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de Paris à Sarcelles - le quotidien d’une mère de famille dans une ville en construction

Mme Magin

samedi 13 mars 2010, par Frederic Praud

texte Frederic Praud


Une enfance ballottée, sans ancrage…

Je suis née en 1948 à Paris, dans le XII ème arrondissement, à l’hôpital Saint-Antoine. Ce que j’ai vécu avant mes quatorze ans, je l’ai oublié… Mes parents m’ont eu assez tard, après de longues années d’attente. Ils avaient trente-huit ans. J’étais donc le petit miracle de l’hôpital… Á l’époque, ils habitaient un tout petit appartement de deux pièces, à Reuilly Diderot. Ma mère a continué son travail et je suis passée de nourrice en nourrice avant de me retrouver en pension…

Je suis d’abord allée à l’école à Reuilly Diderot, au CP. C’était du côté de la caserne des pompiers. Je devais sauter le CP mais ma mère ne s’en est pas occupée… J’ai dû rester là-bas une année ou deux… Quand petite, j’étais chez une nourrice, elle m’emmenait en promenade au parc Dorée, avenue Daumesnil, au parc de Vincennes, au Luxembourg ou encore, au Jardin des Plantes. Je le sais d’après d’anciennes photos que j’ai gardées car je ne m’en souviens pas vraiment…

Je n’avais pas de chambre dans l’appartement de mes parents. C’était une pièce unique avec une toute petite salle à manger et une petite cuisine, avec la bassine en fer pour se laver… Il y avait un lit superposé pour moi et ma sœur et un lit à côté… Mais, je ne me rappelle pas bien de tout ça… Je n’ai aucun souvenir avec mes parents avant l’opération de ma mère… J’ai des visions, des images, par rapport à des photos où par exemple je lui donne la main, mais je ne me souviens pas qu’un jour elle m’ait fait à manger, qu’elle ait été à côté de moi, etc. J’ai des émotions, des impressions, mais je ne me rappelle de rien…

Enfant, j’ai appris à ne jamais m’ennuyer car en pension, je ne sortais qu’une fois dans l’année… J’étais à Eugène Napoléon, dans le XII ème, à trois cents mètres de Reuilly Diderot. J’ai compris que plus tard que l’ennui est formateur et que cela construit.

Ma mère travaillait au CNTE, ce qu’on appelle aujourd’hui le CNED, le Centre National d’Enseignement à Distance. Elle a été l’une des premières. Le centre était situé dans le XII ème. Quand elle a commencé à ne pas être bien, malade, sa chef qui prenait sa retraite lui a dit : « Écoute ma grande, je vais prendre ta petite ! » Ma mère m’a donc confiée à cette dame en nourrice. C’était « ma mémé ». C’est elle qui m’a élevée durant toute une partie de mon enfance… Elle habitait à côté de la Cité Universitaire, boulevard Jourdan à Paris.

Ensuite, j’ai été élevée par ma tante, avec qui je viens de renouer des liens au bout de vingt ans. Elle vivait dans le IV ème, dans un hôtel situé au coin de la rue de la Verrerie et de la rue du Temple, en face du bazar de l’Hôtel de Ville. Je suis beaucoup allée chez eux mais comme ils se sont disputés pour m’avoir, je me suis retrouvée en pension à Châtenay-Malabry. Il est vrai qu’entre temps, je suis venue à Sarcelles, vers 1958.

Quand j’étais en CM1, CM2, ma mère qui travaillait à Vanves allait obtenir un appartement à Clamart. Mais, il fallait attendre quelques mois et elle était d’une nature impatiente, elle a tout de suite accepté lorsqu’on lui a proposé Sarcelles… Ensuite, à force d’entendre les avions, elle s’est mise à avoir régulièrement des crises de nerfs nous étions aux Rosiers. Moi, je ne les entends plus les avions ! Mais là-bas, aux Rosiers, on les entendait !

