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PONDICHERY, En 1962, on n’imaginait pas que d’un seul coup, Pondichéry serait abandonné et cédé à l’Union Indienne

Mr Émile Appavou

lundi 25 mai 2009, par Frederic Praud

texte Frederic Praud


Origines familiales

Je suis né en 1944 à Pondichéry. Á la base, c’est une ville qui maintenant représente tout un Etat ! C’était la capitale d’un des cinq territoires français de la péninsule indienne. Pondichéry est française depuis Louis XIV ! Dans la famille, nous sommes français depuis des générations. Les rues étaient bien tracées, bien droites, perpendiculaires. Cela n’avait rien à voir avec les autres villes indiennes ! Autour, il y avait des villages devenus aujourd’hui des villes, mais qui font partie de l’Etat de Pondichéry. Depuis la scission avec la France en 1962, il est rattaché à l’Union Indienne.

Mon père était commissaire-priseur. Nous vivions à trois familles dans une grande maison. Nous étions plus ou moins aisés mais le métier de mon père ne rapportait pas beaucoup ! En fait, l’argent venait de la famille. Nous avions quelques biens, des terres, etc. C’est ça qui rapportait, qui nous faisait vivre. Nous avions du riz que les paysans nous apportaient. On avait ce qu’il fallait…

Á l’école française

Je suis allé à l’école française. Tout jeune, mes parents m’ont d’abord envoyé au séminaire, à l’école religieuse. J’y ai appris le tamoul. Puis, mon père m’a mis à l’école française, dans un pensionnat de jeunes filles. Jusqu’à un certain âge, c’était mixte ! Je suis ensuite allé au collège colonial de Pondichéry, qui plus tard est devenu un lycée.

J’ai reçu le même enseignement qu’ici. C’étaient les mêmes programmes ! J’ai donc appris l’histoire de France comme tout le monde : « nos ancêtres les Gaulois » etc. C’est bien plus vieux que je me suis informé sur l’histoire de l’Inde ! Enfants, on ne se posait pas de questions ! Nous vivions dans un Etat français et en 62, c’est français que je suis parti… Nos professeurs étaient à la fois français et pondichériens.

Tous ceux de ma génération ont bénéficié de l’enseignement français, contrairement aux générations suivantes, celles qui ont grandi après l’Indépendance. Depuis, le collège devenu lycée est toujours resté français. Il est toujours subventionné par la France. Mais, c’est le seul. De mon temps, c’était l’unique école publique. Les autres écoles étaient privées. Il y avait même une école anglaise où l’on enseignait également le français. Elle proposait une section française. Il existait également une école religieuse, Saint-Joseph de Cluny, des sœurs, qui enseignaient à la fois le français et l’anglais. Après l’Indépendance, la langue française a décliné au profit de l’anglais.

S’engager dans l’armée française

L’indépendance a été signée en 1958 mais la scission définitive n’a eu lieu qu’au mois d’août 62, l’année où j’ai quitté Pondichéry. Á quatorze ans, j’avais déjà dans l’esprit que j’allais partir. Je voulais m’engager en tant qu’enfant de troupe. J’avais envie d’aventure et j’étais pratiquement le seul dans la famille. Je partais et après je me faisais sanctionner ! J’aimais prendre des risques ! Mais, je n’ai pas pu le faire, à cause d’une histoire d’âge. C’est par le Consulat général de France qu’on était recruté pour venir en France.

Après, je voulais m’engager dans l’armée car j’avais un cousin engagé dans l’armée de l’air. Un oncle avait participé à la libération de la France en 44-45. Il racontait la guerre, la campagne d’Alsace. Je le voyais rarement parce qu’il n’était pas à Pondichéry mais à Karikal. C’est son fils qui après, est entré dans l’armée de l’air française. Il a fait la guerre d’Indochine et celle d’Algérie. Je le voyais quand il venait en vacances. Il est donc clair que j’ai toujours été attiré par l’armée, d’ailleurs, d’avantage que par la France…

En 1962, on imaginait pas que d’un seul coup, Pondichéry serait abandonné et cédé à l’Union Indienne. Á ce moment-là, il fallait donc faire un choix. Pas mal de gens comme moi se demandaient si en restant, ils devraient se recycler ! Nous avions connu l’enseignement français, nous étions francophones et désormais, c’était le règne de l’anglais ! Il fallait revenir en arrière ! Alors même si c’était difficile, mes camarades et moi avons choisi de partir. Ceux qui avaient les moyens sont allés terminer leurs études en France et moi, j’ai décidé de m’engager dans l’armée française.

