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MONTEREAU et la résistance

Monsieur BALLOT Jacques

mardi 20 novembre 2007, par Frederic Praud

Je suis arrivé à Donnemarie-Dontilly en 1969.C’était alors un bourg rural avec de nombreux commerces et artisans. Monsieur Guilvert, maréchal ferrant, était en activité. Je l’ai connu au moment ou l’activité de maréchal ferrant achevait sa mutation, la machine avait supplanté l’animal.

Une famille engagée

J’ai entendu parler de la résistance et des résistants parce que mon Père avait été chef de la résistance de Montereau fault/Yonne, ville où il exerçait son activité de vétérinaire. Beaucoup de ses compagnons se retrouvaient à notre domicile dans les années qui ont suivi la libération. Pendant la guerre j’étais tout enfant étant né en 1937, mes deux frères étaient un peu plus jeunes. C’est essentiellement en écoutant les adultes et en lisant certains écrits de notre Père que nous nous sommes fait une idée précise de ses activités pendant cette période. Nous avons pu constater que ceux qui avaient participé activement restaient assez discrets et se montraient modestes.

L’Exode : un départ forcé
Comme je l’ai dit plus haut mon Père était vétérinaire, alors que ma Mère avait été institutrice dans le Nord du Département. Nous habitions à Montereau fault/Yonne à proximité des Etablissements Nodet, entreprise bien connue du milieu rural puisqu’elle concevait et fabriquait des semoirs, tout à côté de l’hôpital de la ville.
Outre nos Parents, la famille se composait de trois enfants. Au moment de l’exode, avec notre Mère, mon Père devait alors être prisonnier des allemands, nous avons trouvé refuge à Ardes sur Couze, dans le Massif Central, chez des amis de mes grands- Parents. Je pense que nous avons séjourné une quinzaine de jours dans cette famille avant de regagner notre domicile, c’était calme.

La Résistance un réseau bien organisé

Mon Père né en 1909, après ses études de vétérinaire à l’école de Maison Alfort, a fait son service militaire parmi les Spahis troupe indigène qui se déplaçait à cheval, et a participé à la fin de la guerre du Maroc. A son retour il s’est installé à Montereau fault/Yonne où il a succédé à Monsieur BESNARD.

Lorsque la guerre est arrivée en 1939 mon Père a été mobilisé et fait prisonnier en 1940. Les professionnels de la santé (dont les vétérinaires) ont été libérés au bout de quelques mois par les Allemands. Dés son retour mon Père est entré en résistance car il ne pouvait concevoir de vivre privé de liberté, sous la botte d’un envahisseur sanguinaire bien décidé à imposer ses volontés par tous les moyens.

A compter de 1942 des groupes de résistance clandestine formés par des habitants de Montereau se constituèrent, on y trouvait des personnes de divers horizons, garagistes, médecins, pharmaciens, salariés, vétérinaires, artisans,….. Qui tous avaient la volonté de résister à l’occupant. Durant un assez long moment ils ont réussi à ne pas se faire repérer. Malheureusement des le début de l’année 1944, les Allemands se firent pressants, des langues se délièrent, des imprudences furent commises, il en résulta une vague d’arrestations qui se soldèrent par des déportations dont beaucoup ne revinrent pas, des exécutions sommaires.

Les Allemands ont tenté d’arrêter mon Père, le « capitaine Ballot ». La libération approchait, les Alliés bombardaient la ville, plus particulièrement la Manutention, un vaste magasin d’intendance embranché sur la voie ferrée, ou nos envahisseurs stockaient des armes, du matériel, de l’essence, le pont de Moscou et le confluent de la Seine et de l’Yonne.

Avec quelques familles amies, nous avions trouvé un abri dans une villa dénommée « Mousse Douce » dépendant d’un village proche, Esmans. C’est là que le chef de la gestapo une brute sanguinaire dénommée KORF, se présenta le 24 juillet 1944 au petit matin, certain de s’emparer du « capitaine BALLOT » qui s’était éloigné de Montereau depuis quelques temps afin d’échapper aux recherches, et avait constitué le maquis de Courlon dans l’Yonne. Un groupe bien armé, bien encadré comprenant une cinquantaine d’hommes résolus qui mena pendant un mois des opérations de guérillas. Notre Père était parmi nous, ce jour là, car nous avions fêté son anniversaire la veille au soir.

