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DONNEMARIE - UN RÉSISTANT TÉMOIGNE

M. LUCIEN GUILVERT

mardi 20 novembre 2007, par Frederic Praud

Je suis né en 1906 à Vimpelles. Mon père était chef de l’atelier de râperie à Preuilly (atelier ou l’on râpe les betteraves destinées à la fabrication du sucre).
A la fin de la guerre 14, alors que l’activité de Preuilly avait baissé, le frère de mon père qui avait perdu un bras, reprit Preuilly et mon père s’installa aVimpelles.

Mon métier : forgeron.

Jeune, j’étais constamment chez mes cousins d’Egligny de la maison Bisson.
Devenu maréchal-ferrant, je me suis installé d’abord en 1930 à Everly, puis définitivement à Dontilly en 1932 avec mon épouse (nous nous sommes mariés en 1929 à Dontilly).

Entrer dans la Résistance.

Autour de moi, on commençait à parler de la Résistance. Mais c’était tout, c’était vague. Ce n’était que le début. Un jour, Petel est venu me voir. Il était à ma porte et nous avons commencé à discuter. Petel ,releveur de compteurs EDF, avait été pressenti par les gendarmes pour transmettre des messages aux intéressés. Son métier lui permettait en effet, de visiter beaucoup d’habitations sans éveiller de soupçon des allemands. Il m’a demandé si j’avais entendu parler de la Résistance. Je lui ai répondu que oui. « Chez nous, c’est pareil, mais ce n’est pas tout, ça. Il va falloir s’organiser ! », m’a-t-il répondu. « En Seine-et-Marne, cela a déjà commencé. Plusieurs groupes ont été formés. Je vous ai mis à trois : Béllagué, Hochard, et toi. ». Nous étions en accord avec les gendarmes, qui étaient aussi pour quelque chose dans tout cela !

Hochard était le boulanger, lui, s’en est sorti et il est mort de sa belle mort. Un coup de pot ! Nous avions des armes. Un jour, son chien était malade. Embêté, il a voulu le tuer d’un coup de revolver. Nous étions à proximité de la Kommandantur. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé, le chien a voulu se débattre et la balle a traversé le pied de Hochard ! D’après le médecin, il fallait lui faire des pansements et qu’il évite de porter des chaussures. C’est comme ça qu’on s’en est tiré, mais on venait ainsi de commencer dans la résistance.

Le commando Guérin : mes débuts.

Nous étions du commando Guérin. Les trois hommes qui nous commandaient, le capitaine Guérin et les deux autres, avaient une voiture, une traction. Je ne sais pas comment ils se débrouillaient pour ne pas se faire arrêter, ils devaient avoir des papiers ! Un beau jour, ils étaient à Meigneux, là où avaient lieu les parachutages. Ils discutaient au bistrot et disaient que, d’après les messages qu’ils avaient eus, il devait y avoir un parachutage le lendemain ou le surlendemain. Il y avait Londres, les gendarmes et Pétel comme dernier maillon de la chaîne, comme agent de transmission.

Tout marchait par les messages personnels. Ceux-ci étaient envoyés à la gendarmerie, qui les donnait à Pétel. C’était à peu près le seul homme qui allait de maison en maison, relever les compteurs EDF. Il me donnait ensuite l’information avec un peu plus de détails. Si c’était oui, il me donnait le nom des messages ; il m’a dit : « Il n’y a pas de raison que ce soit non ! ». J’écoutais régulièrement la radio de Londres. Et lorsque l’on entendrait l’annonce, « le caporal m’a flanqué quatre jours ». Il m’a expliqué que c’était un rendez-vous et que le jour nous serait donné. Alors il fallait nous mettre à la disposition de Clorennec le commandant de gendarmerie.

Au début avant les parachutages.
Guérin et ses deux lieutenants étaient donc tous les trois à Meigneux. Là, une automobile allemande s’est arrêtée, avec à son bord un officier et son ordonnance. Que faire ? Là, Guérin y est allé, pour l’histoire. Il les a mis en l’air tous les deux, l’un après l’autre ! L’un des deux était bien touché, il a été tué. L’autre, seulement blessé, a pris la cour à gué qui donne en plaine. C’est une cour qui donne en plaine, du côté des bois de Meigneux. Il avait réussi à gagner le bois, il était déjà loin. Nous n’avions pas encore fait de parachutage(rire) ; tout cela commençait plutôt mal ! Guérin l’a poursuivi et progressivement, il a commencé à gagner du terrain sur lui, puisque l’autre avait une balle dans la jambe. L’Allemand s’est faufilé comme il a pu le long du ruisseau. Guérin l’a vu se cacher sous un pont en pierres, pas loin de Meigneux, sur le ru, les pieds dans l’eau. Guérin lui a mis une balle dans la tête et a dit qu’il fallait le charrier.

