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EGLIGNY au quotidien
MADAME DESSEAUX Ginette, née en 1929
mardi 20 novembre 2007, par
MADAME DESSEAUX Ginette, née en 1929
Je suis née dans le local de « la téléphonique ». Ma mère tenait le téléphone. Nous sommes partis de ce logement quand ma mère est décédée. Mon père était ouvrier agricole.
Ecole
J’ai passé mon Certificat d’Etudes en même temps que monsieur Bourgoin mais j’allais à l’école à Egligny et lui, à Châtenay. Le certificat se passait au même endroit.
J’avais treize ans quand j’ai commencé à travailler après mon Certificat d’Etudes. Je faisais bûcheron dans les bois. J’ai fait ce travail jusqu’à dix-huit ans. Il fallait que je fende le bois. Je travaillais avec mon père qui venait de quitter la ferme. Tirer un passe-partout seul n’était pas possible. Comme j’étais costaude, j’ai dû l’aider. Un jour un médecin m’a souligné que j’étais taillée comme quelqu’un qui avait fait de l’haltérophilie. Je ne lui ai pas dit que j’avais fait le bûcheron. J’ai pensé qu’un Parisien n’allait rien comprendre ! Manier un maillet de trente kilos toute la journée, fait les bras ! On travaillait six jours sur sept et parfois pour se reposer le dimanche, on faisait le bois pour la maison !
1940, exode
Nous sommes tous partis avec les chevaux et les voitures… A notre retour, nous nous sommes souvent dit que cela aurait été bien mieux si nous n’étions pas partis,. Plutôt, que de partir sur ces routes…
Occupation
A part, les Allemands installés au château, je n’ai pas ressenti l’occupation. Personnellement, je les trouvais pacifiques parce qu’ils ne bougeaient pas et restaient entre eux. J’habitais à l’autre bout du village. Je ne les voyais pas.
Mes frères étaient prisonniers pendant toute la guerre. Nous avons eu des nouvelles d’eux deux ou trois fois. Mon souvenir le plus dur a été ma communion. Sans nouvelle de mes frères, savoir s’ils étaient morts ou vivants, nous étions seuls… C’était pour moi une catastrophe de faire ma communion dans des conditions pareilles.
Mon beau-frère était caché à Preuilly. Il s’était échappé du STO. Ils étaient au moins cinq ou six à ne pas vouloir y aller. Il a fallu attendre la fin de la guerre pour en entendre parler. Les poches de résistance étaient installées à Preuilly et Massay.
Les gens ne venaient pas se ravitailler dans la ferme où travaillait mon père.
Chez Bisson, ils ne donnaient rien à leurs employés à part du mouton tous les quinze jours. Ils ne donnaient que ce qu’ils étaient obligés de nous donner. Par rapport à Preuilly où ils donnaient du fromage et d’autres choses. Mon père a été écoeuré à la fin de la guerre parce que logiquement ils avaient reçu du beurre pour donner aux ouvriers mais ils ont graissé les tracteurs avec ça. Quand mon père a vu cela, il en pleurait.
Au moment où les Allemands cherchaient des bicyclettes partout ainsi que de la nourriture, ils sont venus chez nous pour acheter un lapin. Mais nous n’en avions pas et on leur en avait refusé partout. Notre voisin était un petit vieux. Il possédait un vieux lapin mâle âgé d’au moins dix ans. Mon père lui a demandé : « Tu n’as qu’à le leur refiler ! » et les Allemands étaient contents. Ils le lui ont payé correctement. Nous avons vu les Allemands revenir une demi-heure après. Ils voulaient le faire cuire à la maison. Parmi ces trois Allemands, deux avaient des gosses de mon âge. L’un d’eux ne l’avait pas revu depuis plus de cinq ans. Il pleurait. C’est pourquoi ils voulaient tous manger en famille. Ils ont fait cuire le lapin. Je mangeais du lapin au pot-au-feu pour première fois ! J’ai fait une drôle de tête. J’avais du mal à le manger : cela n’avait pas de goût. En plus, papa faisait la cuisine à merveille. Je les trouvais très pacifiques pour tout cela et ils n’avaient qu’une hâte :rentrer chez eux.
Les Américains
On a appris l’arrivée des Américains par les Allemands eux-mêmes. Nous les avons entendu dire que les Américains approchaient. Ils étaient contents que la guerre se finisse. Ils espéraient juste ne pas se faire tuer avant la fin du conflit. Ils n’étaient pas méchants.
Dans la nuit, on avait entendu les Allemands partir. Sur le moment, on ne savait si d’autres soldats arrivaient ou s’ils partaient.
On était contents de voir arriver les Américains : c’était la libération. On les voyait arriver sur les routes. Yvonne avait couru pour les rejoindre, tellement elle était contente. Elle était enceinte et elle a accouché la nuit même. Le médecin de Donnemarie, Devers, qui avait été otage est venu pour l’assister.
Par la suite, les Leclerc ont logé au château, après les allemands. Plusieurs femmes du village se sont mariées avec eux.
Libération, après-guerre
Je travaillais à Montereau à dix-huit ans.
Tout le monde était content au moment de la libération. Il y eut un bal à Montereau le 8 mai 1945. J’aimais danser quand on me laissait le temps d’y aller. Quand on était « bonniche », on avait notre dimanche « toute la journée » mais, en réalité, il commençait à trois heures et je devais être rentrée à six. C’était ma journée de repos de la semaine !
Il y avait parfois de la bagarre entre les Delattre et les Leclerc. Ils ne pouvaient pas se voir. Quand les Leclerc sortaient, les autres n’avaient pas le droit de sortir au m^me moment. Ils s’entretuaient. Il y eut au moins trois ou quatre meurtres. C’était infernal.
J’ai rencontré mon mari au bal à Montereau. Il faisait son service militaire dans cette ville.
Message aux jeunes
Je pense que les jeunes ont une vie agréable. Mais, finalement, ils ne sont pas aussi heureux que nous. Alors que nous travaillions et le peu que nous avions, nous étions heureux.