la crèche et tout particulièrement celles de Jephté/Simon vont devenir problématiques, ce qui le met en grand danger. Son état de santé justifie donc qu’il soit prioritaire pour un rapatriement. » Tout était dit. Ce certificat a été envoyé au Ministère des Affaires Etrangères rapidement après le séisme.
Tout au long de ces deux mois, tous les niveaux de l’Etat ont été informés de la fragilité de notre petit garçon et de l’évolution de sa situation, son hospitalisation. La directrice de la crèche a prévenu de son côté le consulat. Mais rien n’a été fait pour lui.
Alors, qu’on ne vienne pas nous dire « on ne savait pas, on ne pouvait pas prévoir ».
Simon a été hospitalisé pour une infection pulmonaire, contractée à cause des conditions de vie subies pendant les trois semaines dans un terrain vague, juste après le séisme, à l’humidité, la poussière, parmi les mouches et les moustiques.
Nous pensions qu’à l’hôpital, il allait bénéficier de soins appropriés. Naïfs, nous imaginions qu’avec les aides humanitaires, les hôpitaux étaient pourvus en médicaments adaptés. Mais il faut savoir que c’est aux patients de trouver les médicaments par leurs propres moyens, dans les différentes pharmacies.
Quand le cas de Simon s’est aggravé, c’est donc la directrice de la crèche qui a tout fait pour trouver ce qui lui était nécessaire. Quand elle l’a enfin trouvé, il était trop tard.
Voici une partie du mail qu’elle nous a adressé le 22 mars : « Tout ce que je souhaite actuellement, c’est que les enfants rejoignent le plus rapidement possible leur famille adoptive car ici, la vie devient de jour en jour extrêmement difficile. En ce moment, il n’y a plus d’hôpitaux militaires français et américains, il faut faire avec ce qu’on trouve localement ici en Haïti. »
Alors non, M. Sarkozy, M. Fillon, M. Kouchner, Mme Morano etc, tout ne rentre pas dans l’ordre en Haïti. Non, les enfants n’ont pas le temps d’attendre. Non, on ne prend pas soin d’eux, par exemple : pas de recensement précis et de prise en charge médicale des enfants qui ne bénéficient pas encore d’un jugement et qui sont malades.
Depuis le départ, les parents adoptants sollicitent l’arrivée des enfants, en toute transparence, afin qu’ils soient pris en charge d’urgence pendant que se poursuivent et se terminent les procédures de manière tout à fait légale.
On nous rétorque qu’il faut prendre des précautions. Par exemple Bernard Valéro, porte parole du Quai d’Orsay, dit le 22 janvier : « Nous avons pris toutes les précautions possibles de manière à éviter toute erreur, parce que si on fait une erreur, c’est sur un enfant que ça tombe et on ne peut pas se permettre de prendre le moindre risque ».
A l’époque, il parlait du risque de se tromper sur l’identité d’un enfant et de l’évacuer en France, alors qu’il n’était pas en cours d’adoption.
Pourtant, la fin de cette citation est malheureusement aujourd’hui d’actualité, Simon est mort du mauvais usage du principe de précaution : il n’y a pas d’erreur possible, tous les enfants en cours d’adoption sont recensés depuis longtemps et pour chacun d’entre eux, un consentement d’abandon, sans lequel un apparentement n’est pas possible, est signé par les parents biologiques. Cela fait plus de deux mois maintenant que la terre a tremblé, et les enfants sont toujours dans les crèches. Ils n’ont pas été repris, comme certains semblent le dire, par leurs parents de naissance. Ils n’ont pas de famille élargie qui pourrait s’occuper d’eux, sinon ils n’auraient pas été en crèche depuis tout ce temps.
Il faut revenir au bon sens, il s’agit d’une situation tout à fait exceptionnelle, une situation d’urgence qu’il faut que la France reconnaisse. Ce n’est pas le moment d’une bataille idéologique sur l’adoption en général.
Si nous avions été belges, hollandais, américains, canadiens, luxembourgeois… ce petit bonhomme découvrirait le printemps avec nous. Il ne saura jamais ce qu’est le printemps en France.
Ce décès aurait pu et aurait dû être évité. Il faut empêcher que d’autres enfants ne meurent parce qu’on n’a pas su traiter leur dossier à temps !
Si enfin, l’Etat pouvait revenir sur ses décisions et négocier, comme d’autres ont su le faire, l’évacuation de tous les enfants apparentés à des familles françaises, Simon resterait le seul d’entre eux à avoir été une victime post-séisme. Cependant, il ne faudra jamais dire que Simon n’est pas mort pour rien. Simon n’est pas mort "pour", il est mort "à cause"...!
Surtout que la France ne cherche pas à rejeter la faute sur les responsables des crèches, sur l’Etat haïtien ou sur la fatalité. Contrairement à de nombreux pays, la France n’a pas fait évacuer ces enfants, seul le gouvernement français est responsable !
Les PARENTS de JEPHTE/SIMON
Stéphanie et Raphaël Legay
Messages
1. Décès d’un enfant adopté - la France en question !, 29 avril 2010, 09:15
bonjour,
toutes mes condoléances...
je suis une adoptée vietnamienne née pendant
la guerre.
je comprends votre tristesse et incompréhension.
toutefois, je comprends aussi les autorités françaises
et les remercie également ; elles ont su prendre acte des erreurs passées.
pendant la guerre du Vietnam, ce fut également un énorme chaos et certaines
personnes pensant bien faire n’ont pas hésité à ramasser les enfants dans la rue en pensant qu’ils étaient abandonnés...alors que ce n’était pas le cas.
sachez qu’aujourd’hui encore certains parents recherchent leurs enfants après plus de 35 ans.
cordialement
M-L