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Pompier de Paris sous l’occupation

Monsieur Cousin né en 1920 à Sarcelles

dimanche 19 novembre 2006, par Frederic Praud

texte Frédéric Praud


Je suis né à Sarcelles le 13 avril 1920. Notre commune comptait alors 6662 habitants. La population était surtout ouvrière, travaillant souvent à Saint Denis. Elle était aussi paysanne car elle comptait une quarantaine de cultivateurs. Comme nombre de ces cultivateurs portaient le même nom de famille, chacun avait son surnom, parfois « rigolo », jamais injurieux.
Sarcelles avait une école, laïque, gratuite et obligatoire pas loin d’une écore libre, dénommée « école des curés ». l’école laîque comptait trois classes chez les garçons, trois classes chez les filles. La commune comptait aussi une école maternelle ou je sui srentré à l’âge de deux ans et demi.
La fête communale avait toujours lieu le 14 juillet avec une retraite aux flambeaux et un feu d’artifice… dans les marais, avec nos deux sociétés de musique. Sarcelles comptait trois clubs de football : le club sportif sarcellois, l’union générale arménienne et le patronage laïque. L’Avenir de Sarcelles avait une école de gymnastique…
Le travail… on commençait à 14 ans (ma première carte de sécurité Sociale date de 1934)….

Origine familiale

Ma famille est originaire de Sarcelles, ma grand-mère, mon père, mon frère et mes trois sœurs. Mon fils y est également né. Ma grand-mère était blanchisseuse. Mon père était menuisier et pompier volontaire. De voir mon père en lieutenant des pompiers m’avait donné envie de faire ce métier. La façon dont il narrait ce qu’il avait fait m’avait influencé. Quand il arrivait avec le sourire, je savais qu’il avait réussi son intervention et quand il avait sa figure triste, je savais que cela s’était mal passé. J’ai fait quarante-deux ans chez les pompiers ; mon frère, quatre ans et mon fils, cinq ans.

Une adolescence sarcelloise

Adolescents à Sarcelles, nous n’avions pas de rêves insensés. Nous vivions au jour le jour. Nous étions une armée de copains toujours en activité mais sérieux à l’école. Le jeudi, nous allions au bois d’Ecouen chercher des fleurs, des châtaignes. À ce moment de ma vie, je peux dire que j’ai été heureux, à la maison, avec les copains, parmi les voisins. Puis, j’ai commencé à travailler en 1934. En ce temps-là, la vie était difficile dans les familles ouvrières !

Le quartier du Barrage est né dans les années 25 à 30. Les gosses du Barrage, du Mont de Gif, de Chauffour venaient à l’école à pied le matin, repartaient à 11 heures pour le déjeuner et revenaient à 13 heures. Il n’y avait aucune animosité entre les gosses des quartiers. Les premiers étrangers à s’installer à Sarcelles furent les Arméniens ! Tous étaient des copains. Leurs parents étaient surtout tailleurs et cordonniers, il fallait aller chez eux si on voulait avoir un beau costume. C’étaient des gens discrets. On ne les appelait jamais par leur nom entier. On éliminait le « ian » final de leur nom. Ainsi, Katchatourian était appelé « Katcha » ; Davidian, « David » ; Panossian, « Panos » ; Bablarian, « Bablar ».

Les relégués de Sarcelles

Au début du 20ème siècle, les interdits de séjour dans le département de la Seine, après un petit délit, s’installaient assez souvent à Sarcelles. Ils s’étaient regroupés dans la rue Aylé, du nom d’un ancien maire de la ville. Quand les interdictions de séjour furent levées, beaucoup repartirent. Le maire dit, « Maintenant, on va vivre en paix. », et il a rebaptisé la rue Aylé en rue la Paix.