Les Allemands ont investi la propriété et leur chef s’est présenté devant la porte vitrée dans sa partie supérieure. L’occupant de la chambre voisine de celle occupée par notre famille, réveillé par le tintamarre, aperçut les uniformes par l’imposte vitrée et se précipita pour prévenir mon Père « Henri les Allemands, c’est certainement pour toi qu’ils viennent- sauve-toi. »

Plutôt que de s’enfuir, mon Père rassembla ses affaires et se glissa sous le matelas du lit, ma Mère se recouchant par-dessus. La chance voulut qu’ayant contrôlé les papiers de ma Mère, aucun des soldats ne souleva le matelas, que nous les enfants qui dormions dans un lit voisin n’avons pas été réveillés, que personne ne fit attention à l’une des guêtres de mon Père, restée sur le carrelage et qui fini par ètre poussée sous le lit par KORF au bout de 2 ou 3 allez retour au pied de celui-ci et enfin que le tortionnaire dépité de ne pas trouver l’objet de son intrusion n’eut pas l’idée de s’emparer de la femme et des enfants.

Très rapidement la troupe est repartie en direction de la Brosse Montceaux ou, après avoir cerné le séminaire des Missions, cinq des religieux étaient affreusement torturés et fusillés devant l’ensemble de la congrégation réunie. Ils n’avaient rien dit, rien avoué. Les 125 autres religieux étaient internés à Compiègne. Au séminaire de la Brosse Montceaux étaient cachées
les armes et les munitions provenant des parachutages précédant la libération.

Aussitôt le départ des Allemands, notre Père disparut à travers champs et bois et regagna le maquis de Courlon, quant à nous les trois enfants nous avons été pris en charge par des amis qui nous emmenèrent dans l’Yonne, à Villeneuve sur Yonne chez nos grands-parents paternels. La libération était déjà là et nous avons fait connaissance, pratiquement aussitôt, avec nos libérateurs Américains et le chewing-gum qu’ils distribuaient largement aux enfants.

La ville de Montereau fut libérée quelques jours plus tard par l’action conjointe des résistants et des américains, des combats eurent lieu les 24,25 et 26 Août. Le 27 Août un pont provisoire de bateaux était établi sur la Seine et toute l’armée Américaine se lançait à la poursuite de l’armée Allemande en pleine déroute.

Pour moi la résistance c’est la réunion d’hommes et de femmes qui n’ont pas accepté la défaite de 1940 et entendaient accomplir leur devoir d’homme et de citoyen. Ils luttaient pour la liberté, contre l’oppression que l’envahisseur imposait.

Mon père était le chef de la résistance de Montereau. Il dirigeait un groupe d’hommes courageux et résolus. Ma mère savait cela, mais nous les enfants étions complètement à l’écart de tout. Les réunions se passaient la nuit. Etant vétérinaire, il circulait dans la campagne, par conséquent il lui était facile d’avoir des relais, des points de chute. Il disposait de nombreux relais dans les fermes.

Avec les autres de mon âge, nous avons posé beaucoup de questions à nos parents sur leur engagement, mais la plupart d’entre eux étaient des gens qui ne se mettaient pas en avant. Ils ne s’épanchaient pas sur ce qu’ils avaient accompli, devant tout le monde. Nous les enfants avons un peu suivi ce qui s’est passé. Même après guerre, des conflits apparaissaient entre groupes de résistants, notamment avec ceux de la dernière heure qui voulaient se faire reconnaître. Les rivalités allaient bon train. Les coups étaient rudes. La politique reprenait le dessus.

L’empoisonnement

On a failli être empoisonnés à la maison ! Mon père appartenait aux FFI. Un jour, il y a eu la descente d’un soi-disant groupe de résistants à la maison. Ils sont venus pour fouiller chez nous, en l’absence de nos parents. Il n’y avait que nous, les enfants. On ne sait pas ce qui s’est passé à l’intérieur de la maison. Tout compte fait, on n’est pas certain que ce soit eux, ou bien les Allemands, un mois avant la libération de Montereau alors qu’ils cherchaient à arrêter notre Père. Mais, des bouteilles de vin dans la cave ont été empoisonnées. A cause de la fonction de mon père, il y avait de la strychnine et des seringues dans la maison. La strychnine a été introduite dans les bouteilles.

On s’en est aperçu à l’anniversaire de la Libération. Avec d’autres membres du groupe, dont le docteur Luthereau, un chirurgien, ils ont débouché une bouteille, et ils se sont tous retrouvés avec de violents maux d’estomac. Le docteur a réagi. Il a amené tout le monde à l’hôpital, pour un lavage d’estomac. Après, ils ont fait analyser les bouteilles, et ils y ont décelé de la strychnine. Elles avaient été contaminées au travers des bouchons. Etaient-ce les Allemands qui furieux de ne pas avoir trouvé mon père, ont commis cet acte, ou les groupes comme la police politique de l’époque ?

