Conte : Le Géant de glace
Au royaume des glaces vivait un Géant qui menait une vie sans histoire. Un matin, le Géant fut réveillé par le bruit des pas de deux explorateurs qui foulaient le sol de son pays.
Au royaume des glaces vivait un Géant qui menait une vie sans histoire. Un matin, le Géant fut réveillé par le bruit des pas de deux explorateurs qui foulaient le sol de son pays. Il entendit les deux hommes parler d’Espoir. Ils semblaient épuisés mais ravis de leur expédition. L’un des hommes, qui était poète, écrivait dans son carnet ces mots que le Géant pouvait lire :
Au monde, il n’y a rien de plus beau et de plus fort que l’Espoir,
Fascinante, sa lumière anime mon cœur lorsqu’il est gris,
Étincelante, sa présence est un enchantement.
Le temps passait et le Géant pensait constamment à l’Espoir.
« Un être si beau et si fort ! Comment peut-on continuer à vivre sans le connaître ? » se disait-il.
Il décida de partir à la recherche de l’Espoir. Il traversa la banquise et s’approcha de l’endroit où vivaient les hommes. Mais à sa vue, les gens terrorisés couraient se réfugier dans leur maison où ils s’enfermaient à double tour. Ils détalaient avant même que le Géant ait eu le temps de poser sa question. Au départ, pris de panique, le Géant courait lui aussi avec les autres, jusqu’à ce qu’ils lui claquent, les uns après les autres, la porte au nez. Par la suite, il crut qu’il s’agissait d’une simple et étrange coutume. Mais bientôt, il comprit qu’il leur faisait peur. Il ne leur ressemblait pas : il était trop grand et trop différent.
Dans un village, un jour de grand marché, le Géant se cacha derrière un mur et murmura d’une toute petite voix :
– Savez-vous où habite l’Espoir, s’il vous plaît ?
– Eh ! quelqu’un cherche l’Espoir ! cria une femme parmi les passants.
– Je sais, je sais, répondit un homme. Il s’agit sûrement d’un clown qui fait son numéro. Allez, montre-toi.
– Mais je ne suis pas celui que vous croyez.
– Qui que tu sois, montre-toi.
– Et la réponse à ma question ? demanda le Géant.
– Montre-toi et nous pourrons bavarder tranquillement.
– Pour de vrai ? En êtes-vous sûr ?
– Puisqu’on te le dit, s’exclamèrent les habitants.
Tout souriant et ému, le Géant sortit de sa cachette. Les gens restèrent bouche bée, quelqu’un cria et tout le monde prit ses jambes à son cou. Le Géant aussi. Mais dans l’autre sens.
À quelques lieues de là, les gens munis de torches attendaient le Géant pour l’abattre. Ils avaient décidé d’en finir une fois pour toutes avec le monstre.
Encerclé, furieux, le Géant souffla de l’air frais pour les désarmer en les projetant très loin. Puis, épuisé de tant d’efforts, il s’en alla et laissa les gens, tremblants, regagner leurs maisons pour se soigner.
Vulnérable, le Géant se sentit profondément blessé dans son cœur et il commença à rétrécir. Cependant, à la moindre occasion, il tentait sa chance pour trouver la réponse à sa question.
Un jour, un petit orphelin resta là sans prendre la fuite, malgré la taille spectaculaire du Géant.
– Est-ce que tu sais où je peux rencontrer l’Espoir ? demanda le Géant en s’agenouillant.
– Non, je ne sais pas, répondit le petit garçon de sa voix fluette. Veux-tu que je t’aide à le trouver ?
– Si tu veux ! dit le Géant en se relevant. Moi, c’est Géant. Et toi, comment t’appelles-tu ?
– Je suis Loup. Mais y’en a qui m’appellent « eh, toi, viens ici ! »
– Ravi de te connaître Loup, dit le Géant.
– Merci, également, répondit l’enfant.
