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Mme Petit née en 1918 à la Seyne
La guerre 1942/1945 à Toulon en tant qu’infirmière
sabordage de la Flotte française, libération
lundi 15 février 2010, par
Madame P. née en 1918 à Toulon
La population était essentiellement maritime. On ne vivait que de la marine et on évoluait presque uniquement dans ce milieu. Il y avait la construction navale civile et l’arsenal maritime qui dépendait de la marine nationale, cela faisait la population de Toulon. La ville était essentiellement maritime et très bourgeoise, avec toutes les familles d’officiers. La flotte était très importante, les cuirassés, les torpilleurs, les dragueurs, les croiseurs. Toulon ne vivait presque que de cela. Les ouvriers des arsenaux, civils, avaient aussi cette mentalité de marine, de flotte, car c’est eux qui construisaient les bateaux. Ils étaient imprégnés de ce climat.
Quand on se promenait dans les rues de Toulon, on ne faisait pas dix pas sans croiser un matelot avec son pompon. Quand la flotte partait en manœuvre pendant deux ou trois mois, on attendait impatiemment le retour de l’escadre. Il y avait le légendaire marché de Toulon, avec ses couleurs. Quand on voulait se distraire, on y allait car on entendait de ces réflexions... Tous les paysans arrivaient là avec leurs produits, légumes frais, œufs, volailles et comme le midi est favorisé par le climat, les légumes avaient un parfum extraordinaire.
Je suis née à la Seyne, mes parents étaient méridionaux. Ma mère était d’Avignon et mon père de Toulon. Nous avions un ancêtre qui avait été Consul de Toulon sous Napoléon. Lors du siège de Toulon par Napoléon, mon arrière grand père avait une propriété sur une des collines de Toulon, « l’Escaillon » et Napoléon y avait couché. Mes ancêtres étaient négociants en blé sur la place de Toulon. Après la suppression du bagne, il y a eu un déficit terrible de l’arsenal, on n’a pas pu payer les ouvriers. Mon ancêtre a payé les ouvriers et c’est pour cela qu’il a été nommé Consul. En remerciement, on l’avait autorisé à appeler son fils François et Toulon comme deuxième prénom.
J’habitais la Seyne. Mon père était ingénieur aux chantiers de constructions navales. Il est resté là 44 ans. Il y eut des grèves très violentes en 1918. Je n’avais que quelques mois. La grève avait duré un mois et demi. On avait fait venir des meneurs du nord. Mon père était très aimé de ses ouvriers et aucun d’eux ne lui aurait fait du mal. Il a été agressé par un meneur du nord. Le directeur lui avait dit qu’il fallait être à 13 heures au bureau. Il exigeait que ses ingénieurs habitent ou la Seyne ou Tamaris à proximité de la Seyne. Quand il est arrivé à la porte du chantier, il a été agressé par un meneur et blessé très grièvement. Il a eu les deux mâchoires brisées. On nous a amenés en voiture, rideaux clos dans une propriété bien au-delà pour nous cacher car on craignait le pire. Mon père a souffert toute sa vie de cette blessure et n’a jamais touché d’indemnités. Il était tombé dans le coma. Le directeur avait été également agressé par les femmes des ouvriers qui l’avaient attendu au coin d’une rue avec des ciseaux. Elles lui avaient tailladé toutes les joues. Il avait eu la présence d’esprit de se faire prendre en photo comme témoignage. Mes sœurs aînées ont vécu cet événement. J’avais 12 ans de différence avec ma sœur aînée et 9 ans avec l’autre. J’étais la dernière.
En 1918 mon père gagnait 80 francs or par mois. Il avait acheté une maison avec ses économies. Il fallait l’améliorer constamment. Nous n’avions pas d’électricité mais un seul manchon à gaz dans la maison. Nous avons fait mettre l’électricité beaucoup plus tard. Il y avait beaucoup à faire. Il n’y avait pas l’eau courante. On faisait sa toilette avec un broc et une cuvette. Quand on a eu l’eau courante au robinet, ça tenait du miracle. Les pompes étaient dures. On se chauffait au charbon et au bois. Nous avions des cheminées partout.
