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Récit

à travers l’histoire tourmentée du Vietnam

dimanche 28 février 2010, par Frederic Praud

Hanoi est une ville très ancienne. Mon père y était fonctionnaire de l’Etat français. Nous étions en protectorat, en ce début d’administration française. Je suis enfant unique et n’avais que des cousins germains.

Le peuple vietnamien est un peuple qui vit toujours en paix même avec ses anciens ennemis. Nous avons fait la guerre pendant mille ans avec les chinois et pourtant, en dehors de ces périodes de guerre, nous pouvons nous considérer comme cousins.

Enfants, nous aimions le Vietnam… un peu plus que la France… En 1917, il y eut déjà une révolte contre la France. Dès cinq ans, j’ai pour la première fois appris à ramper la nuit pour éviter les balles. On ne peut pas l’oublier…

Nous apprenions le français très jeune aux dépens du vietnamien et c’était très difficile pour nous. On enseignait toutes les matières dans cette langue. Il fallait alors posséder assez de français pour pouvoir apprendre et, dans les premiers temps, nous ne le pouvions pas. Il y avait très peu de réussite car ce n’était pas notre langue véhiculaire. À la maison, nous parlions tout le temps Vietnamien et à l’école, plus ou moins bien français.
Il n’y avait pas d’uniforme sinon le costume traditionnel de chez nous. Nous allions à l’école en costume vietnamien et vivions la vie des vietnamiens en dehors du cadre scolaire. Nous y étions simplement pour apprendre.

L’enseignement est quelque chose de sacré pour nous. Nous révérons nos maîtres plus que nos parents à l’image du triptyque Kwann, le roi ; Su, le maître ; Fu le père. Le maître était l’intermédiaire et s’il disait quelque chose les parents allaient toujours dans son sens. C’était notre religion, la philosophie confucéenne que tout le monde respectait. Petit, j’allais aux pagodes bouddhistes avec ma grand-mère et ma mère. Nous allions faire quelques gestes… On y allait ou pas. Ce n’était pas obligatoire.

La France était fine dans sa façon d’administrer ses colonies. Lors de la colonisation, ils se sont mis en relation avec les chefs du Vietnam et comme nous respectons nos rois, nos maîtres, la France a réussi plus facilement. Elle formait les maîtres, leur enseignait le français.

Le système éducatif au Vietnam ressemblait au système français. L’école primaire publique allait de 6 ans à 12 ans. J’ai passé le certificat d’études à 13 ans avant le concours d’entrée au collège, puis quatre année de collège avant le brevet élémentaire et trois années d’enseignement secondaire, ce qui m’a poussé à 20 ans. J’ai passé un bac à peu près équivalent au bac français, avec le même programme, plus l’histoire et la géographie de l’Orient, du Japon, de la Chine… Nous apprenions, bien sur, l’histoire du Vietnam.

Il nous fallait passer des examens difficiles. Des bourses existaient pour les familles nombreuses. Au Vietnam, quand un enfant réussit, tout le monde, la famille entière, l’aide à travailler.

Il y avait beaucoup de différences entre les colons et les vietnamiens. Les français allaient dans des écoles différentes. Ils suivaient le programme français. Le racisme existait mais était caché…

Jeune, je voulais être professeur de mathématique, être maître… mais je devais déjà obtenir le bac avant. Mes parents ne m’ont pas forcé à choisir quoi que ce soit. J’ai obtenu le bac à 20 ans en 1932. Je voulais être professeur de math mais la Faculté n’étant pas encore formée, je continue mes études en faculté de médecine à Hanoi.

Je suis ensuite devenu médecin pour particuliers, à Hanoi. En devenant fonctionnaire, j’aurai d’une certaine façon servi l’administration française aussi je préférais être médecin privé.

Il y a eu une occidentalisation. C’est le secret de la colonisation française mais il y a toujours eu une opposition de la part des vietnamiens. À 20 ans, j’espérais en l’indépendance du Vietnam. Il y eut une autre révolte en 1930. Le roi n’était responsable de rien. Cette révolte fut menée par les intellectuels, lettrés sortis de l’université d’Hanoi. Le peuple n’y a pas participé.