Un soir en 1937, il y eut un feu au moulin de Chauffour, un beau moulin dans une belle bâtisse ! Les pompiers partirent à pied avec une motopompe ! Ils avaient les pieds dans la boue sur le chemin qui menait dans le bois d’Ecouen. Je les avais suivis. Le lieutenant Verlynde me demanda de partir en « éclaireur » afin de constater ce qui se passait. J’ai couru très vite et j’ai découvert qu’une grosse poutre de bois brûlait dans une cheminée de quatre mètres de large. J’ai gratté la poutre et j’ai envoyé un de mes copains qui habitait cette maison bourgeoise. « Tu retrouves les pompiers et tu leur dis que ce n’est plus la peine qu’ils viennent avec la motopompe mais simplement avec un matériel léger. »

J’avais presque éteint le feu quand ils sont arrivés. Le grand-père de mon copain dit, « Assieds-toi mon garçon ! » Je m’assois comme il me le demande.
« Tu sais sur quelle chaise tu es assis ?
 Non, m’sieur !
 Cette chaise était la chaise de Louise Michel !"
La communarde Louise Michel était aussi une « interdite de séjour » du département de la Seine. Elle s’était réfugiée dans le moulin de Chauffour.

Les Fridolins

Je n’avais pas de haine particulière envers les Allemands, envers personne, d’ailleurs. Mon père avait fait partie des troupes d’occupation dans la Ruhr après l’armistice de 1918. Il avait été déçu de la manière dont on traitait les Fridolins. Nous n’étions pas des guerriers dans notre famille un peu cosmopolite.
Mes grands-parents paternels étaient des descendants de Belges, une autre partie était italienne… Nous avons donc appris à respecter la différence et jamais mon père n’a traité qui que ce soit « d’être inférieur ». Notre internationalisme s’est depuis lors développé : un Polonais, une Japonaise, un San Marinois. Belle famille…croyez-moi !

Le 3 septembre 1939 marque la mobilisation générale. Presque toutes les familles sarcelloises sont privées soit d’un père, soit d’un fils, appelés sous les drapeaux… jusqu’à mai 1940, rien n’avait évolué dans Sarcelles. On parlait « d’une drôle de guerre ! ». le réveil fut brutal. Les allemands lancent leur vaste offensive contre la Hollande, la Belgique et la France.

Les sarcellois virent alors passer des réfugiés civils belges par milliers… puis les soldats belges, épuisés… puis les français du Nord, du pas de calais, de la Somme, de l’Oise… Les sarcellois prirent à leur tour le chemin de l’exode jusqu’à ce que les troupes allemandes les rattrapent. Beaucoup de ces réfugiés firent des dizaines et des dizaines de kilomètres, qu’ils durent refaire pour rentrer dans leurs demeures… Que nombreux furent ceux qui ne le retrouvèrent qu’après le passage de gens sans vergogne. On me déroba tout mon linge de corps et mon accordéon. Ce que l’on appela la débâcle laissa les français anéantis. Elle me prit mon père et ma mère.

Je suis entré chez les pompiers le premier mars 1940, à Clichy. J’allais avoir vingt ans. De la déclaration de guerre en septembre 1939 jusqu’à l’invasion allemande en juin 1940, la vie a continué comme avant, sans restriction. Cela a été le calme complet jusqu’au 8 mai. Après ce fut le début de l’exode…

Je fus étonné que les pompiers doivent quitter leur poste devant l’invasion allemande. Sur ordre, bien sûr ! Je me suis retrouvé dans la Vienne, à Neuville-de-Poitou. J’en suis revenu de toute urgence ayant appris qu’un malheur aurait frappé ma famille sur la route de l’exode. Il n’en était rien, heureusement ! Quand les gens sont rentrés à la maison après la débâcle, la guerre avait été perdue mais tout le monde était assez content que cela se termine sans trop de mal.

Les Allemands avaient imposé aux pompiers de Paris un commandant commun. Les pompiers de Paris étaient, donc, un peu sous leur dépendance. J’ai appris un peu d’allemand, avec ces Fridolins, en tant que stationnaire au poste des pompiers.
« Allo Feuervhermann ?
 Oui, ya.
 Flug alarm (danger aérien !) »
On se préparait et on attendait puis « Alarm fertig. Gute nacht ! (Danger terminé…bonne nuit !) »
Il y avait souvent une ou deux alertes par nuit. Les Fridolins étaient prévenus bien avant nous. Ils décidaient de nous alerter selon l’importance des renseignements qu’ils avaient, selon l’importance des raids.