En 1922, je devais avoir quatre ans quand on commença à construire les premiers chars d’assaut aux chantiers de la Seyne. On faisait des essais le soir dans un bois à proximité de la maison. C’était mon père qui marchait devant les chars d’assaut pour les guider. J’hurlais en disant « On va écraser mon Papa ... On va écraser mon Papa ! ». On avait convié toutes les familles. Elles étaient installées dans le bois. On voyait ces chars arriver et les arbres tomber au fur et à mesure devant eux. J’hurlais. Suite à sa blessure, mon père n’était pas parti à la guerre. Il est resté mobilisé aux chantiers et c’est lui qui avait fait ces premiers essais de chars d’assaut. C’était terrifiant pour moi.
Enfants, on jouait à la marelle, aux ballons, aux cerceaux. J’avais des amis très proches, on se voyait tous les jours. A ce moment-là, il n’y avait pas d’eau. Toulon était alimenté par un petit barrage et l’été quand il ne pleuvait pas on tirait la langue pendant deux mois parce qu’il n’y avait pas d’eau. On allait aux fontaines publiques, chacun avec son récipient, un seau, un broc. Il y avait des queues terribles. L’eau était distribuée à certaines heures et pas à d’autres. On arrivait à partir de 13h30. Il fallait voir tout ce que l’on entendait comme potins. On savait tout ce qui se passait dans la ville et dans les alentours. On connaissait toutes les histoires de tout le monde. Ça parlait...L’eau coulait à petit filet. Au fur et à mesure que l’heure avançait, on se disait que ça ne serait pas pour nous. En effet, c’est ce qui arrivait la plupart du temps. On repartait avec son seau vide et ça c’était tous les jours. Bien plus tard on a creusé le canal de Provence et les problèmes d’eau ont été finis. Il y avait des lavoirs publics ou tout le monde se retrouvait. Les particuliers faisaient leur lessive chez eux. Cela durait deux jours.
Je suis allée à l’école dans un petit cours privé à l’autre bout de la Seyne. Je faisais tous les jours quatre kilomètres à pied, un le matin, un le midi, un à deux heures et un le soir. Nous partions de bonne heure. Les grands se chargeaient du ramassage scolaire. Nous partions en groupe. Nous étions une trentaine en tout dans ce cours. Nous travaillions par niveau mais il n’y avait pas de classe. Pour faciliter les choses, l’institutrice faisait faire les mêmes dictées aux grands et petits. Nous faisions 25 fautes. Mais quand nous sommes allés dans le public normal, nous étions les premiers car nous avions fait des études beaucoup plus poussées en français.
À la Seyne, il n’y avait pas de tout à l’égout. On passait par les petites rues où on aurait pu se dire bonjour des fenêtres. Le matin au moment où nous passions pour aller à l’école tout le monde vidait les seaux, il y avait ce que l’on appelait les toupines et tout ça c’était sur le trottoir. Une voiture appelée le torpilleur passait et ramassait les toupines. C’était en 1928. Nous allions très vite en passant dans cette rue.
Je suis allée dans ce cours jusqu’à 12 ans. Après cela j’ai travaillé chez moi avec mes sœurs et on m’a mise dans un cours à Toulon où j’ai suivi les classes normales de lycée. Je n’étais pas très travailleuse mais je faisais beaucoup de musique. Je préparais mon conservatoire de piano. J’avais ce bon prétexte pour ne pas trop me consacrer aux études mais plutôt à la musique. J’avais eu un prix au conservatoire. J’avais fait la connaissance d’une concertiste, une femme d’un officier, de passage à Toulon. Elle m’avait prise avec elle et je faisais beaucoup de musique. C’était la sœur d’Edgar Faure. Elle avait travaillé avec Ravel et était extraordinaire. Elle m’avait proposé d’être sa répétitrice. Mais les jeunes filles bourgeoises ne travaillaient pas à ce moment-là et j’étais une des premières à voler de mes propres ailes. J’ai fait travailler jusqu’à 24 enfants.
