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CESSOY - mon futur mari était réfractaire et caché chez nous

Madame Marcelle DELORME née GAUTHIER en 1921 à Cessoy

mardi 20 novembre 2007, par Frederic Praud

Madame Marcelle DELORME née GAUTHIER en 1921 à Cessoy.

Parents

Mes parents étaient agriculteurs. C’était la principale activité à Cessoy. Les habitants du village vivaient de leur travail sur les petites fermes qu’ils possédaient. Des gens travaillaient également à la journée sur les fermes : des tâcherons. Les gens travaillaient dans le village même. Les hommes et les femmes travaillaient la terre.

La ferme de mes parents faisait une cinquantaine d’hectares, en partie en propriété. Des petits vieux qui ne pouvaient plus travailler louaient leurs terres. Mon père louait à des personnes âgées. Mon voisin, le grand-père Anatole a été maire de Cessoy, il avait un cheval et Héloïse deux vaches. On ne parlait alors pas des hectares mais des arpents ce qui correspondait à quarante-trois ares. Quand on avait tant d’arpents, c’était quelque chose… Mon père travaillait donc cinquante arpents.

Les fermes n’étaient pas motorisées. Mon mari a eu le premier tracteur en 1948.

Maison

Ma maison se trouvait à l’entrée du village sur la route de Sognolles, juste dans le virage. Toutes les maisons se ressemblaient à Cessoy : un couloir avec une chambre de chaque côté,au fond la cuisine et la laverie. C’était certainement le même entrepreneur qui les avait bâties, les Bruneteau à ce moment-là. Ils étaient maçons et habitaient dans les jardins où se trouve aujourd’hui monsieur Gallantin.
Nous avions également une grange et deux étables à côté de la maison. Leurs greniers servaient de resserre pour la paille et pour les foins. Cela permettait d’emmagasiner l’alimentation des bêtes.

Quotidien

Je me souviens de l’arrivée de l’électricité en 1927 et l’eau au robinet en 1937. Une lampe à pétrole était auparavant suspendue au plafond. On peut dire que l’électricité a constitué une illumination. C’était la grande joie pour tout le monde. Tout à coup, il suffisait de tourner un bouton pour obtenir de la lumière alors que le linge était auparavant raccommodé et la dentelle fabriquée à la lueur de l’âtre de la cheminée. La lumière et le chauffage étaient donnés par la cheminée. Les petites vieilles se réunissaient autour de l’âtre pour casser des noix.

On utilisait une cuisinière à bois pour faire la cuisine et chauffer l’eau pour faire sa toilette. Il n’y avait pas de salle de bain.

Nous mangions du pot-au-feu tous les dimanches... ou du poulet, la poule au riz et une tarte aux pommes.

Rôles des hommes et femmes

Les hommes et les femmes travaillaient sur les fermes. Maman n’est jamais allée labourer mais j’ai connu des femmes de cultivateurs qui prenaient les deux chevaux et la charrue pour aller retourner la terre. Sinon, les femmes s’occupaient surtout de l’entretien de la maison et, l’hiver, de la couture. En plus, elles se consacraient aux bêtes (les lapins, les poules, etc.). Nous vivions en autarcie. Des ramasseurs passaient pour acheter les volailles, les lapins et les œufs. Un monsieur de Paroy venait acheter les peaux de lapins. Nous allions livrer le grain à des négociants, monsieur Moreau à Donnemarie et Liudon Gare à Maisons Rouges.

Un entrepreneur passait pour battre le grain avec son propre personnel. Il y avait un peu d’entraide entre voisins pour faire les meules de foin et de paille. Il y avait beaucoup de familiarité entre les gens qui n’étaient pas envieux les uns des autres.

Mon père n’avait que des lopins de terre. Le remembrement n’était pas passé alors, les gens faisaient des échanges pour éviter un trop grand morcellement. Le géomètre dessinait les plans et les échanges de terrains se réalisaient à l’amiable mais c’était enregistré.