L’indépendance : choisir sa nationalité

Après l’Indépendance, chacun devait faire le choix de sa nationalité. Une période de transition était prévue pour opter ou non en faveur de la nationalité française. Ceux qui voulaient la conserver étaient obligés de quitter le pays pour venir en France. Mais malheureusement, la population a été très mal informée et beaucoup de gens en ont subi les conséquences. Ils se sont retrouvés piégés, une fois la date limite dépassée. C’était peut-être fait exprès ! Le gouvernement indien ne voulait pas que tout le monde parte ! Et puis, il y avait peut-être un accord avec la France ! Le consulat informait mal alors qu’un décret était sorti.

Dans la famille, nous étions sept enfants. Un seul n’a pas opté pour la nationalité française. Il a suivi l’enseignement anglais et m’a rejoint après. Moi, j’étais parti jeune ! Mon frère aîné n’était pas à Pondichéry à ce moment-là. Il se trouvait au Maroc, à Rabat, où il était enseignant. Mes autres frères étaient jeunes et quand mon père a pris l’option de conserver la nationalité française, les enfants ont suivi ! Et à dix-huit ans, ils ont confirmé. Ils sont restés à Pondichéry durant leur jeunesse, puis sont tous venus en France. Mon père a donc choisi de les élever là-bas. Lui n’a pas quitté le pays. Il a continué dans sa profession de commissaire priseur jusqu’à la retraite.

L’image de la France

Pour moi, la France, c’était le pays de la liberté ! J’avais des camarades français et je voyais un peu comment était la vie là-bas, dans les films, les documents. Depuis longtemps, j’avais dans l’esprit que mon avenir était là-bas. C’est pour ça que je suis parti… Á l’époque, on se sentait français ! Nous n’avions rien à voir avec les Indiens, même si certains sont toujours restés mes camarades. Après l’Indépendance de l’Inde, nous étions un peu jalousés par les autres ! Ils ne comprenaient pas que nous restions autonomes et voulaient annexer complètement Pondichéry, la fondre dans leur territoire. Mais quarante ans après, l’Inde n’a pas réussi à noyer Pondichéry. C’est toujours resté un Etat à part…

Beaucoup de Pondichériens, après être venus ici, sont repartis là-bas pour la retraite car il y a de nombreux avantages à y vivre ! Quoique maintenant, ils ont quand même changé pas mal de choses au point de vue taxes. Mais avant, elles étaient bien moins élevées que dans les autres régions de l’Inde ! C’est pourquoi, beaucoup de gens venaient vivre ou acheter à Pondichéry, rien que pour ça. Et puis, la langue française s’y est toujours maintenue, à cause des anciens et des Français qui y retournent en vacances, pour un mois ou deux. Moi, j’ai toujours une maison là-bas. C’est l’héritage de la famille ! Nous l’avons toujours gardée ! Maintenant mes parents ne sont plus là mais nous y allons régulièrement…

Après le rattachement à l’Union Indienne, ils ont voulu tout de suite effacer les traces de la présence française. Mais finalement, seuls les noms français des grandes avenues ont été changés en noms indiens. Mais, quand je vais là-bas, j’utilise toujours les anciens noms ! Alors, les gens me disent : « Vous savez Monsieur, ça a changé ! » Au début, ils voulaient tout effacer ! C’était la réaction ! Mais après, peut-être aussi grâce à l’opposition des Français restés là-bas, tout est rentré dans l’ordre et aujourd’hui, tout se passe très bien.

Quand je suis arrivé en France, j’ai été très bien accueilli. C’était le même esprit que là-bas, à Pondichéry. Avant 62, il y avait quand même pas mal de Français et on vivait ensemble ! Notre vie était plus ou moins comme ici ! Pour moi, il n’y a donc pas eu de changements. Je savais déjà comment était la France !

