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Genèse du déclin la Guinée et projet pour les 50 ans à venir

Docteur Thierno Bah - Paris 26/11/07

mercredi 21 mai 2008, par Frederic Praud

En 1998, pour le quarantième anniversaire de notre indépendance, nous avons engagé des campagnes pour convoquer un dialogue national pour regarder le chemin parcouru par le pays. Faute d’avoir obtenu un soutien de l’opinion publique, notre proposition est restée lettre morte. Des contacts menés depuis janvier 07 auprès des victimes en chair et en os et de quelques agents de la répression laissent penser et espérer que certains compatriotes seraient ouverts à un dialogue de réconciliation à l’occasion de notre jubilé.

Malgré le délai très court d’ici le mois d’octobre, permettez aux acteurs et témoins de ce parcours d’inviter toutes et tous ceux qui sont soucieux d’un changement qualitatif profond de la gestion de notre pays à des concertations régulières en 2008. Nous allons sortir nos archives pour vous livrer les fautes commises. Ensemble, nous allons définir les réformes politiques, économiques, sociales et culturelles que nous voulons voir enracinées en Guinée pour les cinquante prochaines années. Merci de votre écoute.

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La Guinée n’a pas eu son indépendance par la seule volonté de Sékou Touré comme l’ont accrédité ses courtisans inconditionnels qui lui ont construit une légende trop belle pour être vraie. La victoire du non le 28/09/1958 résulte de l’union de toutes les forces politiques, syndicales et associatives du pays. Elle a bénéficié du soutien international du camp anticolonialiste et progressiste de l’époque.

Le PDG a transformé cette victoire en calvaire pour notre peuple. Il nous a acculé pendant vingt six ans à la répression, la peur, la lâcheté et l’exil de deux millions des personnes. D’un pays prospère et hospitalier, il a fait un goulag meurtrier : plus de cinquante mille personnes ont souffert dans les camps militaires de tortures du pays ; plus de cinq mille hauts fonctionnaires ont perdu leur vie dans le célèbre et redoutable camp Boiro sur la tête de mort desquels le chef du PDG a installé son trône.

C’est le mécanisme de cette descente aux enfers de notre peuple qui sera évoqué ici par des témoins des faits et parfois par de victimes en chair et en os.

2-. But de ce bref rappel historique.

La politique de la première république a affaibli notre pays, devenu malade des complots. La société est très malade depuis des lustres. Peut-on soigner un malade sans l’interroger, l’écouter et entendre ses souffrances ? Si on ne connaît pas les causes de la maladie, trouvera-t-on les médicaments efficaces pour la traiter jusqu’à la guérison ? A quelques jours de l’entrée de notre pays dans le cinquantième anniversaire de notre indépendance, et plus de vingt ans après la mort dictateur, nous voyons tous que le pays agonise de façon interminable dans une pauvreté profonde et large. Ceux qui roulent en mercedès et autres voitures de luxe, pataugent dans les mêmes eaux sales et boueuses de nos villes repoussantes que les piétons et les usagers des « magbanas. »

Il nous a semblé comprendre que de nombreux Guinéens pensent organiser quelque chose pour célébrer le premier jubilé du pays. Nous souhaitons que le maximum d’initiatives se constituent et se coordonnent pour travailler ensemble dans la même direction. Il est souhaitable de corriger les comportements individualistes qui ont dispersés nos efforts depuis un demi-siècle sans résultats concrets sur le terrain. Il faut se souvenir de toutes les actions en dents de scie qui ont prévalu jusqu’à présent et qui ont saboté toutes les tentatives de rassemblement des forces pour converger vers notre union pour une bonne gouvernance.

3-. Comment expliquer le déclin de la Guinée ?

Le déclin de notre pays était inscrit dans la logique de la conquête du pouvoir par le PDG. Ses leaders, formé dans les cours d’adultes des Groupes d’études communistes, GEC, y ont appris la stratégie de l’usage de la violence politique pour prendre le pouvoir. Maîtrisant cette arme redoutable, ils ont obligé l’administration coloniale à un renversement d’alliances en leur faveur au détriment du BAG et de la DSG à partir de 1953, à travers l’élection de Sékou Touré conseiller territorial de Beyla. C’est dans ce contexte que le PDG gagne l’élection législative de janvier 1956 et les élections territoriales de mars 1957. L’arrivée du général de Gaulle au pouvoir en France en 1958 accélère l’histoire et débouche sur la proclamation de l’indépendance le 2 octobre 1958.

