Corbeil Essonnes, Alain Leclerc
ateliers pédagogiques Bandes dessinées
des écoles primaires aux lycées en passant par les quartiers
Les ateliers BD, l’exemple d’Alain Leclerc à Corbeil-Essonnes
Alain Leclerc est directeur du service Arts et expositions de la ville de Corbeil-Essonnes. Depuis 2005, il organise chaque année un festival de Bande Dessinée à la Commanderie St Jean de Corbeil-Essonnes. Ce festival s’articule autour d’une exposition à taille réelle d’après une Bande Dessinée - dont l’univers est retranscrit par le biais des décors, des personnages et des accessoires - et de rencontres entre les dessinateurs invités et les festivaliers. L’objectif de départ était de présenter une année sur l’autre, une Bande Dessinée franco-belge et un Bande Dessinée asiatique. Depuis deux ans, sont présentées des Bandes Dessinées Franco-chinoises (scénariste Français et dessinateur Chinois), grâce à un partenariat avec les Editions Soleil. Parallèlement, des ateliers d’écriture ont été mis en place dans les écoles de Corbeil-Essonnes.
Les ateliers BD, leur méthodologie et leur impact social
Atelier dans les écoles primaires
Depuis 2005, Alain Leclerc a initié des ateliers d’écriture pour les classes de CM1 et CM2, parfois même pour des classes de CE2. Le projet est à la charge des instituteurs, c’est à eux de maintenir la dynamique. Alain Leclerc se déplace trois à quatre fois dans les classes :
– une première fois en octobre pour lancer le projet : il explique comment se construit une BD avec un cours de langage de l’image, de construction narrative. Les instituteurs doivent par la suite travailler avec les élèves et créer en groupe une histoire.
– une deuxième fois en mars pour faire un point, procéder au découpage en séquence et expliquer comment créer une planche. Les instituteurs se chargent alors d’encadrer les créations des dessins par les élèves.
– une troisième voire une quatrième fois en mai/juin pour corriger et finaliser la BD.
L’apprentissage de l’écriture se fait par la rédaction d’une histoire collective avec un découpage en séquence. Ce qui est important pour les élèves est d’apprendre à écrire, à structurer leur pensée et à la transformer. Le progrès des enfants en Français est nettement visible car l’apprentissage de la narration s’appuie sur la structure d’une histoire et permet une meilleure compréhension de la langue. L’atelier permet également d’initier les enfants à la lecture d’image même si cet aspect est plus développé au collège.
Les enseignants apprennent également de ces ateliers, la construction d’une BD d’une part mais aussi la « direction » d’un projet tout au long de l’année. Ils doivent accepter d’être corrigé par une personne extérieure à la classe, accepter de se remettre en question. Ils apprennent d’Alain Leclerc et de ce projet qu’un travail créatif se discute tout le temps, évolue, n’est jamais figé.
Le but de ce projet est d’amener les élèves à être dans un processus de création. Le produit fini n’est pas un objectif en soi.
Ateliers dans les collèges
▪ Une première tentative d’atelier BD a vu le jour en 2007 au collège des Tarterêts de Corbeil-Essonnes - quartier dit « sensible » - mais le projet a été abandonné en cours d’année. L’atelier s’est développé dans le foyer ensuite puis en atelier autonome dans le cadre de l’accompagnement éducatif mais il a réellement pris son essor cette année. Différents projets sont menés autour de la BD selon les matières enseignées par les professeurs.
– En anglais, les élèves étudient une Bande Dessinée chinoise avec une narration anglaise. Il s’agit de faire une analyse de la BD en anglais. Il y a donc un double travail tant au niveau de l’apprentissage de la langue que de la lecture d’image et de la narration. Le constat, à ce stade de l’année, est positif, les élèves se sentent motivés par un projet d’année et la BD est un outil ludique pour eux.
– Un projet croisé de création BD est organisé entre le cours de français et le cours de dessin, reprenant les mêmes interventions d’Alain Leclerc lors des ateliers pour le primaire. Des conférences sont mises en place dans le cadre de l’étude de la culture chinoise ou de la lecture d’image. Des dessinateurs chinois, Daxiong et Likun, sont intervenus dans les classes pour présenter leur travail et donner des « cours » de dessin aux élèves sous forme de rencontre et d’échange. Le professeur de dessin s’est elle-même mise à la place des élèves pour apprendre de Daxiong. Elle a accepté de dire qu’elle pouvait apprendre de lui et s’est mise au même niveau que ses élèves.