Arrivée sur le sol français

En novembre 62, j’ai débarqué à Marseille. J’avais embarqué à Bombay, sur un navire français en provenance de Phnom Penh, au Cambodge. Je suis passé par le canal de Suez, etc. C’était un grand voyage ! La traversée a duré quinze jours. C’était magnifique ! Je prenais la mer pour la première fois.

Bombay étant une grande ville industrielle et portuaire, je n’ai pas été dépaysé en arrivant à Marseille. C’était à peu près pareil, même si évidemment, les gens étaient différents. J’ai été reçu par mon cousin, sous-officier dans l’armée de l’air, venu exprès pour m’accueillir. Je n’étais donc pas perdu ! En plus, des camarades m’accompagnaient. Mais, eux s’étaient déjà engagés à Pondichéry alors que moi, je suis arrivé en tant que civil et je me suis engagé après.

Pour moi à l’époque, Marseille était une grande ville ! C’est la première ville de France avec laquelle j’ai fait connaissance. C’était merveilleux ! Un photographe a pris une photo de nous, l’a fait développer tout de suite et nous l’a donnée. C’est un souvenir que j’ai gardé… Par contre, il faisait très froid car c’était en novembre et mon cousin m’avait apporté un manteau. Je n’avais pas prévu ça ! Et encore, à Marseille, il ne faisait pas aussi froid qu’à Paris. Mais, je me suis vite adapté au climat. Je n’ai pas pris peur en me disant : « Tiens, j’arrive dans un endroit inconnu ! » J’avais déjà imaginé tout ça… J’avais vu plein de films ! Pour moi, Marseille, c’était la Côte d’Azur.

Ensuite, je suis allé chez mon cousin à Ambérieu-en-Bugeay, dans l’Ain, près de Lyon. Là-bas, il faisait déjà plus froid ! D’ailleurs, le lendemain, la neige tombait. Á Pondichéry, je n’avais jamais vu ça ! En Inde, de la neige, il n’y en a que dans l’Himalaya ! Avant de venir, je savais qu’en France il y a quatre saison mais l’hiver 62 a quand même été assez rude. Il a neigé de novembre à mars. Il a même fait -30°c lorsque j’étais dans l’armée à Auxerre. Alors évidemment, ça me changeait ! Mais, je me suis tout de suite habitué. D’ailleurs, quand je retourne à Pondichéry, j’ai trop chaud. Il fait 30 °c en moyenne même si la température descend parfois à 20°c.

Débuts dans l’armée

Au départ, je me suis engagé dans l’armée de l’air française pour deux ans seulement, car j’ai été mal informé. J’ai donc été obligé de renouveler mon contrat. Á ce moment-là, j’avais dix-huit ans révolus et c’est mon cousin qui m’a fait entrer, même si j’ai fait moi-même les démarches. Je suis allé dans un centre de recrutement à Lyon, où l’on m’a fait passer des tests psychotechniques, etc. Puis, on m’a envoyé faire mes classes à Auxerre.

Nous étions encadrés par des commandos qui rentraient d’Algérie où la guerre venait juste de prendre fin. Ils étaient très durs ! Pour moi, ce sont à la fois de bons et de mauvais souvenirs… Mais, c’étaient mes débuts ! Il fallait bien passer par là ! Ces cadres ont ensuite été contrôlés et changés. Ils venaient de terminer la guerre et ils se sont défoulés sur nous ! Ils voulaient nous entraîner comme eux alors que l’on était jeunes ! Nous n’étions pas des commandos ! Alors, c’était très dur… La plupart des gens comme moi, qui venaient également de Pondichéry, ont beaucoup souffert… Mais bon, il fallait tenir le coup…

Les autres soldats savaient en général où se trouvait Pondichéry. Á l’époque, on l’apprenait à l’école ! Par contre, plus tard, j’ai rencontré des officiers qui l’ignoraient, qui me posaient des questions du genre : « D’où est-ce que vous sortez ? Qu’est-ce que vous faites ici ? » Moi, je ne comprenais pas ! J’étais étonné !
« - Pourquoi vous me demandez ça ? Je suis français ! Je viens de Pondichéry !
  Ah bon ! Pondichéry, c’était français ! »
Mais, ils étaient d’une autre génération. Ils n’avaient certainement pas dû suivre le même enseignement. Il faut dire que l’histoire des comptoirs français de l’Inde a été retirée des programmes ! Maintenant, ça n’existe plus ! Je ne sais pas exactement quand ça a changé mais mon fils, né en 68, ne l’a pas étudiée.

