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De Montereau à Egligny

Madame PETIT Gisèle, née en 1930 à Montereau

samedi 10 novembre 2007, par Frederic Praud

Madame PETIT Gisèle, née en 1930 à Montereau

Je ne suis pas née à Egligny mais à Montereau. Je n’habite ce village que depuis vingt-cinq ans (1980). Je venais en vacances chez mes grands-parents au Plessis Châtenay. Moi aussi, j’ai glané, j’ai fait les vendanges, j’allais chercher l’herbe pour les lapins, etc…

Parents

Mon père travaillait pour un marchand de vin. Il était caviste. Ma mère ne travaillait pas.

Montereau était une ville assez importante parce qu’il y avait toutes les usines : la faïencerie, Baldon, Besson, Nodt, etc. Elles ont aujourd’hui quasiment toutes disparu à l’exception de l’usine qui fabrique les câbles électriques.

J’ai vécu à Moret sur Loing à partir de l’âge de huit ans, 1938.

Ecole

Je suis allée à la maternelle à Montereau. J’ai ensuite passé trois mois à Bray pour arriver à Moret où je suis restée jusqu’en 1950. A l’école de Moret, j’avais de bons instituteurs et une bonne directrice. Il y avait deux divisions. L’école n’était pas mixte. Nous étions dans la même cour mais nous restions séparés.

J’ai obtenu le Certificat d’Etudes et j’ai poursuivi des études de secrétariat, à Fontainebleau. C’était en 1940, au moment où il y avait les Allemands. Il n’y avait qu’un train le matin et un le soir.

On vivait tranquilles avant la guerre. On ne parlait pas des Allemands. J’avais un grand-père qui avait fait la guerre de 1914.

Déclaration de guerre

Au moment de la mobilisation en 1939, tout le monde disait que les hommes allaient partir à la guerre. Mon père a également été appelé à quarante et un ans. On l’avait appris par les journaux. Peu de personnes disposaient d’une radio, nous avions une TSF. Nous étions moins au courant des actualités qu’aujourd’hui. A neuf ans, voir partir les hommes à la guerre signifiait qu’ils allaient se faire tuer.

Malade, ma mère a dû trouver un taxi pour me conduire à l’hôpital. Il n’y avait pas d’ambulance. J’ai été opérée de l’appendicite en 1940 et mon père est venu me voir à l’hôpital de Fontainebleau, habillé en soldat. J’avais même volé une orange dans sa poche parce que j’avais soif. A cette époque, j’avais droit à une cuillère à café d’eau toutes les heures.

1940, exode

Nous sommes partis en exode à bicyclette dans la direction d’Episy et nous nous sommes retrouvés sur la route de Nemours. On emmenait tout ce que l’on pouvait, pas grand-chose.

Nous avons été mitraillés. Les soldats français nous plaquaient par terre pour nous protéger des balles. Les avions blancs, italiens, mitraillaient les colonnes entières. On se jetait dans les fossés pour se protéger et on restait à plat ventre jusqu’à la fin des mitraillages.

Nous sommes allés jusqu’à Montargis. Nous y étions au moment où la gare a été mitraillée. Nous sommes finalement revenus par le train jusqu’à Nangis et à pied jusqu’à Moret. Des tombereaux étaient couchés sur la route ainsi que des chevaux, des animaux morts dans les fossés.

Nous avions laissé les portes et les fenêtres de notre maison ouvertes. Rien n’était cassé quand nous sommes revenus, pourtant, les deux ponts autour de chez nous avaient sauté. Une dame de la rue qui était restée au village nous a dit qu’elle avait vu passer les Allemands mais, il n’y avait eu aucun dégât.

