paroles de jeune à Sarcelles : Nordine Seyah né en 1991
Je préfère commencer le métier parce qu’après on va devenir fainéant
Je suis né en 1991, à Paris. Mon père est marocain et ma mère française. Je suis l’aîné. J’ai une petite sœur. Mon père a été marié à une autre femme, j’ai des demi-frères et des demi-sœurs plus grands, mais ils ne vivent pas avec nous à Sarcelles. Ma mère est bretonne de Lannion. Mon père est né dans les années 50, il a à peu près soixante ans. Ma mère a quarante, quarante-cinq ans. Comme ma sœur venait de naître, l’appartement était trop petit et on a déménagé à Sarcelles. On habite le quartier afro près de la gare et du marché. Dans le temps on trouvait essentiellement de la nourriture dans ce marché, maintenant on y trouve de plus en plus de vêtements.
L’école en sport-études
En Primaire je suis allé à Pasteur, et au collège à Chantereine. J’étais violent quand j’étais petit, je me battais beaucoup. En CE2, je me suis calmé. Mon père est au chômage. Ma mère travaille à Paris au Palais de Justice. A la maison je suis surtout avec mon père. Dès que je suis allé en sixième, je voulais faire sport–études. Je terminais à seize heures après j’avais le sport. Avant je voulais faire de l’athlétisme. Je faisais de l’endurance, du poids, du javelot et du saut en longueur, même si je n’aimais pas. Je trouvais ça bien pour bouger. Au fur et à mesure que je grandissais, j’ai voulu faire du rugby. J’ai découvert le rugby par un ami qui est dans le club. J’ai découvert à Chantereine.
Au début du collège, il y a plusieurs quartiers Afro, Sablons, Coop. Mais nous, on reste tranquille dans notre quartier. Dans les autres quartiers, si tu fais le malin, t’auras des ennuis, c’est sûr.
Les bandes
Une bande, c’est des amis entre eux. Le hall d’immeuble on y passe du temps, on parle. Quand il y a du soleil on est plutôt dehors. Quand il pleut, on rentre dans les porches. Le collège le plus proche de chez moi était Jean Lurçat. Chantereine est d’un meilleur niveau que Jean Lurçat. Sans travailler, j’ai cinq à Chantereine et treize à Jean Lurçat.
Etudes et avenir
Je suis en troisième et je vais faire un CFA en pâtisserie, si je trouve un patron. Sinon je vais faire un CAP carrosserie réparation. Dans le bâtiment il y a une semaine de cours et c’est dur d’aller jusqu’à Paris. J’habite près de la gare, mais c’est dur d’aller jusqu’en bas de Paris parce qu’il y a beaucoup de transport. Au sud de Paris dans les Yvelines, je ne peux pas parce que c’est trop loin. Si j’arrive en retard, je risque de me faire virer. Ma mère m’a dit : « travaille après tu auras un bon métier ». Après j’ai travaillé.
A un moment, j’ai complètement plus voulu faire. J’ai abandonné. J’ai arrêté. Ça ne m’intéressait plus. Quand on travaille on peut rester jusqu’à une heure du matin. Après ça m’a énervé. Je n’avais pas envie. T’as plus le temps de parler avec tes copains. J’ai un choix. Franchement, je préfère commencer le métier parce qu’après on va devenir fainéant. On va plus vouloir faire. On va se retrouver au chômage. Après comment on va faire quand on aura une famille ? Il y en a un paquet à Sarcelles qui arrêtent et qui ne font rien après. Je connais des gens qui ont même abandonné les CFA parce que c’est trop dur. Ils arrêtent et restent chez leurs parents, mais après il faudra un jour se débrouiller tout seul.
J’en suis conscient. Certains vont profiter du système. Ils ont raison, comme ils sont fainéants. Ils vont avoir quatre cents euros de chômage et les autres trucs. Par exemple je suis tout seul et je veux des baskets, je suis obligé de me les acheter. Il faut que je travaille. On m’a dit que j’étais plus fait pour le rugby que pour le foot, parce que je cherchais la bagarre. Moi je rentrais avec le ballon, je rentrais dans les gens, même dans le goal ! On m’a conseillé le rugby aussi pour ma carrure.
Sarcelles
Le côté positif de Sarcelles : les amis t’empêchent aussi de faire des conneries. C’est la solidarité. Le côté négatif, certains ne peuvent plus téléphoner de n’importe où parce qu’ils se font voler leur portable ! On peut se faire voler sur Sarcelles ! Dans mon quartier personne ne m’agresse, autrement il va avoir mal !
Dans mon quartier, une jeune femme s’est fait arracher son portable. J’étais chez moi je ne pouvais pas l’aider. Il y avait des jeunes en train de regarder, ils ont couru, ils n’ont pas aidé ! Ça arrive souvent, c’est à la gare. Certains mettent les parents dans les histoires. Ils les insultent ! Moi, des gars comme ça je les démolis ! Certains volent les mères.
Message aux anciens
Je souhaite que les anciens essayent de nous apprendre le respect envers les autres et nous aident à avoir une vie meilleure en nous disant : « travaille en cours, ne fais pas de bêtises, ne fumes pas quand tu tournes en rond parce que tu t’ennuies » ; moi j’essaye d’aider ma mère. Ma mère aussi m’a dit : « Même si tu n’es pas premier de la classe, fais ce que tu aimes ! Je ne veux pas te voir faire des conneries ! ».
Texte réalisé par Frederic Praud