L’Artésien est du Picard

Monsieur André ACCART, ethnologue.

L’ethnologie a pour objet l’étude de l’homme dans son contexte, dans sa vie professionnelle, dans sa vie familiale quotidienne, son métier, sa religion. Ce n’est pas ma profession mais ma passion. Avant d’être d’ethnologue, je travaillais à la Verrerie Cristallerie d’Arques. J’ai tout abandonné suite à de gros problèmes de santé. Cette passion du patois ou de l’ethnologie est pour moi le meilleur médicament… ce retour vers le pays, je l’ai bu au sein de ma mère. Mes parents étaient cultivateurs dans la région d’Arras. J’ai été élevé dedans, au petit village où il était courant de parler patois aussi bien à la maison que dans la rue. C’était réprouvé à l’école et comme tout bon français, on plonge dans tout ce qu’on nous interdit donc on s’y attache. Mon travail d’ethnologue dépasse le patois lequel n’est qu’un aspect de l’ethnologique, un langage, une manière de s’exprimer. Mais tous ces gens qui s’expriment dans cette langue ont d’autres habitudes, d’autres coutumes, il y a tout un folklore intéressant qu’il est important de rapporter.

Très peu d’ouvrages traitent de l’ethnologie, de l’histoire ou des coutumes de nos pays, c’est un peu ce qui m’a poussé à aller plus loin. Je me bagarre avec les patoisants parce que d’un village à l’autre les gens disent « ce n’est pas le même patois que chez moi. C’est le patois d’ici ! ». Le patois ou l’artésien est du Picard et la zone picarde regroupe plusieurs départements : La Somme, le Nord, le Pas de Calais et même une partie de la Belgique et de l’Aisne. Il faut faire abstraction de l’accent et surtout ne pas écrire un nom patois comme on l’entend. Le même mot à la même racine, la même étymologie bien qu’il soit prononcé différemment. La seule variante du patois consiste en des zones géographiques où le métier, la profession apportent un vocabulaire particulier.

La patois artésien transforme généralement les « E » en « I », aussi le nom du village devrait se prononcer Radinghin. Mais Est-ce vraiment le cas ? Il semble que les habitants soient très attachés à la forme « Hem » par opposition aux autres villages situés sur l’autre bord de l’Aa où nous retrouvons la forme « Hin ». Le patois Picard à de nombreuses règles grammaticales, notamment le doublement du sujet : on dira « Monsieur, il fait ceci » et non pas « Monsieur fait ceci ».

Des lieux dits chargés d’histoires…

Les noms des lieus dits, créés il y a bien des siècles, ont été écrits en patois ou mal réécrits parce que malheureusement nos secrétaires de mairie traduisaient à leur manière avec beaucoup de fautes d’orthographe. Ils ont une signification, par exemple « le marché aux glènes » de Radinghem. Les Marquets se sont justement des anciennes exploitations et une glène est une poule. Il est évident qu’il n’y a jamais eu « de marché aux poules » en plein champ mais cette ferme fut peut-être spécialisée dans la volaille. Tous les enfants « étaient des bras » pour aider le père à travailler. On les envoyait garder les cochons, les vaches dans les champs, ou garder les dindons. Il y avait des tas de troupeaux des bestiaux et pourquoi pas des troupeaux de volailles. La glène en patois veut dire « glaner », ramasser les épis dans les champs après la moisson. Il se pourrait donc que ce champ soit des terres à céréales, à blé où l’on allait glaner.

Un lieu dit s’appelle aussi « les Fosses à Mannes ». Les mannes sont de grands paniers en osier. Ces fosses doivent être un endroit humide où il y pousse de l’osier. On allait se ravitailler en osier dans cet endroit pour faire des mannes. « Les Argilières », lieu où l’on trouvait des carrières d’argile. C’était d’autant plus important que les maisons n’étaient pas faites en briques mais en en torchis. On allait donc creuser dans ces carrières pour faire ce torchis.