Village

Le père Dumont coupait les cheveux des hommes près dans la salle de billard où il installait son petit coin. Les femmes devaient à pied se rendre à Donnemarie pour se faire couper les cheveux… Elles gardaient souvent leur chignon.

Cinéma

J’étais haute comme trois pommes la première fois que je suis allée au cinéma. C’était bien sûr chez Madeleine. Le film était en noir et blanc. Mon père nous a amenés au cinéma parce qu’il y était déjà allé à Paris. On jouait les Croix de Bois, c’était basé sur la guerre. Mon père en a été malade pendant trois jours parce qu’il revoyait toutes ces images. Il nous a dit : « Cela commençait juste à s’estomper et voilà que je revois tout ça. » Le film montrait des tranchées, des baïonnettes, des bombes, etc.

Chez Madeleine, le café épicerie se trouvait juste en face de chez moi. Une grande salle sur le côté jouxtait le commerce. On y organisait des repas de mariage, baptême ou autre. Nous étions tous assis sur des bancs. Tout le monde y allait parce qu’il n’y avait pas de différence de classe. C’était la fête pour tout le monde ! J’y allais de temps en temps avec maman. Les gars achetaient des bonbons pour les filles. Il y avait de la galanterie !

Fête du chien de moissons

On faisait un bon repas parce que la patronne réunissait tout le personnel qui avait participé aux moissons. Là, c’était la grande fête. Certains s’en allaient plutôt joyeux !

Ecole

L’école se trouvait déjà à la même place qu’aujourd’hui. Elle était mixte. Il y avait une institutrice ou un instituteur pour tous les niveaux de cinq ans au certificat d’études.

J’ai eu monsieur Pierre Dumont pendant un an, avant qu’il ne parte à Mons en Montois. J’ai ensuite eu sa femme qui m’a présentée au certificat d’études. J’avais onze ans et demi.

Certains élèves étaient sages et d’autres moins. Ils étaient un peu turbulents. L’institutrice les mettait au fond de la classe. J’ai eu la chance d’y échapper Ce n’étaient les meilleurs bien sûr. Il n’y avait pas de discrimination particulière entre les élèves.

On jouait sur la place parce qu’il n’y avait pas de préau. Les élèves indisciplinés devaient faire le tour de la place avec une main derrière le dos pendant que nous jouions au milieu. Un des élèves ne passait une seule semaine sans partir avec son bonnet d’âne.

Tout le monde se respectait à l’époque mais, on avait un respect tout particulier pour l’instituteur. Vis-à-vis de certains, il représentait une personnalité comme le maire. D’ailleurs, l’instituteur était également secrétaire de mairie. Il conseillait certaines personnes pour leur courrier.

Pendant la guerre, la classe comportait plus d’une trentaine d’élèves qui étaient habituellement tous du village. Les gens de Paris ou de la région amenaient leurs enfants chez les grands-parents de Cessoy à l’abri de la faim et du froid. Nous avons du bois de chauffage.

Les cours d’histoire s’arrêtaient à la guerre de 14-18.

J’ai eu mon certificat d’études au mois de juin. Je n’avais même pas douze ans.

Rêve d’enfant

J’aurais voulu continuer mes études afin de devenir au moins institutrice. Malheureusement, j’ai été malade et j’ai dû rester allongée pendant un moment. J’avais fait une hémorragie pulmonaire. Mes parents ont ensuite préféré que je travaille à la ferme. Puis, la guerre est venue vite. Je me suis mariée en 1945.

1936

En 1934 et 1936, les greniers étaient pleins de blé alors que l’on ne pouvait pas vendre un grain de blé. En plus, la commune avait fait un emprunt à cause du drainage et on devait payer des annuités. Il fallait rembourser le syndicat de drainage. C’était la misère.

