De Brazzaville à Mayotte, via Lille

Portrait de Roger Ndengue

« Il est impossible de réaliser une paix universelle juste et équitable,
tant qu’il y aura encore des colonies,
tant que régneront des préjugés raciaux,
tant que la force continuera d’éclipser le droit. »

Marien Ngouabi

Un homme passionné par l’humanitaire

Un grand-père hors du commun d’une grande générosité. Une icône en la personne de Marien Ngouabi assassiné à 39 ans. Une association humanitaire qui porte le nom de cet ancien président du Congo Brazzaville. Trois pistes pour essayer de connaître Roger Ndengue.

« Je suis né avec l’indépendance du Congo-Brazzaville en 1960, dans une famille modeste, et ce n’est qu’en 1996 que nous créons à Lille en France, l’association Marien Ngouabi, du nom de l’ancien président du Congo, mort assassiné dans l’exercice de ses fonctions, en mars 1977 ». Des piles de cartons s’entassent dans le hall d’entrée de son espace de vie sur Petite Terre à Mayotte. « Je commence à récupérer des livres pour Anjouan et Mohéli où nous avons décidé de contribuer à créer des espaces de lecture, de formation et d’information… » lance-t-il simplement. Les murs de la pièce principale sont tapissés avec soin de photos et de textes témoignant de l’engagement politique de Marien Ngouabi et des activités de l’association que préside Roger Ndengue. Sa passion est là, exposée dans cette maison où il est installé depuis quelques mois seulement. « Se mettre au service des autres, aider ceux de notre planète que le sort n’a pas favorisé ! » est-ce par fidélité au grand père ? « Il lui arrivait de partager ce qu’il n’avait pas, il était d’une générosité désarmante, mon grand père… ».

« L’humanitaire c’est comme une drogue, je ne peux plus m’en passer, c’est une passion dévorante ! » nous confie Roger Ndengue arrivé à Mayotte l’été 2010. Il enseigne la vente et l’économie dans un lycée à Petite Terre. Élève brillant à Brazzaville, il quitte sa terre natale en 1982 afin de préparer sa maîtrise à Caen puis de mettre le cap l’année suivante sur le Nord de la France où son frère, médecin, prépare une spécialisation en gastro-entérologie. À Lille, il prépare deux Diplômes d’Études Approfondies (DEA) la même année (Droits des affaires et Socio/Économie du développement) et soutient un Doctorat de Droit des Affaires avant de réussir le concours de Professeur en lycées professionnels et d’enseigner dans la région lilloise durant vingt ans !

Il retourne régulièrement au pays où il se marie en 1985 ; quatre enfants vont naître de cette union. « J’ai une âme d’archivistes », nous confie-t-il, avec dans les mains les copies et les sujets de ses études secondaires soigneusement classées et protégées sous des pochettes plastiques. Et il en faut de la volonté et de l’ordre pour établir les demandes de subvention vitales pour l’association Marien Ngouabi.

Et si Mayotte n’était qu’une étape avant le retour (définitif ?) au pays ? Roger Ndengue, a-t-il atteint le point limite en matière humanitaire ? Et si l’humanitaire était aussi un tremplin vers une action politique engagée ? « La frontière entre l’humanitaire et la politique est très mince ! » L’envie d’aller plus loin, vers là où se prennent les décisions, peut se lire dans le regard de cet homme debout et volontaire sur son chemin et qui n’a pas hésité à se mettre en congé de l’Éducation nationale pour préparer en 2000 un diplôme de troisième cycle en Diplomatie et Stratégie, histoire, reconnaît-il, de mettre tous les atouts de son côté.

Une association nommée Marien Ngouabi

« Quand on naît dans un milieu modeste, on est souvent révolté par la misère ! Et au contact du monde occidental on mesure mieux les injustices et on voit ce que l’on peut faire ! Arrivé en Europe, on développe son esprit critique, et très souvent ça fait de vous des militants désireux de faire bouger les lignes. C’est comme cela qu’est née l’association, par devoir de mémoire, mais aussi par devoir de solidarité ; on ne peut pas rester inactif ».

