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Paris, femme de prisionnier
Madame Andrée FONTAIN née en 1912 à Paris dans le 13ème arrondissement
mercredi 21 novembre 2007, par
Madame Andrée FONTAIN
Je suis née en 1912 à Paris dans le 13ème arrondissement, rue de Sierre. C’était alors un quartier ouvrier.
La France était occupée par l’Allemagne hitlérienne. Adolf Hitler, le petit homme, était maintenant le grand homme. Il était la loi. Leur slogan, « un peuple, un empire, un chef » résume sa conception du monde. La race germanique, race supérieure, devait être protégée, engager la conquête de l’espace vital. Elle serait gouvernée par un chef dont l’autorité serait absolue. Hitler avait déjà prescrit en Allemagne ses idées qui devaient favoriser l’ordre nouveau de la race germanique. Cela comportait des persécutions, l’extermination des juifs des communistes, des résistants, la création de camps de concentration, Buchenwald, Dachau, Thelma, Dora, Mathausen, Struthof. Des millions de personnes y moururent, notamment des juifs.
Dans la France occupée, les habitants étaient troublés. Il y avait des divisions : une certaine partie acceptait la présence des allemands. On les appelait les « collaborateurs ». On les craignait. On craignait leurs dénonciations non contrôlées qui pourraient envoyer quelqu’un dans un camp de concentration. Il y avait la masse des autres qui cherchaient à vivre avec leurs enfants, pouvoir les nourrir, les habiller, grognant contre les impossibilités ou les prix trop élevés. Au fond de leur cœur, ils n’aimaient pas les allemands. La vie était trop difficile. Il y avait bien le marché noir mais c’était trop cher.
Que pouvait-on savoir de ce qui se passait avec les journaux qu’on avait ? on Imaginait. On ne sut qu’à la fin de la guerre. Les allemands avaient remplacé les journaux par d’autres écrits en français, bien sûr, mais publiant des informations données par les allemands. On les achetait néanmoins car elles informaient sur les possibilités de nourriture avec le ticket A ou B. On avait droit à 200 grammes de pain par jour ou 70 grammes de viande sans os, ou 90 gr avec par semaine. Tout était rationné !
Selon le désir, la volonté du tyran qui commandait tout, les juifs européens furent massacrés par millions. On les rafle. On les envoyait dans les camps de concentration créés par Hitler, où ils mouraient d’une façon horrible. Il y avait les « chambres à gaz ». et tout le monde mourait, hommes, femmes avec leur bébé dans les bras. De gros bonnets allemands regardaient le spectacle par des fentes dans les murs, à l’extérieur et s’en réjouissaient.
Les parents raflés par la police laissaient leurs enfants seuls. Les petits pleuraient les poings fermés sur les yeux. Ils ne comprenaient pas ce qui leur arrivait mais ils avaient une peine infinie. C’était insupportable, barbare. Maintenant encore, la mémoire n’oublie pas. Il y avait 72000 enfants en 1939. Il en restait 6000 après la guerre. Ceux qui survécurent avaient été cachés par leurs parents, ou placés dans des familles, des couvents. Ils souffrirent beaucoup.
La France occupée créait ses réseaux de résistance. On écoutait la radio franco-anglaise de De Gaulle. Des français voulaient aller le rejoindre. Des rendez-vous étaient donnés par la radio. Le français attendait la nuit le bateau qui viendrait le chercher… Bien sûr, c’était secret. L’arrivée en Angleterre du français était annoncée à la radio dans un langage convenu et assez original.
Sous l’occupation allemande, et pour la plus grande partie des habitants, De Gaulle, c’était la France. Il était vénéré. On l’écoutait avec passion. Les émissions de radio Londres, les messages codés, que seuls certains pouvaient décoder… Il y avait les rendez-vous pour les français qui allaient rejoindre de Gaulle. On nous donnait les informations que nous ne possédions pas : l’état de la France. De Gaulle redonnait courage et espoir.
Mon mari était prisonnier en Allemagne. J’habitais chez ma sœur et son mari. Celui-ci écoutait radio Londres avec ferveur et nous racontait ce qu’il entendait. Un jour, il leva les bras et cria : « ça y est, ça y est, ils arrivent ! » C’était le 6 juin 1944, le débarquement. Les alliés arrivaient. Leurs gros bateaux qui ne pouvaient rejoindre la plage parce que trop lourds, barraient l’horizon. Les soldats sautaient dans la mer et nageaient jusqu’au rivage. Les allemands cachés dans des casemates, les bombardaient. On répondait des gros bateaux. Ils s’enfuirent avec précipitation.
Les allemands à Paris descendaient fièrement la grande avenue des Champs Elysées. Hitler s’était déplacé. Il était venu voir ce Paris extraordinaire mais un matin de bonne heure avec ses deux acolytes, Goering et Goebbels, ils se firent photographier devant le grand monument de l’Etoile « aux morts de France ».
Et De Gaulle vint en France. On quitta les maisons pour aller l’accueillir : « Vive De Gaulle ! Vive De Gaulle. » On courait après sa voiture qui marchait à petite allure. C’était une marche triomphale. Les français accueillirent les américains avec une grande joie. Les femmes montaient dans les voitures, les chars, embrassaient les soldats leur laissant la tache rouge de leurs lèvres sur les joues. Les américains jetaient des chewing-gums, du chocolat, aux enfants.
Qui l’emportait ? Les alliés et la France libre libéraient Paris le 25 août et installaient le gouvernement provisoire du Général De Gaulle. La France criait sa joie, sa vengeance. Toutes les cloches sonnaient. On se rencontrait sur les grandes places, on ne se connaissait pas mais on se faisait des rires inconscients. On s’enlaçait. On chantait. On dansait. « On les a eus, hein ! » La France était une France unie, miraculeuse.
Les prisonniers allaient revenir d’Allemagne. Les femmes allaient à la sortie de la gare de l’Est avec une photo de l’absent. Dès que quelqu’un sortait de la gare, elles lui présentaient la photo, « Bernard Dufaut, 28 rue de l’Arbalète à Paris, vous connaissez ? » Les déportés rentraient, un qui spécial leur était réservé. Les déportés ! ceux qui arrivaient des camps de la mort. Il y avait beaucoup de gens qui les attendaient sur le quai. Ce furent des embrassades, des embrassades. On se tenait. On ne se lâchait pas. On pleurait de joie.Une fois le quai dégagé, une jeune femme est restée seule, seule… Personne n’était revenu pour elle.
On jugea sévèrement les « collaborateurs ».,ILS durent quitter leurs postes, les journalistes notamment. Un tribunal se créa spontanément pour cela. C’était « l’épuration ». Elle fut sévère, beaucoup de « collaborateurs » déménagèrent pour qu’on ne les trouve pas. Ils risquaient gros.
Les familles se reconstituaient, avec des vides douloureux. C’est le sort de toutes les guerres… mais la France, la vraie France redevenaient leur « pays, qu’ils aimaient de tout leur cœur.
MESSAGE AUX JEUNES
Je souhaite aux jeunes d’aimer la vie. Soyez heureux !