La jeunesse de Toulon était très favorisée car avec tous ces marins, on sortait beaucoup. Nous menions une vie euphorique. Quand la flotte revenait des campagnes c’était des réjouissances presque tous les jours. Nous sortions énormément. Nous nous connaissions tous de par nos familles mais les parents regardaient tout de même les connaissances « chez qui vas-tu ? ». Nous avions des matinées dansantes. Nous n’étions pas accompagnées par nos parents. Quand on recevait chez soi les parents étaient là. Ils surveillaient. Mais du moment que les familles se connaissaient on nous laissait aller. J’avais 18 ans et j’étais libre. Je faisais un peu ce que je voulais. A ce moment-là le ski a commencé, le tennis. Nous faisions beaucoup de sport. J’étais toujours à l’avant-garde. Nous allions à la plage ensemble, dans le même milieu. Nous allions dans les îles passer la journée. C’est comme ça que l’on se connaissait. La guerre est arrivée. Nous étions une bande de 30 à 35 jeunes. Sur cet ensemble, nous avons eu douze camarades de tués, quatre aviateurs, des marins et officiers de terre.
Le conflit
La guerre étant là je ne pouvais pas rester inactive et passer mon temps à faire de la musique. Il fallait que je participe à la vie nationale. J’ai tout lâché. En 1940 une formation de femmes militaires s’est créée sous l’égide de la Croix Rouge. On nous a embauchées comme ambulancières. Comme j’adorais conduire, j’ai dit « je vais m’engager ! ». Mes parents sont tombés sur la tête mais j’ai tenu bon et me suis engagée avec deux autres amies dans la première formation militaire de ce type. J’avais 20 ans. Nous avions un uniforme sinistre en drap noir, un béret noir, un chemisier blanc, des bas noirs, des souliers noirs, une cravate noire. Cet uniforme était chaud et on nous a envoyées à Lyon en plein mois d’août.
Nous étions régies par une femme, une maîtresse femme la "baronne Surcouf". Elle dirigeait cette équipe de 30 femmes. Nous avions des estafettes Citroën avec six brancards. Nous étions cantonnées comme les militaires, en dortoir, à l’hôpital des degenettes. Nous avions des missions même la nuit. Nous commencions à nous occuper des prisonniers qui arrivaient. C’étaient soit des blessés, soit la relève de 14, les anciens combattants. La relève des anciens combattants de 14 comprenaient les classes qui avaient été rappelées en 39. Elles ont été les premières à rentrer. Nous allions aux trains où nous trouvions quelquefois 200 prisonniers qui revenaient et il fallait les évacuer sur les hôpitaux. Nous étions également sous la direction d’un colonel de la place de Lyon, qui défendait aux soldats de nous aider à brancarder.
Nous brancardions quelquefois des hommes de 100 kilos au troisième étage, en plein mois d’août. Nous avions l’interdiction de tomber la veste. Il fallait brancarder avec la cravate. Nous arrivions le soir fatiguées mais c’était extraordinaire. Ces hommes, prisonniers qui arrivaient malades, maigres, et voyaient ces femmes jeunes qui les attendaient avec le sourire aux lèvres. C’était pour eux un rayon de soleil ;
Le soutien était autant moral que physique. Nous avions un foyer où nous les recevions quand ils sortaient de l’hôpital, dans la journée. Nous leur organisions des animations. Nous leur avions fait venir des stars dont Marguerite Moreno. Comme je faisais de la musique, je jouais souvent pour eux. Je ne l’ai fait que quatre mois car ma mère étant malade il a fallu que je rentre chez moi.
La première fois que nous étions parties en uniforme de Toulon pour Lyon, les gens nous ont prises pour des allemandes. Il y avait les AFAT dans l’armée, mais nous étions en dehors de l’armée même si nous bénéficions du régime militaire, le lit au carré, la rata des soldats. On nous donnait des boules de pain le soir. Quand on les prenait le lendemain pour déjeuner, elles étaient moisies à l’intérieur mais nous étions bien contentes de les manger !