En France, Roger Ndengue voit l’abondance et la pauvreté ! « La plupart de ceux qui dirigent nos pays sont passés par les pays développés mais ils n’ont pas le sens de l’intérêt général et tout ça crée en vous un sentiment de révolte. » Et cette grande injustice sociale, le président de la jeune association Marien Ngouabi la mesure en faisant de l’humanitaire et en retournant deux, trois fois l’an au Congo. « Avec très peu de moyens, j’arrivais à faire des réalisations qui sauvaient des vies ! J’avais besoin de 10 000 € (afin de préparer un container entier) ou de moins (2500 € suffisent pour le transport) mais avec lequel j’équipais un service hospitalier entier ! Et vous vous dîtes : on peut faire beaucoup plus et mieux ! ».

À l’origine, l’association est créée pour honorer la mémoire de Marien Ngouabi à l’occasion du 20e anniversaire de son assassinat en 1996. Les objectifs ? Contribuer à une meilleure connaissance de la vie et l’œuvre de Marien Ngouabi, faire connaître le Congo et renforcer les liens de solidarité entre congolais et membres d’autres communautés. Mais très vite, l’Association a été rattrapée par la guerre civile qui a ravagé le Congo et a dû réorienter son action vers la solidarité avec ce pays meurtri : « La première action, au sortir de la guerre civile a été naturellement destinée à répondre aux cris de détresse des populations sinistrées : c’est "l’opération un container pour Owando", suivie chaque année, depuis 2001 par d’autres actions de solidarité qui ont bénéficié à nombre de populations vulnérables et à plusieurs structures d’accueil du public ».

À partir de 2002, sans se départir de l’action humanitaire d’urgence et pour ne pas engluer les populations dans l’assistanat, l’Association a choisi de mettre l’accent sur des actions pérennes leur permettant de se prendre en charge elles-mêmes. C’est ainsi qu’est né le projet Espace Marien Ngouabi, de création de bibliothèques, de médiathèques. Pourquoi une action en direction de l’éducation ? Parce que, comme disait Marien Ngouabi « Le meilleur investissement c’est l’investissement humain ». « Le Congo-Brazzaville, fait observer Roger Ndengue, est un pays de paradoxes : dans les années 60/70, c’est l’un des pays les plus scolarisés d’Afrique ! Puis, ce fut un grand recul éducatif. Aujourd’hui, les écoles publiques n’ont d’écoles que le nom : peu d’enseignants qualifiés, locaux insalubres, absence de matériels pédagogiques, pas d’électricité, pas de tables-bancs pour tous… alors que le pays est riche en bois précieux. Au Congo, le pétrole a pollué non seulement l’environnement mais aussi les esprits ! »

Roger Ndengue retourne chaque année au Congo, 1 ou 2 fois voire 3 ou 4 fois, à chaque période de vacances scolaires et ce depuis 1998. Ainsi, avec le soutien de la Région Nord Pas-de-Calais et du Conseil général du Nord, avec des bénévoles, depuis Lille, il a su rassembler les fonds nécessaires pour acheminer une quinzaine de containers (livres, supports visuels et audio visuels), créer des médiathèques et aménagé l’unique bibliobus du Congo (véritable médiathèque ambulante) inauguré en décembre 2010. Avec à la clef, une amélioration sensible des résultats scolaires !

Entre deux voyages au Congo, il a le temps de penser à ceux des îles Comores qui connaissent les mêmes difficultés : « Un combattant de la misère et de la pauvreté est un citoyen du monde. C’est trop cher d’envoyer un container pour le Congo depuis Mayotte ! Pourquoi aller loin alors qu’il y a la misère tout autour ici… » Aussi, Roger Ndengue prépare t-il un container pour les Comores à partir d’une collecte d’ouvrages et de matériels informatiques et bureautiques effectuée dans la salle des professeurs de son lycée et nous invite à y participer…

Contacts :

 Roger Ndengue
— téléphone mobile : 06 39 60 61 27
— courriel : roger.ndengue@modulonet.fr

 Association Marien Ngouabi
— Président M. Roger Ndengue —
— site : http://marien.ngouabi.free.fr
— courriel : marien.ngouabi@free.fr

Messages

  • bonjour, je viens de trouver par hasard cet article... je vais aussi tous les ans dans la région d’Owando....jusqu’à présent , nous nous sommes occupés d’équiper les écoles du secteur dont l’école Marien Ngouabi à Ombélé.
    J’en reviens, et je puis vous assurer que désormais, l’école ne manque plus de livres , comme l’école d’Otendé et la petite école dIndanga dont nous avons favorisé la réouverture en équipant la petite école.
    Merci pour Ombélé en ce qui concerne la construction de l’école, pour le reste, notre association s’est donc occupé de toutes les fournitures.