On trouve presque dans chaque village un chemin appelé « la verte rue », ou « rue verte ». Dans beaucoup de villages, ces chemins mènent dans les champs. C’est le chemin emprunté par les amoureux au printemps. « Bernaprier » vient de borne à prier. C’est tout simplement un calvaire ou une petite chapelle,… Nos bergers passaient la nuit avec leurs moutons. Il leur arrivait d’être frappés par la foudre et mourraient en plein champs. La coutume était de planter un calvaire à l’endroit où il y avait eu un meurtre ou quelqu’un de décédé.

Dans tout le Pas de Calais beaucoup de lieux dits s’appellent « les croisettes ». Une croisette est une petite croix en bois fabriquée avec l’excédant en bois du cercueil. Le menuisier du village se chargeait de sa fabrication et devait calculer le nombre de croisettes nécessaires, le nombre de points d’arrêts de la procession. Elles étaient déposées à tous les endroits un peu remarquables du trajet, depuis la maison jusqu’à l’église, généralement une chapelle, un calvaire ou simplement un vieil arbre situé à un croisement. Le curé allait jusqu’à la maison mortuaire, procédait à la levée du corps et s’arrêtait devant ces chapelles, ces arbres et ces calvaires pour une petite prière et l’enfant de chœur allait déposer sa croisette. Il était interdit d’y toucher, quiconque levait la main sur cette croisette était condamné par les instances célestes. Cette croisette devait pourrir d’elle-même, par les intempéries, la vieillesse, tout ce qui la faisait disparaître donc on retrouve des croisettes qui datent de très loin. Cette coutume s’applique surtout aux villages avec hameaux mais Radinghem forme un bloc. Dans certains lieux, quand un membre de la famille venait à mourir, on clouait également une croisette sur une grosse traverse à l’entrée de la ferme. La ferme est généralement carrée, la maison est en fin de cour, la grange à côté de l’entrée face à la rue, où l’on trouve des grosses traverses sur lesquelles on clouait généralement des croisettes. Beaucoup de croisettes ont disparu quand les fermes ont été revendues ou transformées.

Le village au quotidien

L’aménagement des fermes était précis : la grange était située à gauche de l’entrée, l’écurie à droite et en face se trouvait le bâtiment d’habitation. Cet aménagement était typique au Pas de Calais, avec le grenier à blé au-dessus du bâtiment d’habitation. L’écurie n’était pas toujours dans le bâtiment mais au bout de la maison, parce que le cheval était le capital… au pire, le maître dormait avec ses chevaux. On ne pouvait rien faire sans cheval. Pour comprendre l’utilisation du cheval pour les labours dans le Pas de Calais, il faut effectuer des analyses de sol. Si le sol est argileux, il faudra deux ou trois chevaux pour conduire les chariots. Si vous avez un sol léger, des bœufs suffiront ou même un mulet et un cheval. La nature du sol conduit à s’équiper d’une certaine manière. La nature du sol importe beaucoup même à l’intérieur d’un même village.

Radinghem compte une grosse ferme. C’était généralement la ferme seigneuriale occupée par le bailli ou le chef de culture. Les métayers vivaient autour de cette ferme seigneuriale. Ces gens travaillaient à la journée et allaient en plus sur les terres du seigneur. Il n’y avait plus de métayers au début du siècle car ils avaient pu se constituer une petite tenure de dix à douze hectares qui leur permettait de nourrir leur famille. Cette évolution n’a pas été soudaine car au moment où les terres ont été vendues après la révolution, le petit métayer qui travaillait dans son coin n’avait pas d’argent et ne pouvait pas se permettre d’en acheter. Le petit propriétaire a alors dû augmenter sa surface cultivable et ses biens personnels par petits morceaux. Les lopins de terres étaient très petits et les paysans faisaient trois ou quatre cultures dans ces champs. Les cultures servaient à nourrir la famille qui vivait essentiellement de ses biens sur ses terrains. Il fallait du blé ou froment pour le pin, de l’avoine pour les chevaux, quelques prés pour les vaches. Si on arrivait à vivre avec ça, on faisait d’autres cultures qui permettaient une rentrée d’argent supplémentaire. Jusqu’au début du siècle, on cultivait l’œillette, une plante grasse qui permettait de faire de l’huile servant en grande partie pour l’éclairage.