Mai 68

J’ai fait toute ma carrière dans l’armée. En 68, j’étais en service en Alsace, à Drachenbron, à la frontière. Je suis retourné à Pondichéry en février, pour me marier et lorsque je suis revenu, les évènements avaient déjà commencé. J’ai atterri à Paris et de là, j’ai pris le train. Je n’ai donc pas vraiment vu les manifestations. Je les ai vues seulement un peu plus tard, à la télé. Je savais qu’il y avait la grève générale partout. Ça a d’abord commencé par les étudiants et ensuite, ça s’est répandu. Tout le monde s’y est mis. C’était la totale ! Les avions, les trains, les bateaux, etc. Alors, l’armée a pris la relève.

Comme j’étais dans l’armée de l’air, nous nous sommes occupés du contrôle aérien. Il fallait remplacer les contrôleurs civils. Je me suis donc retrouvé dans une salle d’opération et c’était vraiment très dur… Il y a même eu un accident et on a voulu mettre l’armée en cause… Les avions partaient sans plan de vol et il fallait que nous reprenions le contrôle complet de la situation aérienne ! Les compagnies françaises étaient en grève mais pas les compagnies étrangères.

Á ce moment-là, je venais de me marier et je devais m’installer. J’avais obtenu un logement par l’armée, les meubles que j’avais achetés, mais avec la grève, ce n’était pas encore livré. Il a donc fallu que je vive pendant un certain temps chez un ami, avant que la maison soit habitable.

Une épouse Pondichérienne

Mon épouse est pondichérienne. On se connaissait depuis longtemps ! C’était une fille de la famille. Je fais partie d’une génération où les parents arrangeaient les mariages. Il était donc prévu que j’épouse ma cousine. Lorsqu’elle est devenue une jeune femme, on me l’a proposée en mariage et j’ai donné mon accord. Je suis le quatrième enfant de ma famille et le dernier pour qui les choses se sont passées comme ça. Mes frères cadets ont épousé des filles qu’ils avaient rencontrées et aimées… Mon dernier frère est quand même plus jeune de dix ans ! Il a donc été plus libre…

Mes enfants sont tous mariés. Mon fils a épousé une pondichérienne mais nous n’avons rien arrangé. C’est lui-même qui l’a voulu ! Il faut dire que nous retournions souvent à Pondichéry ! Et finalement, il a fait un peu comme nous. Il a épousé la fille de ma sœur, sa cousine. Aujourd’hui, ils ont un enfant…

Trente ans à Sarcelles : l’aller retour Grand Ensemble / Village

Je me suis installé à Sarcelles en 1975. Á l’époque, j’étais affecté à Taverny. C’est pour ça que j’ai pris le logement qui m’était donné par l’armée, dans le Grand Ensemble, rue Jean-Philippe Rameau. Á ce moment-là, les Flanades n’étaient pas encore construites ! Le Grand Ensemble était tout nouveau ! Il avait à peine vingt ans. Sarcelles était la première ville pilote de banlieue. Elle est devenue après une ville dortoir.

Quand je suis arrivé ici, je partais travailler le matin et je ne rentrais que le soir. Je ne voyais donc pas beaucoup de gens ! Par contre, ma femme y vivait. Mais, elle était bien ! Elle n’avait jamais eu de problèmes ! Les enfants allaient à l’école, etc. Il n’y avait pas tous les soucis que l’on rencontre maintenant ! Enfin, je crois qu’aujourd’hui, il y en a quand même beaucoup moins qu’il y a une dizaine d’années. De toute façon, à ce moment-là, j’avais déménagé. J’avais acheté un pavillon au Village. Je suis resté neuf ans au Grand Ensemble, jusqu’en 1984. Je ne voyais donc plus les problèmes qu’il y avait. J’apprenais seulement ce qui se passait par les gens qui en parlaient. Par exemple, beaucoup avaient peur d’aller à la gare. Moi, Sarcelles, je ne l’avais pas connu comme ça !