Les prisonniers se comptaient par centaines de milliers. Les troupes allemandes occupaient sarcelles.
On ne peut pas dire que les gens ont été malheureux à Sarcelles. Ils n’ont jamais subi de sévices des Allemands, ni de représailles.

La Kommandantur s’était installée dans la propriété Brochot. Des détachements allemands patrouillaient dans nos rues en chantant des marches comme « Heili. Heilo. »… que reprenaient les gosses des écoles. Les soldats allemands étaient corrects. Pendant de nombreux mois, il n’y eut pas de restrictions alimentaires mais cela ne dura pas.

Notre famille nombreuse

J’étais pompier à Clichy mais je continuais d’habiter Sarcelles avec ma femme. Ma mère était malade et passait son temps à la fenêtre, clouée à sa chaise. Un Allemand venait parfois lui offrir une petite friandise. Il avait lui aussi des enfants. Il est parti un jour sur le front russe. Le plus dur de l’occupation allemande concernait tout ce qui touchait à la nourriture.

Mme Cousin : Oui, car nous avons hérité de cinq enfants suite au décès de ma belle-mère. Mon mari avait trois sœurs et un frère. Je me suis retrouvée avec quatre enfants, un mois seulement après mon mariage. Je n’avais que vingt ans.

M. Cousin : Certaines personnes bien intentionnées ou trop dévouées ont voulu mettre mes soeurs au Secours national. Ma femme s’y est opposée, et elle est allée les chercher pour qu’ils restent avec nous ! Un merci éternel !

Mme Cousin : On avait peu à manger ! Ça a été un début de mariage très dur. Quatre enfants, plus notre fils qui est né en 1942. Nous allions nous ravitailler à la campagne à vélo ! On peut dire qu’on en a bavé !

M. Cousin : Comme beaucoup de Sarcellois, nous avions un petit jardin. Nous allions aussi cueillir les petits pois dont les « 42 de Sarcelles ». Beaucoup de Parisiens venaient pour les acheter aux agriculteurs. Ceux-ci ne se déplaçaient même plus aux Halles. Ils vendaient leur production dans leurs champs. Près de deux cents « trimards », cueilleurs de petits pois, venaient travailler à Sarcelles avant-guerre ; petits pois cultivés vers la plaine de Sarcelles (entre Sarcelles et Villiers-le-Bel). La « terre à attraper les singes » de Lochères, très bonne pour les petits pois, n’était pas trop gluante, seules les racines d’asperge y poussaient bien !

Un jour, un camion d’allemand a heurté attelage de "pailleux" qui revenait de livrer de la paille à Paris. Un cheval a fait un écart et les Allemands l’ont écrasé… Nous avons retrouvé ce cheval, le lendemain, à la boucherie… Les commerces n’ouvraient que lorsque les commerçants avaient quelque chose à vendre. Ainsi, un jour, un charcutier avait annoncé la vente d’un cochon à partir de 8 heures. Je me lève à 4 heures du matin et j’arrive du côté des non prioritaires… Ma femme, elle, était prioritaire mais elle ne pouvait pas y aller. Il fallait préparer les gosses pour l’école à 8 heures, « Cinq personnes, une priorité ! » On entendait, « Cinq côtelettes, un rôti de porc… » et au fur et à mesure, « Chipolatas, boudins… » Puis, il n’y avait plus rien à vendre. Je suis reparti bredouille après quatre heures de queue.

