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Pas de Calais rural

J’aimais la Culture...

Mr Descamps, né en 1920

samedi 6 mars 2010, par Frederic Praud

Monsieur Abel Descamps né en 1920

Mes grands parents maternels, "Cordonniers", avaient 11 enfants dont beaucoup sont restés à Radinghem. Vers ses 5 ans, ma mère a perdu sa sœur. Sa mère qui l’avait pris à cœur l’a suivie. C’était la misère. Le père de ma mère a élevé tous les enfants. Il était "tailleur" de vêtements, de paletots et culottes.

Mon père habitait dans la maison de sa grand-mère. Il était ouvrier de ferme. Dès qu’il a quitté l’école, il a commencé par travailler au château des de Monnekove, vers la fin de leur présence. La dame est morte alors que mon père y travaillait. Il entretenait le parc. Ma mère disait souvent que « les de Monnekove étaient bons pour le village. Beaucoup de grandes familles pauvres des alentours venaient habiter Radinghem parce qu’elles étaient aidées. Les de Monnekove donnaient des bons pour se procurer des souliers, des vêtements, pour aller chercher un morceau de viande à la boucherie de Fruges. Ils habillaient les enfants lors des premières communions. »

Mon père est parti travailler chez Debuire vers 14/15 ans. Il était payé au mois. Les Debuire possédaient alors près de 16 chevaux et employaient quatre hommes comme conducteur de chevaux, un vacher, un charretier (mon père)…… Mon grand-père paternel y avait également été charretier. On continuait de père en fils si on était sérieux. Radinghem est un pays fort dur, un pays de "garanne". Ils cultivaient du blé, de l’avoine, du foin. Il n’y avait pas encore de betteraves à sucre. Des terres étaient en jachères. La jachère consistait à alterner sur cinq ans, le blé, l’avoine et le foin. On faisait une jachère la sixième année.

Mon père a fait sept ans d’armée, deux ans comme soldat sans revenir à Radinghem et cinq ans de guerre 14/18. Son service militaire s’est passé à Calais avec le grand-père du maire actuel de Radinghem. Il a passé la guerre dans l’artillerie lourde en Belgique et était certainement moins malheureux que les soldats envoyés dans les tranchées. Il me disait toujours, "sept ans de gamelle…" Il nous en a peu parlé sauf pendant les repas de famille, "des racontes…" J’ai perdu un oncle tué à Verdun et deux autres ont été blessés.

Mes parents étaient fiancés avant la guerre. Ma mère l’a attendu sept ans… et combien ont attendu pour ne pas voir revenir les hommes ? Il y eut dix tués à Radinghem pour une centaine d’habitants… un sur dix…

Les jeunes n’avaient pas le choix de leur travail, il n’y avait que la culture. On ne voyait jamais revenir ceux qui partaient du village. Les gens voulaient rester au pays mais ne trouvaient pas de travail. Seul Debuire employait beaucoup de monde. Leurs ouvriers couchaient dans les écuries mais ils ont fait installer deux petites chambres par la suite. La ferme Debuire était une bonne maison pour les ouvriers. Ils étaient bien nourris et bien traités.

Truite n’employait que deux ou trois ouvriers, un charretier. Ils faisaient eux-mêmes leur travail. Radinghem est un pays pauvre et il y avait une trop grande ferme. Si elle avait été divisée, les gens auraient mieux vécu avec chacun sa petite culture. Tout était occupé par le château… Tout vient de là… Sur la commune, tout était cultivé même ce qui n’était pas cultivable, les terres qui ne voyaient jamais le soleil près d’un bois. Il n’y avait alors pas beaucoup de quintaux à l’hectare !

On ne voyait pas les châtelains Forster. J’ai peut être vu Pierre Forster pendant ses vacances mais il n’a jamais fraternisé avec le village. Son père était toujours à Fruges avec des copains. Le fils restait avec sa mère et connaissait les Debuire. Les Forster n’ont jamais fait partie de Radinghem. Les Debuire ne se mélangeaient également pas aux autres… Les enfants n’allaient pas à l’école du village. Ils ont quand même fait partie du village quand Ferdinand a été maire mais pas avant…

Sous Forster n’y avait plus qu’un homme pour s’occuper des jardins du château. Ce « Lemaire » n’était pas natif du village et n’y habitait pas. Les bois étaient déjà loués à un notaire de Fruges. Les gens de Radinghem ne chassaient pas sur les terres Forster. Elles étaient réservées à une société de chasse de Fruges. Un garde-chasse habitant le village, Guillois, s’occupait de la propriété. Les gens n’y allaient pas… par crainte. Il n’y avait alors pas beaucoup de chasseurs, quatre, cinq personnes….