Á l’époque, Sarcelles, c’était plein de boue. On mettait des snow boots pour aller là où se trouve maintenant le marché du village ! Á cet endroit, quand je suis arrivée, il y avait des préfabriqués. L’instituteur du village nous lisait des BD, nous tapait sur les doigts et nous laissait dans la cour… Je suis parisienne dans l’âme mais je n’ai jamais renié Sarcelles pour ce que j’y ai vécu…

Après cette école là, je suis allée à Pierre et Marie Curie, jusqu’au CM2. Ensuite, ma mère est tombée malade et on a trouvé ce qu’elle avait : une tumeur grosse comme « un pamplemousse » dans la tête… Un jour, elle est tombée dans une rue parce qu’elle n’avait plus d’équilibre. C’est un médecin de Sarcelles qui a fini par découvrir de quoi elle souffrait, alors qu’un professeur s’était penché sur son cas sans succès…

Quand elle est entrée à l’hôpital, à La Salpetrière, j’avais douze treize ans et je n’ai pas eu le droit de la voir…C’est à ce moment-là que je suis repartie en pension à Châtenay-Malabry. Je ne sais plus pourquoi on m’a envoyé là-bas. J’y suis restée deux ans. Je ne sortais pas souvent… Il me fallait donc de l’imagination ! Comme j’aimais beaucoup le dessin, je peignais sur les vitres des classes. J’étais toujours prête à rendre service mais enfin, j’étais quand même chez les sœurs ! Il fallait faire la prière je ne sais combien de fois par jour… J’avais toujours la croix de camaraderie.

Á treize ans, je n’avais pas de rêve… Les sœurs m’en ont fait tellement voir ! Un peu plus, j’aurais même renié la religion ! Elles me disaient par exemple : « Si tu ne fais pas ci ou ça, si tu n’apprends pas bien ta leçon, ta mère ne guérira pas… Tu crois que c’est comme ça quelle va guérir ! » Alors, je peux vous dire que je me suis bien endurcie. Pourtant, je suis assez souple !

Une fois, je suis allée voir ma mère et elle pesait trente-sept kilos… Je ne l’ai pas reconnue ! Elle est restée un moment à La Salpetrière, puis deux ans à Garches. C’étaient donc des voisines des Rosiers qui m’emmenaient lui rendre visite… Bref, le pensionnat et les hôpitaux ne me laissaient pas beaucoup de place pour le rêve… Par contre, aux Rosiers, il y avait la première bibliothèque et j’avalais tous les bouquins : les Frison Roche, les biographies, etc. Je me transportais là-dedans… Je m’évadais… C’est pour ça que je m’ennuie jamais ! J’ai toujours quelque chose à l’esprit. Je peux très bien attendre trois heures un train, je suis toujours en « vadrouille » dans ma tête…

J’ai tellement été ballottée dans mon enfance que je n’ai pas de village, pas de lieu d’ancrage. Mais ma sœur qui est née après, lorsque ma mère avait quarante trois ans, a été élevée depuis l’âge de trois mois jusqu’à seize ans par une autre dame qui connaissait quelqu’un à Creil. Nous n’avons donc pas grandi ensemble… Seulement elle, elle a son village, son quartier, sa famille ! Pour elle, c’était son papa, sa maman, bien que « parents nourriciers » ! Elle a des souvenirs contrairement à moi !

Dans un sens, Sarcelles constitue mon seul point d’attache. J’y suis encore même si au début, je ne voulais pas y rester. Avant, je n’habitais pas loin de la MJC à Lochères. Tous les week-ends, j’étais de sortie avec mon mari. Nous vivions au rez-de-chaussée. Quand on m’a dit un jour : « Tu sais qu’il y a un marché à Sarcelles ? », j’ai pensé : « Qu’est-ce que j’en à faire moi, d’un marché ? » Nous étions tout le temps partis ! Avec mes enfants, nous avons beaucoup fréquenté le parc Kennedy. Mes enfants étaient toujours bronzés ! Je faisais toujours en sorte qu’ils soient bien, qu’ils contactent les gens, etc. Je ne connaissais personne alors que maintenant, je connais tout le monde ! Á Lochères, j’ai participé à beaucoup d’associations, j’ai fait beaucoup de choses. Mais là-bas, il y a les gens de passage, et ceux qui ont créé Sarcelles et ceux qui n’en ont rien à faire !

Á l’adolescence, je voulais devenir puéricultrice. Mais, j’étais toujours trop jeune pour rentrer dans les écoles. Après, j’ai voulu m’occuper d’enfants handicapés ou une autre passion, être dans le dessin, l’art. Bref, c’étaient mes deux passions : l’art et les enfants… Mon parcours a été difficile mais je ne m’en suis pas trop mal sortie…

Avant d’aller au Quartier Latin, j’avais habité chez des sœurs à Parmentier, au niveau du métro Goncourt. On m’avait dit : « Ma petite, ta maman est à l’hôpital. Il faut que tu t’en sortes ! » Alors là, je logeais dans une petite chambre de bonne avec deux autres filles. Je voulais m’occuper d’enfants mais j’étais encore trop jeune… J’effectuais donc des travaux ménagers pour cent francs par mois et en même temps, j’avais des cours. Je sais ce que c’est quand je vois des gens qui nettoient les escaliers ! On m’a tout fait faire… J’ai tout fait… Je faisais même des économies avec si peu d’argent à l’époque ! Il n’y avait quasiment que des réfugiés vietnamiens à Parmentier. Je faisais donc des travaux pour eux tout en essayant de prendre des cours. Je m’occupais également un peu du jardin d’enfants. Je faisais ça en compensation de cent francs par mois, du logement et de la nourriture.