Quand je suis rentrée, je ne pouvais toujours pas rester à ne rien faire. J’ai passé mon concours chez Pigier pour faire mon secrétariat. Je n’ai eu de cesse de retrouver autre chose. Je suis partie en Auvergne. J’avais un cousin au Commissariat au Sport replié à ChâtelGuyon qui m’avait trouvé un poste de secrétaire. J’y suis allée avant le sabordage de la flotte et de l’invasion allemande. Mes parents ayant une grande maison ont été obligés de loger trois allemands chez eux et je dus rentrer. Je suis arrivée juste après le sabordage. En faisant la traversée de la rade on pleurait à chaudes larmes quand on voyait tous ces cadavres de bateaux. C’était atroce. C’était un cimetière…
Entre le moment où j’ai quitté la musique et suis entrée dans le secrétariat, toujours pour rendre service j’ai travaillé à l’hôpital de Toulon, au moment de Mers el Kebir. L’hôpital était bondé et il n’y avait pas assez de personnel. J’avais la mission de mener un petit chariot plein de livres pour les donner aux blessés et leur changer les idées. J’arrive auprès d’un sénégalais et je luis dis « tu veux des images ». Il me répond, « je préférerais un traité sur Shakespeare ». Si j’avais pu rentrer sous terre je l’aurai fait. Je suis devenue rouge... et je n’ai jamais plus rien proposé.
Nous avons été bombardés en avril 1944 et notre maison a été ouverte en deux par une bombe. Les américains avaient soi-disant visé les chantiers de la Seyne mais tout est tombé au bout du village, sur le cimetière, sur les maisons. Je n’étais pas là. Je travaillais à Toulon à la Maison du prisonnier pour le reclassement des rapatriés. Quand on m’a dit que la Seyne était bombardée, on m’a ramenée immédiatement en voiture. J’ai trouvé mes parents dans un état épouvantable mais ils n’avaient rien. Nous avions 35 trous de bombe dans le jardin. Ils s’étaient mis le long d’un mur et sont restés une heure et demie comme ça mais ils n’ont rien eu. Mon père était commotionné et il est parti. Nous avons déménagé toute la maison avec ma mère et nous sommes parties après. Ils se sont repliés dans un village du Var et je suis restée à Toulon chez une amie. J’y ai vécu toute la libération
La libération de Toulon était affreuse. Ce fut la ruée sur les collaboratrices prostituées que l’on a mises nues dans les rues et que l’on a tondues. C’était atroce. C’était une meute de gens furieux dont la plupart n’avaient pas combattu. La libération a duré longtemps car les allemands se sont défendus jusqu’au bout dans les forts de la côte.
Cela a duré huit jours après le débarquement de Saint Tropez. Le jour du débarquement, nous avons eu 32 alertes. J’étais avec mon fiancé et nous nous étions réfugiés dans un collecteur d’égout. Nous sommes sortis et rentrés 32 fois. Ça tirait de tous les côtés, tous les forts tiraient. Nous y sommes restés de 8 heures du matin à 10 heures du soir. C’était humide nous n’avions rien pour nous asseoir. J’avais amené une boîte de petits pois pour manger. Nous ne les avons pas mangés. C’était tellement trempé par terre que nous nous asseyions à tour de rôle sur cette boîte de petit pois.
Après la libération, nous avons eu le rapatriement des familles d’officier d’Afrique du Nord. Elles arrivaient en masse avec des bateaux hôpitaux. Il fallait leur délivrer des titres de transports et la Maison du Prisonnier était habilitée à faire ces papiers. On travaillait toute la nuit. Le lendemain nous allions à la gare pour organiser des convois. Nous n’avions plus d’hommes d’équipes et les femmes se chargeaient de porter les valises sur des voitures à bras. Nous placions les gens. Nous étions fatiguées le soir. Cela durait deux jours consécutifs. J’ai eu une femme enceinte qui en était au septième mois. Elle n’en pouvait plus. J’ai cherché longtemps une place et j’ai trouvé un compartiment avec deux personnes présente, la Maréchale Lyautey et sa gouvernante. Elle ont refusé et je disais « Ce n’est pas la peine d’être la Maréchale pour faire ça ». Finalement j’ai trouvé une autre place.