Deux choses ont toujours amené la pagaille dans le pays, les élections et la chasse. Tout le monde n’était pas toujours d’accord. Après Truite, il y eut Debuire. Il y avait une seule liste mais tout le monde ne passait pas. Ça rayait fort…

Je ne chassais pas avant-guerre et j’ai juste chassé deux ans après la guerre. Les gens pouvaient chasser tous les jours mais dans des lieux précis. Une loi a tout fait changer, chacun ne pouvant alors chasser que le dimanche mais partout… ce qui a entraîné des problèmes avec les personnes qui se réservaient les terres. Certains allaient au tribunal… Les gens pouvaient quand même s’arranger quand Louis Talleux était garde chasse.

Parcours

Je suis né à Radinghem dans la maison de ma mère et suis l’aîné de la famille. J’ai eu deux frères et une sœur. Suite au décès de ma grand-mère paternelle, nous sommes venus habiter dans la maison où je vis toujours. Mon père y avait fait installer des carreaux rouges sur la terre battue. Il y avait bien un poêle pour la maison mais les courants d’air passaient quand même à travers les vieilles portes.

Mon père a monté un peu de culture. Ma mère avait hérité de trois ou quatre mesures. Une mesure correspond à 42 ares. Mon père en possédait à peine autant. Ils avaient donc loué des terres et disposaient d’un cheval. Ils ont finalement travaillé sur 7/8 hectares et n’étaient pas riches.

Mon grand père paternel vivait avec nous. J’avais 17 ans à son décès. Il était né à Vincly en 1856 et avait toujours travaillé en ferme. Il avait commencé à Senlis. Il s’est marié à Radinghem. Une de ses sœurs était morte en couche. Soldat en 1870, il avait dû tirer au sort. On pouvait alors faire un an ou sept ans. Il est tombé sur un an. C’était tout un commerce car celui qui avait les moyens pouvait racheter sa place et envoyer quelqu’un pour le remplacer. Celui qui n’avait pas d’argent n’avait qu’à tirer sept ans… sans revenir.

Un oncle paternel vivait également avec nous. Cet oncle ne s’est pas marié car il n’était pas tellement costaud. Il n’avait pas de santé et n’avait pas été appelé comme soldat. Il est toujours resté avec ses parents. Il est venu vivre avec nous quand sa mère est morte. Cantonnier de commune à Radinghem, il entretenait les chemins et les fossés. Les chemins étaient en cailloux que nous ramassions dans les champs, au printemps, et que nous les mettions sur les routes. Mon oncle coupait les herbes dans les talus, les fossés. Il était payé par le percepteur de la commune.

La commune ne vivait que de ses impôts. Chacun recevait sa feuille et allait payer ses impôts à la mairie. Il y avait également quelques pâtures communales, des biens qui avaient été donnés à la commune… pas grand-chose, même pas un hectare. La commune le louait aux petits agriculteurs. Beaucoup d’ouvriers qui faisaient la moisson chez Debuire possédaient également une vache qu’ils mettaient dans une pâture fermée. Elle accueillait les dix, douze vaches des ménagers qui n’avaient pas de terre. Ils payaient l’herbage à Debuire.

Je suis allé à l’école à Radinghem jusqu’à 13/14 ans. Nous partions à pied et revenions manger à midi. À notre époque, les jeunes n’avaient jamais leur Certificat d’Etudes. Tout a changé avec l’arrivée d’un instituteur venu des mines, monsieur Hazebrouck. Ce grand instituteur en a conduit beaucoup au certificat sans quoi nous n’apprenions rien… Les instituteurs changeaient souvent. L’un buvait, l’autre n’apprenait rien. Il ne fallait pas de gens malins à l’époque. Nous n’étions bons qu’à être des ouvriers. Ils ne se cassaient pas la tête. On ne récitait jamais rien, n’avions pas de devoir. Le seul à avoir eu son Certificat d’Etudes avait appris tout seul en un an ce que l’on apprenait en plusieurs années. Il était trop bon et est parti à Coupelle. Nous ne faisions pas l’école buissonnière car les gens de Radinghem sont honnêtes ! Les enfants étaient bien élevés mais n’apprenaient rien… Enfants, nous n’allions même pas faucher les cerises dans le jardin du château. Nous avions seulement mangé une fois des groseilles dans le jardin d’une maison inhabitée.