Vingt ans en mai 68 : un décalage difficile à vivre…

Finalement, on m’a fait rentrer au CNTE alors que je n’avais même pas quinze ans. J’étais dans les bureaux. J’y suis restée six ans. J’ai été embauchée parce que l’on connaissait ma mère. Comme j’étais très jeune, ils ont peut-être demandé une dérogation pour que je puisse travailler ; je n’en sais rien. Moi, j’aurais préféré qu’ils s’abstiennent ! Mais bon…

Durant cette période, j’habitais un petit peu à Sarcelles mais en même temps, ça n’allait pas, j’avais du mal… Mon père commençait à tomber malade… Rien de plus normal ! Lorsque ma mère est revenue de l’hôpital et paralysée, c’est mon père qui est tombé malade… J’ai donc connu d’autres hôpitaux… Aujourd’hui, je le raconte comme ça, librement, mais à l’époque, je n’en parlais pas ! On me disait : « Il faut que tu ailles chez le psy ! Sinon, tu vas droit au suicide… » Mais, tout ça m’a donné une certaine force… Pourtant, gamine, je n’étais pas bien costaude ! On m’envoyait souvent en aérium car j’étais assez maigre et je tombais tout le temps…

En 68, quand je voyais les étudiants manifester, je sentais en porte-à-faux car je travaillais déjà depuis un moment et je voulais en même temps étudier ! J’étais complètement en décalage… C’était difficile… J’étais obligée de faire face à une certaine réalité tout en étant animée de ça ! J’étais un peu obnubilée… Il y en avait certains qui travaillaient avec moi mais juste un petit comme ça ! Ils avaient leurs études à côté ! Mais, quand j’entendais quelqu’un parler d’un bouquin et dire qu’il ne l’avait pas aimé, j’allais tout de suite l’acheter parce que je voulais d’abord savoir pourquoi il avait déplu et ensuite, ce que j’en ferais moi ! Le premier livre que je me suis procuré comme ça, c’était l’Etranger de Camus. Je l’ai beaucoup aimé ! Bref, j’ai toujours été très curieuse…
Et c’est ce que je répète aux élèves aujourd’hui : « Il faut rester curieux ».

En 68, j’habitais le Quartier Latin, dans une petite chambre de bonne, j’étais bien. C’était un bel immeuble et je n’avais pas peur de rentrer le soir. C’était super ! J’avais l’eau sur le palier. Moi, mai 68, j’avais envie de le vivre à cent pourcents comme les étudiants mais en même temps, j’ai eu drôlement peur… Lorsque les CRS coursaient les manifestants et que je les voyais à deux mètres, j’avais la trouille ! J’avais envie d’être de toutes les causes mais j’avais franchement « les jetons » parfois ! Donc, parfois, je revenais habiter un peu à Sarcelles.

J’étais étudiante sans l’être vraiment car je travaillais. Mai 68 a ainsi été un peu douloureux… J’étais toujours avec les étudiants, j’avais sans cesse la soif d’apprendre, de me plonger dans les bouquins, mais en même temps je devais travailler… Au travail de ma mère, on m’avait dit : « Tu sais, ta maman s’est faite opérer et tu as une petite sœur derrière toi… Il faut donc que tu arrêtes des études… » Et moi qui ne rêvais d’avoir que des bouquins sous le bras ! Seulement, je n’ai pas eu le choix…

Pour moi, les événements de mai 68 ont été à la fois joyeux et difficiles à vivre parce que d’un côté, je travaillais et de l’autre, j’avais plein d’amis étudiants. Presque tous les soirs, j’allais au théâtre car je connaissais des gens qui avaient toujours des billets. Le cinéma et le théâtre, j’adorais ça et maintenant encore ! C’était une grande passion ! J’y étais tout le temps et cela continu. Mais avec mon travail, c’était difficile… J’étais entre les deux… Je comprenais les étudiants, j’avais envie d’être avec eux, mais il fallait aussi que je travaille…