Tous deux reprirent la route à la recherche de l’Espoir. Parfois, le petit s’avançait seul pour se renseigner. À d’autres moments, ils s’avançaient ensemble et demandaient :
– Pardonnez-moi Madame, excusez-moi Monsieur, sauriez-vous où habite l’Espoir ?
Certains rigolaient :
– Ah, ah, ah, ils cherchent l’Espoir ! Il n’y a que les fous pour agir ainsi !!!
Tristement, d’autres disaient :
– Nous le cherchons nous aussi !
Parfois les gens criaient de peur :
– Eloignez-vous !
Et ils fermaient leur porte pour que leur bonheur ne s’échappe pas, persuadés que le Géant et le petit garçon étaient des malheureux qui ne pouvaient leur transmettre que le malheur !
– Il est rare de le trouver, disaient bien d’autres.
C’est ainsi que le petit garçon et le Géant firent le tour du monde à la recherche de l’Espoir.
Ils rencontrèrent beaucoup de personnes très gentilles, pleines de bon sens, et d’autres pas du tout. Jamais le Géant et le petit garçon ne savaient à qui ils avaient affaire tant que la personne ne s’était pas exprimée.
De fait, un jour, un forgeron en voyant le Géant lui offrit un morceau de glace.
– Chez vous, il fait bien chaud ! Vous êtes sûr de vouloir l’offrir à mon ami ? s’exclama le petit garçon.
– Oui, il en a plus besoin que moi ! Vois-tu, tous les jours, j’apporte un morceau de glace pour rafraîchir l’eau que je bois. Sans glace, moi, je ne risque pas grand-chose, mais ton ami, lui, perdra la vie. C’est sûr !
Dans un autre lieu, sous le soleil brûlant de midi, le Géant et le petit se reposaient à l’ombre d’un mur derrière une maison quand soudain le propriétaire, un homme bien gras, surgit et leur ordonna de déguerpir.
Le temps passait. À force de parcourir les villes et les campagnes sous le soleil, le Géant rétrécissait. Les gens n’avaient plus peur de lui. Ils ne s’apercevaient même pas de sa présence parmi eux.
– Ne t’inquiète pas, répétait le petit garçon. On le trouvera, l’Espoir. Il doit se loger quelque part.
À présent, le garçon, qui au fil du temps avait grandi, tenait le Géant dans le creux de sa main et de l’autre main, il le protégeait du soleil. Et le Géant lui parlait du bonheur et de son royaume.
Un jour, n’y tenant plus, le garçon lui demanda :
– Cela fait longtemps que tu as quitté ta maison ?
– Oui, répondit le tout petit Géant. Et pourtant je suis encore vivant !
– Et cela malgré la chaleur et l’infortune. Dans les mêmes conditions, n’importe quelle glace aurait fondu, dit le garçon avec le sourire.
– C’est grâce à toi. Ce sont tes soins et tes paroles douces qui ont fait naître en moi la force de continuer. Comme si l’Espoir s’abritait dans mon cœur, dit le Géant.
– Mais alors l’Espoir, est-ce que ce ne serait pas cette lueur qui nous permet de tenir, de résister ? s’exclama le garçon.
– Tu as raison, confirma le Géant en se souvenant des explorateurs épuisés et heureux. Je crois qu’il est temps pour moi de retourner dans mon pays et de reprendre ma vie de géant.
– Est-ce que ton pays ressemble à l’un des endroits que nous avons visités ? demanda le garçon.
– Pourquoi ne viendrais-tu pas le voir ? lui proposa le Géant.
– Depuis le temps que je rêve de le connaître, dit le garçon.
– Alors, c’est avec plaisir que je t’invite, murmura le Géant.
Ils partirent en direction du pays des neiges. Un vent glacial s’était levé et le Géant, retrouvant soudain sa taille normale de géant, précéda le garçon pour le protéger des bourrasques.
Fin
******FIROUZEH EPHREME