Les adultes avaient droit à deux cent cinquante grammes de pain par jour, cent quatre-vingts grammes de viande avec os par semaine ou quatre-vingt-dix grammes sans os, cinq cents grammes de sucre par mois par personne, quarante grammes de fromage par semaine…
Les enfants étaient J2 de cinq à sept ans ; les adolescents, J3, avaient un peu plus. Les MCV, majeurs cultivateurs ou les vieux, avaient des rations complémentaires…

Mme Cousin : Je coupais un camembert en sept parts. Les enfants emmenaient leur petite part dans leur armoire pour la cacher. Les J2 et J3 avaient droit aussi à des bonbons. Je faisais des petits tas égaux pour ne pas faire de jaloux.

M. Cousin : Nous achetions des fausses cartes de pain à des revendeurs sans vergogne mais elles étaient mal imitées. Les boulangers n’en voulaient pas ! Pendant cette période (de 1940 à fin 1943), la vie à Sarcelles s’était écoulée comme si les Fridolins n’étaient pas là.

Les bombardements de Paris

En tant que pompier, j’ai passé la guerre entre Sarcelles et Clichy. Mes permissions ? J’allais travailler à la binette chez les cultivateurs. Comme paie, je rapportais des légumes et des fruits pour la maisonnée. Les bombardements n’ont commencé qu’en 1943. Avant, nous ne faisions que nos interventions habituelles : feux, accidents. Puis, les bombardements se firent de plus en plus nombreux, durs et meurtriers. Les tanks Esso ont brûlé à deux mois de la Libération. La gare de la porte de la Chapelle a été bombardée en deux fois. Il a fallu partir très vite car la seconde vague est arrivée vingt-cinq minutes après la première. On ne regardait pas qui on relevait Français ou Fridolins… Bilan : six cent quarante-deux morts, deux mille blessés !

J’ai fait deux bombardements à Sarcelles. Un avion qui devant bombarder le Bourget lâcha ses bombes dans les Prés sous la ville, laboura le terrain mais ne fit aucun blessé. Le second bombardement eut lieu sur le quartier du Barrage. Les bombes ont labouré la rue de la Fontaine en tuant une personne et en faisant une dizaine de blessés ainsi qu’une quinzaine de maisons endommagée.

J’entendais les informations sur l’avance des troupes soviétiques et alliées. Je les donnais chaque jour en compte-rendu à des amis dessinateurs qui indiquaient l’importance de l’avance des troupes russes sur une carte cachée dans le placard de leur atelier. Nous avons vu partir les troupes allemandes vers le front de l’Est (pour empêcher les Russes d’arriver jusqu’à Berlin). Ceci a facilité la tâche des Américains pour le débarquement ! On parla de quarante divisions allemandes, cela faisait un « trou » ! Mais cela n’a jamais été évoqué même dans les cérémonies du soixantième anniversaire de ce débarquement !

Les Alliés arrivent

Nous étions contents que les Alliés débarquent mais nous n’étions pas au bout de nos peines ! Nous attendions que la guerre finisse, le reste n’était que littérature ! A Paris, les pompiers avaient aidé à scier des arbres pour empêcher les tanks allemands de passer. Mais la véritable libération de Paris a commencé quand les Leclerc ont foncé d’Arpajon vers la capitale. Nous avons aidé à faire une barricade mais je n’ai jamais pris un fusil pour tirer sur quoi que ce soit. Je ne pense qu’à sauver des gens, pas à en tuer.

Un soir, nous apprenons que les Leclerc sont à la porte d’Orléans. Toutes les cloches se mettent à sonner. Je suis à Clichy. J’ai pensé, « Si ça dure longtemps, je ne pourrai jamais retourner à Sarcelles ! » Je demande donc l’autorisation de retourner à la maison. J’y vais à travers champs car ça se bagarrait dans Saint-Denis. Les premiers à réagir à Paris sont les FTP, les FFI et la préfecture de police. Je reviens, donc, à Sarcelles pour être avec les miens s’il y a un coup dur. Trois jours après mon arrivée les Fridolins font sauter la route nationale à hauteur du cimetière.