Ils ont charrié, ces deux morts, avec Mahiat de la ferme des Verrines. Mahiat n’a pas fait partie de la Résistance mais il donnait un coup de main de temps en temps. Ils étaient nombreux à agir de la sorte. Ils les ont emmenés en direction de la ferme des Verrines. Entre Meigneux et les Verrines se trouve un bas-fonds. Ils les ont enterrés là. C’était juste le commencement, mais ça a duré longtemps : ils sont venus les chercher des années plus tard.

Les ordres : premier parachutage.

Nous avions les ordres. La première fois c’était « le caporal m’a flanqué quatre jours ». Nous sommes donc montés au terrain de « La Pierre ». Le problème était que l’on devait monter à pied par la vieille route de Mons et arriver par Clairsembeau, où l’on coupait en travers. Mais nous ne pouvions pas passer par-là ce jour-là. Il fallait trouver une autre solution et nous n’avions pas de chiens. Si nous faisions trop de bruit, nous nous faisions repérer. Nous n’étions pas très loin : il y avait une ligne électrique et le chemin aboutissait à une croix au bord de la route, du côté de Meigneux. On aboutissait là et on devait faire un parachutage. Nous avions des ordres. Nous étions dans une cabane sans lumière, que nous appelions « la cabane à Mireille ». Nous avions le droit d’avoir seulement une bougie mais pas plus.

Le commandant Guérin et les deux autres étaient là, à discuter. Ils nous ont donné à chacun une lampe, une lampe américaine. Clorennec le chef nous dit de faire comme lui : si l’un donnait un coup de lampe, nous devions répondre par un coup de lampe. Nous étions à environ cent mètres les uns des autres, il fallait baliser. À un moment donné, nous avons entendu l’avion approcher et nous avons fait ce qu’ils nous disaient. Ils nous avaient fait des recommandations, pendant plus d’une heure, dans la cabane à côté. Il était possible qu’il y ait des hommes parachutés, il fallait faire très attention à ne pas bouger, à ne pas tirer pendant le parachutage des Anglais. Le premier parachute avait de l’air dedans. Je l’ai toujours aujourd’hui ! Il est dans un drôle d’état et, de toute façon, ma fille ne veut pas que je le salisse ! Elle me l’a pris ! Il est déchiré parce qu’il est tombé à travers un acacia. Il a fallu casser des branches pour le récupérer. Chaque parachute avait son container de deux cents kilos, avec des poignées, très pratique, mais qu’est-ce que c’était lourd à porter ! C’était très bien fait, il y avait même un tapis en caoutchouc très épais pour réceptionner la chute.

On nous avait donc dit qu’il pouvait y avoir des hommes, qu’il ne fallait surtout pas tirer. De toute façon, nous n’avions pas le droit de tirer. J’ai donc vu la chose descendre, grosse comme la cuisine ! Nous avons vu un homme tomber. Nous sommes allés lui parler, il devait sûrement se sentir un peu dépaysé d’atterrir comme ça dans un pays inconnu. La première chose que nous devions lui dire, c’était « commando Guérin ». Nous y sommes donc allés tous les trois. Hochard était devant, il s’est donc approché de l’autre et lui a dit : « commando Guérin ! ». Puis nous avons attendu. Aucune réponse ne venait. C’est là que nous avons compris : avec l’air que contenait le parachute, nous avons cru voir un homme alors qu’en fait il n’y avait personne ! (rire)

L’organisation : le matériel.

Ensuite, un deuxième puis un troisième container ont été largués. Il n’y avait qu’un avion, la première fois, mais il repassait plusieurs fois. Il lâchait environ quatre containers à chaque fois. Nous discutions dans la cabane à Mireille et quand les avions arrivaient, nous sortions pour commencer le travail. Ensuite, c’était Bertin avec son camion qui convoyait les armes. Il arrivait, on chargeait. Il fallait prendre un chemin un peu avant la sortie de Meigneux pour arriver à la maison du garde-chasse. C’était une petite maison, avec un puits, une maison de garde. C’est là que nous déchargions. Nous mettions notre matériel et nos parachutes dans le puits, pour tout cacher et pour ne pas laisser de traces ! Nous enterrions certains containers là et d’autres au Plessis aux chats, où il y avait également un puits près de la briqueterie.