Au moment du front populaire, c’était un peu l’anarchie. Les cultivateurs semblaient riches en comparaison des gens dans les villes. Mon père et les autres agriculteurs du village allaient coucher aux pieds des meules avec leurs fusils parce que certaines brûlaient. Des gens qui étaient aussi malheureux que nous, en quelques sortes, y mettaient le feu. Par contre, ce n’étaient pas les ouvriers du village. Il n’y a pas de grève à Cessoy mais à Mormant si.

Avant 1936, les ouvriers n’avaient ni congés, ni dimanche. L’hiver, ils faisaient du bois. Ils vivaient chichement par contre ils arrivaient à s’acheter leur maison. Il y avait plus de facilités. Ils conservaient leurs petites économies dans un bas de laine, ça existait !

Monsieur Dalarivière était un grand copain de mon père. Il était ingénieur des Ponts et Chaussées. Il est mort mitraillé sur la route dans sa voiture personnelle. Tout le monde n’avait pas de véhicule personnel mais il était dans l’administration.

1938

A cette époque, nous avions déjà la radio et étions informés des nouvelles du monde. Nous avons appris l’Anschluss. Marcel Mathé, le frère de madame Lacomme, venait de finir son service militaire. Il était dans les spahis à Senlis. Quand il venait en permission son costume était très beau avec la chéchia et la grande cape blanche. Il a été de nouveau mobilisé en 1938 juste à la fin de son service militaire. En 1939, la guerre a été déclarée. Il a été fait prisonnier en 1940 et n’est revenu qu’en 1945.

On craignait la guerre. Ma mère en parlait. Elle avait peur de revoir les Allemands. Elle se souvenait de la précédente guerre et des réfugiés qui venaient du Nord. Ils racontaient que les Allemands violaient les femmes et coupaient les mains des jeunes hommes pour qu’ils ne deviennent pas soldats. Ces récits généraient une crainte chez moi. J’avais peur de la guerre. Mais, elle est arrivée. Mon père souhaitait que notre génération ne connaisse pas tout ce qu’ils avaient vécu mais pourtant…

Les femmes avaient peut-être plus peur de la guerre que les hommes. Eux restaient plus stoïques ou cachaient leur angoisse.

1939

Un homme était venu travailler chez nous à ce moment-là parce que mon père était tombé. Il avait le cœur malade. Nous avons entendu l’annonce de la déclaration de guerre à la radio. Mon oncle qui habitait à Donnemarie a dit : « Je pars en laissant ma famille… » Puis, il s’est mis à pleurer. Cela m’a profondément marquée. En voyant son départ, je me suis demandée comment serait la suite.

Puis, tous les jeunes du village sont partis sans traîner. En deux jours, tout le village était vidé de sa jeunesse. Après, les messieurs d’un certain âge ont également été mobilisés. Chez les Popelin, le père et le fils ont été mobilisés.

Les jeunes ne partaient pas enthousiastes, je ne pense pas… quoi qu’un peu patriotes…

J’avais entendu parler de la ligne Maginot mais je ne m’en rendais pas compte. Par contre, un membre de la famille qui était capitaine avait expliqué : « La précédente a duré quatre ans et celle-ci durera peut-être encore plus longtemps parce que les moyens sont différents. » Il avait raison.

La première année, il n’y avait pas encore de privation. On souffrait du manque de main d’œuvre. Les foyers étaient vides. De toute façon, on allait travailler très jeune. Quand on sortait de l’école, on connaissait déjà le programme. Marie-Thérèse Blanchot allait labourer avec un cheval et la charrue… Ce n’était pas du travail de femme mais il fallait le faire.

Réfugiés

Des fermes entières partaient avec leur personnel. Les réfugiés sont arrivés et repartis avant que nous ne partions en exode. Ils sont arrivés dans leurs grandes voitures avec des meubles, du linge, etc. dedans. C’étaient des familles mais ils ne sont pas restés longtemps à cause de l’avance allemande. Nous, nous sommes également partis, le 14 juin 1940. Ils avaient emmené pas mal de nourriture comme nous quand nous avons fui.

