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Energies fossiles
Schiste : et si l’usine à gaz faisait… krach, boum, hue !
La rentabilité de l’exploitation du gaz de schiste n’est pas prouvée.
jeudi 6 décembre 2012, par
En plus de ses émissions de gaz à effet de serre et des risques de pollution qu’il pose, le shale gaz, ou gaz de schiste, a-t-il vraiment prouvé sa rentabilité ? Ou bien va-t-on vers des « affaires environnementales » dignes du scandale Enron ? La question se pose quand au moins un gazier -l’Américain Chesapeake Energy- vend « cash » de l’énergie qui n’est pas encore produite… et la classe ensuite dans ses stocks. Rêve ou cauchemar ?
Apocalypse environnemental, Eldorado énergétique… Les feuilletons à rebondissements du gaz de schiste s’accumulent comme autant d’illustrations de notre addiction aux énergies fossiles, de notre "schizophrénie" commune : nous savons que les gaz à effet de serre posent un vrai gros problème mais nous continuons à les sortir de terre frénétiquement, imaginant même qu’ils pourraient nous sauver. Même Michel Rocard, « ambassadeur des pôles » et chantre de la taxe carbone (avortée), voit dans la France, « bénie des dieux », le « Qatar » des hydrocarbures de schiste. Des hydrocarbures dont, selon lui, on aurait bien tort de se passer.
Ah ces hydrocarbures « non conventionnels » ! A défaut de clarifier la question énergétique, ils ont au moins le mérite de mettre un peu tout le monde devant sa réalité : les pétroliers et gaziers devant la raréfaction des ressources conventionnelles qu’ils exploitent, les politiques face à leur manque de « croissance », Michel Rocard devant sa « conscience » écolo…
Pour y comprendre quelque chose, remontons à la source : pourquoi le gaz de schiste (ou gaz de shale, shale gaz), hier illustre inconnu, est devenu aujourd’hui incontournable ? Parce qu’on l’a simplement découvert, telle une providentielle nouvelle source d’énergie ? Non. Le gaz, et le pétrole de schiste, doivent leur importance actuelle à la raréfaction du gaz et du pétrole conventionnels.
Sous le gaz de schiste, le pic
En effet, qu’est-ce qu’un hydrocarbure de schiste ? C’est un gaz ou un pétrole qui, contrairement aux hydrocarbures dits « conventionnels », est resté coincé dans la roche mère où il a été « fabriqué », parce que cette roche est bien imperméable. L’hydrocarbure conventionnel, lui, « remonte » vers la surface pour se retrouver à un moment prisonnier dans des poches. Il est très généralement plus aisé à extraire. Principe de facilité oblige et croissance des prix aidant, ce n’est que lorsque l’on a déjà bien pompé les composés liquides et gazeux les plus faciles à sortir de terre que l’on va s’intéresser aux plus délicats… En toute logique donc, si les gaz de schistes occupent désormais le devant de la scène régulièrement, c’est avant tout un signe de plus (au même titre que l’exploitation du off-shore profond) que l’on a passé un cap -ou plutôt un pic...- dans l’exploitation traditionnelle des énergies fossiles.
En quoi l’extraction de ces hydrocarbures n’est-elle pas traditionnelle ? Pour pomper le pétrole ou le gaz contenu dans une poche, un forage « vertical » suffit : on fore, on aspire. Dans le cas du gaz de schiste, comme la roche emprisonne par petites quantités l’énergie, on doit la « casser », la « fracturer » (les foreurs disent « stimuler ») pour récupérer notre dose. On va donc forer à la verticale jusqu’au niveau désiré, soit régulièrement 2000 à 3000 mètres, puis on va pénétrer plus à l’horizontale, pour réaliser des drains.
Forer comme des shadocks
Pour bien « micro » fissurer la roche et libérer l’hydrocarbure, on va ensuite injecter à haute pression (700 bars) et en plusieurs fois une quantité de l’ordre de 10-20 millions de litres d’eau, une eau mélangée à du sable et à un petit cocktail chimique (0,5% du fluide, soit 50 à 100 000 litres) dont la recette reste bien conservée, avec des ingrédients de type lubrifiants, biocides et autres composés « viscosifiants ». La roche va se fissurer sur une centaine de mètres tout autour du drain horizontal. Le gaz va remonter vers la surface par le puits, avec une partie de l’eau transformée en boue, éventuellement radioactive, la radioactivité existant elle aussi à l’état naturel…
Il arrive également que l’on « stimule » la roche avec des charges explosives ou encore par « acidification ». Les foreurs travaillent en plus sur les possibilités d’envoyer à la place de l’eau dans les drains du puits, des décharges électriques (fracturation électrique), de l’air comprimé (fracturation pneumatique), du gaz (propane)… On cherche par ailleurs à remplacer le précieux cocktail chimique par un cocktail plus… « bio », issus de l’agroalimentaire.
Il n’empêche que, d’une manière ou d’une autre, la zone de forage -qui nécessite environ 3 hectares de terre- ne va pas produire beaucoup de gaz sur sa durée de vie : 50 fois moins qu’un puits en Mer du Nord, 100 fois moins qu’un seul site du delta du Mackenzie, dans l’Alberta (Canada)… Il faut donc multiplier le nombre de forages pour maintenir la production. Sans cesse. Une usine à gaz version Shadocks : plusieurs dizaines de milliers de puits sont forés chaque année aux Etats-Unis.... Lire la suite.