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La légende funeste de Sékou Touré.

Docteur Thierno Bah

mardi 3 juin 2008, par Frederic Praud

En réaction aux élucubrations d’un fumeux club Sékou Touré siégeant à Bamako, je livre à l’opinion les points de vue d’un acteur de la scène politique guinéenne qu’il n’a jamais quittée depuis 1954. Cela veut dire que je participe depuis cinquante quatre ans sans interruption aux efforts des Guinéens pour corriger les comportements des dirigeants qui, comme Sékou Touré, ont conduit notre pays dans une agonie interminable.

Plusieurs témoignages attestent que Sékou Touré était habité par deux sentiments : la peur du Peuple et la haine des autres. Keita Fodéba révèle qu’il était « chargé d’arrêter tous ceux qui étaient susceptibles d’exprimer la volonté populaire », selon le livre de René Gomez. Jacques Larrue, dans son livre « Fria en Guinée » explique les raisons pour lesquelles le dictateur a tué les officiers généraux et supérieurs de l’armée guinéenne. Ray Autra, qui fut son compagnon dans le PDG et dans le syndicat des Enseignants m’a souvent dit, à Abidjan, que chaque fois que Sékou déclenchait une grève à Conakry, il prenait l’avion pour aller à Bamako, Dakar ou Paris.

Et pourtant, dès la proclamation de la république, des courtisans zélés lui ont fabriqué une légende sur mesure pour lui plaire. Improvisés griots plus talentueux que les lignées de griots de naissance, ils ont convaincu leur Fama, leur roi, qu’il avait un destin quasi divin. Il était écrit dans l’histoire racontée par les devins qu’il devait libérer la Guinée le 28 septembre 1958, c’est-à-dire le jour anniversaire de l’arrestation de Samory Touré capturé par les Français le 28/09/1898. Ce valeureux guerrier serait son grand-père. Il reprend cette histoire à son compte et la raconte dans son discours à la Mairie de Paris en 1982 lors de sa visite officielle en France. A partir de ce discours délirant, ses courtisans lui ont construit un personnage hors du commun qui a envahit amplement la scène publique africaine et internationale jusqu’à son dernier souffle. Son appétit insatiable de pouvoir l’a condamné à étouffer toute autre expression publique et toute autre opinion que la sienne pendant vingt six ans. Il a interdit toute autre existence aux Guinéens qui cessaient de lui plaire pour une raison ou une autre.

D’un pays qu’il qualifiait lui-même de scandale géologique et agricole, capable de nourrir ses habitants, riches de cadres compétents et dévoués aux autres, il a laissé un désert de pauvreté matérielle, de misère alimentaire et une société déchirée en lambeaux. Sous son règne le temps de travail créateur de richesses à partager s’est arrêté le 19/11/1958. Cette date funeste correspond à sa forfaiture qui brise l’unité nationale réalisée à la veille du référendum. Après cet événement majeur, il tourne définitivement le dos à toute politique de développement de notre pays. L’arrestation de Keita Koumandian, des membres du bureau du syndicat des Enseignants et des universitaires prestigieux dans le faux complot des Enseignants étaient le passage obligé pour se maintenir au pouvoir à vie selon un scénario préétabli depuis la loi-cadre, selon Keita Fodéba, cité par René Gomez dans son livre témoignage : « Camp Boiro : parler ou périr. »

2-. La trahison de Sékou Touré.

La diarrhée verbale véhiculée par ses discours de quatre à six heures sans notes, la mobilisation permanente des masses populaires dans des manifestations obligatoires, incessantes et stériles, ont masqué la mutation du tribun inégalable en tyran impitoyable du peuple de Guinée. Pour survivre à ses crimes politiques, il a tissé une toile d’araignée à travers une organisation très hiérarchisée de son parti. Le bureau politique composé de 17 puis 15 membres coiffe 30 fédérations chargées de coordonner les activités de flicage des 168 sections régionales qui à leur tour encadrent 7164 comités de quartier et de villages.

