Invitation aux voyages. Découverte de l’Orient.
"Vent dans les sables", la découverte du Maroc à travers les aventures de personnages animaliers
Delcourt éditions.
Cette fiche fait partie du répertoire de la bande dessinée migrante créé par Paroles d’Hommes et de Femmes. Ce répertoire est destiné aux enseignants, éducateurs, associations, collectivités qui souhaitent utiliser la BD ayant pour thèmes la migration, l’altérité, l’intégration, comme une source de lien social et d’action éducative
Vent dans les sables
Auteur : Michel PLESSIX
éditeur : Delcourt
3 tomes
Thématique : Voyage, ouverture au monde, amitié.
Résumé de la série :
Lors d’un dîner entre amis, Rat narre sa rencontre avec un congénère marin, bourlingueur et tatoué. Ce récit donne des ailes à Crapaud qui décide, sur un coup de tête, de tenter lui aussi l’aventure. Affolés, Rat et Taupe partent sur ses traces pour essayer de le raisonner et se retrouvent pris au piège à bord d’un bateau qui fait route pour l’Orient.
Avis de Lionel :
Les dessins de Michel Plessix nous invitent au voyage, à l’imagination. Le Vent dans les Sables ouvre le chemin d’un nouveau monde et nous émerveille de cette découverte.
Tome 1 : Invitation au Voyage 2005
Après avoir adapté le roman Le vent dans les saules de l’anglais Kenneth Grahame, Michel Plessix, tel que le laissait supposer l’épilogue du premier cycle, s’en approprie les personnages pour les lancer dans la nouvelle aventure du Vent dans les sables. On retrouve Rat, Taupe, Crapaud et les autres dans la quiétude du Bois Sauvage. Pourtant le récit d’un rat marin bourlingueur et une nouvelle facétie du maître du manoir têtard vont bientôt troubler cette tranquillité.
L’enchantement suscité par le Vent dans les saules faisait espérer une suite digne de ce nom. Il eut été facile de faire rester les héros près de leur marais à batifoler de catastrophe en catastrophe causées par Crapaud. Le catalogue inépuisable de possibilités l’aurait permis. Mais voilà, Michel Plessix n’est pas homme à se contenter d’un simple bis repetita. Après quelques années de réflexion et un délai suffisant qui ont vu les droits d’adaptation tomber dans le domaine public, il nous invite au voyage en compagnie de "ses" personnages en prenant la direction de l’orient.
Car c’est d’invitation au voyage dont il s’agit. Quel meilleur titre pour cette introduction à une nouvelle aventure qui promet dès le premier tome d’égaler, voire de surpasser par son exotisme, l’adaptation du roman originel ? Une fin d’été sur des champs paisibles, un début de migration pour les hirondelles et la rencontre d’un bourlingueur, tout cela en autant de tableaux dignes des plus grands illustrateurs de nos belles campagnes européennes. Plessix réussit encore un exploit en nous offrant un niveau de détail justifiant à lui seul un nombre considérable de lectures afin de saisir les multiples histoires qui se jouent au sein des mêmes cases.
Parler de deux niveaux de lecture prend tout son sens ici. Cette bande dessinée est destinée aux jeunes et aux moins jeunes. La mise en scène de personnages animaliers et les gags à répétition pour les petits, l’exclusion (juste esquissée ici), les chansons de marins et les nombreux clins d’œil, le tout traité humoristiquement, pour les plus grands. Et en sus, un peu partout, les mouches et les oiseaux pour tous.
Qui pourra se contenter que d’un seul passage ? Saisir toutes les subtilités graphiques et narratives demande une bonne dose de temps libre. Comment ne pas s’extasier sur un trait aussi pur et riche à la fois ? Et comment réaliser qu’une seule année de travail peut donner un résultat aussi parfait ? Toutes les cases sont autant de tableaux aux couleurs enchanteresses (surtout ne reculez pas devant le mauve de la couverture) et aux détails précis. Le tour de force est bien de réaliser une BD humoristique de qualité avec un dessin aux décors réalistes et aux personnages au physique rondouillard. Le tout forme une succession d’aquarelles à contempler sans fin.