Beaucoup de petits paysans avaient une double activité. Dans un pays des bois, vous allez retrouver des sabotiers, des fabricants de jougs, de tous les outils en bois. Cette activité donne souvent naissance à une profession particulière. Le cultivateur ne va pas se consacrer uniquement à ça. Il va peut-être tenter de faire des balais avec des branches de bouleau l’hiver et s’improviser ainsi « balaitier » tout en conservant sa fonction principale la culture. Le bois en lui-même, en dehors de ces quelques professions bien typiques, n’apporte pas grand-chose dans la vie du village, en dehors du chauffage.

Les gens n’avaient pas toujours l’argent pour payer les impôts. Ils s’en acquittaient avec des ramassages de cailloux, des charrois de cailloux dans les champs que l’on allait porter pour remblayer les chemins. Autant de journées de charrettes, de cheval correspondaient à une valeur monétaire qui compensait les impôts. Cela se faisait dans la région même après la première guerre mondiale, surtout dans les terres à cailloux.

Les petits paysans qui travaillaient à l’extérieur pouvaient être déclarés « ouvriers agricoles » à partir de 1930 mais on n’a jamais tout déclaré. Etre déclaré leur permettait d’obtenir une assurance accident.

Tels villages étaient appelés « des métteux d’fux », des incendiaires, tout simplement suite à l’apparition de l’assurance incendie. Quand vous aviez des vieux bâtiments délabrés assurés, on craquait l’allumette et on avait un bâtiment neuf. Ça c’est beaucoup fait ici. Le sobriquet collectif est intéressant et généralement quand vous en parlez dans un village, ils vous disent : « Nous, on n’en a pas, mais à côté oui. Nous les appelons comme ça ». Il faut toujours demander aux voisins !

Radinghem et ses maux de dents

Quelques ouvrages sur l’histoire du village ont été collectés aux archives départementales, notamment l’armorial du Pas de Calais. Ils ont regroupé tous les blasons communaux existants. Il ne faut pas confondre le blason communal avec le blason héraldique. Il est interdit pour une commune de reprendre un blason de seigneur ou il faut que la branche soit totalement éteinte. On ne peut pas confondre un village et une famille. Une Mairie peut reprendre le même dessin mais il faut inverser des couleurs ou apporter quelque chose de plus. Le blason de Radinghem est décrit ainsi :
Armes : proposition des archives du Pas de Calais « écartelé au 1 et 4 d’argent au chevron de sable accompagné de trois merlettes du même, deux et une ; aux 2 et 3 de sinople à trois maillets d’or. » On emploie toujours le langage héraldique, les armoiries des familles de seigneur. « Au un et quatre », veut dire que le blason est divisé en quatre partie. Les couleurs ont des noms particuliers, le vert était appelé Sinople, le bleu/l’Azur, le rouge…. La merlette, l’oiseau peut venir des armes d’une ancienne famille.

Ce sont les puissants de La Haye, comtes d’Hézecques, qui détenaient sous l’ancien régime la seigneurie de Radinghem et y possédaient par ailleurs un château détruit au XVIIème siècle. Cette maison a contracté des alliances avec de grandes familles telles que celle des de Mailly. La commune pourrait reprendre les armes des comtes d’Hézecques et les écarteler avec celles des de Mailly en inversant les couleurs de ces dernières.