A sept ans, même pendant l’occupation, les enfants menaient une vie relativement insouciante, avec toutefois moins de liberté de jouer à l’extérieur et de se déplacer. On découvrait quelquefois des toiles blanches (des parachutes) cachées dans un coin. Un enfant est curieux, il va fouiller partout. Puis l’occupation signifie voir son père disparaître quelquefois. A l’époque, mon père soignait les chiens de Gérard Husson, c’est sûrement par ce biais là que devaient se faire les liens de la Résistance. Les réseaux étaient très compartimentés pour que justement si l’un d’entre eux tombait, il n’entraîne pas les autres comme un château de cartes. Je suis persuadé qu’à quelques kilomètres de là les gens ne se connaissaient pas, et ils ne savaient pas le rôle que leur voisin pouvait jouer dans la Résistance. Les gosses étaient tenus à l’écart. Tout était minimisé surtout en ville. Après la Libération, j’ai retrouvé des kilomètres de ficelle blanche, utilisée pour les parachutes mais on ne m’aurait jamais permis à l’époque d’aller me promener avec ça.

A cette période, à notre âge nous ne nous rendions pas trop compte ni de la situation ni des risques. Devant notre maison d’habitation se trouvait le parc de la ville « les Noues ». Alors que je jouais au foot dans les Noues, avec des camarades de classe, une alerte sonne. C’était justement pendant la période où les alliés, afin de préparer la libération, bombardaient la gare de Montereau. Ce n’était pas très loin de chez moi. Et, au lieu de rentrer, d’aller me réfugier dans la cave, je suis resté dans les Noues. A ce moment, un bonhomme m’a attrapé, et m’a plaqué contre un talus en disant : « Ben, dis donc t’aurais mieux fait de rentrer. Espèce d’imprudent ! » Comme par hasard, il s’agissait d’un oncle de celle qui allait devenir ma femme beaucoup d’années plus tard. Or, à chaque fois que je vois sa fille, elle ne manque pas de me rappeler cet épisode.

Message aux jeunes

N’oublions pas, la guerre est une chose atroce. Il faut faire en sorte que des conflits comme ceux que l’on a vécus en 1939-45 ne se reproduisent plus. Expliquer que ceux qui à l’époque de la guerre, et de la Libération, se sont levés pour lutter contre l’ennemi, envahisseur de la France, ont fait preuve d’un immense courage, et qu’il faut suivre leur exemple et ne jamais renoncer.
C’est-à-dire : avoir du courage, ne pas hésiter à agir, prendre sa vie, et son avenir en main de manière à progresser, se révéler dans la vie, et avoir une existence meilleure si on le souhaite.

Mes conseils se résument en trois mots : courage, action et persévérance ! Avoir une éducation assez solide pour s’ouvrir, et aller dans différentes directions, ne pas se cantonner à des idées toutes faites et formatées afin d’avoir la possibilité de s’éveiller, et de s’ouvrir à tout le monde.

Messages

  • Salut Jacques Ballot,

    Je suis Jean louis Gittard, toi et moi avons été dans la même classe à l’école de la Poterie depuis le cours préparatoire jusqu’à la fin du cours moyen 2e année (1948), puis je crois que tu es parti à Fontainebelau pour la 6è, alors que moi je partais à Tours.
    Mon père Jean Gittard faisait partie du maquis de Courlon et connaissait bien ton père, helas il est mort très jeune de pb cardiarques, c’est d’ailleurs à ses obsèques en 1968 que ton père était venu avec une délégation des anciens du maquis pour un dernier hommage.
    Je sais qu’il existe un livre sur ce maquis, peux-tu m’en indiquer le titre ?
    Au plaisir de te lire Jean louis GITTARD

  • Bonjour,
    mon père, René Mejasson a fait partie du Maquis de Courlon. Il ne m’en a jamais dit plus. Existe-t-il des documents, un livre ou je pourrais en savoir plus ?
    Merci d’avance
    Cordialement
    Sylviane USKI

  • j etais a mousse douce .j avais 10 ans
    korf m a assis sur le bord du billard francais qui etait dans l entree
    son pistolet braque sur mon ventre pendant la verification des papiers
    il est ensuiye parti non pas a la brosse mais d abord a montereau
    pour arreter le suivant sur sa liste ;mon pere qui etait devant lui
    a mousse douce. iletait le deuxieme de la liste
    je crois que 21 furent arretes et fusilles en foret de fontainebleau
    plus le denonciateur .les corps furent retrouves dans un puits en foret
    tous ces evenements sont toujours restes tres vivaces dans ma memoire
    michel robin

    • Bonsoir, je suis très intéresser par les témoignages qui concerne la seconde guerre mondiale, mais surtout comment la guerre, la résistance, le mode de vie à Montereau Fault Yonne se passer. Si ce n’est pas Montereau fault yonne ce n’est pas grave je suis aussi intéresser par les villages des alentours.

      Si jamais des gens qui ont des histoires à me raconter sur leurs vécu ou ceux de leurs proche, je suis prêt à les rencontrer pour les écouter.

      Voici mon numéro de téléphone : 0635472416

      Cordialement

      Boutaljante Anas

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