Asseyez vous dans l’herbe verte, regardez passer les papillons, dégustez un petit rosé bien frais et invitez-vous au voyage en ouvrant ce bijou de virtuosité poétique.
Chronique de T. Pinet
Tome 2 : étranges étrangers 2007
Après une somptueuse adaptation du Vent dans les Saules, classique de la littérature anglaise signé Kenneth Grahame à ranger entre Peter Pan et Beatrix Potter, Michel Plessix n’avait pu se résoudre à abandonner ses protégés, et les avait entraînés dans un nouveau cycle. Son premier tome, L’invitation au voyage donnait le ton : après des tribulations bucoliques dans les sous-bois, place aux grands espaces, à l’océan, à la grande aventure. Embarqués comme clandestins sur un navire, Rat, Taupe et Crapaud débarquent dans un pays qui ressemble au Maroc, et en découvrent les us et coutumes. Le décor n’est plus le même, mais les turpitudes d’un certain batracien ont un air de déjà-vu…
Plessix est expert en mise en ambiance : plongé dans ses pages, on pouvait presque sentir la fraîcheur d’une légère brise, entendre les pépiements des oiseaux et le frémissement du vent dans les saules. Le résultat était déjà remarquable, mais le passage à un décor exotique est peut-être encore plus réussi. On est presque saisi par les odeurs des multiples épices, emporté dans un tourbillon de couleurs vives et par les bruissements des marchandages incessants. Plessix rédige ses histoires à Essaouira, et il a visiblement su retranscrire fidèlement l’atmosphère particulière qui règne dans ce port de l’Atlantique.
Enthousiasmé par ce dépaysement immédiat, bienveillant envers les personnages qu’on connaît par cœur, on en viendrait presque à ignorer les quelques imperfections de ce second volet. A la différence de l’adaptation du livre de Grahame, le rythme est devenu beaucoup plus lent, propice certes aux anecdotes (un chapitre entier consacré aux conteurs) mais peinant à relancer une intrigue plutôt mince. Tout repose sur les échanges entre les personnages, et en particulier sur un Crapaud qui crée toujours l’événement. Il est hélas un peu discret ici, mais semble heureusement reprendre sa place centrale dans la quête d’un trésor improbable qui sera le thème du prochain épisode.
Présenté dans un curieux format élargi mais de même hauteur, pour un prix légèrement plus élevé, l’album aura déclenché avant même sa parution un buzz invraisemblable qui détourne malheureusement l’attention sur un détail, alors que sa qualité le place parmi les meilleurs du moment. Les pages plus grandes permettent en tout cas à Michel Plessix d’exprimer encore mieux son talent, dont petits et grands pourront profiter ensemble et sans modération. Et ça, ça n’a pas de prix.
Chronique M. Antoniutt
Tome 3 : La tentation du désert 2009
Crapaud est de retour aux affaires, synonymes d’inquiétude pour Rat et Taupe. Surtout lorsqu’il se lance dans la quête d’un trésor mystérieux accompagné d’un dromadaire allergique aux pollens. Après une phase plutôt calme pendant laquelle les trois compères se sont tranquillement installés dans leur nouvel univers, bien loin des saules et du manoir Têtard, la rencontre d’une vieille femme chahutée par deux trouble-fête va tout bouleverser. Et c’est parti pour une traversée du désert avec soleil, pénurie d’oasis et manque d’eau.