C’était Profit (résistant de Vanvilé) qui nous avait indiqué tout cela. Il faisait déjà partie de la Résistance avant, il était déjà allé chercher des armes. Il était passé à Maison Rouge en voiture devant les Boches avec des armes dans le coffre ! C’était un vrai coup de pot ! (rire) Il ne faisait pas partie de notre groupe, mais pour nous, c’était la même chose.

Il y avait un bon paquet d’armes à décharger à chaque fois, avec les deux cents kilos de chaque container ! Une fois qu’on avait tout déchargé, Bertin les emmenait à Paris. Beaucoup d’armes étaient envoyées pour les Parisiens. Des fois c’était Bertin, d’autres fois c’était Méret qui s’en occupait. Un jour, Méret m’a demandé de l’accompagner à Paris. Il fallait que je trouve une combine pour expliquer mon départ, par exemple dire que j’allais chercher des pièces. Je suis donc parti à Paris avec Méret emmener les armes.

En mission à Paris.

Je ne me souviens pas du nom du bar où nous devions aller. C’est un bistrot sur la gauche, une fois que l’on est rentré un petit peu dans Paris. Il y a le mot Dieu dans le nom du bar, quelque chose comme « Dieu le veut ». Je me suis toujours souvenu de cela. Méret a longtemps été rue de Turenne, ce n’était pas très loin de la Bastille. Je m’y revois encore, mais je serais incapable de donner le nom de la rue ! Nous y sommes allés en plein jour, je suppose qu’il fallait être gonflé (rire) pour faire ça ! Certains ne voulaient même pas agir le soir. Ce qui me dégoûte, c’est de voir tous ceux qui n’ont rien fait se vanter de telle ou telle chose qu’ils auraient faite, qui disent qu’ils connaissent la Résistance. Méret, par exemple, a toujours été très discret, il n’a jamais étalé sa science !

La visite de l’officier allemand.

La première fois que l’officier est venu, nous nous sommes salués. Il ne parlait pas très bien français, mais il m’a fait comprendre qu’il avait un problème avec ses roues, à cause de la sécheresse. Il venait d’un régiment dans les environs, je ne sais pas où exactement.

Je lui ai dit non, que ce n’était pas possible : mon ouvrier était parti en Allemagne, ils l’avaient emmené. Je ne touchais plus de charbon, rien du tout. Je ne pouvais rien faire. Le lendemain, ils sont venus avec un chariot et deux chevaux m’apporter du charbon ! Ils m’ont demandé combien d’ouvriers je voulais. J’ai répondu qu’il m’en faudrait peut-être deux ; ils m’en ont promis quatre. J’ai accepté et ils m’ont envoyé quatre Allemands. Je leur ai fait démonter les roues. Nous nous comprenions plus ou moins et cette histoire a dû durer deux mois, plus d’un mois en tout cas.

Tout ce trafic a semblé étrange, surprenant à plusieurs personnes qui me connaissaient. Mais c’est certainement ce qui m’a sauvé !

L’officier venait souvent voir le matin, à la forge, si tout se passait bien. J’avais mon matériel installé dans la cour, c’était très pratique, tout se passait bien. Il venait régulièrement. Je lui proposais toujours un « schnaps » et mon Dieu, il aimait ça ! C’était une question d’essayer de me faire bien voir, de leur faire comprendre que je n’étais pas contre eux, ni rien. Et ça marchait comme ça ! Et pourtant, nous avons connu des coups durs. Plus d’une fois, nous avons ramené des armes chez moi, en passant par-derrière. Il y avait des pièces sous le toit chez moi et c’est là que je les cachais. Cela formait un emplacement où ma femme avait entreposé le fourrage pour les lapins. J’avais tout déplacé et bien caché les armes ; elles n’étaient pas absolument introuvables mais il fallait quand même savoir qu’elles étaient là. J’avais quinze carabines américaines, deux fusils mitrailleurs et trois milles cartouches ! (rire)

Je ne pouvais tout de même pas laisser là ces cartouches. J’en ai donc caché dans la cave. Quand on a tout rendu, j’ai pu m’en débarrasser. Un jour, ils sont venus me demander ce que je faisais dans la cave. Je leur ai répondu : « La cave ? Quelle cave ? » et je suis allé à la laverie pour prévenir les autres. Ils m’ont dit d’amener les cartouches, je les ai donc déplacées. Si les Allemands étaient tombés dessus, j’aurais eu droit à une punition sévère !

La part de la chance.