La création de la milice embrigade de force tous les Guinéens de la naissance à la mort dans les mailles du parti Etat qui instaure dès lors le gouvernement par « le complot permanent. » Cette stratégie diabolique a déshumanisé le brillant secrétaire général du PDG et ses inconditionnels, transformé en tyrans cruels et monstrueux.

3-. Les victimes connues de la révolution.

Comme Hitler, Staline, Pol Pot, Saddam Hussein, et autres dictateurs du 20e siècle, Sékou a consacré son règne à pourchasser, persécuter, tuer et exiler tous ceux qui, par leur rayonnement personnel et leur histoire de vie personnelle et familiale éclipsait son prestige.

A*-. Le début de la peur.

Les premiers crimes politiques de la Guinée indépendante ont été commis en mars 1959. Deux malheureux détenus de droit commun condamnés pour vols à quelques années de prison sont fusillés à Conakry et à Kindia. Cet événement radiodiffusé prend de cours les populations inhabituées à des pratiques barbares de ce genre. Elle frappe les populations de stupeur, y compris celles vivant à l’extérieur.

B*-. Victimes ministérielles de 1958 à 1977.

La majorité des ministres et des hauts fonctionnaires ont été tués sans que leurs corps ne soient rendus à leurs familles. Cette attitude aussi était étrangère à nos traditions et à notre culture. Parmi les martyrs de cette catégorie il y a : Barry Diawadou, Barry Alpha Oumar, Barry Ibrahima, dit Barry III, Bama Marcel Mato, Bangoura Karim, Bangoura Kassory, Bah Mamadou Bano, Baldet Ousmane, Camara Bangaly, Camara Loffo, Camara Sékou, Cissé Fodé, Condé Emile, Docteur Diallo Alfa Taran, docteur Diallo Alfa Amadou, Diallo Alfa Abdoulaye Portos, Diallo Telly, Diop Alassane, Dramé Alioune, El hadj Fofana Mamadou, Fofana Karim, Keita Fodéba, Kourouma Baba, Tounkara Jean Faragué, Savané Moricandian, Sagno Mamady.

C*-. Ministres délégués.

Barry Sory, Barry Samba Safé, Kaba Amiata Mady, Fofana Sékou, Magassouba Moriba, Touré Bansoumane, Touré Idrissa.

D*-. Hauts fonctionnaires.

Plus de cinq mille hauts fonctionnaires, avec un nombre indéterminé de subalternes dont nous ne connaîtrons jamais le nombre, ont disparu dans les geôles du PDG.

4-. Observations critiques.

Toutes ces victimes ont subi un déni de justice violant de façon flagrante leurs droits naturels. Ils ont avoué des mensonges grossiers extorqués sous la torture, diffusé sur bandes magnétiques. Ils ont été privés d’avocats, n’ont pas comparu devant un tribunal, même soumis aux ordres. Leurs familles ont été privées de leurs corps enterrés sans sépulture dans des lieux inconnus. La dictature n’a donné aucune chance de se défendre à aucun détenu que le responsable suprême de la révolution a décidé d’éliminer sans concertation ni du parti, ni de l’Etat qu’il a fusionné pour en faire le parti Etat peuple. Il décidait tout, tout seul, considérant que ceux qu’il a nommés au bureau politique, au gouvernement, dans les ambassades, les préfectures et l’armée n’étaient que des valets dociles au service de sa gloire. La majorité de ces femmes et de ces hommes rivalisaient de zèle pour mériter le privilège de servir leur Fama, c’est-à-dire leur roi. Ils ne se sont jamais posé la question sur l’absence de preuves matérielles de la culpabilité des détenus malgré toutes les perquisitions faites aux domiciles des suppliciés.

Les comités révolutionnaires n’ont jamais publié le moindre document écrit, le moindre article de presse, le moindre rapport critiquant l’échec complet de la gestion politique, économique, social, culturel du pays par Sékou Touré. Cela ne signifie-t-il pas que les hommes et les femmes emprisonnées n’avaient commis aucun délit ?