Exode

Nous avions libéré les animaux.

J’ai vu la débandade des soldats français dans le Loiret quand les ponts de Monterau ont sauté. Nous sommes passé à Misy parce que mon père avait un ami fermier dans ce village. Mon père avait dit : « Quand on sera chez Alexandre, ils ne traverseront pas la Seine et l’Yonne. » Arrivés chez lui, il nous a dit : « Ecoutez mes pauvres, on fait comme vous, on remballe ! » Nous avons continué et nous avons fini dans le Loiret, à Courtenay. Nous sommes partis avec les voisins proches du village.

A Valery, nous nous sommes cachés dedans un genre de carrière alors que nous avions laissé les chevaux sur le bord de la route parce que ça mitraillait. Une dame de Chalautre la Repostre a été tuée. Quand nous sommes ressortis, des voitures avaient explosé et des chevaux avaient été tués. Nous étions tellement groupés et entassés que je me suis rendue compte une fois sur le bord de la route que je n’étais plus avec ma famille.

Nous allions dans une petite ferme pour chercher du lait que nous payions mais nous étions bien contents d’en avoir. Nous avions emporté des pommes de terre.

A Courtenay, nous sommes restés toute la nuit dans une grange et nous avons entendu rouler toute la nuit. Cela faisait un bruit d’enfer. Le lendemain matin, nous avons vu les side-cars. Les Allemands étaient là, avec leurs mitraillettes. Ils nous ont dit : « Vous pouvez rentrer chez vous, c’est nous les maîtres ! »

La mère de madame Lacômme a sauté sur le pont de Montereau. Son corps a été emporté par la Seine. Ils ne l’ont jamais retrouvé. Elle avait tous leurs bijoux, leurs titres de propriété et leur argent dans une petite valise qu’elle ne quittait pas. Elle est partie avec. Ils ont ensuite eu des problèmes parce qu’ils n’avaient plus de papiers de famille.

Au moment où nous étions bombardés, un vieille mémé disait : « Mais qu’est ce qu’il tonne ! Nous sommes en plein orage ! Ben, il n’y a pas de nuage… »

Pour revenir, nous avons emprunté un pont bateau à Montereau. Ça remuait sacrément. J’ai vu une voiture et un cheval tomber à l’eau. Le cheval est mort noyé.

Les réfugiés n’avaient pas pillé les maisons mais ce sont certaines personnes du pays qui étaient restés ou revenus avant nous. Une de ces personnes a failli être pendue à cause de ses méfaits.

Quand nous sommes rentrés au village, un sentiment de désolation régnait. Quelques rares personnes avaient réussi à revenir dont Anatole. Monsieur et madame Tréhaut pleuraient leur fille revenue bien plus tard. Elle avait échoué en Creuse. Certains réfugiés étaient encore là. On a rassemblé les vaches qui se trouvaient partout dans le pays. Une ne voulait pas revenir parce qu’elle avait fait son veau. Une dame Nous a dit que si on reprenait la vache, elle n’aurait plus de lait. Elle avait trait la vache pendant une semaine. Maman les a rassurés : « Vous avez trait la vache pendant huit jours, vous pouvez continuer pour avoir du lait. » Ces gens-là sont partis dans la région parisienne, d’où ils venaient sans doute.

Les Allemands et occupation

Nous étions vraiment entourés par les Allemands. Une maison était vide à côté de chez nous et ils étaient au moins une vingtaine là-dedans. Ils venaient chercher du lait à la ferme. On aurait eu mauvaise grâce de refuser… ils se servaient. Un jour, l’un d’entre eux est venu avec sa gamelle. Il nous a dit qu’il était autrichien et qu’il avait été mobilisé de force. Je crois qu’il était avocat. Il parlait français couramment. Il nous a dit : « Regardez, ils nous obligent à nous faire tuer pour nous donner ça à manger. C’est infect ! » Il avait trois tranches de pain et un peu de rutabaga. Ils n’étaient pas bien !

