Tronchet et Sibran

"Là Bas", l’Algérie vue par ceux qui l’ont quittée en 1962

Dupuis


Cette fiche fait partie du répertoire de la bande dessinée migrante créé par Paroles d’Hommes et de Femmes. Ce répertoire est destiné aux enseignants, éducateurs, associations, collectivités qui souhaitent utiliser la BD ayant pour thèmes la migration, l’altérité, l’intégration, comme une source de lien social et d’action éducative


Là bas

Auteur : Anne Sibran

Illustrateur : Didier Tronchet

éditeur : Dupuis

Collection : Aire Libre

2003

Dès 12 ans

L’histoire :

Bientôt l’indépendance. Alain, pied-noir, employé dans une compagnie d’assurances, doit quitter l’Algérie. À Paris, il rejoint sa mère et sa femme enceinte. Commence alors une autre vie. Une vie de grisaille, loin du soleil, des plages de Bab-el-Oued, de la mer tiède. Loin de là-bas. Une autre vie avec les blessures d’Algérie qui ne se sont pas refermées, avec la peur qui hante encore ses jours et ses nuits, les mystères qui l’entourent et les mensonges qui l’enferment. Avec les souvenirs de là-bas. Une autre vie, avec une fille désormais. Sa fille, Jeanne, qui met ses pas dans les siens, pour trouver les mots qu’il lui fallait entendre, et lui rendre la vie.

Une œuvre magnifique pour dire le déracinement, les illusions, les craintes, les blessures d’un homme arraché à sa terre natale, Anne Sibran donne une âme aux mots. Pour dire aussi l’amour d’un père et d’une fille. Tout en retenue, loin de son humour parfois mordant, optant pour une narration graphique sobre et impeccable, soulignée par des couleurs franches et expressives, Didier Tronchet nous surprend et nous émeut. À y regarder de près, ce qu’elle mérite, Là-bas est une œuvre magnifique.

Informations tirées du site : www.dupuis.com

J. Howell :

"Tronchet, le dessinateur de Là-bas, exploite bien les couleurs pour dévoiler les émotions des personnages : le rouge, le bleu, le vert, le jaune. Chaque couleur prend une signification particulière par rapport à la narration (le vert domine les cases dans lesquelles la maladie d’un des personnages se manifeste ; le rouge colore la scène dans laquelle les membres de l’OAS tirent sur des gens faisant leurs courses au marché). En plus de ces deux techniques, il y a aussi celle du gros plan. Le rapprochement (comme au cinéma) exagère l’angoisse des personnages (les gros plans sur les visages) et l’agitation d’une foule (lorsque les protagonistes se trouvent « coincés » dans une foule à l’intérieur d’une case). Le gros plan des foules permet aussi au dessinateur de faire une représentation métonymique de la foule (il n’est pas obligé de dessiner beaucoup de personnes). La métonymie est d’ailleurs importante : les bédéistes ne peuvent pas tout montrer. En faisant le tri des événements, des horreurs de la guerre, ils doivent décider ce qu’il faut montrer pour réussir l’effet désiré."

Il s’agit au départ d’un récit d’Anne Sibran en hommage à son père. Celui-ci a quitté l’Algérie le 4 juillet 1962, en même temps que de nombreux pieds-noirs au moment de l’indépendance du pays. Il gagne alors une métropole qu’il ne connaît pas, où son accent et sa manière d’être dénotent dans un paysage gris et froid. Nous suivons les déboires de la famille à travers les yeux et les mots de la petite fille qui n’a pas connu ce pays qui semble hanter tous les membres de sa famille. C’est un beau récit dans lequel la couleur tient en effet une très grande place pour exprimer les sentiments des personnages. La famille est le lieu de transmission de ces couleurs. Au centre de l’histoire, la relation entre un père et sa fille, entre une sœur et un frère. La douleur de l’exil exacerbe les tensions et la dimension affective de ces relations, autour de la transmission.
Au final, une BD empreinte d’une grande tristesse mais qui parvient sans doute, de cette manière, à viser juste.

source : http://maghreb-france.blogspot.com/2010/02/la-guerre-dalgerie-en-bd-4-la-bas.html

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