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Récit

Fait de Résistance

jeudi 1er avril 2010, par Frederic Praud

Je suis né le 29 décembre 1912 sur le plateau de Langres à Neuilly l’Evêque, à 80 kilomètres au nord de Dijon. C’était un village de 700 habitants, sans histoire. La majorité des gens travaillaient la terre. Il y avait toujours un antagonisme avec les ouvriers. L’entreprise de mon père comptait 10 ouvriers. Mon père fabriquait des instruments de chirurgie et j’ai transformé après la guerre 45 son usine en forge. Les agriculteurs et ouvriers ne s’aimaient pas. Les ouvriers qui venaient du monde agricole n’étaient pas formidables. Ils étaient beaucoup plus avancés quand ils venaient de la ville où ils avaient entendu parler de mécanique. Les paysans étaient jaloux de la classe ouvrière. Les ouvriers faisaient leur retraite et les paysans qui ne versaient pas un sou voulaient la toucher. Les ouvriers gagnaient plus que les paysans. Il n’y avait pas de misère dans ce petit village, seulement quelques ivrognes. L’un d’eux avait 22 enfants. Il avait une commode et pour pouvoir se loger dans chaque tiroir il y avait un enfant.

Pendant la guerre de 14 je me rappelle avoir vu les troupes françaises défiler avec la musique dans le village. Il y avait également beaucoup d’américains. On entendait le canon quand on était aux waters. Ça faisait une caisse de résonance. Les combats s’arrêtaient vers Saint Dizier.

Ma famille est originaire de ce village. Mon père y était né et ma mère née à Saint Laurent les Macons. J’aimais bien aller là-bas car les vignerons n’ont pas le même caractère. Ils sont plus gais. Quand j’y allais, je faisais toujours attention car certains vous attendent et disent " viens goûter mon vin". Je suis allé à l’école du village sans être trop brillant.

Pendant mes vacances, j’allais tous les jours jusqu’à midi à l’usine. Comme je n’étais pas un géant, on m’avait fait un petit plancher pour que je puisse travailler devant mon étau. Mes parents étaient assez modernisés dans le domaine de la force motrice. Ils avaient un cheval qui tournait dans un manège pour ainsi faire tourner les meules. Ils le faisaient également avec une vache qui leur donnait également du lait.

Mes parents m’avaient mis dans une institution sur le plateau de Langres. L’hiver, il nous est arrivé plusieurs fois de ne pas pouvoir faire notre toilette car toutes les canalisations étaient gelées. On rentrait chez soi une fois par mois. Le règlement était assez dur comme dans tous les collèges. Nous n’étions pas en uniforme. Je faisais de la comptabilité mais je n’étais pas brillant. À chaque fois qu’il y avait deux Martin dans la classe, il y avait le petit et le grand. Je n’ai jamais été le grand.

J’avais 12/13ans quand j’ai eu la passion pour la photographie. J’ai vu une personne qui faisait des photos avec des plaques, que l’on développait soi même. J’étais en cure au Mont Dore en Auvergne. J’avais déjà mon appareil photographique et d’autres jeunes en avaient également un. Je suis allé avec eux pendant un certain temps. Ils me donnaient des conseils. Mes parents aimaient déjà la photographie et m’avaient offert cet appareil. Peu de gens pratiquaient la photographie à cette époque-là. Mes première photos ont disparu pendant l’occupation.

J’ai connu ma femme à Neuilly l’Evêque mais mon père voulait me marier avec une autre. Je l’ai envoyé promener. C’est pour ça que je suis parti sur Paris. Il y avait une usine à côté dont le patron avait trois filles. Je ne connais même pas la fille avec laquelle il voulait me marier.

Je me suis marié à la mairie du 13ème en 1936. J’étais alors chez Numérun boulevard Kellermann. Nous faisions des moteurs d’avion. En embauchant dans ce type d’entreprise, on était regardé de travers si on n’était pas inscrit à la CGT. Il n’y avait pas d’autres solutions. Celui qui n’était pas inscrit avait des brimades des autres ouvriers. Ça allait même jusqu’à mettre des machines en panne. Je suis arrivé juste pour faire les grèves. La CGT les organisait. Ils m’ont repéré, je ne sais pourquoi et j’ai été nommé trésorier de la CGT pour le groupe où nous étions. Tout le monde était en grève. Nous occupions l’usine. Nous avons fait grève pendant deux semaines et nous avons eu les congés payés. Je suis revenu en Haute Marne pendant l’occupation. On ne mangeait pas à sa faim à Paris.