Le matin, ils partaient en petit caleçon, sur la route de Thénizy où se trouve la mare, pour faire de la gymnastique. Leur cuisine était dans la cour. Il fallait voir ce que c’était ! Ils disaient que même les chiens n’en voudraient pas.

Au début de l’occupation, c’étaient de jeunes soldats allemands.

Le soir, dans nos campagnes, nous avions l’habitude de nous réunir. Il y avait des bancs un peu partout, notamment un chez le grand-père de monsieur Vincent. Nous nous rencontrions aussi près du puits. Nous passions la soirée tous ensemble à discuter. (L’hiver, nous restions à l’intérieur.) Si jamais, l’un d’entre nous mettait son pied en dehors de la grille, sur la route, les Allemands nous disaient de rentrer chez nous. Ils traînaient dans le pays pendant toute la nuit. Certains étaient gentils et ne disaient rien… mais c’était la crainte !

Un huissier à Provins avait un secrétaire allemand et personne ne le savait. Au moment de l’occupation, cette personne est arrivée habillée en officier. Il était resté des années en tant que simple secrétaire…

Les Allemands sont restés environ un mois au village avant de regagner la Kommandantur à Provins.

Monsieur Millot était mutilé de guerre et capitaine de réserve. Madame Guérin, la belle mère propriétaire d’une belle propriété à Cessoy, a vu les allemands arriver chez elle. Elle avait un beau manteau de fourrure et les allemands avaient un chien énorme qui était couché dessus sur le canapé dans le salon. Elle a protesté : « Mais nous sommes chez nous ! » Monsieur Millot parlait allemand couramment et il a discuté avec eux. Il y avait une forme de respect parce qu’il était mutilé et ancien militaire. Ils lui ont permis de rentrer chez lui avec sa femme. Mais, madame Guérin a longtemps couché au château. Annie et Jacqueline, les petites filles, couchaient chez nous, dans ma chambre. Elles sont restées un bout de temps.

C’était un allemand qui s’est fait connaître. Il donnait des concerts dans le pays. Il nous avait invités dans le parc mais tout le monde est resté chez soi ;

Mon père a dû amener des chevaux à Provins pour les Allemands, et des vaches à Donnemarie pour l’abattage.

STO et résistance

Les résistants étaient cachés. On le savait plus ou moins parce que certains n’étaient pas assez discrets. Mais, il n’y a pas eu de résistants faits prisonniers, emprisonnées et déportés.

Deux personnes du village sont partis au STO : Raymond Corbel et Gaston Pétillon. Monsieur Drouart était réfractaire. Il travaillait pour le métro. Il est revenu à Cessoy. Les gens savaient et ne disaient rien. Il fallait bien l’aider lui, sa femme et ses enfants comme Monsieur Palisse, prisonnier évadé.

Mon futur mari était aussi réfractaire. Il avait été déporté en Allemagne mais avait réussi à s’échapper. Il s’est ensuite caché chez mes parents. Il était originaire de la Ferté Sous Jouare. Avec trois ou quatre gars, il avait réussi à s’échapper. Une dame de Soissons récupérait des prisonniers. Elle avait de la famille dans la région qui se trouvait être de la même famille que ma marraine. Il ne pouvait pas rester chez elle parce que c’était trop près de chez lui. Elle nous a donc écrit et comme nous manquions de main d’œuvre, nous l’avons pris. Mon père était déjà malade.

Par la suite, mon beau-père disait toujours à mon père : « Je ne sais pas comment vous remercier. » Et mon père lui répondait sous forme de plaisanterie : « Pour nous remercier, il a pris notre fille ! » L’amitié a fait naître l’amour.

Cette rencontre était un bon souvenir, bien sûr, mais nous avions peur. Maman avait peur que les Allemands n’amènent mon père, mon jeune frère et mon futur mari. Beaucoup d’Allemand passaient et on ressentait l’oppression et la crainte.

