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Léon TSEVERY. Orphelin de guerre à 16 ans, et Pupille de la Nation.

Rafle du Vel’ d’Hiv. Paris jeudi 16 Juillet 1942

mardi 28 septembre 2010, par Frederic Praud

J ’avais 16 ans, mon père, ma
mère, mon petit frère Maurice 9
ans, et mon frère aîné Jacques
17 ans. Nous demeurions 50 rue de
la Chapelle Paris 18°. La veille,
mon père avait été prévenu d’une
rafle de tout les hommes Juifs le
lendemain, 16 Juillet. Avec mon
frère Jacques, nous avons passé la
nuit sur le toit de notre immeuble,
au-dessus de notre appartement,
étant convenu que mon père et le
petit Maurice iraient se cacher dans
les WC situés sur le palier des que
nous entendrons le début de la rafle.
Seule, ma mère restant dans
l’appartement. Toute la nuit,
angoissés, nous avons guetté sur le
toit. Vers 5 heures du matin, nous
avons entendu des bruits, des
coups, des cris, provenant du 1er
étage où demeurait la famille
FISTEL.

Nous avons aussitôt prévenu
notre père qui est allé se cacher
avec Maurice dans les WC. Puis, les
mêmes bruits de coups, de cris, au
2° étage, où demeurait la famille
GRINBERG, père interné en 1941 à
Pithiviers une mère avec 2 petits
enfants. Puis, du 3° étage, la
famille KUPERWAJS, 2 fils internés à
Pithiviers en 1941, une mère et 2
filles, mêmes bruits de coups, cris,
pleurs, supplications. Ensuite, de la
lucarne surplombant le palier, nous
voyons arriver 2 agents de police
français en uniforme, aussitôt ils
frappent violemment contre notre
porte, ma mère ne répondant pas,
ils cognent plus fort en criant "
Police, ouvrez, où on enfonce la
porte". Ma mère, arrachée à son
sommeil, entrebâille la porte, ils
l’attrapent par un bras, et lui
demandent : "Où est votre mari, où
sont vos fils ?" Ils sont partis à la
campagne. Lâchement, ils la
frappèrent violemment en la tirant
vers eux et la traînant vers l’escalier
pendant qu’elle se débattait, :
"Laissez-moi, vous n’avez pas le
droit Je suis mère de famille, je suis
en règle". De la lucarne située audessus
à 2m50, je vois cette scène
insupportable, frapper ma mère
avec brutal i té. Je t remble
d’indignation, de révolte je veux me
précipiter sur eux, arracher ma mère
à ces sauvages. Mon frère Jacques
me retient, "ne fais pas ça, ils nous
arrêterons aussi, nous ne pouvons
pas lutter, ils sont armés, nous
verrons avec papa ce que nous
pouvons faire"

Une fois les 2 flics
partis entraînant ma mère se
débattant, nous descendons du toit
par l’échelle, notre père sort des WC
pâle, crispé, avec le petit Maurice.
"C’est plus grave que l’on m’avait dit,
je ne comprends pas, des policiers
français arrêter une mère de
famille !" Rassemblez quelques
affaires, à manger, faites un
baluchon et essayez de savoir où ils
l’ont emmenée". Pendant ce temps,
je reste avec Maurice, je vais
préparer une valise pour nous enfuir
d’ici. Je prends le baluchon et nous
sortons tout les deux. Dehors,
devant le bâtiment, sur le trottoir, je
vois une large flaque rouge de sang,
et un flic répondant à une femme
"Ce n’est rien qu’une Juive qui s’est
jetée du 2° étage avec deux
enfants, circulez". Le mari avait été
interné à Pithiviers en 1941.

Dans la
rue, je vois des groupes de familles
Juives, Hommes, Femmes, tenant
des enfants par la main, portant des
paquets, valises, des jeunes, des
vieux, cheminant pitoyablement et
bousculés brutalement par des
policiers français. Des gens aux
fenêtres, et sur le trottoir,
indi f férents, regardant sans
broncher cette misérable foule. Puis
Mme Gauthier, notre crémière, me
crie "Léon, j’ai vu passer ta mère, par
là !" Aussitôt, le coeur battant je me
faufile dans la colonne des gens
encadrés par des policiers français
et des gardes mobiles armés de
mousquetons, comme prêts à tirer.
Nous marchons jusqu’à la hauteur
d’un entrepôt .Devant l’entrée, un
garde mobile français, fusil sur
l’épaule "Je lui dis que j’étais le
voisin de Mme TSEVERY, et qu’elle
avait laissé son paquet sur le palier"
Il me répondit "Fais vite pendant que
j’ai le dos tourné, je n’ai pas le droit
de te laisser passer, débrouille-toi".
J’ouvre la porte de l’entrepôt, il était
plein de gens affalés sur le sol, avec
des paquet s , des valises ,
gesticulants, ne comprenant pas ce
qui leur arr ivai t dans une
atmosphère lourde, étouffante.

Je
me faufile, angoissé, cherchant ma
mère, lorsque j’entends un cri
"Leibélé, ils t’ont arrêté aussi".
C’était ma mère qui me serra dans
ses bras, m’ embrassant je lui dis,
"non maman regarde je t’ai apporté
un paquet avec quelques affaires,
un peu à manger et la photo de nous
trois" Elle m’embrasse éperdument,
et après un moment me repousse
vers la porte "Sors d’ici, partez vite
allez vous réfugier à la campagne, je
vous rejoindrais après la guerre, et
elle me poussa dehors". Arrivé près
du garde mobile, il me tourna le dos
et me laissa passer.

Puis je revins à
l’appartement : Arrivé au 4° étage,
je vis notre porte ouverte, un agent
de police français en uniforme à
l’intérieur disant à mon père, "Allez,
venez, faites pas d’histoires, je dois
vous arrêter". "Mais pourquoi
prenez-vous le petit, c’est un enfant
et il est français". "Il est sur la liste
avec vous". Très attaché à mon petit
frère, je dis au policier "Pourquoi le
prenez-vous, pourquoi faire ? "Ils
vont travailler en Allemagne" " Mais il
est trop jeune, prenez moi à sa
place, moi je peux travailler".
"Je n’ai pas le droit, et tu n’es pas
sur liste, n’insiste pas". Mon père le
regard fixe, les dents serrées nous fit
un signe, ouvrit son portefeuille et
partagea avec nous l’argent qu’il
avait et nous dit : "Sauvez-vous vite,
partez à la campagne, on se reverra
après la guerre". Et l’agent de police
emmena mon père et notre petit
frère Maurice. . . . . .

Jamais je n’oublierai, jamais je ne
pardonnerai.

Léon TSEVERY.
Orphelin de guerre à 16 ans, et
Pupille de la Nation.

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