Le projet des ateliers BD évolue et croît, les relations entre Alain Leclerc et l’ensemble des professeurs se structurent petit à petit pour que le projet puisse grandir. Alain Leclerc pense que les professeurs peuvent aller plus loin avec leurs élèves, beaucoup plus loin qu’ils ne l’imaginent. Le but de ces ateliers est de lutter contre l’échec scolaire des enfants, de les intéresser à un projet. Alain Leclerc cherche également à leur donner le goût de l’écriture, à les faire s’engager sur le long terme dans un projet collectif ; dans une finalité plus lointaine, il cherche à faire entrer les élèves dans une dynamique de progrès par la correction et la remise en question par eux-mêmes de leur propre travail. S’engager dans l’atelier BD leur apprend à être corrigés, à s’auto corriger, à accepter l’erreur et le fait de recommencer. Cette dynamique de progression peut se transposer aux autres matières, les valeurs acquises sont transversales.
▪ Parallèlement à ces projets de classe, Alain Leclerc anime dans l’enceinte du collège un atelier d’écriture d’une heure se déroulant le mardi de chaque semaine (en période scolaire). Ce créneau est prévu dans les emplois du temps des collégiens mais l’inscription est volontaire et se fait en début d’année avec l’accord des parents. De même qu’en primaire, le but est d’amener à écrire, à dessiner et à structurer la pensée. Il y a un passage du groupe à l’individu, du projet collectif au projet personnel. Le travail autour de la narration se fait par l’apprentissage de la structure d’une histoire, un travail sur les personnages, sur les rebondissements de l’action. Le plus difficile est que les élèves ne se découragent pas. Le projet étant individuel, la motivation est personnelle et l’essentiel du travail se fait chez soi. Il faut encourager les élèves en leur montrant leurs progrès.
Alain Leclerc amène des planches professionnelles à titre de modèle, organise des sorties (par convention) pour voir des expositions autour de la culture Asiatique : Epita manga, Paris manga, Japan expo... Il fait intervenir des dessinateurs professionnels, ainsi que des participants à l’atelier externe, habitants du centre ville, anciens élèves des ateliers du primaire. Au départ les parents de ces collégiens étaient réticents à laisser aller leurs enfants dans le quartier des Tarterêts, mais ils ont fini par accepter, et ces jeunes ont été accueillis comme des artistes par les collégiens des Tarterêts. Ils avaient le même âge, mais ils les vouvoyaient, ils reconnaissaient leur savoir. La logique d’apprentissage et d’ouverture culturelle est bien ancrée dans l’esprit de ces jeunes. Ces rencontres participent de la transmission du savoir, valorise le travail de chacun et leur permet de prendre conscience de leurs propres connaissances.
Le travail réalisé par les élèves des différents ateliers va être valorisé lors d’une exposition dans le collège avec leurs dessins, leurs essais, le travail extérieur, les planches finalisées. Amener les jeunes à montrer leur travail n’est pas évident. La plupart des élèves participant à l’atelier individuel gardent leurs travaux pour eux. Leurs professeurs ne sont pas au courant de leurs travaux d’écriture. Il y a une différence de perception des élèves entre Alain Leclerc et les professeurs, certains ne se rendent pas compte des capacités de leurs élèves en matière d’écriture, de construction d’une Bande Dessinée. Pour les collégiens leurs travaux leur appartiennent, ils n’ont pas envie d’être jugés. Pour eux l’école met des notes donc sanctionne, il faut réussir à les faire dépasser cela, leur faire comprendre que la critique peut être positive. C’est un travail difficile actuellement en plein débat dans le collège. Il s’agit de les amener à montrer volontairement ce qu’ils font pour se sentir soutenus, reconnus.
Atelier externe, hors école
Cet atelier regroupe des jeunes de la sixième à la terminale, souvent des anciens participant des ateliers du primaire, et se déroule à la Commanderie St Jean de Corbeil-Essonnes. L’atelier regroupait au début dix personnes, puis le nombre n’a cessé d’augmenter pour atteindre aujourd’hui celui de cinquante. Trois ou quatre rencontres sont organisées en dehors du Festival de la Bande Dessinée, et durent un dimanche entier (10h à 20h). Entre ces temps de rencontre, Alain Leclerc suit les travaux des jeunes régulièrement par mail. Les weekends end du festival leur permettent de rencontrer des professionnels, des passionnés, d’échanger et de progresser. Le festival est le temps fort de l’année pour les participants de l’atelier. Ce moment de rencontre leur est consacré. Des concours de dessin sont organisés, les professionnels, les jeunes de l’atelier et le public peuvent y participer.