Baba cool

Après 68, j’ai continué ce que je faisais comme travail. Mais un jour, en 69, des personnes sont venues cogner chez moi, à la porte de ma petite chambre de bonne. J’avais changé de quartier, j’étais dans le 17ème. Dans celle-là comme dans l’autre, il n’y avait pas l’eau. Par contre, dans la deuxième, il y avait l’électricité. Mais, j’étais heureuse ! Les neuf mètres carrés, je m’en fichais ! J’avais mes disques, j’avais mes petits bouquins…

Les gens qui sont venus frapper à ma porte étaient représentants en assurances. Là, j’ai peut-être fait la plus grosse bêtise de mon existence ou peut-être pas, puisque je n’aurais pas eu la vie que j’ai eue après… Ils m’ont dit : « Nous cherchons à recruter » et sans réfléchir, j’ai donné ma démission pour entrer dans les assurances. Mais, je n’y suis restée qu’un mois et demi ! Il fallait que j’aille faire du porte à porte chez les particuliers. On me demandait quasiment de les arnaquer. Mais finalement, je buvais le café avec eux et on bavardait. J’ai donc arrêté…

Á partir de là, je me suis mise à travailler en intérim et à voyager . Comme chez moi, ça devenait un peu dur, c’était une façon de m’évader… Je suis allée en Angleterre, en Grèce, en Allemagne, etc.

Malgré tout, j’ai quand même eu la vie d’une jeune femme de l’époque, avec les soirées où l’on refait le monde et tout ça ! Et puis, je voulais toujours apprendre ! Je rencontrais des gens intéressants dans le théâtre. C’est ce qui me passionnait ! Aujourd’hui, je suis professeur de communication et il faut animer les cours et les rendre vivants !

Je ne suis pas allée dans le Larzac mais plutôt du côté d’Avignon et j’ai participé à d’autres choses. Mais en 1974, j’ai eu ma fille, née à Sarcelles, et je suis entrée dans un autre univers…

Le quotidien d’une mère de famille à Sarcelles

Concernant mes enfants, je ne me posais pas de questions. J’avais un côté très libre. Je pensais savoir quelle éducation leur donner, ou essayer. Nous avions à proximité le parc Kennedy. Travaillant en intérim, je me suis arrêtée un moment pour qu’ils en profitent au maximum et que je profite d’eux. En plus, ils allaient à la petite garderie parce qu’après la naissance de la première, je m’étais dit : « Si je n’ai pas un deuxième enfant, je veux qu’elle sache se débrouiller dans la vie. J’étais souvent partie. Je voulais que mes enfants en profitent ! Que l’on fasse le plus de choses possible ! Mon temps était pour eux et pour moi en second…

Avant 74, je ne connaissais pas grand monde à Sarcelles mais cela a bien changé ! J’aime les rencontres !

J’avais connu une personne qui est devenue une amie rencontrée à la clinique et après au parc Kennedy, nous avions notre petit groupe. Mais moi, je ne discutais pas tricot et tout ça. C’était très sympa ! On faisait vraiment des réunions comme lorsque j’étais plus jeune… On ne parlait pas bouillie, etc. Mais alors, les enfants s’amusaient et nous, on se retrouvait !

Á l’époque, c’étaient les femmes qui faisaient Sarcelles, qui bougeaient ! Elles y vivaient au quotidien contrairement à leur mari qui souvent travaillaient sur Paris. Elles n’avaient pas le même statut que les pères… Je faisais partie d’associations. Après, lorsque j’ai travaillé à la CAF, je mettais mes enfants au centre. J’ai moi-même travaillé dans deux ludothèques, etc. C’était une période où les gens partageaient, s’entraidaient, se parlaient entre eux… Il y avait une vraie communauté, avec beaucoup de chaleur humaine…

J’allais au marché lorsque les enfants étaient petits mais pas pour acheter des légumes car il fallait les porter ! J’y allais pour les vêtements. C’était agréable alors que maintenant, c’est devenu un peu difficile d’y circuler. Je pense qu’il y a une certaine nostalgie de cette époque chez beaucoup de gens …

De Lochères aux Chardos

Á Lochères, nous habitions dans un immeuble de quatre étages, dans le bas de l’avenue Paul Valéry, entre le centre commercial et les médecins qui sont dans une grande tour. C’était tranquille. Nous sommes partis parce que cela ne nous convenait plus au niveau place. Mon mari faisait du footing, des marathons et un jour, en rentrant, il m’a dit : « Il y a quelque chose qui se construit là-bas » Alors moi, je suis venue voir avec le maire de l’époque, M. Canacos et finalement, on s’y est installé. Il était temps de quitter Lochères et puis, nous passions de cinquante cinq mètres carrés à quatre-vingt dix !