Résistance

Je suis le premier en Haute-Marne à avoir fait dérailler des trains pendant l’occupation. Je faisais partie d’un réseau de résistance. Certaines nuits avec lune, on était éclairé comme en plein jour alors toutes les nuits sans lune, on faisait quelque chose. C’est alors l’obsession. On attend et on voit… des buissons marcher. Ce sont des hallucinations. Les Allemands nous tendaient des embuscades avec des gendarmes. Les gendarmes nous disaient toujours on toussera. Ils l’ont fait plusieurs fois.

Sans le savoir, je suis tombé chez les communistes, chez les FTP (Francs Tireurs Partisans). J’avais un ami résistant et en bavardant comme ça il m’a entraîné là-dedans. J’étais dynamique et je voulais faire quelque chose. Le premier train que l’on a fait dérailler était rempli de raisins. Il montait du midi et passait par Langres en direction de l’Allemagne. Le deuxième était un train sanitaire. Il y a eu des morts. On ne savait pas ce qui était dedans. Quand la locomotive avait déraillé, ils mettaient le sifflet en marche. La nuit, c’était lugubre.

On m’avait nommé pour m’occuper de l’armement au maquis. Un jour où j’avais reçu une mitrailleuse jumelée, une mitrailleuse anglaise, il y en avait une qui accrochait un petit peu. Je n’étais pas loin de chez moi pour la réparer. J’avais donc demandé au chef du maquis une bonne voiture, des fois que l’on rencontrerait les gendarmes. J’avais un chauffeur avec moi et nous foncions. Tout à coup à 50 mètres nous croisons une colonne allemande avec des allemands installés sur l’auto avec une mitrailleuse. Ils ont été aussi surpris que nous. J’ai dit au chauffeur "Fonce… ne t’arrête pas où on va nous tirer dessus". Ils se sont mis à hurler en Allemand et sont descendus des camions. Ils ont fait un carton sur nous. Cela m’a valu d’avoir la croix de guerre alors que j’ai failli avoir la croix de bois.

Nous étions dans le maquis, dans les bois. On fabriquait des tentes avec les parachutes que l’on recevait. Pour ne pas être vu ni découvert, il fallait que l’on change souvent de lieu. Nous étions une centaine de gars, dont de nombreux réfractaires au STO (Service de Travail Obligatoire). C’étaient des gens du coin. Nous nous connaissions. L’avantage de la campagne est que l’on mangeait à sa faim. On ne pouvait rien avoir sans le troc. Les gens qui avaient des enfants, prenaient leur rationnement en chocolat pour échanger. Dans le maquis, on allait chercher de la viande chez le boucher. Nous payions en argent français ou alors avec des bons qu’ils se sont fait rembourser. Quelquefois nous raflions deux ou trois moutons pour faire la cuisine.

Les hommes avaient pris un camion allemand. On y avait trouvé un petit 24/36 et ils me l’ont donné. J’ai fait des photos d’une gare après un bombardement fait par les canadiens. Il y avait des locomotives montées les unes sur les autres. Il y avait des dégâts terribles et des morts tandis que quand nous dévissions un rail de chemin de fer pour faire des déraillements, on ne tuait personne. On dévissait le rail en lui donnant une certaine inclinaison pour qu’il aille labourer la voie d’à côté.

J’ai retrouvé dans mon travail des personnes qui avaient été résistantes. Quand on voulait faire des sabotages ou autre chose on prenait des personnes qui ne se connaissaient pas. Plus tard, j’en ai rencontrées par hasard.

Je n’étais pas là lors de cette histoire. Un groupe avait attaqué une colonne allemande et a fait prisonnier un commandant, blessé. Ils l’ont mis dans une maison et les allemands ont commencé à incendier toutes les maisons du village. Les maquisards y ont laissé quelques plumes. Quand les allemands sont venus et sont entrés dans la maison, il y avait deux ou trois FFI qui n’avaient plus de cartouches. Le commandant a donné l’ordre qu’on les laisse partir. Certains étaient bien à la wermarcht, les SS n’étaient pas pareils.