Lorsque j’habitais au Grand Ensemble, je ne sortais que le week-end. Mais, ma femme s’y plaisait bien ! Évidemment, les premier temps, elle a trouvé un changement par rapport à la province. Là-bas, on vivait dans un village et elle connaissait tout le monde. Á Sarcelles, ce n’était pas pareil ! Le voisin de palier vous disait « bonjour », « bonsoir », et ça s’arrêtait là. Il a donc fallu qu’elle s’adapte et au début, ça n’a pas été facile… Elle était plus ou moins sensible et elle est tombée malade… Elle a toujours été fragile… Mais après, elle s’est remise…

En 1975, il y avait déjà des gens originaires de Pondichéry à Sarcelles. C’est d’ailleurs une des raisons qui m’ont poussé à venir ici. Et puis, j’avais de la famille dans les alentours, en région parisienne. J’ai donc quitté la province surtout pour ma femme.

Je pense que les problèmes des années 80s-90s sont liés à la venue massive d’étrangers, en particulier d’Africains non francophones. Avant, il n’y en avait pas ! On trouvait surtout des Maghrébins. Après, beaucoup de réfugiés sont arrivés, etc. Je pense que c’est ça qui a fait changer les choses ! On a commencé à voir de plus en plus de jeunes traîner constamment dehors, n’allant pas à l’école et qui automatiquement, faisaient des bêtises. On ne comprenait pas pourquoi les parents laissaient faire ! En tout cas, c’est ce qui a produit l’insécurité...

Moi, j‘entendais seulement parler de tout ça car je n’habitais plus au Grand Ensemble. J’étais au Village. Mais, les gens racontaient qu’ils s’étaient fait agresser, etc. Quand le soir, j’accompagnais quelqu’un à la gare, je voyais effectivement des jeunes qui traînaient ! Mais, je crois que ça s’est quand même calmé depuis…Les choses ont bien changé, même si les gens continuent à dire : « Ah ! Vous habitez à Sarcelles ! Là-bas, on ne peut pas mettre le pied dehors ! » Je sais qu’à la gare de Sarcelles Village, il y avait toujours un maître-chien qui faisait des rondes la nuit ! Je le voyais lorsque j’allais chercher ma nièce qui venait pour le week-end.

Quand j’étais au Grand Ensemble et que je travaillais à Taverny, un bus militaire qui venait nous chercher. Il n’y avait donc pas de problème ! Mais après, lorsque je me suis installé au Village, ça s’est dégradé et je voyais beaucoup d’interventions des policiers à la gare. Maintenant, le calme est revenu mais à l’époque, j’essayais chaque fois de rassurer les gens et, si quelqu’un devait arriver tard le soir, j’allais systématiquement le chercher…

Ma femme est très vite allée faire le marché toute seule. En province, il fallait se rendre en ville pour faire des courses ! Dans le village, il n’y avait rien ! Et puis, le marché lui plaisait parce que ça lui rappelait Pondichéry. Là-bas, il y en a un pratiquement tous les jours.

En province, j’étais beaucoup plus près d’elle ! Il fallait que je m’occupe de tout ! Alors que là, elle était plus ou moins autonome. Je ne préoccupais pas beaucoup de son quotidien. Elle fréquentait une autre famille pondichérienne qui habitait dans le même bâtiment. Le week-end, on sortait, on allait faire les courses, etc. Elle n’a jamais exprimé de malaise ! Je pense qu’elle se sentait très très bien…

Aujourd’hui, je n’habite plus au Village. Je suis revenu vivre en appartement, dans le Grand Ensemble, car là-bas, nous avons tout sous la main, à proximité. Désormais, je suis retraité et ma femme a plus ou moins des problèmes de santé. C’est donc plus pratique. Nous sommes en plein milieu des commerces ! On se sentait un peu seuls dans notre pavillon maintenant que les enfants sont partis. Mon fils est à Bondy et ma fille à Vitry-sur-Seine.