Univers familial
Jeune, je n’avais pas de projet. J’attendais le prince charmant. Mon seul projet était la musique mais la guerre a tout démoli. Mes parents voulaient ce qu’il y avait de mieux : un beau mariage, un bon mariage. C’était alors le seul but des parents pour les jeunes filles. Quand j’ai commencé à travailler, ils n’étaient pas très contents mais me laissaient faire. Étant la dernière, ils ne me refusaient rien. J’ai passé mon permis de conduire, j’avais 18 ans, en 1936. Le jour de mon permis, on avait un examinateur qui avait recalé 5 personnes avant moi. J’arrive et rentre dans la voiture et essaie de mettre en marche... Ça ne marche pas « Réessayez ».. Mon moniteur me souffle « le contact ! » Je me croyais alors recalée mais finalement j’étais alors tellement détendue que je n’ai fait aucune erreur et j’ai eu mon papier rose ! Le lendemain nous sommes partis en voiture avec mes parents et avons fait toute la France.
En 1936 il y avait des manifestations dans la rue. L’arsenal militaire ne se mettait pas en grève, seuls les chantiers de construction l’étaient. Une fois les congés payés obtenus, cela a changé la vie. Mon père, ingénieur, n’était pas très partisan de cette mesure. Nous avions eu des discussions en famille. « Ils ont bien le droit d’avoir des congés payés ». Il était d’une autre génération et ne comprenait pas que c’était vital pour les gens. Il l’a bien accepté après.
Mes parents étaient terriblement sévères pour les gens divorcés. On ne les recevait pas chez soi. Il en était hors de question. Le filleul de mon père avait épousé une divorcée. Lors du décès de la sœur de mon père, mon père téléphona chez lui pour avoir l’heure des obsèques. Il tombe sur la jeune femme divorcée et demande « qui est à l’appareil ? ». Elle lui répond et lui continue « passez-moi quelqu’un de la famille ! ». Les divorcés étaient rejetés. Il était interdit de les recevoir. Cela a évolué après la guerre.
Je me suis mariée en 1946. je suis restée fiancée quatre ans. Mon fiancé n’avait pas de situation et n’avait pas d’argent pour vivre. À ce moment-là on ne se mettait pas en ménage. Je vivais chez une amie et lui ailleurs.
La Maison du Prisonnier a été dissoute après 46. J’étais fiancée. Que faire. J’avais une sœur qui était femme d’officier de marine, capitaine de vaisseau, qui avait fait quand elle était à Dakar l’école des cadres de la Marine. C’était une des premières femmes militaires dans la Marine. Elle était chef de section. Elle me dit « si tu veux, je te fais entrer dans la marine ». J’y suis entrée comme "marinette" pendant très peu de temps, un an parce que je me suis mariée presque tout de suite. En tant que "Marinette", j’étais secrétaire dans un bureau, en uniforme de marine avec un béret à pompon. Je travaillais à la rue Royale. Mon mariage s’est fait à Paris sans mes parents. Ma mère était très malade. J’ai simplement eu mes proches, sœurs et cousins. Mon mari ayant sa situation sur Paris nous y sommes restés deux ans puis sommes retournés sur Toulon.
Après mon mariage, j’ai eu quatre enfants. Mon mari était très malade. Il avait de l’asthme. J’ai été veuve à 44 ans avec le dernier enfant de 6 ans et l’aîné de 16 ans. Quinze jours après sa mort, je me suis mise à travailler. J’ai pu trouver quelque chose avec mon diplôme de secrétaire et j’ai pu donner une situation à tous mes enfants.