J’ai été pris dans une embuscade tendue par des français. Je suis allé dans une prison française et les Allemands sont venus m’y chercher pour m’amener dans une prison allemande. Le procureur de la république m’a sermonné en me disant : "Vous êtes fou d’avoir fait un cambriolage d’un dépôt". Il y avait un peu de tout, des munitions, des chaussures de femmes. Le procureur m’a dit " Il faut faire passer ça pour une farce." Au premier interrogatoire, je ne sais pas pourquoi je me suis mis à rire. J’avais expliqué "comment avec un vieux revolver, je voulais fiche la frousse à des personnes". Le sous préfet et une autre personne sont intervenus en ma faveur auprès des allemands en disant : "Il est fou ce type-là". On m’a dit "on ne rigole pas ici". J’ai reçu un coup de nerf de bœuf qui m’a assommé. Cela ne m’a pas fait rire. Mais je suis sûr qu’avoir ri comme ça m’a sauvé la vie.

Quand je suis arrivé à la gestapo, dans l’entrée, au rez-de-chaussée, des escaliers descendaient. Il y avait là un maquisard. Ils le tiraient par les pieds. Il était en sang. Je me suis dit "ça va être mon tour"… Ils m’ont remis en prison allemande et m’ont donné une gamelle où il y avait six carottes dedans. J’ai essayé d’en manger mais je n’ai pas pu. Cela ne passait pas. Il ne faut pas avoir peur. Je n’ai jamais eu peur ni avant ni pendant… mais après.

Nous étions bien une vingtaine du maquis à être prisonnier. Les exécutions avaient lieu vers cinq heures du matin. Les allemands avec leurs bottes sur les escaliers en acier faisaient du bruit. Quand on entendait la porte de la cellule à côté s’ouvrir et le bruit des bottes on n’était pas fier. Ça n’était pas pour moi. Peu sont sortis de cette prison.

Ils faisaient des simulacres de fusillades. Nous étions une dizaine installés en rang d’oignon pour être fusillés. Il n’y en a guère qu’un ou deux qui tombaient. On ne savait pas lequel. Ma terreur était d’imaginer d’être devant le peloton d’exécution, de voir tous les tuyaux des fusils devant soi devait faire un drôle d’effet… Et effectivement cela fait un drôle d’effet. Le gars qui parle sous la torture physique et morale, je lui aurais pardonné. J’avais une petite fille mignonne comme tout, toute frisée. Les allemands m’ont dit "vous ne la reverrez plus !". Elle avait 5/6 ans.

Ils m’ont libéré car ils n’avaient pas de preuves, mais ça arrivait rarement. J’avais donné le nom d’un copain pour cette histoire de farce. Je l’avais fait prévenir qu’il allait être arrêté. Ils l’ont arrêté quand même. Je l’ai amené par la suite en Auvergne avec moi. Ils m’ont gardé deux mois sans voir personne... Après je suis resté chez moi. Le père de ma femme était ingénieur des mines. Il s’occupait des mines du tungstène vers Aurillac à une trentaine de kilomètres. Avec mon copain, nous nous sommes réfugiés chez mon beau-père. Le directeur de la mine nous avait dit " si vous voulez travailler, vous serez payés". Toutes ces choses-là m’avaient traumatisé.

En Auvergne, des résistants patrouillaient. Nous étions mal armés. Quand De Gaulle a voulu que l’on descende pour chasser des Allemands, il était fou, nous n’avions rien que des pistolets devant des chars d’assaut. Les maquisards étaient des jeunes sans expérience. Ils n’avaient jamais combattu et tremblaient en utilisant les armes.

Il y eut des morts, lors d’une attaque et les allemands n’ont pas voulu qu’on les enterre. Au bout de trois jours, ils étaient noirs… avec les yeux et la bouche remplis de vers… C’était terrible….

Chef d’entreprise

À mon retour, nous avons acheté des machines à crédit, du matériel ultra-moderne. Nous prenions des commandes de tel ou tel objet. Nous avons alors travaillé pour l’automobile ou l’agriculture, les tracteurs Massey Fergusson.