L’institutrice du moment prenait pension chez Patou. Elle n’habitait pas le village et s’en allait tous les samedis. Avec mon cousin, nous en profitions pour passer dans le jardin de l’école et aller voir un nid de corbeau perché dans une pâture à Debuire. Nous voulions vérifier si les jeunes étaient bons à prendre. Souvent, nous les mettions dans une cage et ils étaient morts deux jours après.. J’aimais chercher les nids d’oiseaux mais nous avons été dénoncés par un autre élève… Nous allions beaucoup dans les champs sans rien faire de mal !

J’ai eu Hazebrouck seulement pendant mes deux dernières années scolaires. Il est arrivé vers mes onze ans et c’était trop tard pour moi. L’école ne m’intéressait pas. Monsieur Hazebrouck a amené mes frères au Certificat d’Etudes. Cette année-là, il en avait conduit sept et les sept l’ont obtenu. Ils faisaient des dictés sans aucune faute. Les instituteurs étaient également secrétaires de Mairie.

Il n’y avait pas de commerce au village, rien… juste un maréchal ferrant, un charpentier qui cultivait et fabriquait des cercueils (le grand père du maire actuel). C’était un pays pauvre…

J’allais encore à l’école quand j’ai vu une équipe d’ouvriers monter l’électricité chez nous. Ils utilisaient des poteaux en sapin pour installer les lignes avec lesquelles ils amenaient le courant. Ils mettaient jusqu’à l’ampoule mais ils n’ont installé le compteur et l’électricité que dans la maison et pas dans les écuries. L’électricité n’a pas été montée tout de suite dans les maisons et fermes installées un peu à l’écart, comme chez les Truite. Nous étions tout surpris la première fois que l’on appuyait sur l’interrupteur. Nous continuions quand même à utiliser des lampes tempêtes à l’extérieur de la maison. Chacun a bricolé son installation dans ses écuries. Un polonais l’avait monté dans nos bâtiments.

J’ai vu installer la clôture autour de la pâture communale du marais. Elle est fort humide mais pas inondée. Les bêtes qu’on y mettait courraient partout car il n’y avait rien pour les retenir. Il y avait quelques chevaux…qui sont un jour partis à cause des mouches. On les a retrouvés à Coupelle.

J’aimais la culture et ne m’intéressais à rien d’autre… Tous les gars de mon âge sont restés comme ça. J’ai travaillé une dizaine d’années chez un cousin pépiniériste de Audincthun. Il était veuf sans enfant. Je travaillais dans les pépinières de poiriers, ornes, épines. Tout était fait à la main… mais le métier ne m’intéressait pas. Ce métier a disparu car les communes, les chefs cantonniers n’ont plus planté d’ormes sur le bord des routes. On plantait également des haies d’épines pour clore les champs, les jardins, les pâtures. Elles ont été remplacées par le fil de fer. Les pommiers à cidre ont également disparu avec la guerre. Je travaillais là-bas en semaine et revenais le samedi en vélo. Je revenais parfois en semaine car je m’y ennuyais à mourir.

Les choses ont changé avec la guerre. Nous faisions tout à la main auparavant avec l’aide de chevaux. Du temps de mon grand-père, on coupait même les grains à la main, à la « sape ». Je l’ai également coupé à la sape car nous n’avions pas assez de terre pour avoir une moissonneuse. Nous n’en avons eu une qu’en 1940.

La vie et la mort…

Mon grand père est mort en 37. Il conduisait encore un cheval à 80 ans. Il a eu un malaise à 81 ans aussi nous avons fait venir un docteur qui lui a dit de rester couché. Le docteur habitait Fruges. Il fallait être fort malade pour le faire venir. Nous lui avons téléphoné à partir de la cabine installée dans le village. Le docteur lui a donné des gouttes et il est mort d’un seul coup en fin de semaine. Le curé était déjà venu lui administrer l’extrême-onction et lui donner la communion. J’ai connu des gens qui ne sont jamais allés à la messe et étaient quand même administrés quand ils mouraient.