Pendant longtemps, je me suis senti en banlieue mais aujourd’hui, j’ai complètement oublié cet aspect. J’ai pleinement intégré la vie à Sarcelles et je n’ai plus l’impression de vivre dans une ville un petit peu à part, d’être un banlieusard…

S’il y avait quelque chose à améliorer à Sarcelles, je pense que ce serait le respect des gens pour leur environnement. Quand on en voit certains jeter leurs déchets par la fenêtres, c’est vraiment inadmissible ! Sans parler de tout ce qui traîne dans la rue. Mais, c’est avant tout une question d’éducation, à la fois des enfants et des parents. On ne pourra obtenir le changement que par là. Il faut que les gens prennent conscience que c’est leur ville qu’ils dégradent…

Avant, nous allions très souvent au marché de Sarcelles mais on ne le fréquente plus que très rarement. Je peux difficilement y emmener ma femme et il y a trop de monde. On se fait bousculer.

Vie associative

En 1975, les associations indiennes n’existaient pas encore à Sarcelles. Par contre, il y en avait quelques-unes à Paris. Je me suis d’ailleurs inscrit dans la première association de Pondichériens créée en France, c’est-à-dire « l’ Association des Français de l’Inde », l’AFI. Á ce moment-là, tout le monde venait à Paris ! J’étais adhérent bien qu’étant en province.

Par la suite, nous avons créé notre propre association à Sarcelles, « l’Union amicale franco-indienne ». On organisait des manifestations plus ou moins culturelles, des débats, où l’on discutait du statut de la femme indienne, des mariages arrangés, des questions qui se posaient à cette époque-là, pour réunir un peu tout le monde et préparer les jeunes à ce genre de réflexion. C’était ouvert à tout le monde ! Avant, on se retrouvait dans des salles, comme la salle Néruda, et maintenant, depuis quelques années, on se réunit à la MJC.

Seulement, nous organisons moins d’animations depuis deux trois ans. On vieillit et il n’y a plus de relève ! Aujourd’hui, les jeunes sont devenus adultes et la plupart travaillent, se sont mariés, ne sont plus là, comme par exemple ma fille qui m’aidait beaucoup… C’était très fort ! Tout le monde aimait les débats culturels que l’on organisait. Cela a même été demandé par d’autres et une fois, nous sommes allés faire ça dans une université, à Villetaneuse !

Les nouveaux arrivants de Pondichéry

Aujourd’hui, des migrants arrivent encore de Pondichéry et c’est quelque chose que je ne parviens pas à comprendre. Ce ne sont plus des Français ! C’est peut-être mal de ma part de critiquer ça, mais même si la France représente pour eux une porte vers le développement économique, ces gens pourraient rester là-bas où ça évolue bien ! Quand ils arrivent, c’est tout un changement pour eux ! Ils rencontrent de gros problèmes auxquels ils ne sont pas préparés et beaucoup échouent… Il faut que ceux qui viennent soient vraiment solides ! Déjà, il faudrait qu’ils maîtrisent la langue ce qui est rarement le cas…

Beaucoup d’Indiens s’installent à Sarcelles parce qu’il y a déjà une communauté. Mais, tous ne sont pas originaires de Pondichéry ! Loin de là ! Les Sri Lankais forment par exemple un groupe à part. Ils n’ont rien à voir avec Pondichéry ! Ils sont venus en tant que réfugiés et maintenant, il n’y en a plus qui arrivent. Ou alors, ce sont les familles déjà installées ici qui font venir les autres. Quoi qu’il en soit, aujourd’hui à Sarcelles, il y a une communauté très importante de Sri Lankais. On les appelle les Tamouls parce qu’ils parlent la langue tamoule.

Message aux jeunes

Il faut que les jeunes acceptent l’autre, qu’ils acceptent les différences et qu’ils prennent conscience que l’avenir leur appartient… C’est à eux de le prendre en main et de le mener à bien ! Á Sarcelles, il y a une grande diversité de population et si chacun respecte l’autre, nous pourrons vivre en harmonie… Il faut accepter le changement ! Je pense que les gens qui viennent d’arriver doivent s’adapter tout de suite à la vie de Sarcelles. De ce point de vue, je crois que beaucoup d’améliorations sont en cours grâce notamment au travail des associations, aux réunions, etc. Les structures comme la MJC, les plates-formes d’animation ou les centres culturels aident beaucoup en permettant aux jeunes de se sentir chez eux dans la ville, de se connaître et d’accepter la vie en collectivité…

récit collecté par :

frederic.praud@wanadoo.fr

parolesdhommesetdefemmes@orange.fr

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Voir en ligne : La Bande Dessinée : Les Migrants

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