Je fréquentais rarement le Village. Á l’époque, là-bas, il n’y avait rien ! Pas de bibliothèque, pas de cinéma, pas d’associations ! Donc moi, j’allais toujours au Forum, à Anna Langfus… Je faisais tout là-bas ! J’allais également à Villiers-le-Bel pour la piscine, la bibliothèque avec les enfants.

Je suis arrivée aux Chardos en 83. J’étais une des premières de ce qu’on appelait avant la Résidence des Trois Noyers. Mon apaprtement donne derrière, sur Villiers-le-Bel, sur la grande route maintenant. On y est encore tranquille !

Á l’époque, beaucoup de gens quittaient Lochères pour aller dans les pavillons. Mais nous, on s’est installé dans un petit immeuble de trois étages. Mon mari croyait pouvoir acheter. Mais bon, on est resté là assez longtemps finalement toujours en location…

Á Lochères, je me suis penchée un peu sur la vie sociale mais je ne connaissais personne au début comme je l’ai déjà dit. Je travaillais la semaine, les volets étaient fermés et on s’en allait le week-end. J’ai donc eu des contacts surtout à partir du moment où j’ai eu les enfants… J’ai habité dix ans à Lochères. Mais ici, lorsque nous sommes arrivés aux Chardos, c’était sympa l’escalier.

Sinon, il y a encore quelques anciens et d’autres gens sympas sont arrivés mais même dans l’escalier, ce n’est plus tout à fait la même chose… Quoi qu’il en soit, je serais déjà partie si je ne me sentais pas bien ! Je m’en irai le jour où ça n’ira plus, je ne sais où mais je m’en irai… Mais bon, aujourd’hui, je n’en suis pas encore là… Les Chardos constituent peut-être mon village dans un sens…

Le vaste chantier de construction des Flanades, j’en ai entendu parler mais ne l’ai pas vraiment vu. Quand mes enfants étaient petits, il y avait le jet d’eau au milieu des esplanades avec tous les magasins en sous-sol. Après, il y a eu une grande bulle en surface pour accueillir les magasins pendant la reconstruction.

Aux Chardos, nous n’étions plus à proximité des grands magasins, des transports en commun ou des centres administratifs comme à Lochères, mais cela ne nous a pas gênés. J’ai commencé à passer mon permis en arrivant dans ce nouveau domicile mais prendre le bus ou marcher ne m’a jamais fait peur !

Dans le passé, j’échangeais avec les autres mais aujourd’hui, on connaît un peu moins les nouveaux locataires. Il y a peu d’anciens avec qui ont s’échangeaient des « petits plats » ! C’est comme la dame du dessus ! Elle sait que j’aime les nems alors parfois elle m’en apporte ! Et maintenant c’est peut-être une question de timidité chez les nouveaux, ou je ne sais quoi, mais c’est dommage… D’ailleurs, une dame qui vient d’emménager va sûrement repartir sur Lochères car là-bas, elle a ses copines alors qu’ici, elle s’ennuie… Ça, je le vois bien

Vie associative

On a créé une ludothèque dans le centre CAF où j’ai travaillé. J’ai également travaillé à la ludothèque de pied à Villiers-le-Bel. Le centre CAF se trouvait auparavant au marché mais il a été démoli et se situe maintenant en face de la bibliothèque Anna Langfus. J’ai très bien connu Maria Langfus et sa fille Anna qui est la petite fille. J’allais au petit situé au marché. Je mettais mes enfants à la petite garderie, même si je ne travaillais pas. J’avais droit à une journée par mois et j’en profitais, je faisais quelque chose. Mais, je voulais qu’ils soient sociabilisés.