Pour se maintenir au pouvoir, Sékou Touré impose le parti unique pour s’assurer un leadership de façon méthodique et tumultueuse en persécutant le peuple. La principale cible pour s’engager dans la voie du pouvoir personnel et de la présidence à vie sera l’élimination de Keita Koumandian, de ses collègues du bureau du Syndicat des Enseignants et des premiers universitaires guinéens rentrés pour servir les populations. Cette opération sera menée en 1961 avec la complicité des cadres moins compétents ravis de prendre des places qu’ils convoitent.

L’échec du PDG à construire un Etat viable trouve son origine dans cette décision funeste qui a décapité l’élite intellectuelle guinéenne qui avait été à l’avant-garde de la campagne pour le NON, c’est-à-dire pour l’indépendance immédiate. L’emprisonnement de ces patriotes sincères a tué la démocratie, déjà muselée et handicapée par l’absorption et l’intégration des opposants du PRA dans le PDG dès 1959. Cette situation brisait le seul rempart au pouvoir personnel qui pointait et que la FEANF avait dénoncé de façon prémonitoire à son congrès extraordinaire de mars 1962. La Confédération nationale des Travailleurs de Guinée, CNTG, privée de ce puissant partenaire, était de facto vidée de tout contenu et réduite au rôle de caisse de résonance pour diffuser les mots d’ordre du parti unique qui deviendra le parti Etat.

4-. Ampleur de la décadence de la Guinée.

Sortie de l’anonymat colonial comme un éclair dans un ciel serein, grâce à la victoire du NON, la Guinée est à la UNE de tous les journaux du monde le 29/ 9/1958. Elle rentre dans une éclipse médiatique de 1959 à 1961. Elle revient dans l’actualité internationale de façon négative et lugubre par le canal de l’instauration du système de gouvernement par les complots que le chef du PDG instaure après avoir maté brutalement la révolte populaire provoquée par l’arrestation des dirigeants du syndicat des Enseignants. L’Ambassadeur de Guinée dira à Paris : « l’armée a tiré en l’air à Labé, il y a eu deux morts ! »

De 1961 à sa mort en 1984, Sékou Touré confère au pays une image de barbarie par l’ampleur de la répression ininterrompue entretenue pendant vingt six ans. Le summum de la boucherie qu’il a ordonnée se produit en 1971 par la pendaison de 71 personnes condamnées à mort dans le cadre de ce qu’il a appelé « les agents de la cinquième colonne ». Deux citoyens ont été pendus dans chacune des préfectures et les communes de Conakry.

A sa mort en 1984, le tyran laisse en héritage un pays accusant un retard de cinquante ans par rapport à nos voisins. La société guinéenne a perdu ses repères éthiques et ses valeurs morales. Elle n’a plus de boussole. La promotion politique et sociale de « l’homme nouveau » serviteur inconditionnel des basses besognes du parti et du responsable suprême de la révolution a brisé tous les liens sociaux dans les familles.

Plus de vingt ans après la fin de ce cauchemar, le pays peine à trouver les repères éthiques, moraux et professionnels sans lesquels il est difficile de construire quelque chose de solide. La gestion de Lansana Conté, qui sera examinée dans une autre contribution, a aggravé le fossé de misère dans lequel les Guinéens sont plongés depuis cinquante ans. Ceux qui sont nés en 1959 ont aujourd’hui 50 ans. Ils gouvernent le pays avec Conté. Ils ignorent ou occultent le rôle et la place de l’élite intellectuelle guinéenne et africaine dans le combat pour organiser la solidarité en faveur de notre pays, notamment pour assurer la rentrée scolaire de 1958-1959. Leurs références scolaires se limitent aux discours fleuves de Sékou Touré qui leur ont servi de programmes d’enseignement pendant la dictature. Les noms des cadres universitaires guinéens, formés après des sélections coloniales féroces ont été effacés de la mémoire collective.

5-. Notre appel.

En 1998, pour le quarantième anniversaire de notre indépendance, nous avons engagé des campagnes pour convoquer un dialogue national pour regarder le chemin parcouru par le pays. Faute d’avoir obtenu un soutien de l’opinion publique, notre proposition est restée lettre morte. Des contacts menés depuis janvier 07 auprès des victimes en chair et en os et de quelques agents de la répression laissent penser et espérer que certains compatriotes seraient ouverts à un dialogue de réconciliation à l’occasion de notre jubilé.

Malgré le délai très court d’ici le mois d’octobre, permettez aux acteurs et témoins de ce parcours d’inviter toutes et tous ceux qui sont soucieux d’un changement qualitatif profond de la gestion de notre pays à des concertations régulières en 2008. Nous allons sortir nos archives pour vous livrer les fautes commises. Ensemble, nous allons définir les réformes politiques, économiques, sociales et culturelles que nous voulons voir enracinées en Guinée pour les cinquante prochaines années. Merci de votre écoute. Docteur Thierno Bah.

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