Mon mari n’avait pas de carte pour l’alimentation. Il travaillait dans les champs avec nous. Les gendarmes étaient au courant. C’étaient les premiers résistants. L’un d’eux a même été déporté. Le grand-père de monsieur Vincent qui était maire nous donnait une carte pour le pain ou autre quand il en avait en plus.

Je suis allée au bal clandestin une fois ou deux. Sinon, j’allais au cinéma à Provins avec de la famille mais cela se passait l’après-midi. J’avais incidemment rencontré un jeune homme au cinéma. Il m’avait proposé de nous asseoir côte à côte. J’avais accepté mais quand il m’a appris ce qu’il y avait à l’affiche, j’ai fait demi-tour. On jouait Bel Ami. Je pensais que c’était allemand. Mais pas du tout, c’était une adaptation de Maupassant.

Il y avait des restrictions sur les boissons. Mon père achetait un petit tonneau de vin pour boire à la fin du repas avec le personnel ou bien le dimanche. Mais on ne trouvait plus de vin pendant l’occupation. Nous buvions le cidre fruit de nos vergers ;

Des armes étaient parachutées à Lapierre sur la commune de Mons.

1944

Nous étions en train de travailler dans un champ vers le cimetière, à la sortie de Cessoy quand nous avons vu un soldat allemand tituber. Pour les Allemands, c’était la débandade. Elle était équivalente à celle qu’avaient connue les soldats français quatre années plus tôt. On se demandait pourquoi ce soldat titubait ainsi. Presque aussitôt, nous avons appris que, dans Sognolles, des résistants de la dernière heure voulaient le tuer.

Après le débarquement, les Allemands ne se trouvaient plus dans les campagnes mais dans les grands centres et sur le littoral.

La libération

La veille de la libération, il y eut un massacre à la Brosse Monceau chez les moines. Maman a eu peur. Un moine est arrivé à la maison dans un état déplorable. Il avait les pieds en sang dans ses sandales. Il voulait que mon père le conduise à la ferme de monsieur Vignier à Courtenain. Ma mère a appelé mon père. On ne savait pas s’il s’agissait vraiment d’un moine ou d’un Allemand… Papa a dit : « Ecoutez, je ne peux pas vous conduire jusqu’à la ferme. » Il l’a conduit jusqu’aux bois de la lune entre Meigneux et Rampillon. Il savait que les maquisards se trouvaient dans le bois de la lune. Il l’a arrêté avant la ferme et lui a indiqué la direction. Juste après, nous avons appris qu’il s’agissait bien d’un moine qui avait réussi à s’échapper. Il y avait beaucoup de résistants dans ce monastère près de Montereau. Ils ont été martyrisés et fusillés.

En août 1944, les allemands tiraient sur tout ce qui bougeait sur la route, y compris le car Citroën. Il y eut des morts, notamment un de Cessoy.

Les américains sont arrivés un dimanche, le 27 août 1944. Une jeep était garée sur la place des Tilleuls avec plusieurs personnes autour. Ils venaient de Donnemarie. C’était bien évident la grande joie.

Il n’y a pas eu de fête mais c’était la surprise, la grande joie, l’espoir du retour de nos prisonniers, la prière pour ceux qui manquaient et le chagrin de leurs familles. Ils ne sont revenus qu’à la mi-juin 1945.

La deuxième DB s’est installée dans la pays après leur retour d’Allemagne.

La libération, c’était la fin de l’oppression. Dans le pays, nous n’avons pas souffert mais mes parents étaient sur le qui-vive, comme tous ceux qui nous étaient proches.

Message aux jeunes

Je pense que s’il y avait moins de drogues, il y aurait moins de violence. Il faut éviter tout ça. Il faut qu’ils s’unissent, qu’ils comprennent ce que nous avons vécu pour ne pas revoir de violence. L’amitié doit exister entre les peuples.

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