La veille, l’Etat-major allemand était encore installé au 147 rue de Paris, dans la propriété Carpin ! Le soir avant de faire sauter la route, un char Tigre est parti de cette propriété avec des blessés installés sur ses côtés. Ils se sont dirigés vers Ecouen où leur Etat-major était installé dans la propriété Korfan. (Paris avait été déclarée ville ouverte dans cette même propriété en 1940.) Le char Tigre est resté en position face à Sarcelles !

Il n’y a finalement rien eu dans Sarcelles pendant ces derniers jours d’occupation. Mais, une dure bataille s’est déroulée dans la vallée de Gif faisant de nombreux morts allemands. Désigné par le lieutenant Demur pour me rendre compte s’il y avait d’éventuels blessés, je n’ai trouvé que de nombreux morts allemands, visités avant moi et … détroussés !

Les résistants de Sarcelles

Marius Delpech a été exécuté par les Allemands. Il revenait d’une réunion à la mairie où on distribuait les tâches de chacun. Marius, directeur de l’école du barrage, remontait, donc, chez lui avec monsieur Mahaut (père du champion d’athlétisme sur 5000 et 10000 mètres) quand ils furent arrêtés tous les deux par les Allemands. Ces derniers trouvèrent un revolver sur Delpech qu’ils fusillèrent immédiatement, laissant libre Mahaut qui ne portait aucune arme.

Un de mes chers copains de Sarcelles sera fusillé à Mende (Lozère). Responsable FFI à dix-neuf ans, Roger Palluel était chargé de faire sauter un pont pour freiner l’avancée allemande vers Paris. Trahis, lui et ses hommes ont été pris par les Allemands et fusillés. Ce copain a été oublié sur les deux monuments aux morts de Sarcelles pendant longtemps. Malgré mes multiples interventions, son nom ne figure pas sur ces monuments. C’est un de mes grands regrets !

La libération de Sarcelles

Dans les premiers jours de la Libération, à Sarcelles, nous ne nous connaissions pas entre résistants. Nous allions prendre les ordres tous les matins à la mairie ou « aux œufs » ; scier du bois chez le boulanger ou faire autre chose. C’étaient nos premières tâches. « Les œufs », c’était le quartier général de la Résistance situé à Miraville dans la conserverie d’œuf de monsieur Colle, le maire. Enfants, nous allions avec notre panier à salade dans cette conserverie pour acheter les œufs fêlés qui ne pouvaient pas être vendus en boutique. Nous avions le droit d’en gober un !

En 1944, les tâches n’étaient plus les mêmes ! Un jour, je prends la direction du quartier général de la Résistance et m’arrête devant un petit bois pour faire pipi. Je trouve un jeune allemand tué. Je cours en informer le maire. Ce gars-là avait été tué pour rien par un Français, le même qui, le jour du défilé des collabos, donnait des coups de crosse à deux jeunes femmes polonaises que je connaissais. J’avais travaillé avec elles dans les champs quand nous avions seize ans. L’une des deux aurait couché avec un Fridolin et il les faisait défiler en leur donnant des coups de crosse dans le dos… j’ai plusieurs témoignages sur ce barbare, un tueur indigne d’être à Sarcelles !

Ce furent les derniers jours où notre quartier était dans le no man’s land. Nous étions installés à trois familles dans notre cave. Nous voyons un soir les Allemands, fortement armés, passer le long du mur. Ils se sont dirigés vers la vallée de Gif où ils se sont retrouvés face aux Leclerc. La bataille de la vallée de Gif a commencé vers quatre heures du matin. (La vallée de Gif est située de l’autre côté du Haut du Roy.) Les Allemands étaient dans la vallée de Gif, les Leclerc sur la route de Garges. Ce sont les prémices de la bataille de la vallée de Gif déjà relatés…

Nous avons gardé pour nous notre écoeurement. Un traînard allemand est passé devant chez moi et m’a dit, « Prends mon vélo et tu me caches ! » Je lui ai répondu, « Part Kamarade ! Loin… Viel gluck ! »

Où sont les positions des Allemands ?