Mon père avait une dizaine d’ouvriers et j’en ai eu jusqu’à 60. Nous n’avons jamais eu d’ouvriers payés aux pièces comme dans la majorité des entreprises. Ils étaient payés à l’heure. Le forgeron signalait tout de suite une pièce mal faite et on la retouchait. C’est comme ça que l’on avait des pièces impeccables. Payés aux pièces, on les balance sans faire attention, à moitié chaude ou à moitié froide. Nous étions les seuls de la région à ne pas payer aux pièces. Nous n’avions pas beaucoup de frais généraux alors nous pouvions lutter contre la concurrence. Nous avons fait la charnière de la glace de la deux chevaux Citroën, 80 000 par mois. La pièce était forgée. On la mettait sous une presse, la pièce était découpée et l’on perçait les deux trous en même temps. Nous étions imbattables. J’étais un novateur et cela se savait.

J’avais une grosse puissance de travail et j’avais juste un contremaître avec moi pour 60 ouvriers. Il y avait une grande confiance entre moi et les ouvriers. On chauffait les fours au gaz, au propane. On en usait 500 kg par jour. Un jour, la soupape de sécurité de la citerne s’est mise en marche. J’ai demandé s’il y avait un volontaire pour aller la fermer. Personne n’a bronché. J’y suis donc allé. Il ne fallait pas fermer la vanne d’un seul coup. Ils étaient tous aplatis dans la nature et j’ai arrêté l’alarme. Une autre fois des flammes sortaient d’un appareil à acétylène. J’ai eu la présence d’esprit de prendre un sac de le mouiller et de le mettre sur l’appareil.

En même temps que mon activité de chef d’entreprise, j’étais Vice-Président de la société historique collégique de Langres. Ce n’étaient que des chanoines très érudits. Une fois que j’ai été nommé vice-président, j’ai commencé à m’occuper un peu des musées. Il y avait deux musées : le musée archéologique et le musée des beaux-arts. Les musées de Langres étaient réputés mais ils n’ouvraient pas beaucoup leurs portes.

Le musée des beaux-arts avait un gardien qui n’était pour ainsi dire pas payé. Il avait le logement. La loge du gardien du musée archéologique était insalubre. Tous les hivers, l’eau ruisselait. Une jeune dame en assurait la garde pendant la journée et la nuit comme il faisait trop froid, elle allait coucher chez sa grand-mère qui habitait en face du musée. Je me suis retrouvé avec deux musées et pas d’argent. Le trésorier à l’époque avait de l’argent mais à la Caisse d’Epargne.

Conservateur de musée

Une réunion a un jour été organisée à Reims par les musées de En Champagne Ardennes en 1964. Ils m’ont demandé si je voulais y aller. J’étais d’accord. Il n’y avait que des conservateurs. Un prospectus a été distribué et j’ai découvert mon nom avec le qualificatif de conservateur des Musées de Langres. Ils avaient fait ça à mon insu. Quand je suis arrivé là-bas, j’ai rouspété pour la forme car dans le fond cela m’avait fait plaisir. Mais j’aurais mieux fait de démissionner tout de suite. Car porter deux musées à bout de bras comme ça, je n’en avais pas les moyens. Le musée des Beaux-Arts était dans un bâtiment du 17 et 18ème. L’entretien des bâtiments était pris en charge par les monuments historiques.

J’étais chef d’entreprise et conservateur des musées. Nous avons organisé des expositions au musée des Beaux-Arts pour amener de l’argent. Nous avions de la faïence inspirée de la Bourgogne et des émaux de Strasbourg. On appelait ça des "petits feux". Nous avions des moules en plâtre qui reproduisaient ce que l’on voulait faire. On chauffait les moules, on écrasait la matière et on la faisait cuire. Une fois cuite, l’assiette était toute blanche et on dessinait au pinceau ce que l’on voulait reproduire. Il fallait une certaine habileté car les couleurs changent à la cuisson. On appelle "Les petits feux" le lieu où l’on empile les objets à cuire à 850°. La première cuisson était à 1000°. Nous avions 500 reliures armoriées avec gravures. Nous avions également des incunables.

La région était spécialisée dans les instruments de chirurgie et des couteaux et l’exposition permanente de coutellerie au musée a attiré encore du monde. On a trouvé dans ma région des sépultures inhumation et sépultures incinérations dans des amphores, de deux ou trois siècles avant Jésus Christ. Avant ma nomination, je faisais des fouilles archéologiques. Avec des camarades, j’allais tous les dimanches après midi dans la nature, chercher des tumulus. Nous avons trouvé des fibules.