Sainte Apolline est la fête le plus importante dans le village. L’église a été baptisée Saint Martin avant que l’on apporte les reliques de Sainte Apolline. Saint Martin est la dédicace la plus ancienne et la plus courante dans le Pas da Calais. Plusieurs centaines de paroisses ont Saint Martin pour patron. On dit même que Saint martin a été baptisé a Thérouanne, quand il a quitté l’armée romaine. La paroisse prit Saint Martin pour patron. L’ancienne église s’écroula au XVème siècle. Rebâtie, elle fut de nouveau détruite au commencement du XVIIème, en même temps que le château. Le château fut reconstruit en 1620 et l’église en 1628, date reproduite à l’abside, au bénitier et au portail.

Le chapitre de Thérouanne, retiré à Ypres après la destruction de cette ville en 1553, avait la dîme de la cure, à la condition d’en remettre un tiers au curé et d’entretenir le chœur de l’église. Cette dernière clause avait déterminé les habitants à placer le campanile sur les poutres du chœur, de manière à ce que les frais d’entretien fussent à la charge des décimateurs. En 1631, il lui fut accordé une relique de Sainte Apolline, un os de la mâchoire inférieure. Cette translation se fit avec une pompe extraordinaire sous la présidence de Monseigneur Jean Dolce, évêque de Boulogne. Celle-ci fut enfermée dans un reliquaire de cuivre argenté et doré qui disparut en 1793.

En 1793 l’église fut vendue au district de Montreuil et rachetée 200 F par M. Le Sergeant qui en a laissé la propriété à ses héritiers. Toutefois, la relique fut sauvée par les soins de dame Françoise Decréquy, épouse Delvallée, et elle fut de nouveau reconnue en 1803 par Monseigneur de la Tour d’Auvergne et placée dans un reliquaire en bois doré.

Monseigneur Parisis vint bénir le 29 octobre 1860, une riche bannière offerte en l’honneur de la sainte par M. Gaston de Monnecove. Par la suite l’abbé Théret fit élever une tour en briques, surmontée d’une flèche en bois couverte en ardoises. Cela permit d’y loger la cloche qui était toujours au-dessus du chœur.

Le fond de Célestine Leroy aux archives départementales à Arras nous donne de multiples informations sur les rites liés à Sainte Apolline. Célestine Leroy est une ancienne directrice d’école normale à Arras. Elle s’est intéressée à l’ethnographie d’autant plus facilement qu’elle faisait faire des enquêtes par tous ses élèves. Elle a regroupé tout un fond de témoignages restés pour la plupart à l’état de manuscrits.

La neuvaine était uniquement une fête d’église avec parfois des messes tous les jours, neuf jours de prières.. On venait faire une neuvaine à Sainte Apolline pour les propriétés accordées à la Sainte. La relique est un os de mâchoire ou simplement ses dents. Sainte Apolline eut la mâchoire broyée par ses bourreaux. Les saints guérissent souvent par la partie du corps dont ils ont été martyrisés. Sainte Apolline était connue partout dans le département, les gens allaient de village en village pour la neuvaine en rapport avec leur maladie. Le pèlerinage a été instauré en 1634.

Sainte Apolline est fêtée le 9 février, la neuvaine débute à cette date. C’est une diaconesse âgée d’Alexandrie. Martyrisée sous Dèce, elle mourut en 249. Ses bourreaux lui cassèrent toutes les dents. Son supplice induit par extension ses bienfaits sur les maux de dents. Elle est représentée tenant les outils de son supplice à la main, une tenaille avec une dent à l’intérieur. Les gens y croyaient encore au début du siècle. Une messe est célébrée le matin, suivie d’une conférence l’après midi et de mimes organisés par les jeunes du village. La neuvaine s’adresse principalement aux 5 villages qui dépendent de l’actuel curé : Wandonne, Matringhem, Mencas, Vincly et Radinghem. Les ducasses et des bals sont venus se greffer là-dessus. C’était une manière d’exploiter la coutume des paroissiens. Vers 1930, le bal de la ducasse intéressait surtout les gens mais ceux qui avaient mal aux dents continuaient à venir pour Sainte Apolline… avant d’aller au bal. Des dictons en patois tournent autour de la sainte : « Sainte Apolline, Sainte Apolline, j‘ai maux à mes dents. Si te me les guéries pas, j’mangerai du boudin ».