Au début de la colonisation française, la famille de ma mère, mon grand-oncle avait des enfants tout à fait opposés aux français. Ils étaient socialistes, pas communistes que l’on ne connaissait pas à l’époque. Les autres ne pensaient rien. Il n’y avait pas d’opposition marquée dans les familles. Tous avaient un point commun : le Vietnam.

Nous avons entendu parler du Front Populaire par les journaux. Nous attendions ses résultats car nous étions certains que le Front Populaire amènerait quelque chose de différent pour notre pays, une amélioration de nos conditions de vie. Cela amené quelques améliorations mais aussi quelques exécutions ou morts par accidents, incendies de navires, notamment celui du "Phillipart" avec le décès d’Albert Londres et du Gouverneur Général Pasquier.

Nous étions au courant de tout ce qui se passait en Europe. Nous assistons à la déclaration de guerre de 1939 en Europe. Nous savons qu’après la guerre, il y a toujours une modification des statuts des territoires français alors nous attendons le résultat du conflit. Il n’y avait aucun bombardement sur le Vietnam, rien du tout. Il y avait juste quelques difficultés au niveau de l’économie. Des contacts entre des politiques japonais et vietnamiens avaient lieu mais discrètement, personne ne le savait. Le coup de main des japonais s’est passé en une nuit. Nous nous sommes endormis le soir et nous sommes réveillés indépendants le lendemain. Nous avions entendu quelques coups de fusils la nuit et étions indépendants le matin… Indépendants… La présence des japonais en Indochine reste très discrète.
Les japonais nous laissent l’indépendance… aussi les vietnamiens choisissent leur camp. Les japonais font leur programme doucement, pas comme les communistes… Ils étaient considérés comme des libérateurs. Nous n’avons pas ressenti de différence ou de difficulté particulière pendant le conflit européen 39/45.

Le mouvement communiste avait déjà commencé son œuvre il y a longtemps mais ils se cachaient. Nous ne les voyions pas trop. Le communisme était très vague pour nous. Leur propagande les présentait toujours faisant quelque chose de bien pour le peuple, pour les pauvres… mais…. nous avons su après ce qu’ils étaient. Je ne connaissais pas leur doctrine car je n’avais pas eu l’occasion de la lire et c’était difficile de lire le Russe.

Pour moi, Ho Chi Minh était un inconnu. Il est entré en 1945 à Hanoi. Son nom était absolument inconnu. On connaît surtout Nguen Ai Quoc. On ne savait pas qu’ils étaient un. Si j’avais su qu’Ho Chi Minh était Nguen Ai Quoc peut-être l’aurais-je servi… franchement. Quand il se présentait sous le nom d’Ho Chi Minh, j’avais des doutes. Peut-être va-t-il nous tromper ? J’ai refusé de le suivre.

Sous le protectorat français, les jeunes Vietnamiens ne faisaient pas de service militaire. Les français n’ont pas voulu former d’armée vietnamienne. Ils pouvaient engager des médecins vietnamiens au même titre que des médecins français. Ils devenaient lieutenants ou capitaines. J’avais refusé cette proposition. Je savais que c’était très embêtant avec les français.
Dans les classes privilégiées, les parents choisissaient les femmes des jeunes diplômés. J’ai choisi moi-même ma femme. … nous nous marions en 1941.

Notre rencontre était un pur hasard. Je pouvais choisir qui je voulais. Je suis allé chez un oncle à un repas d’anniversaire. Je l’ai rencontrée quand je suis entré. Elle sortait. J’allais la heurter avec mon vélo. Je l’ai évitée et j’ai levé la tête pour la regarder…. J’étais…. J’ai eu le coup de foudre…. C’était elle !