Mon grand-père est resté habillé dans son lit. Le soir, les gens venaient prier le Bon Dieu près du corps. Les proches parents ne se couchaient pas et il y avait toujours quelqu’un pour veiller et ce, jusqu’au matin. La veille durait trois jours. Le lundi, nous l’avons mis dans le cercueil pour l’enterrement et sommes partis de la maison en l’emmenant sur deux tréteaux. Nous l’avons mis sur une voiture tirée par un cheval. Dès le matin, le curé venait à pied avec les enfants de chœur et une croix. Ils suivaient ensuite la voiture. Le curé chantait tout en latin, jusqu’à l’église. Les plus proches voisins et amis portaient le cercueil sur une civière, à l’église puis au cimetière. Une fois l’enterrement fini, nous avons organisé un repas avec les hommes qui portaient et un peu de parents.

J’ai participé à quelques enterrements en tant qu’enfant de chœur. Nous étions trois ou quatre enfants du village à aider le curé. La messe était célébrée tout en latin, sans un mot de français sinon quelques chants. On ne savait même pas ce qu’il racontait.

J’ai également servi quelques baptêmes. Les parrains, marraines, étaient choisis dans la famille. Les garçons d’honneur et filles d’honneurs des mariages (frères et sœurs des mariés) étaient généralement parrains, marraines, des premiers nés. On nous donnait trois prénoms au baptême. Joseph était donné comme deuxième prénom à tous les enfants et Marie aux filles. Le prénom Abel vient de mon oncle tué à la guerre 14. Tous ceux nés après la guerre ont porté le prénom d’un disparu. Nous étions trois cousins prénommés Abel Descamps, Abel Cordonnier, Abel Macquet.

Le conflit 39/45

À 20 ans, nous allions passer le conseil de révision à Fruges. Nous étions six du village. Nous passions à la revue tous nus dans la mairie. Le sous-préfet assistait au conseil ainsi que tous les maires des villages du canton. Notre maire nous avait ramenés en auto.

En 1938, avec les accords de Munich, beaucoup de monde est déjà parti mobilisé une première fois. En 1939 nous avons vu beaucoup de civils s’enfuir devant les allemands. Alors que j’étais parti chercher de la semence à Fruges, j’ai découvert la place était pleine de réfugiés. Quand les allemands sont arrivés, des avions sont passés et ont lâché des bombes dans les champs. Il y eut trois tués dans le haut du village, à « la Sécheresse », des gens qui voulaient se mettre à l’abri dans les champs. Les avions mitraillaient en l’air pour faire peur et une heure après, il n’y avait plus personne sur les routes. Les réfugiés sont venus se cacher dans les villages et les granges. Les chars allemands sont ainsi passés sur des routes vides.

La mairie était passée nous annoncer que, de tel âge à tel âge, tous les jeunes devaient partir. Nous avons attendus… nous ne voulions pas nous faire démolir. Partir avec quoi… nous n’avions rien... et pour où ? Nous étions vendus par des allemands déguisés en civils et mélangés avec les réfugiés. Ils portaient une couverture rouge.

Je ne suis pas parti à la guerre. La mobilisation s’est arrêtée à la clase 39. La classe 40 n’a pas été appelée. J’ai été appelé pour le STO mais, avec mon frère, nous ne sommes pas partis non plus. Mon frère est finalement parti travailler pour eux, aux V1, mais il est vite revenu chez nous. Il est alors allé travailler dans la ferme d’une cousine pendant un mois où deux et n’a jamais été embêté.

Nous étions trois cousins et nous n’avions pas voulu partir. Nous avions pensé que si les allemands voulaient 1000 ouvriers, ils envoyaient 4000 convocations. Il nous suffisait d’attendre qu’ils aient le compte avant de réapparaître. Nous n’avons pas fait les malins mais nous avons été dénoncés. Nous ne voulions pas partir en Allemagne…

Nous nous sommes alors débrouillés pour travailler aux V1 pour éviter de quitter le pays. Nous y faisions des terrassements, du béton. Nous y allions le matin, mangions le midi. Quand les rampes de V1 étaient bombardées, on n’y allait pas ou on se sauvait… Je n’y suis finalement plus allé quand les bombardements se sont multipliés et n’ai jamais été embêté, par chance… Les bombardements n’étaient pas précis. Les bombes américaines tombaient partout sauf sur le bois. La rampe n’a jamais été touchée mais il y avait tellement de bombes tout autour qu’ils ne pouvaient plus y aller. Le champ a ensuite été déminé.