Ce qui m’a fait le plus plaisir c’est que la direction des Musées de France et les conservateurs m’ont adopté comme un des leurs. Les ventes à l’Hôtel Drouot étaient toujours suivies par les conservateurs pour voir s’il y avait quelque chose d’intéressant. Ils l’achètent avec préemption. Ils ont acheté des beaux couteaux en argent pour faire plaisir à Monsieur Martin.

J’ai fait des recherches sur la coutellerie pour trouver les poinçons d’or et d’argent des maîtres couteliers. J’ai trouvé, dans deux musées, des poignards destinés à contenir du poison, dans le manche et sur la lame. Les conservateurs de ces musées ne connaissent pas leur utilisation originelle. Je suis parti de rien pour faire l’histoire de la coutellerie, maintenant les musées ont la plus belle documentation, la plus belle collection qui puisse exister.

J’ai été reconnu par l’inspecteur général des musées nationaux chargé du département des objets d’arts comme le savant le plus compétent en matière de coutellerie. J’ai réalisé un ouvrage sur les poinçons des couteliers français. Les conservateurs m’ont bien aidé dans cette recherche. Quand quelqu’un trouvait quelque chose, il venait me le dire. Après 1975 je suis resté conservateur honoraire des Musées de Langres.

J’ai fait des inventaires d’églises pour le pré-inventaire national. Je n’ai pas voulu continuer. Avec les curés, ça se passait bien mais pas avec les bonnes du curé car j’avais le pouvoir de monter dans les greniers pour voir s’il y avait quelque chose. Les bonnes du curé portaient la culotte. J’ai fait quelques recensements sur les cloches, la date, le nom du parrain et de la marraine. Quand nous montions dans les clochers pour voir la cloche, je faisais bien attention que le sonneur de cloche ne soit pas là, parce que son grand plaisir était de tout faire sonner pour montrer qu’il savait bien le faire.

J’ai fait une exposition sur Claude Gillot, le maître de Watteau. Je suis allé chercher en camionnette un grand tableau qui représentait la crucifixion. Gillot l’avait réalisé pour pouvoir entrer à l’Académie royale de peinture. Ce n’était pas tout à fait le style de Gillot. Ça m’embêtait bien d’aller à Noailles chercher le fameux tableau. Il avait été restauré et le Maire n’avait pas voulu qu’on le remette dans l’église de peur qu’il soit volé. Le tableau avait été installé dans le couloir du logement de l’instituteur. Quel drame pour avoir ce tableau. C’était un cadeau d’Etat en dépôt au Musée de Langres. Il ne voulait pas le donner. Comme le maire s’appelait Martin, ça s’est fait tout de suite sans problème. J’avais demandé aux gendarmes de Langres d’aller chercher le tableau. On m’a répondu " Ecrivez donc au commissaire de police de Clermont Ferrand, il vous assurera la traversée de Clermont". On s’est donné rendez-vous. Je suis arrivé en camionnette. J’avais un motard devant moi un derrière et un sur le côté. On m’a fait une place dans le parking de la gendarmerie.

Je suis parti du Musée en claquant la porte parce qu’il y avait un gardien qui buvait. Il mettait ses mégots de cigarette dans un beau vase de Chine. Si c’était tombé par terre sur un tapis, tout aurait flambé comme une allumette. Je me suis occupé des musées pendant 15 ans. Il y a eu des vols deux ans après que je sois parti.

Les musées m’ont coûté cher parce qu’il n’y avait pas d’argent pour faire la paye des gardiens. De temps en temps j’ouvrais mon porte-monnaie. Grâce à moi, les musées ont été pris en charge plus tard par la mairie de Langres et par le Conseil Général de la Haute Marne. Cela m’a valu des inimités. Je me suis fait accrocher plusieurs fois dans la rue par des commerçants car il paraît que ça allait leur faire augmenter leurs impôts. On n’allait quand même pas laisser tomber les musées. C’était le plus beau musée de l’Est au point de vue archéologique, avec les Eponats. Il y avait beaucoup de Déis Malibus, l’hommage au dieu mâle. Nous avions des stèles qui représentaient les métiers des personnes décédées : un boulanger avec une boule de pain. J’étais tranquille en tant que conservateur. J’étais mon patron. J’ai aimé ce métier de conservateur. J’ai reçu des têtes couronnées, une reine, un ambassadeur d’Autriche.

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