5-. Amalgame.
Il faut évoquer la confusion créée par le PDG qui a mis dans les mêmes cabines techniques des citoyens innocents à 100 % des charges dont ils sont accusés comme les Enseignants et des anciens dignitaires qui avaient siégé dans les comités révolutionnaires comme Bama Marcel Mato. Ces anciens tortionnaires, devenus victimes de la machine infernale qu’ils ont servie ont péri comme leurs anciennes proies quand ils ont cessé de plaire à Sékou et à sa famille. Cette cohabitation entre victimes à 100 % et anciens bourreaux comme le furent Emile Cissé, Madame Diédoua Diabaté a été évoquée dans le témoignage de Touré Kindo, « unique survivant du complot Kaman Fodéba » et par Kaba 41 dans son livre » ça s’est passé dans la Guinée de Sékou Touré »
6-. Conclusion.
La génération Sékou Touré, née et grandie en 1958, connaît peu, mal ou pas du tout le climat politique brièvement évoqué ici. Cette classe d’âge a pourtant grandi dans cet environnement étouffant qui l’a privé des repères éthiques et moraux. Aujourd’hui, âgés de cinquante ans, ces jeunes sont ministres ou hauts fonctionnaires pour les uns et parias pour ceux d’entre eux dont les parents on péri dans la révolution. Ils ont vécu dans l’enfer ou l’opulence selon leur relation avec la famille de Sékou. Leurs enfants, âgés de 25 ans, ne connaissent que le régime corrompu de Conté. Ils ont montré qu’ils n’ont pas peur des balles des militaires. Ils ont ébranlé le régime militaire. Tous les Guinéens devraient réfléchir sur le chemin parcouru par notre pays depuis 1958 pour analyser les fautes politiques qui ont conduit le pays au fond d’un abîme sans fond. Le malheur n’arrive pas qu’aux autres. merci de votre écoute d’un vieux militant.

Messages

  • « Quand Sékou Touré a parlé de complots organisés à partir du Sénégal, tout le monde a ri. On disait que c’était encore une invention de sa part. Mon devoir était de faire une enquête. Alors j’ai fait fouiller toute la frontière. Et on a découvert les fameuses munitions, les tracts… qui étaient destinés à la contre-révolution. Il y avait bel et bien complot. J’ai fait arrêter des suspects, des Guinéens qui vivaient à Dakar et un militaire français qui était chef de l’organisation ; il résidait à Saint-Louis où je l’avais fait interner. On l’a fait évader. » Mamadou Dia, Mémoires d’un militant du Tiers Monde, Paris, Publisud, 1964. Peut-être plus explicite encore, ce que le même Mamadou Dia écrit dans ses Lettres d’un vieux militant, Dakar, GIA, 1991 : « Pour revenir sur le cas de la Guinée, disons que le fait d’avoir voté « Non » au référendum lui a valu d’essuyer maints complots ourdis par l’extérieur. En 1959, hélas, les comploteurs étaient bel et bien basés et entraînés au Sénégal. Après le communiqué de Sékou Touré diffusé à l’époque par Radio-Conakry, communiqué d

  • Où est M.SEKOU TOURE ? Mon frère il faut voir DIEU.
    LA GUINEE ne doit pas encore attendre 50ans et dire au monde entier que nous sommes entraint de juger des morts. Le jugement appartient au Tout Puissant. Pour l’heure dit moi concrètement ou fait moi une proposition dans le sens de l’Avenir de nos enfants.
    Moi je te demande pardon de faire des recherches dans le domaines de la mise en place d’un réseau d’alimentation en eau potable dans tous les villages du pays à partir de nos richeresses.
    Vraiment si je suis hors sujet à cause de DIEU,,il faut m’excuser.
    LE PAYS NOUS ATTENDS
    MERCI. TON FRERE

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