Nous étions payé pour le travail effectué aux V1 et j’ai continué à l’être même quand je n’y allais plus. Après un changement de chef, le nouveau a gardé les sous pour lui. Il y avait également une vingtaine d’ouvriers commandés par un contremaître allemand. Les ouvriers logeaient dans un bâtiment à Fruges. On les amenait et ramenait en camions. Des russes ont logé à la mairie de Radinghem mais nous ne savions pas ce qu’ils faisaient.

L’arrivée des allemands a énormément travaillé les anciens qui avaient fait la guerre 14 mais nous n’avons pas été embêtés dans le village. Ils sont passés avertir les gens du village quand ils ont fait sauter le château. Certains sont partis à Mencas, partout. Je ne suis pas parti et me suis caché derrière une meule près de la maison. C’était au soir. Nous avons entendu trois déflagrations, le château et les bâtiments. Tout était rasé.

J’ai travaillé chez mon oncle jusqu’à la fin de la guerre, jusqu’à 24 ans.

La rencontre

Nous avions deux fêtes de village par an, dont la neuvaine de Sainte Apolline, une fête d’église. Nous allions régulièrement à la messe et aux vêpres. L’abbé Masset était resté 50 ans au village ainsi que son prédécesseur.

Les jeunes allaient aux bals des ducasses, des fêtes du village. Ils buvaient du café et du vin dans les cafés, jamais dans les bals. Nous fabriquions du cidre mais pour un usage personnel, pour boire tous les jours. Nous le coupions avec de l’eau. Tout le monde avait des pommiers. Nous avions une cuve, un moulin une presse, des tonneaux. Faire brûler le cidre pour obtenir de l’eau-de-vie n’était pas une habitude du pays. Cette pratique est apparue quelques années avant la guerre 39.

Je me suis marié à 30 ans en 1950. Je n’ai jamais fréquenté avant de trouver ma femme. Je ne me suis jamais déplacé. Ma femme habitait sur la grande route à deux kilomètres de chez moi. Je suis allée à une ducasse dans son pays et je l’ai rencontrée. Je ne l’avais jamais connue auparavant. J’avais 27 ans et elle 26. Vers mes 30 ans, nous nous sommes mariés à Assonvall, dans le pays de la fille. Nous avons organisé le dîner et le bal à la maison de ma femme. Nous nous arrangions pour préparer le repas entre les familles. Mon beau-frère était baliste. Il possédait trois ou quatre parquets et ramassait de l’argent. Il jouait de l’accordéon et avait animé notre mariage. Nous avions également monté un bal à côté de notre maison pour le mariage de ma sœur.

Il n’y avait rien dans le village de ma femme. Elle vivait dans une ferme au milieu des champs et en avait bavé… Une fois marié, j’ai habité en face de la mairie de Radinghem. Une fois mon frère parti avec sa femme, nous sommes venus habiter avec mes parents. Mon frère, marié, est allé demander à mon oncle de Vincly d’habiter dans sa maison … Cela ne marchait pas avec ses beaux-parents et il s’est retrouvé héritier de cet oncle. Mon second frère cultivait à Dennebroeucq. Ma sœur Nicole, également dans la culture, habitait aussi Dennebroeucq.

Je travaillais alors chez mon père. Mes frères et sœurs étaient partis de la maison. Il nous fallait sortir les bêtes tous les jours pour les faire boire au ruisseau. J’ai commencé la culture avec deux vaches pour terminer avec 17. On ne pouvait pas leur donner à boire au seau. Nous descendions à deux, un de chaque côté, pour "les tourner à boire".

Nous avons eu l’eau courante vers 1980. Nous avions auparavant juste une pompe à main installée en 1940. Il y a juste un petit courant d’eau à quatre mètres dans le puits que nous avions fait creuser. Nous avons eu trois enfants et les avons élevés dans des conditions dures. Nos enfants ont commencé l’école à Radinghem, puis à Fruges. Aucun n’est agriculteur. Je ne le désirais pas. Ce n’était pas rentable.

Vous pouvez retrouver l’intégralité des témoignages sur le monde rural du pays des 7 vallées, Radinghem, dans un ouvrage pdf à cette adresse internet :
http://www.lettresetmemoires.net/nous-entrerons-dans-campagne-pays-7-vallees-pas-calais-au-cours-20eme-siecle.htm


Voir en ligne : Radinghem intégralité de l’ouvrage

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