Un jour, j’ai été chargé d’une mission : informer la Résistance sur les positions allemandes à Ecouen. La ligne de front est à la limite du cimetière de Sarcelles. Un char Tigre attend en haut de la côte, à l’entrée d’Ecouen. Les Allemands voient tout ce qui se passe dans Sarcelles et tirent des temps en temps des obus. Les Leclerc sont à Bullier !

Monsieur le maire avait demandé un volontaire pour épier les lignes allemandes. Ma belle-mère était à Sarcelles et ne pouvait plus remonter à Ecouen où sa mère était toute seule. J’ai sauté sur l’occasion. J’ai dit à ma femme, « Je vais aller voir comment la grand-mère va ! » Elle allait bien, mais se sentait bien seule…

Je monte, donc, à Ecouen muni d’un petit drapeau blanc et d’un mot écrit en allemand disant que j’allais à la coopérative agricole parce que Sarcelles n’avait plus de blé pour faire le pain. Vers la clinique Bellevue, c’était la ligne de démarcation. Les Fridolins m’arrêtent. Je leur montre mon papier et je monte la côte avec un Fridolin qui portait un fusil. En haut, je vois le char Tigre prêt à tirer sur Sarcelles et, en face, une mitrailleuse quadruplée prête aussi à tirer sur Sarcelles.

Je descends dans Ecouen et passe devant un champ de patates que les Fridolins étaient en train de ramasser. Je vais à la coopérative et on me donne un mot prouvant que je suis venu. On m’avait commandé de redescendre par le chemin de Margot. Un officier allemand me demande :
« Vous ne pouvez pas descendre par la route ?
 J’ai peur ! Ça tire de temps en temps… » Je montre mon papier.

Il m’accompagne jusqu’à la limite des lignes allemandes d’où on voit très bien Sarcelles. Je vois deux fusils-mitrailleurs braqués sur la ville. Je continue mon chemin puis je prends rapidement un petit chemin à gauche…. Je vais au quartier général et tombe sur trois jeunes de mon âge. Un des chefs de la Résistance me dit :
« Ces gars-là vont monter avec leur traction vers Ecouen pour perturber les lignes allemandes !
 S’ils montent, ils n’ont aucune chance ! »
L’un des trois répond, « C’est nous qui y allons ! Ce n’est pas toi… »

Je leur ai bien expliqué les positions des Allemands. Ils partent par la rue du cimetière, montent sur le côté gauche de la route d’Ecouen pour être le plus tard possible dans l’angle de tir du Tigre. A cinquante mètres du haut de la côte, un obus a plaqué leur voiture sur le mur de la « Redoute ». Une stèle, en haut de la côte, rappelle leur sacrifice.

Le Général Leclerc à Sarcelles

Les Leclerc sont venus à cent mètres du cimetière, au bistrot du coin de la rue de l’église. Un après-midi, le général Leclerc nous apparaît ! Il est arrivé dans une jeep conduite par Gilbert Gilles (un acteur de cinéma). Leclerc entre dans le bistrot. J’étais dehors, je l’ai suivi. Il a serré la main à toutes les personnes présentes dans le bistrot.
J’ai demandé au général quelle allait être la suite des événements.
« Mon ami ! (Sic) Ce n’est pas nous qui la feront ! Dès demain matin, ce sont les Américains qui nous relèvent !"
Ce que les Américains ont fait dès le lendemain matin. Ils sont passés pendant trois jours dans la rue du cimetière. Ils ont rebouché le trou que la mine avait provoqué …puis ils ont foncé de plus belle vers Ecouen et Lille.

Je suis redevenu pompier dès le lendemain de la Libération.

Message aux jeunes :

On me demande quel message j’adresse aux jeunes ? C’est simple ! Les jeunes ont de la chance de vivre aujourd’hui. Il faut qu’ils n’en abusent pas mais qu’ils en profitent et qu’ils ne laissent pas passer cette chance !


Voir en ligne : La Bande Dessinée : Les Migrants

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