Méret aussi a fait des choses dangereuses ! Un soir, il est venu voir le père d’Henri Gibault pour lui demander de l’aider à décharger quelque chose qu’il doive mettre dans le bureau. Il fallait que ce soit fait rapidement. Il y avait plein de camions d’émetteurs-récepteurs que les Gibault ont stockés chez eux ! Le lendemain, il est venu les rechercher pour les emmener à Melun. Un jour, Méret avait même des armes sous sa banquette, sous le siège avant de sa camionnette ! Il les ramenait. Il n’y en avait pas beaucoup, mais enfin, il y avait quand même des fusils mitrailleurs. Ce jour-là, il ramenait à Jutigny Suzanne Lemire et Jeannette Chanteloup qui se trouvaient à Provins. Il s’est fait arrêter par les gendarmes de Jutigny avec leurs chaînes et leurs colliers de chien. Les deux filles ne savaient pas qu’elles étaient assises sur des armes ! Méret a baratiné les gendarmes et leur a fait un cinéma : « Camarades, camarades, moi connaître le lieutenant Untel, moi pan ! Pan ! À la chasse avec lui ! ». Et il est passé. Il fallait être gonflé !

De mon côté, j’ai pensé beaucoup plus au danger et aux conséquences de ce que nous faisions un moment après, quand tout était terminé, que pendant que nous le faisions. Quand nous étions sur la vieille route de Mons, nous tournions au niveau de Clairsembeau, là où il y a une ferme toute seule sur la gauche passé le clos Bouard. C’est là qu’il y avait des chiens. Nous ne pensions même pas au temps qu’il nous faudrait pour arriver. C’est en arrivant qu’on pouvait accrocher nos armes, car nous avions toujours des armes sur nous. Mais le pire, c’était Caron. Il rentrait de son emprisonnement et il m’a dit : « Mon Dieu ! Ils m’en ont fait un travail avec leurs camions, dans mes champs, dans ma luzerne ! ». C’était nous, le chef Clorennec lui disait « mets la en veilleuse »

Quand on était déclaré apte au travail par l’examen médical du STO, il restait la possibilité de se faire faire des faux papiers à Paris. C’est ce qu’a fait Henri Gibault et il y a échappé comme ça. On peut dire qu’il a eu de la chance ! Ils ne lui sont pas tombés dessus. Mais moi aussi j’ai vraiment eu de la chance, je m’en rends compte quand je repense à toute cette période. Par exemple, à l’intérieur de mon casque, il y avait un long bout de tôle qui dépassait. C’est ça qui m’a coupé ! Il avait traversé mon casque ! Il faut dire quand même que celui qui se sort de la guerre, quand il y a des évènements d’une telle ampleur, c’est un homme qui a du pot !

L’exode après la mobilisation …

Nous étions chez l’un d’entre nous, à une heure du matin. Il nous a installés le long du bois. « Demain matin, on partira de bonne heure ! », nous a-t-il dit. C’était un bois situé à quelques centaines de mètres de Saint-Amand en Puisaye (Nièvre). Nous étions deux par voiture, à une heure du matin. Il fallait que nous soyons deux dans chaque voiture, un pour conduire et l’autre en copilote. Je me suis garé et j’ai commencé à sommeiller. D’un coup, j’ai entendu un grand bruit : « Vraoum ! », et voilà que nous étions sans dessus-dessous, dans le fossé, les roues en l’air, soixante litres d’essence dans le bazar !(rire) Il y en a qui ne voudrait pas le croire parce que l’herbe a pris feu. Et puis, un officier ou un autre, je ne sais pas, noir comme il faisait, nous a dit qu’il y avait une dépanneuse à la fin du convoi. « Ne bougez pas, on va pouvoir vous remonter ! », nous a-t-il affirmé. Nous avons attendu. C’était moi qui conduisais. Ensuite, la grue nous a remontés, sur les roues. Nous n’avions rien de cassé mais tout l’arrière était embouti ! Enfin, ce n’était pas trop gênant : une fois sur la route, j’ai donné un coup de démarreur et hop ! , nous sommes repartis.

La route menait à Saint-Amand, nous en voyions les premières maisons. Il y avait beaucoup de monde, les gens commençaient à partir, et moi je me décidais à trouver un maréchal-ferrant pour réparer ma voiture… Ca m’a porté chance en fait. Billaud était le président des maréchaux de mon commis. Il venait de l’Allier. Il y avait des gens, des femmes et des enfants surtout. Des hommes, il n’y en avait pas beaucoup. « Ah, les militaires, faut nous emmener ! » nous ont-elles dit. « Nous emmener », tu parles ! On discutait, en fait. Et puis il y en a eu une qui a été plus maline que les autres. Elle nous a dit : « Venez ! Venez boire un tout petit coup de Sauvignon à la maison ! ». C’est la sacrée bonne femme que j’ai fini par emmener dans les Pyrénées avec sa mère. Le pire, c’est qu’elle avait une voiture qu’elle ne savait pas conduire ! Je lui ai déclaré : « Nous on a tout ce qu’il faut, on a un chauffeur ! ». Alors, j’ai continué avec la voiture du régiment et mon copilote a pris la voiture de la femme qui ne savait pas conduire et que j’ai ramené. Et depuis, nous sommes restés tout le temps bien ensemble...mais ils sont morts de bonne heure. Elle avait deux ans de plus que moi, j’avais trente-quatre ans et elle en avait trente-six, et lui était prisonnier, que d’évènements il y en aurait pour des jours à raconter tout cela. Mais il faut dire que l’on a eu beaucoup de pot.