Je n’ai pas voulu l’épouser avant le doctorat. Nous étions encore étudiants. J’ai voulu que ma femme connaisse la vie des étudiants. Nous n’avions pas de besoin d’argent. La famille nous entretenait encore. Nous avions beaucoup de temps libre pour nous promener, au théâtre, aller au cinéma voir des productions françaises ou américaines. Le premier film que j’ai vu est un film muet avec un pianiste à côté et le texte écrit sous les images de l’écran. Mon premier film parlant était un film sur la guerre, puis Tarzan, Laurel et Hardy, Douglas Fairbanks. C’était un bon temps. Nous ne dansions pas car le bal n’existait pas au Vietnam. Il a été importé de France. Je suis allé à Angkor Wat en 1942. Ce n’était pas encore très connu mais grandiose …

Nous nous marions et nous vivions ensemble tout de suite et ce, jusqu’à sa mort. Je n’ai eu qu’une femme et elle est décédée, il y a 37 ans…. Nous avons eu neuf enfants et ils sont tous réussis… Le premier enfant naît en 1943.

La famille passait avant tout. Ma femme s’est occupée de ses enfants comme une maman ordinaire. Certains de mes enfants ont une différence d’âge d’un an et demi… Six de mes enfants vont à l’école vietnamienne au début de leur scolarité. Nous gagnions suffisamment bien notre vie pour que ma femme bénéficie de gens de maisons pour l’aider au quotidien car elle avait du travail.

Les maladies à soigner étaient courantes même si j’ai vu passer deux épidémies de typhus. Le plus dur, pour un débutant, reste les visites de nuit qui étaient très courantes mais les japonais furent très corrects. Ils me laissaient passer sans rien me demander. Le médecin devait faire de tout, pédiatrie, médecine générale…. Avant la pénicilline apparue en 1945, il fallait se débrouiller avec ce que l’on avait, pas grand-chose… On utilisait la médecine traditionnelle que je n’ai pas apprise. Les maladies se soignaient d’abord avec des végétaux, on consultait le médecin si cela ne marchait pas. Pour les accouchements, nous avions des sages-femmes de formation européennes et des sages-femmes traditionnelles. Ma femme a accouché dans une clinique aidée par une sage-femme. J’étais avec elle.

Les grands bouleversements sont arrivés en 1945 quand la France est venue faire la guerre. Les parachutistes français, en 1944, logeaient à côté de chez moi. Ils ne fréquentaient pas la population civile. Ils restaient à l’écart. Nous savions qu’il y avait des bagarres au sein du gouvernement vietnamien dès ce moment-là. Je craignais, les hasards de la guerre, qu’une balle perdue nous atteigne. Je vivais dans le quartier français et parlais vietnamien en famille.

Je parlais français, ainsi que ma femme, avec les voisins. Peu de vietnamiens parlaient français, uniquement ceux qui avaient continué des études secondaires. Certaines familles parlaient français depuis près de 100 ans, depuis l’époque de l’évangélisation.

J’étais à Hanoi quand la guerre de la France contre le Vietnam a commencé, à l’époque de De Gaulle. Bao Dai est venu après. Je reste à Hanoi. Personne ne m’oblige à quitter la ville. Ma belle famille habite à 30 kilomètres à Dap Cau. Je continue ma vie de médecin. De par ma profession, on ne me touchait pas. Même la nuit, on a besoin d’un médecin ! Je sortais la nuit pour donner les soins, même aux communistes. On ne peut pas refuser.

J’avais huit enfants en 1954 quand les communistes me prennent tout sans aucune considération familiale ou sociale parce que je suis intellectuel et pas prolétaire. Quand on n’est pas prolétaire, on perd tout et sans discussion. Dans les villes et villages, c’est le petit communiste qui commande. Il reçoit les ordres d’en haut et les exécute plus ou moins bien au profit des communistes et à son propre profit. La meilleure solution était de partir d’Hanoi. En 1954, à l’époque des accords de Genève, je rejoins Saigon ; Hanoi/Saigon, la même distance qu’entre Paris et Marseille. En 1954 ce n’est pas la défaite des français à Dien Bien Phu qui m’intéresse mais surtout notre départ vers le sud. Je voulais notre indépendance mais pas obligatoirement des communistes. J’y suis resté jusqu’en 1975 où j’ai fait une demande de sortie du pays mais les communistes ne me l’ont accordée qu’en février 1982 où je viens en France.