Occupation

Quand nous sommes rentrés les Allemands étaient déjà installés dans le village. Ils réquisitionnaient des hôtels ou des bâtiments de ce type. Ma grand-mère de Montereau avait des chambres à louer chez elle. Elles ont été réquisitionnées pour les Allemands. Elle a eu différents types d’Allemands, même des SS mais, à la fin, c’étaient des pépères. Ils savaient qu’ils étaient déjà fichus. Ils n’avaient qu’une hâte c’est que le conflit finisse.

Les Allemands ne sont jamais venus chez nous.

L’été de 1940 après l’exode, nous avons poursuivi nos vacances normalement. A la rentrée, nous avons repris le chemin de l’école. La vie continuait…

Le couvre-feu était instauré. On entendait le bruit des bottes des Allemands qui patrouillaient le soir. Ils vérifiaient qu’il n’y ait pas de lumière pour éviter les bombardements. Autrement, nous allions à l’école normalement. En tant qu’enfant, je n’étais pas rassurée quand je les voyais mais comme ils ne nous faisaient rien du tout je ne ressentais pas de peur particulière

Montereau était entouré d’Allemands. La manutention en était pleine. Ils donnaient parfois des concerts sur la place.

Fait prisonnier, mon père a passé une année en Stalag à la frontière allemande mais il a fait partie des classes qui ont la chance d’avoir été rapatriées grâce à leur âge. Je vivais avec ma mère et ma sœur. Maman travaillait comme vendeuse dans une épicerie pas loin. Nous recevions quelque courrier de notre père et avions des informations par la radio. Je ne me souviens du jour où mon père est rentré...

Lorsqu’on est enfant, on est un peu insouciant tant que l’on ne souffre pas. Un des souvenirs marquants est d’avoir vu un mètre de neige dans la forêt de Fontainebleau.

Nous avions assez de nourriture entre les tickets et le petit jardin que nous cultivions. Pour les enfants, les tickets s’appelaient les J3. Mon grand-père était cultivateur au Plessis Châtenay. Il nous donnait des pommes de terre. J’ai gardé un mauvais souvenir des bouillons cubes. Ils sentaient vraiment mauvais et je n’ai jamais pu les digérer.

J’ai passé mon certificat d’études le 6 juin1944, le jour du débarquement des Américains. C’est là que j’ai appris le débarquement.

Résistance

Des FFI se cachaient à Moret. c’était secret. Nous ne l’avons appris qu’après. Les Allemands les appelaient des terroristes. Deux ponts ont sauté celui sur le Loing et celui de l’Orvale. Les gens avaient peur.

Mon mari qui avait six ans de plus que moi m’a raconté que son père lui avait fait transporter un tombereau rempli d’armes. Il ne savait pas que son père faisait partie de la résistance avec Ballot.

Je conserve le mauvais souvenir de voir les FFI tondre les cheveux des femmes qui avaient soit disant couché avec les allemands…

Les Américains

Il n’y a pas eu de coup de feu. On entendait à la radio sur Ici Londres que les Américains allaient arriver. Comme à Paris, tout le monde se précipitait vers les chars et montait dessus. Nous étions contents parce que l’on savait que l’on ne risquait plus rien.

Après-guerre

Nous avons appris l’existence des camps de concentration à la fin de la guerre par la radio et les journaux. Nous n’avions pas de télévision, pas d’images.

J’ai commencé à travailler à seize ans. J’ai fait un an d’école de secrétariat après mon certificat d’études. J’ai poursuivi dans une école privée qui donnait des cours accélérés. J’ai fini au mois de juin et, j’ai commencé à travailler au mois d’août. J’avais trouvé du travail à Moret dans les bureaux d’une fabrique de céramiques. Très peu de gens continuaient après le certificat. Les gens n’en avaient pas les moyens.

J’ai travaillé pendant cinq ans jusqu’à mon mariage. Je me suis mariée à vingt ans. J’ai fêté mes fiançailles au mois d’octobre.

Message aux jeunes

Il faut que les jeunes profitent de leur bien-être tout en pensant à travailler pour vivre et vivre heureux.

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