La carabine américaine : les chasseurs, les pêcheurs.

J’avais donné une carabine américaine à Rouyer. C’est quelque chose que l’on ne peut pas mettre dans n’importe quelles mains ! « On va aller à la chasse », m’a-t-il dit un jour. Nous chassions aussi. J’ai donc donné une carabine à l’électricien, mon cousin, une à Rouyer et quelques autres à des gars sûrs et nous sommes partis dans les bois à Bel. Rouyer a vu un lièvre traverser devant lui, il a tiré et pan !, la balle lui a traversé l’oeil. Valentin et encore d’autres étaient avec nous, des gars que je connaissais, qui chassaient. Comme j’avais des armes, je connaissais beaucoup de chasseurs.

J’ai des anecdotes assez drôles sur un ami et Pataud, son chien. Le chien allait avec lui sur sa mobylette, derrière. Arrivé au bois de Bécherelles, quelqu’un lui dit : « Il y a longtemps qu’ils sont partis, les chasseurs ! T’es jamais à l’heure ! ». À la pêche, c’était pareil. Il a répondu : « Tant pis, je chasse ! ». Et il est parti avec Pataud. « Vas-y, mon vieux Pataud ! ». Il réfléchissait : « Si je vois un lièvre, je le tire, je le blesse. Si le lièvre part à droite, Pataud partira à gauche. ». Et à chaque fois qu’il tirait et que le lièvre partait d’un côté, Pataud partait de l’autre... Il a tout de même tiré un lièvre avec une carabine américaine ! Il tirait bien... Dans les bois, quand ça court, c’est difficile. Et il l’a eu dans l’oeil !

A la pêche, j’allais le chercher à deux heures du matin. Jamais, pas une fois il n’a été levé. Alors, je le cognais ! « Aïe ! Attend, mon vieux, j’arrive, je me dépêche. », disait-il. Et puis, il fallait attendre, tout le temps. Tout le temps ! Alors un beau jour je lui ai dit : « Tu commences à me faire chier, merde ! Je passe te chercher, si tu es prêt, tu montes, sinon, tu restes ! ». Je suis arrivé dans le bateau, qui nous appartenait à tous les deux et j’ai commencé à m’installer pour pêcher. Ça faisait un moment que j’étais en train de pêcher quand il est arrivé en moto. Je lui ai demandé : « Alors ? ». « Je ne me suis pas réveillé ! », a-t-il répondu.

Une autre fois, il est venu et il avait oublié quelque chose. Je ne sais plus quoi, son tabac peut-être, une chose ou une autre. Alors il m’a dit : « Attend, je vais mettre le bateau en place. ». Moi, je ramais pour placer le bateau selon le courant, lui s’occupait de la chaîne. Il a voulu descendre sur le sable et moi, assis dans le bateau, j’ai bougé. Il est parti à la renverse, plouf !, à l’eau (rire). Ça m’a coûté un cigare ou deux, tout son tabac était mouillé, même son briquet ! Il nageait très bien. C’était un nageur. On allait souvent prendre un petit apéro chez Sidonie.

Souvenirs, souvenirs.

Au début de la guerre, j’étais à Provins. Un ami m’a même récemment amené une photo de moi à Provins. C’est une photo de groupe des maréchaux qui date de 1926 ! On me reconnaît toujours aujourd’hui. Il paraît que je ressemble à Guy, mon fils, qu’il y a un air de famille. Sur la photo avec moi il y a Caron, Audegand, Nicolier, Ferry... J’en reconnais les trois-quarts ! Il y en a même un qui venait de Tours, nous étions allés voir sa boutique lors du Congrès à Tours. J’étais au 29ème dragon, c’était la boutique du 29ème dragon. Ma fille a fait refaire cette photo, c’est une belle photo, presque mieux que l’original ! La vieille photo était très sale, je n’en revenais pas quand on m’a montré celle-là !

Il y a beaucoup d’anecdotes comme celles-là que j’aimerais raconter. Seulement, le temps a passé... des années et des années...

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