Quelle joie de flâner dans les ruelles de la médina au milieu de toutes ces couleurs, des odeurs des épices et de ces bruits si caractéristiques du Maghreb accueillant et enchanteur ! A l’image de Taupe, qui laisse ses pieds et son instinct le guider, la visite est paisible et enchanteresse. La promenade est bien plus riche qu’il n’y paraît. Qui se contente d’y voir une historiette bienheureuse réservée à la jeunesse parsemée de petits messages à l’intention de quelques adultes, ne prélève pas la substantifique moelle de cet ouvrage destiné à révéler l’amour et la connaissance du Maroc de Michel Plessix, son talent d’illustrateur et de metteur en scènes ainsi que son don de conteur hors pair. Même le rythme débonnaire de l’histoire est basé sur la nonchalance culturelle qui prévaut dans les pays chauds. L’auteur, comme à son habitude, parsème son récit faussement désinvolte et enfantin, des plus grands sujets de notre société. L’intégrisme et l’intolérance prennent les traits d’un chat et d’un lapin belliqueux, prêts à vilipender toute âme ne suivant pas les préceptes interprétés des sacro saints écrits. Au-delà de cet écho à une triste partie de notre quotidien, c’est toute la diversité culturelle et l’intégration possible au sein d’une communauté qui sont évoqués en opposition à l’obscurantisme d’une minorité. Malheureusement, ici aussi, la dimension de celle-ci est bien souvent inversement proportionnelle à son influence néfaste. D’un incident qui semble bénin, Plessix tire les deux composantes nécessaires à la construction de son œuvre. L’une sérieuse suivie par Rat, son personnage le plus serein et prompt à défendre la veuve et l’orphelin ou secourir son meilleur ami, l’autre plus humoristique et taillée pour le facétieux Crapaud, destinée à rendre le propos plus léger en apparence. Ajoutés à cela la vie des insectes en marge de celle des protagonistes principaux et la mise en abîme impliquée par certains commentaires et la création devient majeure.
C’est le savoir faire de ce type d’association qui rend cette série, et cet album plus particulièrement, incontournables. Outre le graphisme très travaillé qui contribue grandement à l’impression de magnificence (les spécialistes pourront reconnaître la reproduction d’œuvres de peintres orientalistes), l’atmosphère créée par un fourmillement de diverses aventures au sein d’un même récit accroît l’onirisme et le pacifisme de l’univers développé par l’auteur. L’ambiance permet de plonger à corps perdu au beau milieu d’une fable où l’émerveillement des yeux (qui ne pourra s’attarder sur chaque case ?), égale l’abandon de l’esprit au vagabondage et à l’oisiveté, sans délaisser la réflexion pour autant. La tentation du désert est l’album le plus poussé de ce point de vue, comme si Michel Plessix, gagnant en liberté au fur et à mesure des tomes, s’affranchissait définitivement du carcan de l’adaptation du roman original. Il reprend à son compte et s’approprie totalement les personnages de Kenneth Graham et leur donne une réelle dimension humaine. La rassurante forêt britannique est remplacée par les étendues féeriques du désert, preuve s’il en était besoin que la ville n’est pas Essaouira mais en est seulement inspirée. La douceur du sable fin, émaillée des pas lents et sûrs des camélidés, à peine égayé par les quelques reliefs dispersés ça et là, permet de profiter d’une cure de sérénité tout juste troublée par les quelques râles de maître Crapaud. Retranscrire les espaces vierges du Sahara avec une telle sobriété apporte un contraste salvateur à la folie des hommes… mais pas à celle des batraciens. Sûrement un doux refuge pour un auteur en quête de tranquillité et d’exil. De là à penser que cette couverture immaculée, à peine perturbée par un équipage cocasse et empreint de dignité, pourrait être assimilé à un album blanc, il n’y a qu’un pas. Ce qui est sûr, c’est que le travail est réalisé sous la pression du plaisir et non celle du devoir à accomplir.
Surtout ne pas se tromper, ce troisième volume du Vent dans les sables est une suite logique au deux précédents qui avaient planté le décor. La tentation du désert est l’album de la maturité d’une aventure destinée à divertir tout en faisant réfléchir. Mais n’est-ce pas le propre des fables ?
Chronique de T. Pinet
Source : www.bedetheque.com