Les rencontres permettent de travailler sur les proportions, la morphologie, la perspective, comment faire un story-board, ou simplement de se retrouver, poser des questions. Tous les participants apprennent à faire des études de personnage, à construire une planche, les plans. L’entraide entre les jeunes s’est développée, Alain Leclerc délègue donc à certains de ces élèves le soin d’apprendre aux autres. La motivation se fait des plus jeunes vers les plus âgés, qui prennent leurs aînés pour modèle mais également des plus âgés vers les plus jeunes. En effet, les plus jeunes ont parfois plus d’expérience et apprennent aux plus grands. L’âge n’est pas un critère de savoir, on peut apprendre de tout le monde.
Leurs projets personnels continuent au fil des années ; leur idée de départ est parfois abandonnée, parce qu’ils grandissent et que leur goûts, leurs envies, leurs idées évoluent, parce qu’ils ont passé un certains temps sur le dessin et que le scénario ne leur correspond plus. Il ne s’agit pas réellement d’abandon mais plutôt d’évolution de leur projet. Globalement très peu arrête définitivement l’atelier, c’est pour cela que le nombre de participants ne cesse d’augmenter. Il y a un véritable engagement de leur part. Ces jeunes sont dans un processus d’apprentissage, et ils sentent qu’ils font des progrès. Si l’on ajoute à cela la bonne ambiance des ateliers, il n’y a vraiment aucune raison pour eux d’arrêter ! Il ne s’agit pas pour eux de publier une BD, mais de poursuivre un projet personnel par l’écriture et le dessin. Cependant Alain Leclerc a décidé de publier des illustrations des participants dans le livret accompagnant l’exposition et prévoit une publication de planche dans ce même livret. Le but ici est encore une fois de valoriser le travail des jeunes et de les rattacher à la globalité du projet dont ils font partie.
Atelier BD au lycée :
Un atelier BD a été mis en place au lycée et l’aide d’Alain Leclerc a été demandée. Des conférences ont été organisées. Les lycéens viennent de Corbeil-Essonnes et des environs. Certains d’entre eux avaient déjà commencé une BD de quelques pages mais beaucoup de choses étaient à revoir, tant au niveau du dessin, que du scénario et de la méthode. Il a fallu leur demander de tout recommencer, ce qui n’est pas évident quand on a 16-17 ans. Par le biais des conférences les lycéens ont été insérés dans la dynamique du festival et ils viennent maintenant assister aux rencontres.
En conclusion
Les ateliers d’écriture font partie d’un projet commun lié au festival de la BD de Corbeil-Essonnes. Le but de ces ateliers est de faire venir les enfants et les adolescents au Festival (et en priorité aux rencontres organisées avec des professionnels) en dehors du temps scolaire. Un lien se développe entre les différents participants aux ateliers. Ce lien est dû à un intérêt commun pour l’écriture, le dessin, la Bande Dessinée et aux rencontres régulières. Alain Leclerc a la volonté d’ouvrir l’esprit des personnes assistant aux rencontres et à l’exposition, il cherche à faire découvrir une autre culture, une autre façon de voir les choses par le biais des rencontres avec les dessinateurs chinois. La Bande Dessinée est le vecteur de cette ouverture culturelle. Si l’on s’intéresse à l’Asie et plus particulièrement à la Chine, il ne faut pas se contenter de ce que l’Occident nous montre, il faut aller plus loin, bouger ses propres références et sa façon de penser.
L’impact social des ateliers BD se voit à deux niveaux : dans les établissements scolaires et au moment du festival. Dans les deux cas les ateliers favorisent la création de lien social entre des individus de différents horizons. Ce rapprochement est porté par le festival. Le travail d’écriture aide à la réussite scolaire, particulièrement en français. Les jeunes des ateliers s’enrichissent de cette expérience.
Bande dessinée à utiliser dans le cadre du FLE, des cours d’histoire et autres... :
http://www.lettresetmemoires.net/parcours-migrants-tome-i-demande-pour-un-seul-exemplaire-reception-par-courrier.htm
Messages
1. ateliers pédagogiques Bandes dessinées, 24 mai 2016, 00:14, par drucilla
*ancienne élève*
Je ne retiendrais que de très bon souvenir de mes 5 années à l’atelier BD.
– Drucilla Gradel