Quand une ville souhaite valoriser son patrimoine humain
Besançon soigne sa mémoire
Doubs - Besançon - BESANCON
« 100 témoins, 100 écoles »
Amener en collèges et lycées, des témoins nés à l’étranger qui viennent dire leurs expériences de vie, c’est l’enjeu de cette opération nationale qui devrait s’élargir à Besançon.
« J’étais chef de file des lycéens de Centre-Afrique, qui ont poussé Bokassa à démissionner. Beaucoup de mes amis ont été massacrés et je suis venue en France avec la culpabilité des survivants. Jamais je n’ai parlé de cette partie de ma vie. J’ai transmis des valeurs traditionnelles, à mes filles et leurs amis, j’ai parlé de mon enfance, j’ai voilé cet épisode et les images atroces qui ne m’ont jamais quittée ».
Par euphémismes pudiques Yvonne Mété raconte cette expérience de témoin. Sollicitée par Frédéric Praud, coordinateur national de « 100 témoins, 100 écoles » elle lui a d’abord raconté sa vie, les blessures enfouies, les secrets.
Ensemble ils ont trouvé des mots pour le dire, pour vaincre l’émotion et livrer un récit que les élèves de la classe d’Alain Gagnieux au lycée Victor Hugo, soient capables d’entendre. De comprendre.
En amont eux ont parlé de géo-politique, d’économie, d’histoire, qu’importe qu’il s’agisse de cours d’information et de communication, le module culture suffit à essaimer ces moments qui plus tard resteront.
Yvonne Mété le résume bien encore, « j’avais dans mes bagages tout cela, je ne l’avais pas ouvert, on ne peut pas fuir tout le temps, je devais revisiter mon parcours. Pour eux ce sera sans doute la même chose ».
Elle n’est pourtant pas restée inactive toutes ces années passées, présidente de l’association Centre-Afrique sans frontière elle lutte là-bas contre les ravages du sida. Aujourd’hui son témoignage a créé des passerelles, « nous construisons une médiathèque à Banghi pour les jeunes défavorisés, je réfléchis à la façon d’y associer des adolescents des quartiers bisontins ».
Des riches réseaux
Avant elle, à Victor Hugo, sont venus un résistant polonais de 80 ans et une libanaise, qui ont aussi bouleversé la classe d’Alain Gagnieux. « Les élèves à la suite de ces témoignages ont écrit des biographies, d’amis, de parents, des auto-biographies. Leurs interrogations ont bousculé leur entourage. Mais elles font réellement tomber les préjugés. Ces bios seront fin novembre, pour la plupart, hébergées sur le site migrations. besancon. fr et aujourd’hui nous cherchons des actions de terrain pour poursuivre cette ouverture ».
Frédéric Praud, invité par Mustapha Kharmoudi, chargé de mission auprès du directeur général des services de la ville a présenté ce projet de « 100 témoins, 100 écoles » qui dans toute la France, fonctionne approximativement sur ce principe, « en fait c’est du travail à la carte avec chaque établissement » et divers acteurs de la ville.
La réunion d’hier soir, pourrait servir de socle à une collaboration plus soutenue, parce qu’à Besançon, des réseaux travaillent déjà sur la mémoire des migrants et la mémoire tout cours, comme le portail interactif du CCAS, ou peut-être à venir les travaux du théâtre de l’Espace, ceux de la MJC, et ceux de tant d’autres associations. Prise de contact donc, avec cette volonté solide et généreuse, de dire, le passé, pour comprendre l’avenir. De dire le lointain, pour comprendre son voisin. De dire avec des mots de tous les jours, des blessures du quotidien, les drames de l’Histoire, les guerres et les ruptures, ce monde qui marche parfois de travers avec ces êtres qui nous apprennent à rester debout.
Catherine CHAILLET
Article paru dans l’Est Républicain du 17 octobre 2007
17/10/07
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Mémoires organisées
Témoigner c’est dire son enfance, sa famille, le parcours d’une migration, l’intégration et la vie en France. C’est se montrer, montrer des voies différentes, les écueils, les impasses, et les fenêtres ouvertes. Les témoins sont recherchés par l’association Paroles d’hommes et paroles de femmes, qui abrite l’aventure de Frédéric Praud, soufflés par les réseaux existants dans les villes. Lui aide alors à la rédaction d’un témoignage, à canaliser l’émotion, à mettre les maux à la portée des élèves, qu’ils soient de collèges ou de lycées. Lui leur tient la main. Et les parcours racontés au tableau, disent l’histoire des aînés. Ouvrent souvent, en allant chercher loin au bout du monde, des perspectives d’un quartier à l’autre de la ville. Permettent de réfléchir au parcours migratoire, qui est parfois son propre parcours. Encouragent les jeunes à interroger leur famille, à réfléchir à leur propre environnement.
Frédéric Praud, a aujourd’hui 40 biographies rédigées, l’idée n’était pas de publier, mais la question se pose, reste le coût, d’une collection à tout petit prix, qui éclairerait les élèves. D’ici, là, chaque année, une réunion rassemble les participants, à Paris, l’occasion pour tous encore, de s’ouvrir à des idées nouvelles, et souvent bien des enthousiasmes.
• Paroles d’Hommes et de Femmes -Frédéric Praud- 10 rue Lamblardie - 75012 Paris. Tél. 01 43 46 86 59.
parolesdhommesetdefemmes@orange.fr
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