À la mort de mon mari, j’ai mis deux enfants pensionnaires dans des établissements privés car je ne pouvais pas m’occuper de quatre enfants. J’habitais dans une propriété qui était partagée avec une de mes sœurs. Elle n’avait pas d’enfants et il y avait donc toujours quelqu’un pour les garder quand je n’étais pas là. Dans la mesure du possible, j’aidais les deux plus petits, car je n’avais pas beaucoup de temps non plus. Je rentrais le soir à 6 heures et demie.
Par la force des choses, j’ai été obligée d’être un peu dure. Mes enfants ont dû se débrouiller dès 16 ans. Mon fils aîné est parti à 18 ans. Il venait de rater son Bac. Je lui ai dit, « tu vas partir chez ta marraine et tu vas essayer l’informatique » et c’est ce qu’il a fait. Il travaillait la nuit et a réussi. Ma fille n’aimait pas trop les études mais avait lu un livre d’une américaine sur l’enfance inadaptée. Enthousiasmée par ce livre, elle a voulu se faire éducatrice. Elle est partie à Nice dans une école spécialisée. Elle a passé son monitorat et a eu sa situation. J’ai aiguillonné mes enfants comme ça. Il y avait dix ans de différence entre le premier et le dernier. Ils n’ont pas été élevés de la même manière. Le dernier a été beaucoup plus libre.
Au moment des cheveux longs, tous les camarades de mon fils suivaient cette mode. Je ne pouvais pas supporter ça. J’ai dit à mes garçons, « je vous préviens, si vous arrivez avec des cheveux longs je ne vous ouvre pas la porte. Je ne le supporte pas. Ca me dégoûte ». Ils ne l’ont pas fait. Ils ont tenu le coup et ont gardé les cheveux mi-longs. C’était limite. Je les ai motorisés très vite pour qu’ils aient la liberté de faire leur vie. En 1968, nous étions très soucieux. Il y avait beaucoup de principes abolis. On se demandait comment ça allait tourner. Aucun de mes enfants n’a manifesté. Tout a été aboli. Nous ne pouvions pas lutter en face de ça. Il fallait accepter ces évolutions. Nous étions bien forcés même si ça nous coûtait.
J’ai commencé à regarder la télévision en 1961 chez un camarade de mon mari. Mais ça ne nous a pas encore tentés. Mon mari est mort et ma sœur voulant me sortir de mon marasme m’a offert une télévision en 1963 et j’ai tout de suite été conquise. La télévision était une ouverture sur le monde.
J’ai toujours eu bon moral car mes parents m’avaient légué une Foi extraordinaire et une grande espérance. Je les en remercie. Mes parents m’avaient imbibée de cette Foi qu’ils avaient. Cela m’est resté. La Foi se manifestait par la pratique des sacrements. Je ne l’ai jamais laissé de côté. J’ai toujours mené ma croyance parallèlement à ma vie. C’était ma référence. Cela m’a énormément aidée. Je me suis beaucoup investie dans le mouvement "Action Catholique" et suis très ouverte à tout. Je me suis toujours occupée de mon entourage. Je faisais partie de groupes chrétiens. J’ai été responsable d’une maison de jeunes dans les années 64/80 et j’ai travaillé beaucoup avec le maire de Toulon : Maurice Arrecks. Il n’avait pas d’enfants. Il en a adopté cinq. Il a voulu sortir les enfants de la misère. Il a été formidable. Il avait créé dans tous les quartiers une maison de jeunes pour sortir les gosses de la rue. Il y est arrivé. Cela a duré pendant très longtemps. J’y ai travaillé pendant 15 ans et cela a donné des résultats extraordinaires.
Au moment des rapatriements des français d’Afrique du Nord, ceux-ci arrivaient à Toulon et étaient pris en charge pendant 48 heures par la mairie. Nous avions aménagé des locaux dans l’arsenal pour les loger, pour leur donner à manger. Là encore, le Maire a été formidable mais toutes ces actions ont été oubliées lors de son jugement. Seul, ce qui a été négatif a été retenu !