J’allais souvent dans ce centre. J’y ai fait des stages de macramé, de fabrication de jouets en bois. Je suis assez manuelle ! J’allais aussi sur les Vignes Blanches où ils cherchaient des animatrices. Alors, je suis rentrée comme animatrice à la CAF, pour les mercredis, pour la ludothèque, pour recevoir également des gens, des dames tunisiennes et tout, pour faire les goûters, etc. Certaines faisaient le thé…

Aux Vignes Blanches, il y a un gros travail, notamment en matière d’accueil. D’ailleurs, avant de rentrer dans l’Enseignement, quand à un moment je n’avais pas de travail, j’y suis allée pour donner des cours d’alphabétisation, vers 1985. Le public était formé par des gens originaires de différents pays : Indous, Africains, Vietnamiens, etc. Á l’époque, il y avait quand même pas mal de lettrés. La plupart étaient diplômés. Quoi qu’il en soit, je ne suis pas restée très longtemps. Le hasard a fait que je suis rentrée comme enseignante en 95 dans différents lycées. De 1989 à 2006 et encore en ce moment, je suis en poste…

Mais entre temps, je suis repartie à la Fac ! Á trente-cinq ans ! Pendant quatre ans, je n’ai pas manqué une heure de cours, cela m’intéressait trop…

Message aux jeunes

Je trouve qu’actuellement, les communautés, les familles, ont tendance à se renfermer sur elles-mêmes, à s’isoler. Ça se sent… Il faudrait que les jeunes apprennent à respecter les autres, qu’ils soient eux-mêmes tolérants, car ils le sont souvent beaucoup moins qu’ils nous demandent de l’être ! C’est une question éducation. Il y a un non respect. Par contre, il faut dire aussi que certains jeunes n’ont pas le code ! Je le vois bien chez les élèves ! Ils ne l’ont pas parce qu’on ne leur a pas donné. Moi, je m’en fiche si on ne me laisse passer devant. Ce n’est pas si grave. Souvent, je tiens la porte et je les laisse passer. Mais parfois, ils s’étonnent : « Ah bon Madame ! On doit laisser passer ? » Alors, est-ce que l’on peut leur en vouloir ? Non ! On peut seulement essayer de leur expliquer comment ils doivent se comporter : « Il ne faut pas se lever, il ne faut pas bousculer », etc. Moi, je fais dans ma pratique car je vois bien que beaucoup de parents sont dépassés. Je crois qu’il faut donner aux jeunes des repères et qu’au milieu, ils soient libres ! D’ailleurs, ils en demandent des limites !

Ce sont eux qui incarnent l’avenir ! Ce n’est donc pas la peine qu’ils prennent de mauvais exemples. Ils doivent rester curieux et savoir que rien n’est jamais fini, même s’ils ont pris une mauvaise orientation. On peut toujours se donner un petit coup de pouce. Il faut seulement rencontrer les bonnes personnes. Mais, rien n’est jamais perdu ! Même si quelque chose a raté, on peut toujours se rattraper… Si on a un rêve, on peut toujours essayer de le réaliser, où du moins s’en approcher…

J’ai par exemple rencontré des jeunes qui voulaient devenir vétérinaires. C’est très difficile ! Mais pourquoi ne pas essayer avec certains diplômes de travailler dans une clinique vétérinaire ? On peut toujours se rapprocher un petit peu du but que l’on s’est fixé et parfois après, des déclics se font. En étant curieux, en parvenant à se cultiver un petit peu plus, tout est possible même quand on vient de Sarcelles !

Il est vrai que je suis peut-être privilégiée parce que je suis blanche et française. C’est ce qu’ils me disent ! C’est un constat… Ils me le disent et on en discute car mes élèves sont quand même d’origines très différentes. J’ai parfois même du mal à prononcer correctement leurs prénoms et on en parle ensemble. Je suis à l’’écoute de leur religion, leurs coutumes, comment ils vivent, etc.

Il faut aussi leur donner de l’espoir ! Si on se contente d’arriver en classe avec un cours magistral, ils n’en ont rien à faire ! Ils dorment au fond ! Moi, j’en ai connus qui dormaient sur leur anorak et qui ont réussi petit à petit à sourciller ! Et puis, on peut faire un bon boulanger ! Mais, le problème, c’est que les jeunes sont souvent mal orientés. Celui qui veut faire ébéniste, on le met en boulangerie. Il ne faut donc pas s’étonner si le gamin n’a envie de rien faire dès le départ ! Mais, ce n’est pas spécifique à Sarcelles. Par contre, venir de Sarcelles est un handicap en plus pour certains. Cette image joue encore !

Je pense qu’il faut obtenir des jeunes leur écoute et parvenir à une entente avec eux. Il faut être ouvert et ne pas venir avec des idées préconçues. C’est un travail à faire ensemble ! Sinon, on n’y arrivera pas…


Voir en ligne : La Bande Dessinée : Les Migrants

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