Les français auraient proposé aux américains de lancer une petite bombe atomique à Dien Bien Phu, ce que les américains avaient refusé car ils étaient certains de la perte de Dien Bien Phu. Je me demande si la guerre du Vietnam n’a pas déclenché la guerre de la France en Algérie car il y avait beaucoup de soldats algériens au Vietnam, dans l’armée française. Certains ont été faits prisonniers par les communistes et ont été endoctrinés. Ils étaient ensuite libérés.

J’ai assisté à l’arrivée des communistes au Nord et au Sud Vietnam. Ils m’ont confisqué deux fois mes biens. Il ne me reste absolument rien quand j’arrive en France. Je pars d’Hanoi alors que la scission du Vietnam est faite. On me laisse partir dans le cadre de la convention des 100 jours.

Mon installation à Saigon fut difficile. Je repars à zéro. Je fais mon travail et ma femme s’occupe de la maison avec l’argent que je gagne. Je suis resté un peu à Saigon avant de partir à Hué dans le centre du Vietnam, pour y travailler pendant deux ans. J’étais médecin dans un grand hôpital. J’avais une maison. Je suis ensuite retourné à Saigon. L’avenir paraissait plutôt sombre tant que les communistes étaient là. Les classes économiquement faibles avaient beaucoup d’espoirs dans les promesses des communistes. Les classes supérieures étaient sur le départ.

Il y avait peu d’américains au début. Ils ont seulement débarqué à Touranne sous le second président et là, ils deviennent trop nombreux. On ne pensait pas que les communistes allaient gagner la guerre contre les américains.
Nous avions une certaine confiance envers les américains. Il y avait beaucoup d’attentats. Les communistes faisaient peur à la population pour que les gens les suivent.

En 1975, Saigon est devenue Ho Chi Min ville. J’étais chez moi le jour où les communistes sont entrés dans la ville. La rue était bondée et il était impossible de circuler. Les communistes ont fait la parade en ville. Ce n’était pas tellement grandiose… sauf que la population était très dense. Elle a voulu aller au centre de la ville, au palais présidentiel.

Je voulais quitter Saigon à ce moment-là. Les américains m’ont donné un laisser passer que je conserve encore, pour me rendre à un camp de séjour. Ils devaient venir chercher toute ma famille après minuit. Je les ai attendus jusqu’à la fin de la nuit et ils ne sont pas revenus. Les américains étaient très mal organisés. Les français ont organisé leur retrait pendant les 100 jours.

Mes enfants restent à la maison mais certains sont déjà en France. J’ai réussi à les envoyer en France pour qu’ils continuent leurs études. J’avais voulu être professeur de math et j’ai orienté mes enfants vers le professorat. Ils avaient tous le bac vietnamien et devaient continuer leurs études avec le programme français et en français. Je suivais les études de tous.

Si quelqu’un ne suivait pas un bon chemin, je lui donnais un avertissement. Mes trois fils ont suivi leurs classes préparatoires au Lycée Saint Louis. Le Lycée m’a envoyé un jours les bulletins scolaires du second, à Saigon, et je l’ai rouspété… et heureusement, il a très bien réussi.

J’avais déjà tout vendu quelques mois avant l’arrivée des communistes. Je bazardais les choses qui ne pouvaient pas leur plaire. Ma demande de départ faite aux autorités communistes a été accordée sept ans après. Je suis alors venu avec mes enfants, avec ma famille. C’était la condition, sinon les communistes ne me laissaient pas partir.


Voir en ligne : La Bande Dessinée : Les Migrants

Messages

  • Je recherche des traces du passé. Mon père Buu Chi fils de Ung Giam et Hau Thi Giau est né en 1918. Il est allé au lycée Pellerin et a travaillé comme secrétaire au ministère des travaux publics à Hué. Comment puis-je savoir si j’ai encore de la famille, des photos de son enfance... Merci de m’aider dans mes recherches.

    Cordialement

    • Bonjour je viens de tomber sur votre message, moi aussi je suis d’origine du vietnam et j’ai le projet d’y aller pour essayé de retrouvé ma famille . Ma Grand mére (qui a du quitter le pays pendant la guerre) pense que des membres de notre famille peut etre encore labas .. Donc je me demandais si vous avez vous réussi a retrouver leur trace ..?

      voila mon adresse : cricri_model@hotmail.fr

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