Il est fréquent que des gens d’ailleurs se mêlent aux fidèles. Radinghem n’est pas le seul lieu de la région Picarde où Sainte Apolline est invoquée. Il existe d’autres endroits où les pèlerins vont s’agenouiller devant la statue : Amiens, Berck, Berten, Burbure, Buscurt, Cassel… La relique de Radinghem fait deux millimètres. L’herbe de Sainte Apolline où herbe aux dents est la « justiane noire » très active contre les douleurs dentaires. Un cataplasme de justiane et vous n’avez plus mal aux dents. C’est une herbe rude, à feuilles poilues, quelquefois appelée l’herbe aux chevaux.

Les gens doués

Ils existent également dans le pays des personnes plus ou moins douées. Ces gens doués étaient connus dans tous les villages car il n’y avait pas de médecin et on n’avaient pas d’argent pour le payer. Le maréchal ferrant était surtout recommandé pour le carreau, un genre de colique subie par les enfants. Il posait le gosse à ventre découvert sur l’enclume et le maréchal faisait semblant de lui frapper trois fois avec sa grosse masse de fer pour faire disparaître le mal et souvent ça marchait. Il ne lui bandait pas les yeux. Le barbier du coin arrachait plus dents. Quelques personnes douées récitaient des prières pour justement faire passer le mal de dents, certaines prières étaient créées un peu comme ça au hasard.

On retrouvait certaines invocations dans des ouvrages bien particuliers qui avaient trait au diable, « le grand et petit Albert ».

Si on fait une enquête dans le village, personne ne parlera de personnes douées mais de remède de bonne femme, c’est presque la même chose. Les vieilles femmes d’autrefois disposaient des remèdes pour faire passer les misères bien avant les médecins. Certaines de ces pratiques sont encore en vogue aujourd’hui, par exemple l’eucalyptus pour éviter que les personnes n’attrape les mêmes maladies. Ou « pour faire venir les dents à un enfant, prenez la tête d’un lièvre rôti ou bouilli, ôtez-en la cervelle, mêlez là à du miel, du beurre et oignez les gencives de l’enfant…. et puis les dents repoussaient toutes seules… » « Se gargariser avec de l’eau vinaigrée… »

Pomme, pomme, pommes….

Le cidre était la boisson traditionnelle du pays. Les pâtures comportaient beaucoup de pommiers. Le cidre était bu comme une boisson ordinaire, quotidienne. Il faut avoir tout un équipement, pressoirs et… piétiner. Le principal objectif était avant tout le cidre, l’alcool c’était une annexe. L’eau de vie servait à donner un coup de fouet. Personne ne se saoulait avec du cidre de 4 à 5 degrés.

Les familles se regroupent tous les soirs d’hiver pour « Faire série ». Les femmes se mettaient de côté tricotant et racontant les mauvaises nouvelles… Les hommes jouaient aux cartes ou en profitaient pour fabriquer des cordes, des paniers. Ces petits travaux d’hiver n’étaient pas forcément utiles mais ils avaient l’avantage de permettre à chacun de se retrouver ensemble. Il y avait un aspect convivial, intéressant mais aussi économe. On utilisait alors beaucoup moins d’huile pour s’éclairer, beaucoup moins de chauffage, puisque l’on se regroupait tous dans une maison et chacun à tour de rôle. On faisait le tour du village pendant les longues soirées d’hiver.

« A bourdis, séries finies »Quand on arrive à l’époque du bourdis (le premier dimanche de carême) les jours commencent à rallonger donc on n’a plus de temps pour se rassembler, plus de temps à perdre dans les soirées. Le temps se radoucit. Les travaux recommencent. On a besoin des bras pour aller travailler la terre. Les feux du bourdis sont une manière de saluer le printemps, de saluer tous les travaux des champ qui reviennent et en même temps une protection pour les arbres fruitiers.

La tradition du Bourdis ressemble à la tradition des Feux de la Saint Jean du 24 juin. A cette date, les jeunes, surtout, ramassaient des fagots et de la paille … et allaient faire un bûcher sur l’endroit le plus haut du territoire. C’était au village qui ferait le plus haut feu, qui se verrait le plus loin et qui durerait le plus longtemps. Il fallait donc du combustible. Comme c’était la fête, on en profitait pour danser autour du feu, chanter.

On ramasse également des combustibles pour le Bourdis et on fait des feux. On se munis de torches que l’on allume au feu et on va se balader dans toutes les pâtures sous les pommiers…. pour faire un genre d’échenillage, Les chenilles se groupent par paquets et c’était le moment de les enflammer. Le Bourdis devait amener une protection du pommier (et d’autres arbres). Il y avait un petit couplet sur le bourdis : « des rougettes pour chez fillettes, des cafignons pour chez garçons ». Les rougettes sont des pommes rouges et le cafignon est un mot patois, un trognon de pomme. Les gens chantaient cette chanson presque pour ensorceler le pommier, les menacer : « Si tu ne produis pas, je vais te brûler ».

Les lieux de rencontre

Avant la voiture, on vivait sur son village, on se mariait dans son village ou à cinq kilomètre tout au plus. Quand les jeunes allaient « draguer » dans le village d’à côté, les jeunes des autres villages avertissaient « Attention je vais te faire passer par les ch’treu à pourchaux », à travers une haie… Personne n’avait pas le droit de venir toucher les filles du village qui restaient la propriété des jeunes du village.

Les couples se rencontrent pendant la Saint Jean, « si on sautait le feu de la Saint Jean ensemble, on se mariait dans l’année. » Le lieu de réunion habituel était l’église qui était le centre du village mais on ne demandait pas obligatoirement l’autorisation du curé pour se rencontrer. Toutes les occasions sont bonnes et entre autres les endroits où la population se mêlent, notamment les processions qui étaient une tradition très en vogue dans le pays. On passait dans les rues du village et l’on s’arrêtait devant des reposoirs fabriqués par des habitants pour faire des prières, puis on repartait. Le curé menait cette procession. Les rogations avaient lieu durant les trois jours qui précèdent l’ascension. Pendant trois jours, le curé allait suivi par « ses glènes », les femmes, les enfants de chœur, … et on parcourait le tour du village pour bénir les champs.

Le bal populaire est assez récent. Il n’y avait pas de bal avant 1914 et les jeunes ne pouvaient s’y rencontrer contrairement à maintenant. On se rencontrait surtout à l’occasion d’événements religieux ou alors pendant les travaux, quand on donnait une journée de travail aux gars du coin. On se retrouvait à plusieurs et l’on rencontrait une copine. La ducasse était un événement du village mais on allait également de village en village.

Les personnages les plus importants des villages étaient le curé, le maître d’école, le magister plus que le maire. Le maire représentait les gens de l’agriculture mais il n’avait pas l‘instruction. Les curés tenaient toujours les registres. Le clerc de mairie autrement dit le maître d’école se chargeait des papiers administratifs de la Mairie.

Le maître d’école surtout les vieux maîtres accompagnaient l’enfant jusque chez ses parents, dans sa famille. S’il y avait des problèmes, ils s’inquiétaient un peu sur ce qui se passait. Si le gamin n’avait pas été sage, ça se répercutait également sur la famille…C’était un ensemble. Contrairement à aujourd’hui où l’on n’a plus le droit de lever la main sur un enfant, le maître disait : « vous savez il n’a pas été sage », « Bien monsieur l’instituteur » et c’était des taloches… Les propos de l’instituteur étaient parole d’évangile !

Vous pouvez retrouver l’intégralité des témoignages sur le monde rural du pays des 7 vallées, Radinghem, dans un ouvrage pdf à cette adresse internet :
http://www.lettresetmemoires.net/nous-entrerons-dans-campagne-pays-7-vallees-pas-calais-au-cours-20eme-siecle.htm

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